Pas de liens clairs entre mesures
hydromorphologiques
et bon état de la masse d'eau
En ce qui concerne la France, on
observe la remarque suivante pour la section « hydromorphologie »
(celle associée à l'effacement des seuils et barrages) du rapport
de la Commission : « La base de sélection des mesures
hydromorphologiques n'est pas claire. Les mesures hydromorphologiques
ne sont pas clairement liées aux usages de l'eau et aux pressions
sur l'eau. De surcroît, il n'y a pas de lien clair entre les mesures
et l'état actuel [du cours d'eau] ou d'explications sur
l'amélioration potentielle de cet état » (vol 3, p. 62,
nous traduisons de l'anglais, les répétitions sont d'origine).
A notre modeste niveau d'analyse des
rivières de Côte d'Or, nous retrouvons très précisément le problème soulevé par les
experts de la Commission : la littérature hydrologique abonde de
descriptions plus ou moins impressionnistes sur les obstacles à
l'écoulement (et les altérations hydromorphologiques en général),
mais elle ne propose finalement pas de mesures fiables et reproductibles des
altérations en question, pas plus qu'elle n'indique leur part exacte
dans la qualité écologique globale (biologique chimique, physique)
des rivières.
La seule fois où il nous a été donné
de dialoguer à ce sujet avec un syndicat de rivière et un bureau
d'études (Sirtava, Cariçaie) sur un projet d'effacement concret
(Semur-en-Auxois), nous n'avons jamais obtenu la réponse claire à
une question simple : quels sont les objectifs de
résultat de la restauration écologique, c'est-à-dire les gains
prédictibles et observables à telle ou telle échéance si
l'obstacle était effacé ?
Il est tout de même gênant que, dans
cet exemple parmi bien d'autres, l'Agence de l'eau Seine-Normandie
ait proposé de financer (sur l'argent des contribuables) des mesures
à un demi-million d'euros sans être capable d'énoncer clairement les
améliorations qu'elle en attendait.
« Le coût des décisions
inappropriées... »
La Commission européenne relève dans
son rapport (vol I, p. 8) : « Une surveillance fiable
et des méthodes permettant une évaluation complète de l'état
des masses d'eau sont des éléments essentiels d'une bonne gestion
de l'eau. Le coût de la surveillance est beaucoup moins élevé
que le coût des décisions inappropriées. (…) Il ressort
clairement des informations communiquées à la Commission qu’il
y a une lacune dans la surveillance ». Cela tombe en effet
sous le sens, et nous l'indiquions récemment dans un commentaire
de colloque de l'Onema : tant que l'on ne dispose pas des bases
empiriques (programmes de mesures complètes et cohérentes dans la
durée) et des modèles théoriques adéquats pour expliquer les mesures, nous prendrons des décisions sans certitude aucune sur leur
efficacité relative (par rapport à d'autres décisions dont le
bénéfice écologique serait supérieur pour un coût économique
identique ou moindre).
On notera enfin que la Commission
déplore la même absence de clarté pour les mesure de pollutions
chimiques : « La plupart des bassins hydrographiques
ont eu recours à l'annexe I du standard de qualité environnementale
pour juger de l'état chimique des masses d'eau (Directive
2008/105/EC), mais pas tous. Qui plus est, différentes substances
ont été utilisées dans diférentes programmations (et pas toutes
celles figurant dans l'annexe). Pour ces raisons, les méthodes
d'évaluation de l'état chimique sont très peu claires, ce qui
concerne les substance analysées ou les raisons de sélectionner
certaines substances ».
Il
existe une incapacité manifeste de la France à lutter contre la
pollution des rivières depuis 30 ans – incapacité
déjà observée par la Cour des Comptes en 2010 dans son rapport
sur les Agences de l'eau et par la Cour de Justice européenne
dans sa procédure
actuelle contre la France à propos des nitrates. La focalisation
récente de la « suppression
des obstacles à l'écoulement »
ne changera pas ce problème de fond, et ne permettra certainement
pas à la France d'afficher un résultat correct pour le bon état
des masses d'eau en 2015. En tout état de cause, les administrations
de l'eau ne peuvent prétendre qu'elles sont confortées dans leurs choix actuels par l'Union européenne
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