Par un arrêt du 13 juin 2013, la Cour de justice de l’Union européenne a condamné la France pour ses manquements chroniques au respect de la directive dite Nitrates de 1991. Un nouveau rappel à l’ordre est d’ores et déjà prévu pour sanctionner le manque de rigueur de l’Etat français dans la protection des zones sensibles. Aujourd’hui, 19.000 communes et 55% du territoire sont concernés par ces zones.
Des mesures lacunaires, interdisant toute interprétation scientifique robuste des causes de dégradation des milieux aquatiques
Nous nous sommes déjà longuement étonné de cet état de fait sanctionné par l’Union européenne. L’Etat français et les établissements administratifs comme les Agences de l’eau redoublent actuellement de vigueur pour appliquer une version sélectivement interprétée de la Directive-cadre européenne sur l’eau de 2000. Dans le même temps, les mesures de base manquent sur la pollution chimique, l’état physique et le peuplement biologique de la plupart des masses d’eau.
A propos de ces mesures manquantes ou lacunaires, on ne peut donc que se féliciter de la parution du rapport sur la 5e campagne de mesure des nitrates dans les eaux bourguignonnes, rapport coordonné par la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL). Le réseau de suivi des eaux superficielles et souterraines est très loin d’analyser chaque masse d’eau (comme nous devrions le faire pour le rapportage de la Directive cadre sur l’eau 2000), notamment les ruisseaux, bras morts et petits affluents importants pour la biodiversité, mais il donne au moins une idée de l’évolution des impacts pour les nitrates.
Entre 1992 et 2013, l’état de la contamination par les nitrates ne s’améliore que très lentement, et parfois se dégrade, ce qui indique un effort insuffisant
En région Bourgogne, on relève que seuls 21 % des points de surveillance sont de bonne qualité avec une concentration moyenne en nitrates située dans la classe [2-10 mg/l] alors que 60% des points de surveillance sont dans la classe de contamination moyenne [10-25 mg/l]. Pour les eaux superficielles, on constate au graphique ci-contre que les teneurs moyennes et maximales n’évoluent que lentement depuis la première campagne de mesure de qualité de 1992.
Ces résultats montrent de nouveau l’effet très modeste des mesures engagées contre les pollutions chimiques des eaux. On peut s’interroger de la pertinence de certaines opérations de restauration hydromorphologique qui ont un coût non négligeable et qui interviennent alors que le problème de base des pollutions diffuses n’est toujours pas réglé. D’autant que les dérivés azotés ne sont que quelques-unes des 50 substances que nous sommes censés éliminer de nos masses d’eau.
Pour un donner un exemple actuel, le programme Life+ Continuité écologique et le parc naturel régional du Morvan entendent préserver et restaurer la moule perlière sur le bassin de la rivière Cousin (Nièvre, Côte d’Or, Yonne). Mais les experts savent que cette espèce est extrêmement sensible aux pollutions, et notamment qu’elle ne supporte que quelques mg de nitrates par litres. Dès lors, pourquoi indexer le retour de la moule à l’arasement du maximum de seuils de moulins, alors que ceux-ci sont présents depuis fort longtemps et n’ont pas empêché l’abondance des moules jusqu’au début du XXe siècle? Les modèles hydrologiques ont-ils des réelles capacités de détection-attribution des causes de dégradation des indices biologiques de qualité ?
Au-delà de cet exemple particulier, c’est toute la politique de l’eau qu’il faut revoir, comme en ont convenu les tout récents rapports d’évaluation Lesage 2013 et Levraut 2013. La lutte contre les pollutions chimiques diffuses doit redevenir une priorité sur nos bassins versants.
La conclusion complète du rapport DREAL 2013
«Le bilan de cette 5e campagne de suivi de la contamination par les nitrates confirme la plus forte pollution des eaux souterraines que des eaux superficielles.
