31/10/2014
Pétition pour soutenir le Moulin Maurice à Saint-Marc-sur-Seine
Après le Moulin du Boeuf à Bellenod-sur-Seine, c'est le Moulin Maurice de Saint-Marc-sur-Seine qui est en danger et qui risque de fermer son activité. Notre association participera aux côtés des élus locaux à la recherche d'une solution constructive. Pour donner du poids à notre action, soutenez massivement la pétition lancée par les derniers meuniers en activité de la Seine Amont. A voir aussi : reportage France 3 Bourgogne. Nous comptons sur vous !
28/10/2014
Décret du 1er juillet 2014: nouvelle tentative de l'Etat pour liquider les droits d'eau fondés en titre
Depuis 1790, les droits d’eau fondés en titre sont reconnus par l’Etat français et protégés par une jurisprudence administrative constante du Conseil d’Etat. On entend par « fondé en titre » le droit réel d’usage permettant à un moulin ou une usine d’exploiter la puissance de l’eau, pourvu que l’établissement existe de fait avant 1790 (abolition des droits féodaux) sur les rivières non domaniales, avant 1566 (Edit de Moulins) sur les rivières domaniales.
La copieuse jurisprudence des juridictions administratives montre que ce droit d’eau fondé en titre a fait l’objet de nombreuses et régulières attaques. Pourtant, le Conseil d’Etat a toujours maintenu avec fermeté le principe de protection de ce droit contre les manoeuvres abusives et arbitraires qui l’ont menacé au fil du temps. La haute juridiction a même consolidé ce droit d’eau fondé en titre en posant les conditions les plus strictes à son annulation pour cause de ruine ou de non-entretien.
Cette interprétation juridique forgée par deux siècles de réflexion des plus éminents de nos magistrats administratifs sera-t-elle maintenue ? Nous le saurons bientôt puisque plusieurs associations de moulins et de riverains se sont réunies pour déposer au Conseil d’Etat deux requêtes en annulation du décret n° 2014-750 du 1er juillet 2014 harmonisant la procédure d'autorisation des installations hydroélectriques avec celle des installations, ouvrages, travaux et activités prévue à l'article L. 214-3 du code de l'environnement.
Deux articles surtout mis en cause
Sont particulièrement en cause deux dispositions de ce décret. L’article 7 pose une nouvelle exigence : «Le confortement, la remise en eau ou la remise en exploitation d'installations ou d'ouvrages existants fondés en titre ou autorisés avant le 16 octobre 1919 pour une puissance hydroélectrique inférieure à 150 kW sont portés, avant leur réalisation, à la connaissance du préfet avec tous les éléments d'appréciation». L’article 17 stipule : «Sauf cas de force majeure ou de demande justifiée et acceptée de prorogation de délai, l'arrêté d'autorisation ou la déclaration cesse de produire effet lorsque l'installation n'a pas été mise en service, l'ouvrage n'a pas été construit ou le travail n'a pas été exécuté ou bien l'activité n'a pas été exercée, dans le délai fixé par l'arrêté d'autorisation, ou, à défaut, dans un délai de trois ans à compter du jour de la notification de l'autorisation ou de la date de déclaration.»
L’article 7 entend ainsi soumettre la reprise d’une production d’énergie sur un ouvrage de droit fondé en titre à l’appréciation (subjective) de l’autorité administrative, alors même que le principe du droit fondé en titre consiste à soustraire l’ouvrage de cette obligation générique d’autorisation – tout en respectant bien sûr les dispositions légales et règlementaires du droit de l’eau et de l’environnement.
L’article 17 quant à lui, interprété lato sensu pour les fondés en titre et non les seuls autorisés, aboutirait à prononcer la déchéance et l’annulation du droit d’eau au seul motif qu’il n’y a pas «activité» sur l’ouvrage hydraulique pendant 3 ans. Quant à savoir ce que le rédacteur entendait par «activité»… on appréciera le caractère très flou de ces textes – un flou auquel on reconnaît la patte si caractéristique de la Direction de l’eau et de la biodiversité du Ministère de l’Ecologie depuis une dizaine d’années.
