L’Onema vient de rendre publique sur son site une synthèse sur les tendances observées dans les populations de poissons d’eau douce de la France métropolitaine entre 1990 et 2009 (Onema 2013). Ce document reflète, assez tardivement, une étude parue en 2011 dans le Journal of Fish Biology (Poulet et al. 2011).
Au sein de la base de données des milieux aquatiques et piscicoles (BDMAP), une sélection a été faite de 590 stations bénéficiant d’une durée égale ou supérieure à 8 années de suivi. Soit un total de 7746 pêches électriques de contrôle des populations piscicoles en rivière. La couverture est relativement correcte du point de vue national et toutes les tailles de cours d’eau sont représentées, avec une dominante de petites rivières en ordre de Strahler 3 ou 4 (les ordres 1 à 4 sont nettement plus représentés que les ordres 5 à 8). Au total, 48 espèces ou taxons sont concernés.
A l’échelle nationale, on observe une augmentation de richesse spécifique moyenne (biodiversité), qui gagne 1,4 espèce en moyenne. L’augmentation s’observe sur 58% des stations tandis qu’une diminution est constatée dans 34% d’entre elles.
Concernant l’occurrence par espèce, les résultats sont également positifs puisqu’une augmentation significative est observée dans 42% des cas et un déclin significatif dans 11% des cas seulement. Concernant la densité moyenne, la même tendance est relevée : une augmentation significative dans 74% des cas, un déclin significatif dans 17% des cas.
Qui sont les gagnants et les perdants (si l’on peut dire) de ces tendances dans la population piscicole ? Le résultat n’est pas toujours celui que l’on pouvait attendre.
Ainsi, sans grande surprise, des poissons nouvellement introduits – comme le silure, l’aspe, le pseudorasbora et l’épirine lippue – voient leur population grimper, ce qui n’est pas forcément une bonne nouvelle pour les populations autochtones. D’autres comme l’anguille, le brochet ou la truite commune sont en revanche en déclin.
En revanche, on observe aussi le déclin plus surprenant d’espèces connues comme assez adaptables à des eaux polluées ou réchauffées (tanche, brème commune). Il en va de même pour la carpe.
D’autres espèces plus exigeantes en qualité de milieu ou plus rhéophiles sont en revanche en hausse dans les rivières : barbeau, apron du Rhône, chevesne, lamproies ou chabot.
Ce qu’il faut retenir :
• dans la mesure où il y a augmentation globale (mais pas forcément locale) de tous les indices sur la période (biodiversité, occurrence, densité), il est difficile de parle d’un état catastrophique des populations piscicoles en France métropolitaine ;
• les causes de l’évolution des espèces ne sont pas analysées, et l’on sait que cette attribution de causalité est très difficile en raison des pressions multiples (pollutions diffuses et aiguës, surexploitation par pêches et braconnages, réchauffement climatique, introduction d’espèces invasives, dégradations morphologiques de toute nature, etc.) ;
• le schéma observé d’évolution des espèces ne permet pas de dire que les seuils et barrages (principaux objets des efforts de continuité écologique) jouent un rôle majeur. Si tel était le cas, on devrait en effet observer un gradient de dégradation plus marqué de l’aval vers l’amont (à mesure que les impacts des obstacles se cumulent) et concernant en priorité les espèces rhéophiles (que l’on suppose affectées dans leur cycle de vie par les retenues à écoulement lent). Or il n’en est rien.
Il resterait certainement des points techniques à débattre, comme la mesure de significativité des prélèvements sur une même station, qui est un point assez complexe en hydrobiologie. Mais quand on commence à prendre des mesures scientifiques de long terme, au lieu d’imprécations subjectives, voire idéologiques, on est convié à une grande modestie sur le niveau de nos connaissances des rivières et à une grande prudence dans le choix de nos actions. Puissent les décideurs en prendre compte.
Références
Onema (2013), Tendances évolutives des populations de poissons de 1990 à 2009, Les Synthèses, n°7, mai.
Poulet N, Beaulaton L, Dembski S (2011), Time trends in fish populations in metropolitan France: insights from national monitoring data, Journal of Fish Biology, 79, 1436-1452.
A consulter également : notre dossier d'analyse des liens entre présence de seuils et indice de qualité IPR (OCE)
Illustrations : richesse spécifique 1990-2009 (en haut), tendances pour trois espèces (en bas). © ONEMA
27/11/2013
25/11/2013
Guide des propriétaires de moulins à eau
Les deux fédérations françaises de moulins (FFAM et FMDF) ainsi que l'Association française des établissements publics territoriaux de bassin (AFEPTB) viennent de publier un Guide à l'intention des propriétaires de moulins. Le document, fort bien conçu, rappelle les droits et devoirs des maîtres d'ouvrage, ainsi que les enjeux de la rivière.
Que l'AFEPTB se soit jointe à la conception et la diffusion de ce Guide est une excellente nouvelle pour le patrimoine et l'énergie hydrauliques. Un nombre croissant d'acteurs de terrain s'avisent que la politique de destruction systématique des seuils est une impasse et une erreur. Place à une gestion raisonnable des ouvrages hydrauliques!
Lien (pdf).
Que l'AFEPTB se soit jointe à la conception et la diffusion de ce Guide est une excellente nouvelle pour le patrimoine et l'énergie hydrauliques. Un nombre croissant d'acteurs de terrain s'avisent que la politique de destruction systématique des seuils est une impasse et une erreur. Place à une gestion raisonnable des ouvrages hydrauliques!
Lien (pdf).
17/11/2013
Pas de passe à poissons sans concertation: rappel de nos questions à la DDT et à l'ONEMA
L'article 214-17 du Code de l'environnement pose que les mesures de continuité écologique doivent être prises "selon des règles définies par l'autorité administrative, en concertation avec le propriétaire ou, à défaut, l'exploitant".
On a donc deux notions posées par la loi : le définition de règles, la concertation. Nous constatons que les propriétaires de moulins sur des rivières classées en liste 2 commencent à recevoir des courriers de la DDT qui ne respectent pas cette exigence légale.
Nous rappelons ci-dessous les questions que notre association a communiquées à la DDT et à l'ONEMA dès le mois d'août 2013. Tant que l'administration refusera d'entrer dans la définition exacte des règles qu'elle entend imposer et tant qu'elle réduira la concertation à un monologue par courrier officiel (DDT) ou à un silence pur et simple (ONEMA), il ne faut pas attendre autre chose qu'une inertie sur le dossier de la continuité écologique.
