Ce rapport est l'occasion de rappeler
les faits essentiels sur l'état de l'Armançon, principal cours
d'eau de l'Auxois, notamment sur la qualité physique, chimique et
biologique de son eau. Nous focaliserons ici plus volontiers sur
l'Armançon cote-dorien, sachant que la rivière coule aussi dans
l'Yonne et l'Aube.
Un bassin versant allongé
Le bassin versant de l'Armançon occupe
au total 3100 km2, en forme de bande orientée Sud-Est /
Nord-Ouest. L'ensemble des cours d'eau y occupe 1255 km de linéaire.
La partie amont en Auxois est très dense en rus et ruisseau, formant
un « chevelu » de cours d'eau alimentant l'Armançon et
ses grands affluents. Les masses d'eau souterraines en Auxois,
appelées aquifères, se développent dans un socle géologique à
dominante marnes et calcaires, avec des affleurements plus compacts
et plus imperméables du socle cristallin du Morvan.
Du point de vue hydromorphologique, le
bassin versant de l'Armançon présente « un certain équilibre
sédimentaire », comme l'avait établi la mission Hydratec
2007. Les érosions de berges fournissent une charge alluviale assez
importante (transport de particules fines, sables, graviers, voire
galets), avec des faciès d'écoulement variés. Il existe donc ce
que l'on nomme des « espaces de mobilité fonctionnelle »
où les rivières conservent un équilibre physique.
Pour la végétation (ripisylve, nom
donné aux arbres en bordures de rivière), on observe que 46% du
linéaire des cours d'eau sont dépourvus de végétation, 36%
possède une végétation discontinue et 18% des formations boisées
épaisses. Il existe deux principales espèces végétales invasives
: la renouée du Japon et le faux acacia, contre lesquels on ne
connaît pas de moyen de lutte eficace à ce jour.
Concernant les poissons, le Rapport
note que « le bassin de l'Armançon est globalement
caractérisé par une richesse piscicole en lien avec la diversité
de ses habitats (ruisseaux, rivières, lacs, canal). 32 espèces ont
été recensées ». L'Armançon est une rivière
cyprinicole (dominante de « blancs », 2e catégorie de
pêche), mais ses petits affluents sont généralement salmonicoles
(truites et ombres, 1re catégorie). Il existe trois espèces
invasives reconnues chez les Crustacés : les écrevisse américaines,
écrevisses de Floride et écrevisses de Louisiane. Elles sont
surtout présentes en amont (Auxois) et menacent l'espèce
patrimoniale (écrevisse à pieds blancs) par concurrence de
territoires ou charge pathogène. (Le Rapport ne mentionne pas
le cas des silures, sur lequel des témoignages négatifs ont été
rapportés, y compris en bassin Amont).
Les pollutions d'origine anthropique
Le territoire est à dominante rurale :
67 % d'occupation agricole, 30% de forêts et seulement 2% de sols
artificialisés (villes, zones d'activité). On compte 105.138
habitants dont 38% en Côte d'Or.
Premier problème : la pollution
domestique, avec 56% des raccordements collectifs en bon
fonctionnement, mais 44% en état insatisfaisant pour l'ensemble du
bassin. S'y ajoutent les assainissements autonomes, en état plus
néfaste encore puisque 90% sont non conformes et 75% de la charge
polluante y est rejetée après usage. Conséquence : rejet de
matières organiques et oxydables (DBO, DCO, NH4), de nitrates, de
matières azotées et phosphorées.
La pollution agricole représente un
autre enjeu pour la qualité biologique et chimique de l'eau. Le
territoire est rural, dominé par l'élevage en Auxois et par la
culture céréalière vers l'aval. Cela représente une forte
ponction d'eau en irrigation (215.000m3/an) et abreuvage
(515.000m3/an). Le Rapport environnemental note que la qualité
physico-chimique est « passable » sur le bassin,
avec trois « altérations déclassantes » : les
nitrates, en tête de bassin et à l'aval ; les produits
phytosanitaires sur presque tout le bassin ; les matières azotées
et phopshorées, également rejetées sur l'ensemble des eaux
superficielles. Il en résulte que « la qualité des
peuplements piscicoles connaît une nette dégradation d'amont en
aval ».
A cette pollution agricole et
domestique s'ajoute enfin la pollution industrielle, qui est
localisée à quelques sites (par exemple Montbard pour l'Auxois) :
rejets de métaux, hydrocarbures et pesticides, formant autant de
« substances toxiques prioritaires ». Il existe
aussi une « pollution artisanale » car les très petites
entreprises déversent ce que l'on appelle des « déchets
toxiques en quantité dispersée » : solvants, encres,
colles, vernis, huiles, liquide de refroidissement, batteries etc.
La question des seuils et barrages
La question des « obstacles à
l'écoulement » est bien sûr abordée dans le Rapport
environnemental. Elle concerne les ouvrages hydrauliques placés
sur le lit mineur (seuils et glacis de moulins, barrages) ou sur les
berges (enrochements, digues). La mission Hydratec 2007 avait évalué
à 140 le nombre de seuils présents sur le linéaire de l'Armançon,
sans données pour les affluents (Brenne, Armance, Créanton,
Cernant, Brionne, Prée et les nombreux ruisseaux).
