En 1809, le Ministère de l’Intérieur du premier Empire napoléonien demande aux préfets d’établir par départements une statistique des moulins à blé. Ce travail, connu sous le nom de "statistique impériale", offre de précieuses informations sur l’état de la meunerie française à l’aube des Temps Modernes (cf. Rivals 2000).
953 moulins à eau en Côte d’Or, 3528 en Bourgogne
Quel était l’équipement en moulins de notre département et de notre région ? La statistique de 1809 nous apprend que la Côte d’Or comptait 953 moulins à eau (et 43 moulins à vent). Parmi les moulins à eau, 890 avaient une roue verticale (soit 93,4%) et 63 une roue horizontale.
Le département bourguignon le mieux pourvu n’était pas la Côte d’Or, qui arrive en 2e position, mais la Saône-et-Loire avec 1421 moulins à eau. Tous étaient ici à roue verticale. Vient ensuite la Nièvre avec 584 moulins à eau (dont 24 à roue horizontale), puis l’Yonne avec 570 moulins à eau (dont 37 à roue horizontale).
Au total, la Bourgogne de 1809 totalise donc 3528 moulins à eau. Si la densité peut paraître impressionnante, la Bourgogne est cependant loin d’être la région la mieux pourvue. A nombre de départements et superficie à peu près équivalents, l’Auvergne compte par exemple 5936 moulins en ce début de XIXe siècle. Les deux Normandie, pourtant peu montagneuses, totalisent 5114 moulins. La Franche-Comté voisine affiche 3603 moulins à eau, sur ses trois départements du Doubs, du Jura et de la Haute Saône.
Une décroissance progressive au cours des deux derniers siècles
Concernant la Côte d’Or, il est intéressant d’analyser l’évolution dans le temps des moulins (puis usines hydrauliques) en activité. Dans la statistique des moteurs hydrauliques de 1899, le nombre d’établissement est de 568. Le relevé de la taxe de statistique de 1921 précise que 451 moulins et usines sont encore en activité.
On observe donc une décroissance progressive des moulins en activité. Cette tendance s’explique par l’évolution technique de la meunerie, qui fut toujours de très loin la première activité de production associée aux moulins, et notamment par la généralisation de l’énergie fossile, d’abord sous la forme de la machine à vapeur (« pompe à feu ») alimentée au charbon, puis du moteur électrique dont l’énergie primaire sera fournie indifféremment par le charbon, le pétrole (fioul) ou le gaz.
Enseignements énergétiques et écologiques
Si nos ancêtres ne connaissaient pas les lois de la mécanique des fluides ou de l’hydraulique, ils possédaient néanmoins une expérience des usages de l’eau datant de la première révolution industrielle du Moyen Âge central, celle qui vit l’éclosion cistercienne dans nos contrées et la généralisation de la roue hydraulique. Cela signifie que les 3528 sites bourguignons équipés en 1809 étaient exploités car ils présentaient un intérêt énergétique justifiant le coût important de l’implantation d’un moulin.
C’est une bonne nouvelle dans la perspective contemporaine de la transition énergétique, car ces 3528 moulins historiques sont autant de sites potentiels pour l’implantation de micro-centrales hydroélectriques au fil de l’eau.
Du point de vue écologique, l’analyse des statistiques historiques n’est pas moins intéressante. Elle montre en effet que l’impact morphodynamique et piscicole de la micro-hydraulique au fil de l’eau a tendanciellement baissé (et non augmenté) au cours des deux derniers siècles. Il est difficile dans ces conditions d’attribuer aux moulins la responsabilité de la dégradation récente (essentiellement à partir de la seconde moitié du XXe siècle) de la qualité chimique, physique et biologique des cours d’eau bourguignons (ou français). Quand on analyse la dynamique de peuplement de certaines espèces repères, comme la truite, l’anguille ou l’écrevisse, on constate qu’il n’existe pas de corrélation avec la présence des moulins sur la rivière (voir cet exemple pour les écrevisses et cet exemple pour les truites).
Référence : Rivals Claude (2000), Le moulin et le meunier, 2 volumes, éditions Empreinte.
Illustrations : en haut, moulin à eau dans l’Encyclopédie ; en bas, l’ancien Foulon Marmillot à Semur-en-Auxois (rivière Armançon), un exemple de site abandonné depuis 1809 où la rivière a repris ses droits.
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