Détruire le droit d'eau d'abord, détruire l'ouvrage ensuite
Que l’on assiste à une enième tentative de « liquider » les droits d’eau fondés en titre n’a rien de très étonnant, puisque les technocraties gestionnaires des rivières ont depuis longtemps ce supposé archaïsme dans la ligne de mire de leur prétendue modernité. Que cette tentative se masque de l’alibi d’une « modernisation » et « simplification » de l’action publique a quelque chose de pathétique, puisque les dispositions envisagées reviennent de toute évidence à alourdir un peu plus la complexité règlementaire qui assomme déjà toute initiative en rivière. Mais ce n’est pas comme si la parole publique restait crédible et audible après tant de contradictions entre ses dires et ses faits.
Pendant ce temps-là, le Ministère de l’Ecologie fête en grandes pompes et avec force langue de bois les 50 ans de la politique de l’eau – 50 ans d’échec et de dégradation sans précédent de la qualité de nos rivières. Mais tout n’est-il pas supposé aller mieux quand, après avoir détruit leur droit d’eau, on pourra détruire les ouvrages hydrauliques eux-mêmes ? Les technocraties gestionnaires s’en sont d’ores et déjà auto-persuadées, ce qui est d’autant plus simple qu’enfermées dans leurs bureaux et ne se parlant plus qu'à elles-mêmes, leurs élites n’ont pas trempé la botte dans un bief depuis longtemps.
Il reste qu’avant d’envoyer une pelleteuse dans une rivière d’Auxois-Morvan contre la volonté d’un maître d’ouvrage, il coulera encore beaucoup d’eau.
Photographies : destruction du barrage de La Mothe (Ellé, Finistère) en 2013 avec engins mécaniques en rivière malgré le référé en cours d’un tiers riverain et l’interdiction de cette pratique par l’arrêté préfectoral d’effacement, le tout sous les yeux des services instructeurs de l’Etat. L’image même du progrès, du droit et de la protection de l’environnement tels qu'on les entend désormais à la Direction de l’eau et de la biodiversité du Ministère de l’Ecologie.
La copieuse jurisprudence des juridictions administratives montre que ce droit d’eau fondé en titre a fait l’objet de nombreuses et régulières attaques. Pourtant, le Conseil d’Etat a toujours maintenu avec fermeté le principe de protection de ce droit contre les manoeuvres abusives et arbitraires qui l’ont menacé au fil du temps. La haute juridiction a même consolidé ce droit d’eau fondé en titre en posant les conditions les plus strictes à son annulation pour cause de ruine ou de non-entretien.
Cette interprétation juridique forgée par deux siècles de réflexion des plus éminents de nos magistrats administratifs sera-t-elle maintenue ? Nous le saurons bientôt puisque plusieurs associations de moulins et de riverains se sont réunies pour déposer au Conseil d’Etat deux requêtes en annulation du décret n° 2014-750 du 1er juillet 2014 harmonisant la procédure d'autorisation des installations hydroélectriques avec celle des installations, ouvrages, travaux et activités prévue à l'article L. 214-3 du code de l'environnement.
Deux articles surtout mis en cause
Sont particulièrement en cause deux dispositions de ce décret. L’article 7 pose une nouvelle exigence : «Le confortement, la remise en eau ou la remise en exploitation d'installations ou d'ouvrages existants fondés en titre ou autorisés avant le 16 octobre 1919 pour une puissance hydroélectrique inférieure à 150 kW sont portés, avant leur réalisation, à la connaissance du préfet avec tous les éléments d'appréciation». L’article 17 stipule : «Sauf cas de force majeure ou de demande justifiée et acceptée de prorogation de délai, l'arrêté d'autorisation ou la déclaration cesse de produire effet lorsque l'installation n'a pas été mise en service, l'ouvrage n'a pas été construit ou le travail n'a pas été exécuté ou bien l'activité n'a pas été exercée, dans le délai fixé par l'arrêté d'autorisation, ou, à défaut, dans un délai de trois ans à compter du jour de la notification de l'autorisation ou de la date de déclaration.»