Les obstacles dits longitudinaux sont
ceux qui modifient l'écoulement de l'amont à l'aval. Avec deux
effets : un blocage partiel du transport solide, accumulant les
sédiments à l'amont et provoquant un déficit à l'aval ; l'entrave
à la circulation des poissons, principalement à la montaison
(remontée vers l'amont).
Les obstacles dits latéraux (en bord
de rivière) empêchent quant à eux la formation spontanée de zones
humides présentant des alternances saisonnières (marnage). Ces
zones humides sont propices à la biodiversité. Les obstacles
latéraux peuvent également empêcher la connexion de milieux
différents.
Le dernier effet jugé néfaste pour
les obstacles à l'écoulement est l'affaiblissement des capacités
d'auto-épuration des cours d'eau, en raison de l'accumulation et
stagnation dans les retenues amont des biefs.
En conclusion : quelques
orientations nécessaires
L'association Hydrauxois défend le
patrimoine et l'énergie hydraulique sur nos rivières, mais elle est
évidement concernée par l'environnement aquatique. Et tous les
amoureux de l'eau le sont, quelle que soit la dimension de l'eau
qu'ils préfèrent. Le Rapport environnemental du SAGE nous
paraît appeler les remarques suivantes.
• Ce Rapport manque de
précision dans le domaine biologique et écologique, par rapport à
d'autres travaux sur des rivières de la région. Nous parlerons
prochainement d'un travail mené en Haute Seine, qui est très
approfondi de ce point de vue. Ainsi, sur l'Armançon, il existe peu
d'informations sur la macrofaune benthique, sur l'avifaune,
globalement peu de détails sur le peuplement piscicole par rivières
et tronçon de rivière dans le cas de l'Armançon.
• Il en va de même pour les
questions de pollution chimique. Les différents effluents à
problème sont certes énumérés, mais on ne dispose pas de
profondeur historique pour mesurer l'évolution de la qualité des
eaux et de la quantité des rejets. Par ailleurs, on ne dispose pas
non plus des critères de qualité posés par la directive-cadre
européenne sur l'eau, de sorte que l'on évalue mal l'état réel
des rivières. Rappelons qu'en 2011, une analyse approfondie sur les
micropolluants, menée par le service observation et statistique du
Commissariat au développement durable sur 91% des rivières, a
révélé la présence de 413 micropolluants (sur 950 étudiés) dont
un certain nombre affecte la santé et l'environnement, même à
faible dose (source,
pdf).
•Les données rassemblées indiquent
que par rapport aux pollutions persistantes, au premier rang
desquelles la pollution agricole par rejet d'effluents
culture-élevage et la pollution domestique par défaut
d'assainissement, les obstacles à l'écoulement ne représentent pas
un problème prioritaire. Malgré leur présence multiséculaire dans
la plupart des cas, l'état sédimentaire est jugé à l'équilibre
sur le bassin versant, et la biodiversité piscicole reste de bonne
tenue sur le bassin.
• Certains résultats sur les
obstacles à l'écoulement demandent approfondissement. Par exemple,
les relevés sédimentaires opérés par le Sirtava sur la retenue du
barrage de Semur ne montraient pas de niveaux de pollution anormaux.
Or le barrage étant sans usage depuis plusieurs décennies (non
vanné), et situé non loin d'une ancienne décharge municipale, cela
pose question sur l'auto-épuration jugée défaillante à l'amont
immédiat d'un obstacle. Ce point serait à vérifier empiriquement,
en procédant à des mesures de sols et sédiments plus approfondies.
Il en va de même pour l'érosion de la biodiversité piscicole de
l'amont vers l'aval, observée dans le Rapport : ce devrait
être l'inverse, puisque l'effet des obstacles est de plus en plus
marqué vers l'amont (non-franchissements successifs en montaison, la
dévalaison n'étant pas entravée).
• Tout cela ne signifie pas que
l'inaction est de mise pour les seuils ou barrages, mais nous serons
vigilants sur la hiérarchie des actions en terme de qualité de
l'eau. Les investissements des collectivités, du syndicat de
rivière comme de l'Agence de l'eau n'étant pas extensibles à
l'infini, il faut mettre comme priorité la qualité chimique et
biologique des eaux, par lutte contre les pollutions directes. Et en
ce qui concerne les restaurations de continuité écologique, il
convient de cibler d'abord les « points noirs »... et de
le faire avec une certaine honnêteté intellectuelle. Un grand
barrage VNF de 20 mètres de hauteur est un obstacle autrement
paralysant pour la circulation du poisson qu'un glacis de moulin
médiéval. Néanmoins, si le syndicat de rivière, l'Onema et
l'Agence de l'eau apportent leur contribution technique et
financière, il sera tout à fait possible d'améliorer la continuité
morphologique et biologique en construisant des passes à poissons et
en modernisant les vannages. Voire en arasant ou dérasant certains
obstacles, une fois vérifié que l'opération est compatible avec
l'intérêt patrimonial et qu'elle ne prive pas l'Auxois d'une
ressource énergétique facilement exploitable.
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