Nous l'avons dit et répété : seule une relation de confiance, de réciprocité et de pragmatisme permettra d'avancer sur la question de la continuité écologique. En aucun cas nous n'avancerons par la tentative d'imposition d'études d'impact et de travaux d'aménagement pour lesquels la plupart des propriétaires sont insolvables. Encore moins par des intimidations sur le caractère légal des ouvrages dont l'arrière-pensée d'effacement n'est, hélas, que trop évidente...
Questions techniques
Sur le franchissement piscicole
> Nous avons besoin d'une information sur les espèces concernées, notamment quand celles-ci sont dans une catégorie indistincte (par exemple « cyprinidés rhéophiles »). Pour chaque espèce, nous aimerions connaître : la présence avérée dans la rivière ; la nature du besoin (montaison, dévalaison, les deux) ; la période de migration, le stade de développement concerné par la migration (juvénile, adulte) ; la capacité de nage et de saut. Est-il possible d'avoir un tableur de synthèse pour les espèces présentes dans chacune des masses d'eau concernées? Le travail de diagnostic assez complet du SICEC sur la Seine sera-t-il généralisé aux autres BV?
> Quels sont les points de vigilance qui vont compter particulièrement dans la réception de la passe à poissons (outre les éléments classique de bonne réponse aux capacités de nage et de saut, d'attractivité, etc.) : facilité d'entretien, bonne adaptation aux variations aval-amont, etc.?
> D'après les retours d'expérience de passes déjà installées sur des seuils dans la région (par exemple Quincy-le-Vicomte, Senailly, Gomméville, etc.) ou dans des cours d'eau à contraintes hydrologiques / piscicoles assez proches, certains modèles sont-ils considérés comme plus efficaces? Qu'est-ce qui est plutôt préconisé en cas de contraintes multi-espèces ayant des capacités très différentes de nage et saut?
> Les moulins situés juste à l'aval de grands ouvrages sans aménagement prévu sur 2013-2018 (typiquement, barrage VNF de Pont) ont-ils obligation d'aménager malgré le gain négligeable en linéaire librement franchissable? La circulaire d'application prévoit par ailleurs que la proximité d'un obstacle naturel infranchissable peut exempter d'aménagement le seuil : comment est évaluée cette infranchissabilité? Est-ce la hauteur de 50 cm par ailleurs reconnue pour les seuils (l'interdit en liste 1 porte sur tout nouvel ouvrage de hauteur supérieure à 50 cm)?
> Des dispositifs de comptage existent-ils pour mesurer l'efficacité des dispositifs en place, dans le cadre du contrôle biologique des obligations de résultats ? Ces dispositifs seront-ils à la charge du maître d'ouvrage ou le comptage sera-t-il réalisé par l'ONEMA / les syndicats?
> Certaines entreprises (par exemple EVI-GEST en Bourgogne) proposent des modèles de passes plus ou moins expérimentaux. De même, des brevets ont été déposés (par exemple M. Jacquemin). Comment savoir si ces passes (quand elles existent déjà autrement qu'en prototype) sont « agréées », au sens où leurs tests ont été jugés concluants par les experts en hydrobiologie et hydrophysique? La mise en œuvre de la continuité peut-elle être l'occasion de procéder sur certains seuils ou barrages à des expérimentations de dispositifs, et dans l'affirmative, sous quelles conditions?
Sur le transit sédimentaire
> Sur certaines rivières, il existe des diagnostics approfondis (exemple JR Malavoi, mission Hydratec sur l'Armançon). Sur d'autres, l'information est beaucoup plus pauvre. Même dans le cas de l'Armançon, il est difficile de qualifier un état sédimentaire précisément au droit d'un ouvrage, ou sur un tronçon, et de prendre les mesures proportionnées à la correction éventuelle du déficit de charge solide. Comment est effectuée cette évaluation? L'ONEMA dispose-t-il d'un indice dérivé du SYRAH pour objectiver l'altération sur chaque masse d'eau et proportionner la réponse?
> Nombre de seuils sont de simples chaussées à empierrement, sans organe mobile (ou alors une vanne de décharge de faible largeur, généralement à une extrémité du seuil). Dans ces cas-là, et dans l'hypothèse où un déficit sédimentaire a été préalablement démontré, plutôt que d'engager des travaux de construction de novo d'un vannage de décharge, le propriétaire a-t-il la possibilité de proposer une solution comme le curage régulier de la retenue (période à fixer) avec transfert partiel des sédiments solides curés vers l'aval?
> Sur ce curage et transfert des sédiments, existe-t-il un mémo technique et juridique à jour (envisageant notamment le curage dans le cadre de la restauration sédimentaire)?
> Il existe divers modèles de vannes (guillotine, bascule, clapet, etc.). Quand le propriétaire doit installer un système neuf, quels modèles sont considérés comme les plus efficaces pour le transit sédimentaire?
> Sur certains bassins versants, des opérations coordonnées d'ouverture des vannages à certaines périodes de l'année (propices au transit sédimentaire, non dommageables pour les fraies) ont été organisées. Ce type d'initiative est-il envisagé sur notre région? L'autorité en charge de l'eau est-elle ouverte à des propositions en ce domaine?
Sur la base ROE
> Le fichier Excel disponible en information publique ne donne que rarement la hauteur de chute mesurée sur chaque ouvrage. Et il faut des logiciels SIG spécialisés pour accéder à d'autres données en ligne. Un format largement ouvert (PDF, CSV...) des informations complètes sur chaque ouvrage est-il disponible? Ou prévu?
Sur la notion de « liste 2 à terme »
Quelle est la signification exacte de cette notion?