L’article 7 entend ainsi soumettre la reprise d’une production d’énergie sur un ouvrage de droit fondé en titre à l’appréciation (subjective) de l’autorité administrative, alors même que le principe du droit fondé en titre consiste à soustraire l’ouvrage de cette obligation générique d’autorisation – tout en respectant bien sûr les dispositions légales et règlementaires du droit de l’eau et de l’environnement.
L’article 17 quant à lui, interprété lato sensu pour les fondés en titre et non les seuls autorisés, aboutirait à prononcer la déchéance et l’annulation du droit d’eau au seul motif qu’il n’y a pas «activité» sur l’ouvrage hydraulique pendant 3 ans. Quant à savoir ce que le rédacteur entendait par «activité»… on appréciera le caractère très flou de ces textes – un flou auquel on reconnaît la patte si caractéristique de la Direction de l’eau et de la biodiversité du Ministère de l’Ecologie depuis une dizaine d’années.
Détruire le droit d'eau d'abord, détruire l'ouvrage ensuite
Que l’on assiste à une enième tentative de « liquider » les droits d’eau fondés en titre n’a rien de très étonnant, puisque les technocraties gestionnaires des rivières ont depuis longtemps ce supposé archaïsme dans la ligne de mire de leur prétendue modernité. Que cette tentative se masque de l’alibi d’une « modernisation » et « simplification » de l’action publique a quelque chose de pathétique, puisque les dispositions envisagées reviennent de toute évidence à alourdir un peu plus la complexité règlementaire qui assomme déjà toute initiative en rivière. Mais ce n’est pas comme si la parole publique restait crédible et audible après tant de contradictions entre ses dires et ses faits.
Pendant ce temps-là, le Ministère de l’Ecologie fête en grandes pompes et avec force langue de bois les 50 ans de la politique de l’eau – 50 ans d’échec et de dégradation sans précédent de la qualité de nos rivières. Mais tout n’est-il pas supposé aller mieux quand, après avoir détruit leur droit d’eau, on pourra détruire les ouvrages hydrauliques eux-mêmes ? Les technocraties gestionnaires s’en sont d’ores et déjà auto-persuadées, ce qui est d’autant plus simple qu’enfermées dans leurs bureaux et ne se parlant plus qu'à elles-mêmes, leurs élites n’ont pas trempé la botte dans un bief depuis longtemps.
Il reste qu’avant d’envoyer une pelleteuse dans une rivière d’Auxois-Morvan contre la volonté d’un maître d’ouvrage, il coulera encore beaucoup d’eau.
Photographies : destruction du barrage de La Mothe (Ellé, Finistère) en 2013 avec engins mécaniques en rivière malgré le référé en cours d’un tiers riverain et l’interdiction de cette pratique par l’arrêté préfectoral d’effacement, le tout sous les yeux des services instructeurs de l’Etat. L’image même du progrès, du droit et de la protection de l’environnement tels qu'on les entend désormais à la Direction de l’eau et de la biodiversité du Ministère de l’Ecologie.