Il fait apparaître une amélioration des concentrations sur le bassin Rhône Méditerranée, le département de la Côte d’Or et celui de la Saône et Loire. Cette amélioration est cependant à mettre en perspective avec la situation actuelle à l'échelle du bassin et du département de la Côte d'Or où une forte proportion de station de suivi affichent des concentrations supérieures à 40 mg/l (36% à l'échelle du bassin et 44 % à l'échelle du département de la Côte d'Or).
Sur la partie LoireBretagne, et en particulier le département de la Nièvre, les concentrations relativement faibles du département (du fait des caractéristiques agricoles) sont difficilement contenues. En effet, on observe une dégradation non négligeable des teneurs en nitrates en eaux souterraines depuis la 1ère campagne en 1993 avec 78% de stations en dégradation dont 11% en forte dégradation. Depuis la 4ème campagne en 2005, le pourcentage total de stations en dégradation est un peu moins élevé (54%), mais comprend 27 % de stations en forte dégradation. On n'observe pas la même tendance en eaux superficielles où la majorité des stations stagnent ou s'améliorent.
Enfin, sur le bassin Seine Normandie et en particulier sur le département de l’Yonne, la situation est à la dégradation : même si quelques améliorations sont enregistrées en eaux souterraines (16 % depuis la 1ère campagne, et 31% depuis la 4ème ), elles ne suffisent pas à contrebalancer la proportion très importante de stations en forte dégradation depuis la 1ère campagne (58% de forte augmentation des teneurs en nitrates sur un total de 75% de stations en augmentation) ou depuis la 4ème campagne (46% de forte augmentation des teneurs en nitrates sur un total de 69% de stations en augmentation).»
Référence :
DREAL Bourgogne (2013), Rapport de synthèse. 5e campagne de surveillance des nitrates dans les eaux de la région Bourgogne (pdf)
20/10/2013
15/10/2013
Le bilan environnemental (usage des métaux) de l'énergie hydraulique
L’infographie ci-dessous a été publiée par le Scientific American ce moi-ci. Elle a été conçue à part des travaux de Kleijn et al 2011 et de Van Der Voet et al 2013 (pdf). Elle compare l’usage des métaux par kWh produit selon les différentes sources d’énergie. On constate que l’hydraulique est la championne des énergie renouvelables – ce que nous avions déjà mis en lumière pour son bilan carbone. Quand de surcroît les moulins choisissent de restaurer une turbine encore en place dans leur chambre d’eau (ce qui est souvent possible), et bien sûr d’exploiter le génie civil du seuil en place sur la rivière au lieu de couler du béton, ce bilan est encore meilleur. Ces éléments sont à prendre en considération dans les choix de la transition énergétique, car tous les kWh ne se valent pas du point de vue de l’empreinte environnementale. Se priver de l’énergie locale la moins chère et la moins polluante est un choix absurde : il est urgent de ré-équiper les 50.000 moulins de France, dont 500 en Côte d'Or!
11/10/2013
L'Etat doit justifier sur chaque ouvrage ses mesures de police administrative en matière de continuité écologique
La continuité écologique nous a habitués à de nombreuses surprises depuis le vote de la Loi sur l'eau et les milieux aquatiques en 2006. Une récente démarche de la DREAL Centre vis-à-vis des maîtres d'ouvrages hydrauliques ne faillit donc pas à cette habitude. Le service de l'Etat en région demande ainsi aux propriétaires dont les rivières ont été classées en L1-L2 ou L2 au titre de l'article 214-17 C Env (ou 432-6 C Env.) de procéder eux-mêmes à une étude d'impact afin de fixer les aménagements nécessaires à la continuité écologique.
En clair, les administrés devraient désormais fixer les mesures de police administrative en évaluant eux-mêmes ce qui justifierait ces mesures… ce qui est assez surréaliste, on en conviendra. Et surtout contraire au droit positif et à la jurisprudence.