Sur le DMB ou débit réservé
La loi prévoit un débit réservé de 10% à compter de 2014. Parfois, on observe que le débit minimum biologique peut monter à 15% ou 20%. Quels sont les critères scientifiques permettant de définir le seuil du DMB? A quel moment et comment le maître d'ouvrage peut-il être informé du DMB, s'il diffère des 10% à mettre en œuvre au 1er janvier prochain? Comment s'estime le module quand il n'y a pas de station hydrologique sur le cours d'eau (petits ordres de Strahler)
Questions administratives, économiques et de gouvernance
Sur la proportionnalité de l'aménagement et de l'enjeu
La Circulaire d'application de janvier 2013 revient à plusieurs reprises sur la notion d'aménagement proportionnel à l'enjeu. Cela suppose une analyse coût-avantage (ACA) faisant intervenir des facteurs écologiques et des facteurs économiques. En l'absence de « mode d'emploi », cette ACA est assez périlleuse. En logique « service rendu par les écosystèmes », on peut par exemple s'interroger sur le service rendu par la circulation des chevesnes sur un tronçon de 10 km et la dépense globale justifiable pour parvenir à ce résultat sur le linéaire concerné. On conçoit que le réponse est difficile à objectiver... L'autorité en charge de l'eau peut-elle préciser sa hiérarchie des enjeux (au sein du volet piscicole et du volet sédimentaire) et sa conception de la proportionnalité des aménagements?
Sur la question du coût des aménagements
> C'est le principal « point noir » en terme de réussite future de la continuité écologique, un problème clairement perçu par les maîtres d'ouvrage. Un aménagement complet peut coûter fort cher : grilles à 20 mm, goulotte de dévalaison, vanne adaptée au transfert sédimentaire de fond, passe à poissons, modification pour garantir le DMB ... pour des seuils qui sont très majoritairement modestes, la dépense paraît importante. D'autant que le gain écologique futur n'est pas toujours clairement perçu par le propriétaire ni même quantifié par les experts. Parfois, cette dépense est tout simplement hors de portée des capacités d'emprunt du maître d'ouvrage (insolvabilité déjà constatée en France sur de nombreux BV). S'ajoute à cela une très forte dispersion des coûts observés de travaux en rivière, point qui a été relevé par l'ONEMA dès 2011 (Dir4 M. Bramard) et qui fait actuellement l'objet d'une enquête de l'Observatoire de la continuité écologique. Dispose-t-on aujourd'hui d'une base de données économiques sur les opérations de restauration d'ouvrage? A-t-on des analyses sur les principaux postes de variation des coûts? Les autorités en charge de l'eau comptent-elles associer les professionnels à une démarche d'information ? Comment peut-on envisager des bonnes pratiques aboutissant à des coûts raisonnables et proportionnés d'aménagement?
Sur le rôle des Syndicats et EPTB
> Comme cela s'est déjà fait sur plusieurs bassins versants en France, les syndicats de rivière ont-il prévu des études par tronçons permettant d'envisager l'enjeu sédimentaire / piscicole sur tout le linéaire? Les autorités en charge de l'eau encouragent-elles ce type de solution?
Sur la position des Agences de l'eau et les demandes d'indemnités pour charge exorbitante
> Les Agences de l'eau ont prévu un budget important (de l'ordre de 2 milliards d'euros) pour la restauration écologique, sur leur programmation budgétaire 2013-2018. En l'état de leurs arbitrages, elles privilégient les effacements d'ouvrages et se montrent très sélectives pour financer des aménagements. La subvention est souvent nulle, sauf si l'ouvrage est considéré comme « structurant » (mais à des conditions assez drastiques et rarement réunies). Mais les choix varient d'une Agence à l'autre (cf plus loin). Cette position est le second « point noir », puisqu'elle paraît infondée aux propriétaires : ils sont le cas échéant disposés à modifier substantiellement leur ouvrage pour améliorer la qualité de l'eau considérée comme « bien commun », mais ne comprennent pas pourquoi une telle dépense reposerait entièrement sur leurs épaules alors qu'elle s'inscrit dans la recherche d'un intérêt général. Comme l'art 214-17 C env ouvre la possibilité d'une indemnité en cas de « charge spéciale et exorbitante », un blocage des Agences de l'eau sur le refus de toute subvention pour les aménagements de petits ouvrages risquerait de se traduire par des demandes systématiques d'indemnités et des contentieux en cas de refus de payer ces indemnités. Les Agences de bassin concernées — principalement AESN Seine-Amont — participeront-elles à des concertations et informations sur ce point? Comment l'autorité de charge de l'eau (qui recevra les demandes d'indemnités) se positionne-t-elle? Pourquoi l'Agence de l'eau Rhône-Méditerranée propose-t-elle en Côte d'Or des financements à 60% voire 80% des passes quand l'Agence de l'eau Seine-Normandie oppose des fins de non-recevoir?
Sur les pertes de production énergétique
> Un certain nombre d'adhérents de notre association produisent en autoconsommation ou en vente réseau. Les différentes réformes vont occasionner une perte de production (convention d'ouverture des vannages à certaines périodes, perte de charge dans les grilles à faible écartement et goulotte de dévalaison, etc.). Comment ce point sera-t-il géré par l'autorité en charge de l'eau?
Sur la représentation des associations de riverains et propriétaires tout au long de la mise en œuvre de la continuité
> Il a été observé dans divers documents récents (Rapport Cour des comptes 2013, Rapport du CGEDD sur la mise en œuvre de la continuité écologique 2013, rapport Lesage d'évaluation de la politique de l'eau 2013) que des efforts étaient nécessaires en terme de concertation, information et participation. Des dispositifs en ce sens sont-ils prévus ? Outre des rencontres ponctuelles (comme celle faisant l'objet de ce mémo), nos associations pourront-elles être intégrées le plus en amont possible, afin de jouer leur double rôle d'information des adhérents et des pouvoirs publics?
On a donc deux notions posées par la loi : le définition de règles, la concertation. Nous constatons que les propriétaires de moulins sur des rivières classées en liste 2 commencent à recevoir des courriers de la DDT qui ne respectent pas cette exigence légale.
Nous rappelons ci-dessous les questions que notre association a communiquées à la DDT et à l'ONEMA dès le mois d'août 2013. Tant que l'administration refusera d'entrer dans la définition exacte des règles qu'elle entend imposer et tant qu'elle réduira la concertation à un monologue par courrier officiel (DDT) ou à un silence pur et simple (ONEMA), il ne faut pas attendre autre chose qu'une inertie sur le dossier de la continuité écologique.