27/10/2014
Un des derniers meuniers de la Seine Amont menacé de fermeture d'activité
L'association Hydrauxois avait pourtant produit un rapport de conciliation à l'intention de M. le Sous-Préfet et des parties prenantes, mais rien n'y a fait : le Moulin Maurice (Saint-Marc-sur-Seine) est sous le coup d'une double procédure, liée à une plainte de voisinage d'une part, à une instruction DDT pour non-respect de consistance légale d'autre part. L'affaire est d'autant plus étrange que le moulin tourne à sa consistance légale actuelle (déterminée par un déversoir et une vanne bascule) depuis la fin des années 1980, période à laquelle la Commune de Saint-Marc avait financé la nouvelle vanne. A l'époque, les services instructeurs de l'Etat avaient autorisé ces travaux. Une solution constructive doit être recherchée pour éviter la fermeture du moulin, dans un Châtillonnais qui n'a pas besoin de cela en pleine crise économique et sociale. Le propriétaire est (légitimement) attaché au fonctionnement mécanique de son moulin, entraîné par une robuste turbine Ossberger (type cross-flow), présente depuis l'après-guerre, mais le niveau de la consistance légale estimé par l'administration ne permettrait pas cet usage. A suivre. Ci-dessous et à ce lien, la couverture de l'affaire par le Bien Public. Visitez aussi le site du Moulin Maurice.
17/10/2014
Impact nul sur la biodiversité et faible sur la qualité piscicole: une étude scientifique sur les barrages questionne les idées reçues
Kris Van Looy, Thierry Tormos et Yves Souchon travaillent à l’unité de recherche MALY (Milieux aquatiques, écologie et pollutions Lyon), sous tutelle Onema-Irstea. Ils viennent de publier dans la revue Ecological Indicators une étude aux conclusions très intéressantes pour la politique actuelle de restauration écologique des cours d’eau, en particulier pour l’estimation de l’impact biologique des modifications morphologiques associées aux seuils et barrages.
17.000 km de rivières, 5500 barrages, 6 critères d’analyse des obstacles à l’écoulement
En quelques mots, qu’ont fait les auteurs ? Dans le bassin de Loire, ils ont sélectionné un réseau de 17.000 km de linéaire, divisés en 4930 segments homogènes du point de vue géomorphologique. Ces sections de cours d’eau ont une longueur de 1 km en moyenne pour les petites rivières de tête de bassin, et de 20 km pour les cours d’eau plus larges des zones aval.
Sur ces 4930 points d’étude, les auteurs ont estimé les impacts à partir du référentiel SYRAH sur les pressions hydromorphologiques d’origine anthropique et naturelle, et de la banque de données CORINE sur les usages des sols. Plus particulièrement, les trois chercheurs ont utilisé le ROE (Référentiel des obstacles à l’écoulement) de l’Onema afin de construire un modèle fin d’impact des seuils et barrages : plus de 5500 de ces obstacles à l’écoulement sont présents sur le linéaire étudié.
Les auteurs ont intégré dans leur modèle le nombre absolu de barrages, leur densité normalisée, la densité rapportée à la pente du segment de rivière, la distance au barrage aval le plus proche et, à l’échelle régionale, le calcul de perte de l’indice Intégré de Connectivité (IIC) en fonction de la densité agrégée sur l’ensemble des segments connectés.
Ce modèle n’est pas complet puisqu’il ne dispose pas d’informations sur les hauteurs, débits réservés et équipements de franchissement (ou échancrures par vétusté) des barrages. Mais il offre néanmoins une grille très fine d’analyse au plan local comme au niveau du bassin versant. Et compte tenu de l’échantillonnage large, il permet des conclusions assez robustes.
IPR et I2M2 : les barrages n’ont pas d’effet très important sur les poissons et les macro-invertébrés (et aucun sur la biodiversité)
Du côté des indicateurs biologiques, Van Looy, Tormos et Souchon ont utilisé deux métriques : l’Indice Poissons Rivières (IPR), qui mesure la qualité piscicole, et l’Indice Invertébrés Multimétrique (I2M2), qui mesure la réponse des invertébrés (mollusques, bryozoaires, amphipodes, trichoptères, plécoptères, etc.) aux pressions. Ces indices sont eux-mêmes multifactoriels et les auteurs ont également analysé comment leurs composantes constitutives (5 pour l’I2M2, 7 pour l’IPR) varient en fonction des ouvrages hydrauliques.