Nous avons donc jugé nécessaire d'écrire à M. le Préfet de la région Bourgogne, et aux services déconcentrés de l'Etat en charge de l'eau, pour préciser que cette démarche aberrante se verrait opposer une fin de non-recevoir sur nos rivières.
C'est bien à l'Etat de définir en les justifiant par des analyses in situ les mesures de police de l'eau exigible au droit des ouvrages. Si les données manquent pour cela, il ne revient pas à des propriétaires privés de se substituer aux autorités publiques et établissements publics en charge de l'eau.
Ces points sont détaillés dans le courrier ci-dessous.
A télécharger (pdf) : courrier au Préfet de région Bourgogne et aux services déconcentrés de l'Etat sur la mise en oeuvre du 214-17 C Env
A lire aussi :
Classement des rivières de Côte d'Or : premiers éléments sur la circulation des poissons
Circulaire d'application du classement des cours d'eau: l'Etat entendrait-il faire payer aux maîtres d'ouvrage les mesures qu'il n'a pas réalisées?
En clair, les administrés devraient désormais fixer les mesures de police administrative en évaluant eux-mêmes ce qui justifierait ces mesures… ce qui est assez surréaliste, on en conviendra. Et surtout contraire au droit positif et à la jurisprudence.
Nous avons donc jugé nécessaire d'écrire à M. le Préfet de la région Bourgogne, et aux services déconcentrés de l'Etat en charge de l'eau, pour préciser que cette démarche aberrante se verrait opposer une fin de non-recevoir sur nos rivières.
C'est bien à l'Etat de définir en les justifiant par des analyses in situ les mesures de police de l'eau exigible au droit des ouvrages. Si les données manquent pour cela, il ne revient pas à des propriétaires privés de se substituer aux autorités publiques et établissements publics en charge de l'eau.
Ces points sont détaillés dans le courrier ci-dessous.
A télécharger (pdf) : courrier au Préfet de région Bourgogne et aux services déconcentrés de l'Etat sur la mise en oeuvre du 214-17 C Env
A lire aussi :
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01/10/2013
Réchauffement climatique: le Conseil scientifique de l'Agence de l'eau Seine-Normandie appelle à la prudence sur les effacements d'ouvrages hydrauliques
Alors que le GIEC publie son cinquième rapport sur le réchauffement climatique, le Conseil scientifique de l'Agence de l'eau Seine-Normandie a émis un avis très intéressant à ce sujet.
Le Conseil note que plusieurs projets scientifiques ont été menés sur ce thème : GICC-Seine, REXHYSS, Explore 2070, ClimaWatt. Il en ressort que si le bassin de Seine-Normandie ne sera probablement pas le plus touché par le changement climatique d'origine anthropique, il devra néanmoins faire face à des perturbation hydrologiques : événements extrêmes plus fréquents de la distribution des précipitations et des températures (sécheresse et canicule, ou au contraire inondations et crues). A cela s'ajoute une pression démographique et économique prévisible sur les prélèvements de la ressource en eau.
Sur la question qui intéresse notre association, la Conseil scientifique de l'Agence avance une observation de première importance : "Une réflexion pourrait être menée sur la mise en cohérence des politiques soutenues dans le cadre du SDAGE ; ainsi par exemple une politique d’arasement des ouvrages est en œuvre, alors que les ressources en eau vont diminuer".
Cette remarque est déjà faite par de nombreux meuniers et usiniers qui, vivant au bord des rivières, font remarquer que leurs biefs sont souvent les dernières ressources lors des étiages sévères. Mais ces témoignages ne sont pas entendus. Gageons que la légitimité incontestable du Conseil scientifique de l'Agence de l'eau Seine-Normandie aura plus de poids, et que les autorités en charge de l'eau seront amenées à reconnaître très rapidement la nécessité d'un moratoire sur l'effacement des ouvrages hydrauliques.