Nous l'avons dit et répété : seule une relation de confiance, de réciprocité et de pragmatisme permettra d'avancer sur la question de la continuité écologique. En aucun cas nous n'avancerons par la tentative d'imposition d'études d'impact et de travaux d'aménagement pour lesquels la plupart des propriétaires sont insolvables. Encore moins par des intimidations sur le caractère légal des ouvrages dont l'arrière-pensée d'effacement n'est, hélas, que trop évidente...
Questions techniques
Sur le franchissement piscicole
> Nous avons besoin d'une information sur les espèces concernées, notamment quand celles-ci sont dans une catégorie indistincte (par exemple « cyprinidés rhéophiles »). Pour chaque espèce, nous aimerions connaître : la présence avérée dans la rivière ; la nature du besoin (montaison, dévalaison, les deux) ; la période de migration, le stade de développement concerné par la migration (juvénile, adulte) ; la capacité de nage et de saut. Est-il possible d'avoir un tableur de synthèse pour les espèces présentes dans chacune des masses d'eau concernées? Le travail de diagnostic assez complet du SICEC sur la Seine sera-t-il généralisé aux autres BV?
> Quels sont les points de vigilance qui vont compter particulièrement dans la réception de la passe à poissons (outre les éléments classique de bonne réponse aux capacités de nage et de saut, d'attractivité, etc.) : facilité d'entretien, bonne adaptation aux variations aval-amont, etc.?
> D'après les retours d'expérience de passes déjà installées sur des seuils dans la région (par exemple Quincy-le-Vicomte, Senailly, Gomméville, etc.) ou dans des cours d'eau à contraintes hydrologiques / piscicoles assez proches, certains modèles sont-ils considérés comme plus efficaces? Qu'est-ce qui est plutôt préconisé en cas de contraintes multi-espèces ayant des capacités très différentes de nage et saut?
> Les moulins situés juste à l'aval de grands ouvrages sans aménagement prévu sur 2013-2018 (typiquement, barrage VNF de Pont) ont-ils obligation d'aménager malgré le gain négligeable en linéaire librement franchissable? La circulaire d'application prévoit par ailleurs que la proximité d'un obstacle naturel infranchissable peut exempter d'aménagement le seuil : comment est évaluée cette infranchissabilité? Est-ce la hauteur de 50 cm par ailleurs reconnue pour les seuils (l'interdit en liste 1 porte sur tout nouvel ouvrage de hauteur supérieure à 50 cm)?
> Des dispositifs de comptage existent-ils pour mesurer l'efficacité des dispositifs en place, dans le cadre du contrôle biologique des obligations de résultats ? Ces dispositifs seront-ils à la charge du maître d'ouvrage ou le comptage sera-t-il réalisé par l'ONEMA / les syndicats?
> Certaines entreprises (par exemple EVI-GEST en Bourgogne) proposent des modèles de passes plus ou moins expérimentaux. De même, des brevets ont été déposés (par exemple M. Jacquemin). Comment savoir si ces passes (quand elles existent déjà autrement qu'en prototype) sont « agréées », au sens où leurs tests ont été jugés concluants par les experts en hydrobiologie et hydrophysique? La mise en œuvre de la continuité peut-elle être l'occasion de procéder sur certains seuils ou barrages à des expérimentations de dispositifs, et dans l'affirmative, sous quelles conditions?
Sur le transit sédimentaire
> Sur certaines rivières, il existe des diagnostics approfondis (exemple JR Malavoi, mission Hydratec sur l'Armançon). Sur d'autres, l'information est beaucoup plus pauvre. Même dans le cas de l'Armançon, il est difficile de qualifier un état sédimentaire précisément au droit d'un ouvrage, ou sur un tronçon, et de prendre les mesures proportionnées à la correction éventuelle du déficit de charge solide. Comment est effectuée cette évaluation? L'ONEMA dispose-t-il d'un indice dérivé du SYRAH pour objectiver l'altération sur chaque masse d'eau et proportionner la réponse?
> Nombre de seuils sont de simples chaussées à empierrement, sans organe mobile (ou alors une vanne de décharge de faible largeur, généralement à une extrémité du seuil). Dans ces cas-là, et dans l'hypothèse où un déficit sédimentaire a été préalablement démontré, plutôt que d'engager des travaux de construction de novo d'un vannage de décharge, le propriétaire a-t-il la possibilité de proposer une solution comme le curage régulier de la retenue (période à fixer) avec transfert partiel des sédiments solides curés vers l'aval?
> Sur ce curage et transfert des sédiments, existe-t-il un mémo technique et juridique à jour (envisageant notamment le curage dans le cadre de la restauration sédimentaire)?
> Il existe divers modèles de vannes (guillotine, bascule, clapet, etc.). Quand le propriétaire doit installer un système neuf, quels modèles sont considérés comme les plus efficaces pour le transit sédimentaire?
> Sur certains bassins versants, des opérations coordonnées d'ouverture des vannages à certaines périodes de l'année (propices au transit sédimentaire, non dommageables pour les fraies) ont été organisées. Ce type d'initiative est-il envisagé sur notre région? L'autorité en charge de l'eau est-elle ouverte à des propositions en ce domaine?
Sur la base ROE
> Le fichier Excel disponible en information publique ne donne que rarement la hauteur de chute mesurée sur chaque ouvrage. Et il faut des logiciels SIG spécialisés pour accéder à d'autres données en ligne. Un format largement ouvert (PDF, CSV...) des informations complètes sur chaque ouvrage est-il disponible? Ou prévu?
Sur la notion de « liste 2 à terme »
Quelle est la signification exacte de cette notion?
Sur le DMB ou débit réservé
La loi prévoit un débit réservé de 10% à compter de 2014. Parfois, on observe que le débit minimum biologique peut monter à 15% ou 20%. Quels sont les critères scientifiques permettant de définir le seuil du DMB? A quel moment et comment le maître d'ouvrage peut-il être informé du DMB, s'il diffère des 10% à mettre en œuvre au 1er janvier prochain? Comment s'estime le module quand il n'y a pas de station hydrologique sur le cours d'eau (petits ordres de Strahler)
Questions administratives, économiques et de gouvernance
Sur la proportionnalité de l'aménagement et de l'enjeu
La Circulaire d'application de janvier 2013 revient à plusieurs reprises sur la notion d'aménagement proportionnel à l'enjeu. Cela suppose une analyse coût-avantage (ACA) faisant intervenir des facteurs écologiques et des facteurs économiques. En l'absence de « mode d'emploi », cette ACA est assez périlleuse. En logique « service rendu par les écosystèmes », on peut par exemple s'interroger sur le service rendu par la circulation des chevesnes sur un tronçon de 10 km et la dépense globale justifiable pour parvenir à ce résultat sur le linéaire concerné. On conçoit que le réponse est difficile à objectiver... L'autorité en charge de l'eau peut-elle préciser sa hiérarchie des enjeux (au sein du volet piscicole et du volet sédimentaire) et sa conception de la proportionnalité des aménagements?