Premier résultat notoire : le score global IPR ou I2M2 ne montre aucune corrélation significative (p<0.05) avec la densité locale de barrages. La corrélation n’apparaît qu’avec l’échelle supérieure de densité régionale (sur le bassin versant).
Deuxième résultat important : la variance globale des scores (R2) n’est que faiblement associée à la densité des barrages : 25% pour les macro-invertébrés, mais 12% seulement pour les poissons. Les auteurs rappellent au passage que ces valeurs se retrouvent ailleurs dans la littérature scientifique (Wang et al 2011, Bush et al 2012).
Troisième résultat à retenir : au sein des indices, les métriques de la biodiversité (NTE et DTI pour l’IPR, indice de Shannon et richesse taxonomique pour l’I2M2) ne répondent pas à la présence des barrages par des variations significatives. Là encore, les chercheurs avertissent que ce résultat n’est pas étonnant et que d’autres travaux ont trouvé un effet nul (Pohlon et al 2007) voir positif sur la richesse en espèces des zones impactées par des barrages (Maynard et Lane 2012).
Quatrième résultat intéressant : au sein de l’IPR, ce sont les espèces rhéophiles et lithophiles qui expliquent l’essentiel de la réponse observée (12%). Ce résultat ne s’observe pas seulement avec la densité locale, mais aussi au niveau du bassin versant.
Cinquième résultat enfin : les macro-invertébrés montrent un réponse plus forte à la densité de barrage dans les zones amont, alors que ce trait ne se retrouve pas pour les populations piscicoles.
Prudence et rigueur : un moratoire nécessaire des politiques publiques en matière d’obstacles à l’écoulement
Que peut-on déduire de cette recherche ? Une précédente étude sur le taux d’étagement (Chaplais 2010) avait montré que les seuils ont un impact, mais assez modéré. Cette étude était cependant sous-échantillonnée, ce qui n’est pas le cas de Van Looy et al 2014. Leur nouveau travail montre que :
Un moratoire paraît nécessaire sur l’application du classement des rivières au titre de la continuité écologique.
Référence : Van Looy, K., Tormos, T. & Souchon, Y. (2014) Disentangling dam impacts in river networks, Ecological Indicators ,37, pp. 10-20 DOI: 10.1016/j.ecolind.2013.10.006
17.000 km de rivières, 5500 barrages, 6 critères d’analyse des obstacles à l’écoulement
En quelques mots, qu’ont fait les auteurs ? Dans le bassin de Loire, ils ont sélectionné un réseau de 17.000 km de linéaire, divisés en 4930 segments homogènes du point de vue géomorphologique. Ces sections de cours d’eau ont une longueur de 1 km en moyenne pour les petites rivières de tête de bassin, et de 20 km pour les cours d’eau plus larges des zones aval.
Sur ces 4930 points d’étude, les auteurs ont estimé les impacts à partir du référentiel SYRAH sur les pressions hydromorphologiques d’origine anthropique et naturelle, et de la banque de données CORINE sur les usages des sols. Plus particulièrement, les trois chercheurs ont utilisé le ROE (Référentiel des obstacles à l’écoulement) de l’Onema afin de construire un modèle fin d’impact des seuils et barrages : plus de 5500 de ces obstacles à l’écoulement sont présents sur le linéaire étudié.
Les auteurs ont intégré dans leur modèle le nombre absolu de barrages, leur densité normalisée, la densité rapportée à la pente du segment de rivière, la distance au barrage aval le plus proche et, à l’échelle régionale, le calcul de perte de l’indice Intégré de Connectivité (IIC) en fonction de la densité agrégée sur l’ensemble des segments connectés.
Ce modèle n’est pas complet puisqu’il ne dispose pas d’informations sur les hauteurs, débits réservés et équipements de franchissement (ou échancrures par vétusté) des barrages. Mais il offre néanmoins une grille très fine d’analyse au plan local comme au niveau du bassin versant. Et compte tenu de l’échantillonnage large, il permet des conclusions assez robustes.