Cette politique d'effacement n'est pas seulement douteuse quant à la priorité de l'action publique sur les causes réelles de dégradation des rivières : elle pourrait bien se révéler dangereuse pour les milieux et les sociétés.
Ajout du 9 octobre : l'Onema et Irstea viennent de publier une étude très intéressante sur l'évolution des débits des rivières en situation de changement climatique : cliquer ici. Ce travail a été mené sur 236 stations hydrométriques et sur la période 1968-2007. Il montre que certaines rivières du Sud de la France ont une évolution statistiquement significative vers des étiages plus sévères. Cette détection n'est assortie d'aucune attribution – au sens où aucun modèle climatique n'a produit des simulations pour contrôler les causes de ces évolutions (forçage radiatif anthropique, variations naturelles du régime AO-NAO, mixte des deux).
A lire
Conseil scientifique AESN (2013), Le changement climatique sur le bassin Seine-Normandie, Avis.
Observatoire de la continuité écologique (2013), La continuité écologique au risque des crues, inondations et étiages. Pour une évaluation systématique du risque lié à la modification des obstacles à l’écoulement (seuils, barrages, digues…)
Illustration : barrage du lac de Saint-Agnan (Cousin, Yonne, bassin Seine Amont)
Le Conseil note que plusieurs projets scientifiques ont été menés sur ce thème : GICC-Seine, REXHYSS, Explore 2070, ClimaWatt. Il en ressort que si le bassin de Seine-Normandie ne sera probablement pas le plus touché par le changement climatique d'origine anthropique, il devra néanmoins faire face à des perturbation hydrologiques : événements extrêmes plus fréquents de la distribution des précipitations et des températures (sécheresse et canicule, ou au contraire inondations et crues). A cela s'ajoute une pression démographique et économique prévisible sur les prélèvements de la ressource en eau.
Sur la question qui intéresse notre association, la Conseil scientifique de l'Agence avance une observation de première importance : "Une réflexion pourrait être menée sur la mise en cohérence des politiques soutenues dans le cadre du SDAGE ; ainsi par exemple une politique d’arasement des ouvrages est en œuvre, alors que les ressources en eau vont diminuer".
Cette remarque est déjà faite par de nombreux meuniers et usiniers qui, vivant au bord des rivières, font remarquer que leurs biefs sont souvent les dernières ressources lors des étiages sévères. Mais ces témoignages ne sont pas entendus. Gageons que la légitimité incontestable du Conseil scientifique de l'Agence de l'eau Seine-Normandie aura plus de poids, et que les autorités en charge de l'eau seront amenées à reconnaître très rapidement la nécessité d'un moratoire sur l'effacement des ouvrages hydrauliques.
Cette politique d'effacement n'est pas seulement douteuse quant à la priorité de l'action publique sur les causes réelles de dégradation des rivières : elle pourrait bien se révéler dangereuse pour les milieux et les sociétés.
Ajout du 9 octobre : l'Onema et Irstea viennent de publier une étude très intéressante sur l'évolution des débits des rivières en situation de changement climatique : cliquer ici. Ce travail a été mené sur 236 stations hydrométriques et sur la période 1968-2007. Il montre que certaines rivières du Sud de la France ont une évolution statistiquement significative vers des étiages plus sévères. Cette détection n'est assortie d'aucune attribution – au sens où aucun modèle climatique n'a produit des simulations pour contrôler les causes de ces évolutions (forçage radiatif anthropique, variations naturelles du régime AO-NAO, mixte des deux).
A lire
Conseil scientifique AESN (2013), Le changement climatique sur le bassin Seine-Normandie, Avis.
Observatoire de la continuité écologique (2013), La continuité écologique au risque des crues, inondations et étiages. Pour une évaluation systématique du risque lié à la modification des obstacles à l’écoulement (seuils, barrages, digues…)
Illustration : barrage du lac de Saint-Agnan (Cousin, Yonne, bassin Seine Amont)