Sur la question du coût des aménagements
> C'est le principal « point noir » en terme de réussite future de la continuité écologique, un problème clairement perçu par les maîtres d'ouvrage. Un aménagement complet peut coûter fort cher : grilles à 20 mm, goulotte de dévalaison, vanne adaptée au transfert sédimentaire de fond, passe à poissons, modification pour garantir le DMB ... pour des seuils qui sont très majoritairement modestes, la dépense paraît importante. D'autant que le gain écologique futur n'est pas toujours clairement perçu par le propriétaire ni même quantifié par les experts. Parfois, cette dépense est tout simplement hors de portée des capacités d'emprunt du maître d'ouvrage (insolvabilité déjà constatée en France sur de nombreux BV). S'ajoute à cela une très forte dispersion des coûts observés de travaux en rivière, point qui a été relevé par l'ONEMA dès 2011 (Dir4 M. Bramard) et qui fait actuellement l'objet d'une enquête de l'Observatoire de la continuité écologique. Dispose-t-on aujourd'hui d'une base de données économiques sur les opérations de restauration d'ouvrage? A-t-on des analyses sur les principaux postes de variation des coûts? Les autorités en charge de l'eau comptent-elles associer les professionnels à une démarche d'information ? Comment peut-on envisager des bonnes pratiques aboutissant à des coûts raisonnables et proportionnés d'aménagement?
Sur le rôle des Syndicats et EPTB
> Comme cela s'est déjà fait sur plusieurs bassins versants en France, les syndicats de rivière ont-il prévu des études par tronçons permettant d'envisager l'enjeu sédimentaire / piscicole sur tout le linéaire? Les autorités en charge de l'eau encouragent-elles ce type de solution?
Sur la position des Agences de l'eau et les demandes d'indemnités pour charge exorbitante
> Les Agences de l'eau ont prévu un budget important (de l'ordre de 2 milliards d'euros) pour la restauration écologique, sur leur programmation budgétaire 2013-2018. En l'état de leurs arbitrages, elles privilégient les effacements d'ouvrages et se montrent très sélectives pour financer des aménagements. La subvention est souvent nulle, sauf si l'ouvrage est considéré comme « structurant » (mais à des conditions assez drastiques et rarement réunies). Mais les choix varient d'une Agence à l'autre (cf plus loin). Cette position est le second « point noir », puisqu'elle paraît infondée aux propriétaires : ils sont le cas échéant disposés à modifier substantiellement leur ouvrage pour améliorer la qualité de l'eau considérée comme « bien commun », mais ne comprennent pas pourquoi une telle dépense reposerait entièrement sur leurs épaules alors qu'elle s'inscrit dans la recherche d'un intérêt général. Comme l'art 214-17 C env ouvre la possibilité d'une indemnité en cas de « charge spéciale et exorbitante », un blocage des Agences de l'eau sur le refus de toute subvention pour les aménagements de petits ouvrages risquerait de se traduire par des demandes systématiques d'indemnités et des contentieux en cas de refus de payer ces indemnités. Les Agences de bassin concernées — principalement AESN Seine-Amont — participeront-elles à des concertations et informations sur ce point? Comment l'autorité de charge de l'eau (qui recevra les demandes d'indemnités) se positionne-t-elle? Pourquoi l'Agence de l'eau Rhône-Méditerranée propose-t-elle en Côte d'Or des financements à 60% voire 80% des passes quand l'Agence de l'eau Seine-Normandie oppose des fins de non-recevoir?
Sur les pertes de production énergétique
> Un certain nombre d'adhérents de notre association produisent en autoconsommation ou en vente réseau. Les différentes réformes vont occasionner une perte de production (convention d'ouverture des vannages à certaines périodes, perte de charge dans les grilles à faible écartement et goulotte de dévalaison, etc.). Comment ce point sera-t-il géré par l'autorité en charge de l'eau?
Sur la représentation des associations de riverains et propriétaires tout au long de la mise en œuvre de la continuité
> Il a été observé dans divers documents récents (Rapport Cour des comptes 2013, Rapport du CGEDD sur la mise en œuvre de la continuité écologique 2013, rapport Lesage d'évaluation de la politique de l'eau 2013) que des efforts étaient nécessaires en terme de concertation, information et participation. Des dispositifs en ce sens sont-ils prévus ? Outre des rencontres ponctuelles (comme celle faisant l'objet de ce mémo), nos associations pourront-elles être intégrées le plus en amont possible, afin de jouer leur double rôle d'information des adhérents et des pouvoirs publics?
04/11/2013
Bellenod-sur-Seine, Cry: quand les pêcheurs défendent les seuils en rivière
Nous avons déjà longuement évoqué sur ce blog le moulin du Bœuf à Bellenod-sur-Seine, dont le propriétaire Gilles Bouqueton se bat pour voir reconnaître la validité de son règlement d’eau, et le droit de produire une énergie propre en Châtillonnais.
L’AAPPMA de la Saumonée d’Aignay le Duc vient de prendre position dans ce dossier. Les pêcheurs, représentés par M. Rémy Délery et le bureau de l’association, observent :
«Suite à notre entretien du 19 octobre 2013 avec monsieur Gilles Bouqueton, propriétaire du moulin du Bœuf, l’ensemble du bureau avec son président Rémy Délery et l’appui de plusieurs pêcheurs soutiennent activement l’action menée pour une éventuelle restauration de la roue du moulin.
Nous pensons que cette restauration n’aura aucune incidence sur le plan halieutique et que l’expérience du passé local sur nos rivières la Seine, la Coquille et le Revinson connaissent un peuplement important de poissons ( truites). Ces mêmes rivières disposaient par le passé d’étangs, de moulins et de vannages qui n’ont pas entravés les peuplements.»
