Grâce aux travaux de Françoise Wicker sur l'histoire des moulins du Cousin, nous disposons des dates de premières mentions des moulins concernés par le programme LIFE+ de restauration écologique de la rivière.
En voici le tableau, classé par ordre croissant d'apparition :
Tous les ouvrages sont fondés en titre
Les moulins du Cousin ont donc un présence attestée depuis 3 à 8 siècles, le plus récent d'entre eux apparaissant au tout début du XVIIIe siècle. Il est permis de tirer de cette remarquable ancienneté du patrimoine hydraulique du Cousin quelques réflexions.
Du point de vue juridique d'abord, tous les moulins du Cousin sont de droit d'eau fondé en titre, et seul un état de ruine complet de leurs ouvrages hydrauliques permettrait de nier leur caractère légal. Notre association aura prochainement l'occasion de le rappeler à la DDT 89, dont les services de police de l'eau ont entrepris de contester la validité de certains droits d'eau. Notre association est hélas! coutumière de cette posture, dont nous nous sommes déjà plaint jusqu'à la direction de tutelle des agents administratifs au Ministère de l'Ecologie, et que nous continuerons de combattre, y compris devant les tribunaux quand ce sera nécessaire.
L'impact morphologique des moulins est faible
Du point de vue écologique ensuite, et surtout, le bon sens indique que si les moulins du Cousin affectaient gravement la faune de la rivière, leurs effetsn'aurait pas attendu des centaines d'années pour se manifester.
En fait, il est très improbable que les altérations morphologiques des moulins (changements d'écoulement et de franchissabilité dus au seuil en rivière) entraînent un impact notable sur les populations de truites et de moules perlières. On sait en effet par des témoignages historiques assez robustes (cf les références citées dans nos travaux sur les moules et sur les truites) que ces espèces étaient observées dans la rivière à la fin du XIXe siècle, malgré la présence pluricentenaire des moulins. On sait aussi qu'au cours du XXe siècle, l'effet morphologique des moulins n'a fait que s'atténuer (ruine et disparition de certaines ouvrages, présence de brèches et échancrures facilitant le transit piscicole, etc.), et non pas s'amplifier. Cela signifie que la disparition progressive des moules et la raréfaction des truites s'expliquent très vraisemblablement par l'apparition d'autres facteurs limitants / dégradants au cours des 100 dernières années, et certainement pas par les modifications morphologiques modestes, présentes depuis fort longtemps et ayant créé un nouveau profil d'équilibre de la rivière dès les XVIIe-XVIIIe siècle. (A noter que ces observations valent pour d'autres espèces sensibles aux perturbations comme les écrevisses du Morvan, dont le déclin n'a aucune corrélation manifeste avec la densité des seuils).
Nos connaissances sont encore lacunaires
Parmi les causes d'altération piscicole méritant un examen, on peut citer notamment : réchauffement climatique (hausse de la T moyenne de l'air ayant des effets sur la T de l'eau par transfert thermique), changement quantitatif des prélèvements en eau pour les usages humains, pollution par les composés chimiques d'apparition récente (domestiques, agricoles, sylvicoles et industriels, ainsi que les micro-polluants médicamenteux), recalibrage du lit / modification des rives (avec effets sur les températures, les sédiments, les macro-invertébrés et les niches écologiques en berges), effets direct (prédation, surpêche, braconnage) et indirects (rempoissonnement d'élevage, introduction accidentelle d'espèces concurrentes et de pathogènes) de la pêche de loisir.
Il est remarquable que les deux bureaux d'études (BIOTEC et SIALIS) ayant procédé à l'étude du Cousin Aval n'ont pas développé de modèle de la rivière incluant l'ensemble de ces impacts que nous venons de mentionner (fût-ce pour les disqualifier, mais de manière scientifiquement robuste). Pas plus que ces bureaux d'étude (ni l'ONEMA) n'ont disposé d'un état zéro de la population piscicole assez ancien dans le temps pour juger de l'évolution réelle des truites et des moules, de sorte que la quantification même du déséquilibre piscicole est finalement absente (ou simplement présumée par des biotypologies posant des problèmes intrinsèques de méthode, cf nos observations à ce sujet sur la Tille).
Ces observations ne sont pas anodines pour l'avenir de la rivière :
- d'une part, les choix du Parc du Morvan en terme de restauration du Cousin doivent être proportionnés à l'importance des impacts ;
- d'autre part, dans le cadre du classement L1-L2 du Cousin prenant effet d'ici 2017, l'autorité en charge de l'eau (DDT, ONEMA) doit motiver ses demandes d'aménagements sur chaque site, dans le cadre d'une procédure contradictoire, avec des éléments de preuve sur la proportionnalité impact / solution.
Ne soyons pas amnésiques!
Pour conclure, les huit siècles (au moins) de présence des moulins dans la Vallée du Cousin devraient inciter les acteurs de la rivière à quelque humilité lorsqu'ils doivent prendre des décisions relatives à ce patrimoine. La dictature du court-terme et de l'urgence nous aveugle souvent et, sous prétexte que nous avons l'opportunité de quelques moyens juridiques et financiers, nous nous croyons libres de faire ce que nous voulons, sans consacrer trop de réflexion à la longue durée, vers le passé comme vers l'avenir. Mais l'amnésie n'enfante généralement que l'erreur!
La restauration du patrimoine hydraulique presque millénaire du Cousin et la réflexion sur de nouveaux usages adaptés aux enjeux de notre siècle seraient créatrices de valeur pour l'Avallonnais. L'enjeu mérite une large concertation entre les riverains, les élus, les gestionnaires de la rivière et les autorités administratives.
Restauration de la continuité écologique : c'est un moyen d'évacuer les nitrates et pesticides au plus vite en mer ? Seront-ils plus facilement résorbés et auront-ils moins d'effets néfastes dilués dans les estuaires ? Ou trouver des études sur les coûts et bénéfices de cette "grande chasse d'eau" ?
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