Partout, les pêcheurs s’inquiètent de la remise en cause des équilibres actuels de la rivière
Cette position est pleine de bon sens et de réalisme. C’est la voix du terrain, la voix des rivières. Et elle n’est pas isolée. Par exemple l’été dernier, alors que le syndicat de l’Armançon SIRTAVA commençait l’effacement du barrage de Cry, l'Entente Aisy-Nuits-Ravières-Pacy-Tanlay avait mis en garde par la voix de son Président, M. Jean Boucaux :
«On va assister à une véritable métamorphose de la rivière (…) Détruire les déversoirs risque d'avoir une forte incidence sur les nappes d'accompagnement qui ont un rôle de régulation important avec les zones humides. Avec la disparition de l'ouvrage de Cry, on se dirige tout droit vers un parcours meurtrier. Les possibilités de déplacement des espèces seront fortement réduites.»
Quand nous discutons avec les pêcheurs, nous observons le même attachement à l’équilibre actuel des rivières, à condition que chacun prenne ses responsabilités et que les propriétaires s’engagent dans une gestion active des ouvrages hydrauliques.
Hélas, si les AAPPMA adoptent le plus souvent cette position d’apaisement et de concertation entre les acteurs locaux, les représentants des Fédérations départementales et plus encore de la Fédération nationale des pêcheurs, il est vrai plus proches des bureaux que des berges, tendent à tenir un discours beaucoup plus extrémiste et idéologique sur l’effacement des seuils…
Espérons que la raison revienne, et que la voix de la base soit enfin entendue. L’effacement systématique des ouvrages hydrauliques n’est pas la solution pour l’indispensable amélioration de l’état chimique et écologique de nos rivières.
L’AAPPMA de la Saumonée d’Aignay le Duc vient de prendre position dans ce dossier. Les pêcheurs, représentés par M. Rémy Délery et le bureau de l’association, observent :
«Suite à notre entretien du 19 octobre 2013 avec monsieur Gilles Bouqueton, propriétaire du moulin du Bœuf, l’ensemble du bureau avec son président Rémy Délery et l’appui de plusieurs pêcheurs soutiennent activement l’action menée pour une éventuelle restauration de la roue du moulin.
Nous pensons que cette restauration n’aura aucune incidence sur le plan halieutique et que l’expérience du passé local sur nos rivières la Seine, la Coquille et le Revinson connaissent un peuplement important de poissons ( truites). Ces mêmes rivières disposaient par le passé d’étangs, de moulins et de vannages qui n’ont pas entravés les peuplements.»
Partout, les pêcheurs s’inquiètent de la remise en cause des équilibres actuels de la rivière
Cette position est pleine de bon sens et de réalisme. C’est la voix du terrain, la voix des rivières. Et elle n’est pas isolée. Par exemple l’été dernier, alors que le syndicat de l’Armançon SIRTAVA commençait l’effacement du barrage de Cry, l'Entente Aisy-Nuits-Ravières-Pacy-Tanlay avait mis en garde par la voix de son Président, M. Jean Boucaux :
«On va assister à une véritable métamorphose de la rivière (…) Détruire les déversoirs risque d'avoir une forte incidence sur les nappes d'accompagnement qui ont un rôle de régulation important avec les zones humides. Avec la disparition de l'ouvrage de Cry, on se dirige tout droit vers un parcours meurtrier. Les possibilités de déplacement des espèces seront fortement réduites.»
Quand nous discutons avec les pêcheurs, nous observons le même attachement à l’équilibre actuel des rivières, à condition que chacun prenne ses responsabilités et que les propriétaires s’engagent dans une gestion active des ouvrages hydrauliques.
Hélas, si les AAPPMA adoptent le plus souvent cette position d’apaisement et de concertation entre les acteurs locaux, les représentants des Fédérations départementales et plus encore de la Fédération nationale des pêcheurs, il est vrai plus proches des bureaux que des berges, tendent à tenir un discours beaucoup plus extrémiste et idéologique sur l’effacement des seuils…
Espérons que la raison revienne, et que la voix de la base soit enfin entendue. L’effacement systématique des ouvrages hydrauliques n’est pas la solution pour l’indispensable amélioration de l’état chimique et écologique de nos rivières.
03/11/2013
Existence légale des ouvrages (droit d’eau et règlement d’eau): la DDT 21 inverse la charge de la preuve!
Plusieurs adhérents et sympathisants de notre association ont reçu en Côte d’Or un courrier de la DDT 21 leur demandant en substance de «préciser la situation administrative» d’un ouvrage hydraulique et son «existence légale», cela sous 30 jours à peine de voir l’ouvrage considéré comme «non autorisé».
Cette pratique est tout à fait regrettable, et s’il était nécessaire, elle serait condamnable devant un tribunal. Quelques explications juridiques et historiques sont nécessaires pour bien le comprendre.
Rappel du régime général : droit d’eau, règlement d’eau
On appelle droit d'eau « fondé en titre » la capacité d'un propriétaire d'ouvrage hydraulique d'exploiter la force motrice de l'eau sans autorisation administrative. Le propriétaire peut être un particulier, une personne morale de droit privé, une collectivité territoriale ou l'Etat. Il existe deux régimes différents :
• les moulins des cours d'eau domaniaux, navigables et flottables, présents avant l'Edit de Moulins de 1566 ;
• les moulins des cours d'eau non domaniaux présents avant l'abolition des privilège féodaux (4 août 1789) ou aliénés pendant la Révolution (vente des biens nationaux).
Pour l'une et l'autre éventualité, le propriétaire doit attester l'existence de son bien avant les dates de référence (1566, 1789), et cela par tout moyen : cartes anciennes, mention du site dans les documents d'archives ou les actes administratifs.
Un droit fondé en titre (ou "ayant une existence légale") est attaché à un site, donc assimilé à un droit immobilier. Toutefois, ce droit a pu être réglementé ultérieurement par l'administration, suite à un litige ou à une augmentation de puissance ; mais cette réglementation n'annule pas le droit fondé en titre, qui perdure pour la consistance (puissance) initiale ; lorsque celle dernière n'est pas connue, l'état actuel est réputé fondé en titre par de très nombreuses jurisprudences.
Après la première loi sur l'eau de 1790, tout ouvrage hydraulique à créer devait disposer d'une autorisation délivrée par l' État (ordonnance royale, impériale, présidentielle ou préfectorale). A l'inverse d'un droit fondé en titre avant la Révolution, cette autorisation était nominative et tout changement de propriétaire devait être entériné par l'administration.
Un moulin du XVIe siècle peut donc très bien avoir bénéficié d'un règlement d'eau actualisé au XIXe ou au XXe siècle. A noter, car cela provoque souvent des confusions : le droit d’eau fondé en titre n’est pas un document (il découle simplement de l’existence du bien), alors que le règlement d’eau est bel et bien un document administratif précisant les conditions et règles d’usage de l’eau au droit d’un ouvrage.
La loi du 16 octobre 1919 (transposée récemment dans le code de l'Énergie) a réglementé l'usage de l'énergie hydraulique en France. Cette loi (complétée par plusieurs décrets d'application et modifiée par les diverses lois sur l'eau ultérieures) précise qu'il existe trois cas exceptionnels d'autorisation d'utiliser l'énergie hydraulique à durée illimitée :
• pour les usines autorisées avant 1919 et d'une puissance inférieure à 150 kW (art. 18),
• pour les usines fondées en titre (ou ayant une existence légale) (art. 29),
• pour les usines faisant partie d'entreprises déclarées d'utilité publique (art. 29).
Les moulins et usines disposant d’un règlement d’eau antérieur à 1919 et inférieur à 150 kW de puissance hydraulique sont donc dispensés de la nécessité de solliciter le renouvellement de leur autorisation administrative. Leur statut se rapproche de celui des droits fondés en titre.
En conséquence de ces diverses évolutions juridiques, l’article L 214-6 alinéa 2 du Code de l’environnement voté dans le cadre de la Loi sur l’eau et les milieux aquatiques de 2006 énonce :
La circulaire 2010 est claire: l’administration doit suivre sans limite de temps les autorisations qu’elle a délivrées
De ce qui précède, il résulte que tous les ouvrages fondés en titre et tous les ouvrages régulièrement autorisés par règlement d’eau sont considérés comme administrativement autorisés.
Jean-Marie Pingault, conseiller juridique de la FFAM, a adressé dès 2010 au Ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie une note d’information démontrant que tous les moulins ont été à un moment ou un autre reconnus par l’Etat français. (Télécharger ce document, pdf).
Le Ministère de l’Ecologie lui-même, dans la Circulaire du 25 janvier 2010 relative à la mise en œuvre par l’Etat et ses établissements publics d’un plan d’actions pour la restauration de la continuité écologique des cours d’eau (DEVO0930186C), a reconnu que l’interprétation de l’article 214-6 du Code de l’environnement suppose que l’Etat assume préalablement un suivi réglementaire de chaque ouvrage. Cette continuité juridique est évidemment le B-A-ba de l’exercice de l’autorité par la puissance publique.
Tout propriétaire sommé de prouver le caractère administrativement autorisé de son ouvrage est fondé à renvoyer l’administration (ici la DDT 21) à ses propres responsabilités.
En d’autres termes, c’est à l’administration de prouver qu’un ouvrage n’a pas d’existence administrative (dérivant d’un droit d’eau ou règlement d’eau) ou qu’il l'a perdu en vertu des motifs reconnus par le droit : changement d’usage définitif entraînant la disparition des ouvrages hydrauliques, état de ruine de ces derniers (dans des conditions très restrictives), etc.
Conciliation… vigilante
Dans un souci de conciliation, Hydrauxois conseille à ses adhérents de fournir les informations historiques qu’ils possèdent afin d’aider la DDT 21 (ou les DDT 89 et 58 si le cas se présente) à mettre à jour les dossiers de leurs ouvrages. Et nous sommes à disposition pour partager nos propres ressources documentaires à cette fin.
Nous aimerions sortir une bonne fois pour toutes du climat actuel de suspicion, voire de harcèlement, dont souffrent trop souvent les moulins et usines hydrauliques. Et comme notre action l’a démontré depuis un an, nous sommes prêts pour cela à mener un travail fondé sur la responsabilisation des propriétaires d’ouvrage, sur l’information à propos des obligations nouvelles imposées par la loi ou à propos des aménagements optionnels qui permettraient d’améliorer facilement l’état des cours d’eau.
Toutefois, nous montrerons la plus extrême vigilance sur les points suivants :
Illustrations : vue anonyme du Mont Auxois (v. 1720) ; l'Auxois sur la Carte de Cassini. Deux moyens classiques de prouver l'existence d'un droit d'eau fondé en titre, si le moulin est présent sur ces cartes.
Cette pratique est tout à fait regrettable, et s’il était nécessaire, elle serait condamnable devant un tribunal. Quelques explications juridiques et historiques sont nécessaires pour bien le comprendre.
Rappel du régime général : droit d’eau, règlement d’eau
On appelle droit d'eau « fondé en titre » la capacité d'un propriétaire d'ouvrage hydraulique d'exploiter la force motrice de l'eau sans autorisation administrative. Le propriétaire peut être un particulier, une personne morale de droit privé, une collectivité territoriale ou l'Etat. Il existe deux régimes différents :
• les moulins des cours d'eau domaniaux, navigables et flottables, présents avant l'Edit de Moulins de 1566 ;
• les moulins des cours d'eau non domaniaux présents avant l'abolition des privilège féodaux (4 août 1789) ou aliénés pendant la Révolution (vente des biens nationaux).
Pour l'une et l'autre éventualité, le propriétaire doit attester l'existence de son bien avant les dates de référence (1566, 1789), et cela par tout moyen : cartes anciennes, mention du site dans les documents d'archives ou les actes administratifs.
Un droit fondé en titre (ou "ayant une existence légale") est attaché à un site, donc assimilé à un droit immobilier. Toutefois, ce droit a pu être réglementé ultérieurement par l'administration, suite à un litige ou à une augmentation de puissance ; mais cette réglementation n'annule pas le droit fondé en titre, qui perdure pour la consistance (puissance) initiale ; lorsque celle dernière n'est pas connue, l'état actuel est réputé fondé en titre par de très nombreuses jurisprudences.
Après la première loi sur l'eau de 1790, tout ouvrage hydraulique à créer devait disposer d'une autorisation délivrée par l' État (ordonnance royale, impériale, présidentielle ou préfectorale). A l'inverse d'un droit fondé en titre avant la Révolution, cette autorisation était nominative et tout changement de propriétaire devait être entériné par l'administration.
Un moulin du XVIe siècle peut donc très bien avoir bénéficié d'un règlement d'eau actualisé au XIXe ou au XXe siècle. A noter, car cela provoque souvent des confusions : le droit d’eau fondé en titre n’est pas un document (il découle simplement de l’existence du bien), alors que le règlement d’eau est bel et bien un document administratif précisant les conditions et règles d’usage de l’eau au droit d’un ouvrage.
La loi du 16 octobre 1919 (transposée récemment dans le code de l'Énergie) a réglementé l'usage de l'énergie hydraulique en France. Cette loi (complétée par plusieurs décrets d'application et modifiée par les diverses lois sur l'eau ultérieures) précise qu'il existe trois cas exceptionnels d'autorisation d'utiliser l'énergie hydraulique à durée illimitée :
• pour les usines autorisées avant 1919 et d'une puissance inférieure à 150 kW (art. 18),
• pour les usines fondées en titre (ou ayant une existence légale) (art. 29),
• pour les usines faisant partie d'entreprises déclarées d'utilité publique (art. 29).
Les moulins et usines disposant d’un règlement d’eau antérieur à 1919 et inférieur à 150 kW de puissance hydraulique sont donc dispensés de la nécessité de solliciter le renouvellement de leur autorisation administrative. Leur statut se rapproche de celui des droits fondés en titre.
En conséquence de ces diverses évolutions juridiques, l’article L 214-6 alinéa 2 du Code de l’environnement voté dans le cadre de la Loi sur l’eau et les milieux aquatiques de 2006 énonce :
II.-Les installations, ouvrages et activités déclarés ou autorisés en application d'une législation ou réglementation relative à l'eau antérieure au 4 janvier 1992 sont réputés déclarés ou autorisés en application des dispositions de la présente section. Il en est de même des installations et ouvrages fondés en titre.
La circulaire 2010 est claire: l’administration doit suivre sans limite de temps les autorisations qu’elle a délivrées
De ce qui précède, il résulte que tous les ouvrages fondés en titre et tous les ouvrages régulièrement autorisés par règlement d’eau sont considérés comme administrativement autorisés.
Jean-Marie Pingault, conseiller juridique de la FFAM, a adressé dès 2010 au Ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie une note d’information démontrant que tous les moulins ont été à un moment ou un autre reconnus par l’Etat français. (Télécharger ce document, pdf).
Le Ministère de l’Ecologie lui-même, dans la Circulaire du 25 janvier 2010 relative à la mise en œuvre par l’Etat et ses établissements publics d’un plan d’actions pour la restauration de la continuité écologique des cours d’eau (DEVO0930186C), a reconnu que l’interprétation de l’article 214-6 du Code de l’environnement suppose que l’Etat assume préalablement un suivi réglementaire de chaque ouvrage. Cette continuité juridique est évidemment le B-A-ba de l’exercice de l’autorité par la puissance publique.
« Le II de cet article dispose que tout ce qui a été autorisé avant la loi sur l’eau de 1992, au titre d’une législation sur l’eau précédente, est considéré comme autorisé au titre de la loi de 1992 (donc des articles L. 214-1 à 6 CE).Cette disposition sous-entend que l’administration est en possession d’un justificatif et des éléments d’information minimum sur l’ouvrage (caractéristiques, emplacement, usage...), il n’est donc pas nécessaire, à la différence des ouvrages relevant du III de ce même article, que le titulaire en 'déclare l’existence'. La loi considère que l’administration est censée connaître, et suivre sans limite dans le temps les autorisations qu’elle délivre. »Il en résulte une conclusion simple :
Tout propriétaire sommé de prouver le caractère administrativement autorisé de son ouvrage est fondé à renvoyer l’administration (ici la DDT 21) à ses propres responsabilités.
En d’autres termes, c’est à l’administration de prouver qu’un ouvrage n’a pas d’existence administrative (dérivant d’un droit d’eau ou règlement d’eau) ou qu’il l'a perdu en vertu des motifs reconnus par le droit : changement d’usage définitif entraînant la disparition des ouvrages hydrauliques, état de ruine de ces derniers (dans des conditions très restrictives), etc.
Conciliation… vigilante
Dans un souci de conciliation, Hydrauxois conseille à ses adhérents de fournir les informations historiques qu’ils possèdent afin d’aider la DDT 21 (ou les DDT 89 et 58 si le cas se présente) à mettre à jour les dossiers de leurs ouvrages. Et nous sommes à disposition pour partager nos propres ressources documentaires à cette fin.
Nous aimerions sortir une bonne fois pour toutes du climat actuel de suspicion, voire de harcèlement, dont souffrent trop souvent les moulins et usines hydrauliques. Et comme notre action l’a démontré depuis un an, nous sommes prêts pour cela à mener un travail fondé sur la responsabilisation des propriétaires d’ouvrage, sur l’information à propos des obligations nouvelles imposées par la loi ou à propos des aménagements optionnels qui permettraient d’améliorer facilement l’état des cours d’eau.
Toutefois, nous montrerons la plus extrême vigilance sur les points suivants :
- les tentatives abusives de casser un droit d’eau ou un règlement d’eau pour état de ruine ou de non-entretien, ou pour indisponibilité des archives dans les dossiers que l’Etat est censé conserver;
- les tentatives également abusives de sortir du régime "perpétuel" du droit d'eau avant 1789 et du règlement d'eau avant 1919 pour imposer une autorisation limitée dans le temps;
- l’imposition par pression opaque (par exemple blocage d’un dossier) d’un aménagement non obligatoire (par exemple passe sur une rivière non classée sans que l'administration n'en démontre la nécessité impérative);
- l’obligation de procéder à des aménagements écologiques en passant par des bureaux d’études coûteux sans que les services de l’Etat aient au préalable précisé la nature exacte de l’impact de l’ouvrage et proposé ce qui leur semble une solution proportionnée.
Illustrations : vue anonyme du Mont Auxois (v. 1720) ; l'Auxois sur la Carte de Cassini. Deux moyens classiques de prouver l'existence d'un droit d'eau fondé en titre, si le moulin est présent sur ces cartes.