IPR et I2M2 : les barrages n’ont pas d’effet très important sur les poissons et les macro-invertébrés (et aucun sur la biodiversité)
Du côté des indicateurs biologiques, Van Looy, Tormos et Souchon ont utilisé deux métriques : l’Indice Poissons Rivières (IPR), qui mesure la qualité piscicole, et l’Indice Invertébrés Multimétrique (I2M2), qui mesure la réponse des invertébrés (mollusques, bryozoaires, amphipodes, trichoptères, plécoptères, etc.) aux pressions. Ces indices sont eux-mêmes multifactoriels et les auteurs ont également analysé comment leurs composantes constitutives (5 pour l’I2M2, 7 pour l’IPR) varient en fonction des ouvrages hydrauliques.
Premier résultat notoire : le score global IPR ou I2M2 ne montre aucune corrélation significative (p<0.05) avec la densité locale de barrages. La corrélation n’apparaît qu’avec l’échelle supérieure de densité régionale (sur le bassin versant).
Deuxième résultat important : la variance globale des scores (R2) n’est que faiblement associée à la densité des barrages : 25% pour les macro-invertébrés, mais 12% seulement pour les poissons. Les auteurs rappellent au passage que ces valeurs se retrouvent ailleurs dans la littérature scientifique (Wang et al 2011, Bush et al 2012).
Troisième résultat à retenir : au sein des indices, les métriques de la biodiversité (NTE et DTI pour l’IPR, indice de Shannon et richesse taxonomique pour l’I2M2) ne répondent pas à la présence des barrages par des variations significatives. Là encore, les chercheurs avertissent que ce résultat n’est pas étonnant et que d’autres travaux ont trouvé un effet nul (Pohlon et al 2007) voir positif sur la richesse en espèces des zones impactées par des barrages (Maynard et Lane 2012).
Quatrième résultat intéressant : au sein de l’IPR, ce sont les espèces rhéophiles et lithophiles qui expliquent l’essentiel de la réponse observée (12%). Ce résultat ne s’observe pas seulement avec la densité locale, mais aussi au niveau du bassin versant.
Cinquième résultat enfin : les macro-invertébrés montrent un réponse plus forte à la densité de barrage dans les zones amont, alors que ce trait ne se retrouve pas pour les populations piscicoles.
Prudence et rigueur : un moratoire nécessaire des politiques publiques en matière d’obstacles à l’écoulement
Que peut-on déduire de cette recherche ? Une précédente étude sur le taux d’étagement (Chaplais 2010) avait montré que les seuils ont un impact, mais assez modéré. Cette étude était cependant sous-échantillonnée, ce qui n’est pas le cas de Van Looy et al 2014. Leur nouveau travail montre que :
- les seuils et barrages ont un impact nul sur la biodiversité et faible sur l’indice de qualité piscicole (IPR) utilisé pour le rapportage de la directive-cadre européenne sur l’eau (DCE 2000) ;
- l'analyse scientifique des rivières, en particulier de leur dynamique hydrobiologique, reste un domaine d'étude dans l'enfance, avec relativement peu de modèles complets d'impact et peu de profondeur historique des données d'observation pour tester la robustesse des modèles ;
- les lois, arrêtés et plans de restauration de la continuité écologique ont été adoptés dans la précipitation, sans base scientifique robuste ;
- la communauté des chercheurs en hydrobiologie, hydromorphologie et hydro-écologie gagnerait à exprimer plus fortement la prudence et la rigueur propre à sa profession et, surtout, indispensable à la qualité et à la légitimité de la recherche scientifique ;
- le classement très large des rivières françaises occasionne des coûts considérables en destruction ou aménagement des barrages, sans avantages écologiques clairement mesurés ni comparaison avec d’autres mesures environnementales favorables à la qualité de l’eau.
Un moratoire paraît nécessaire sur l’application du classement des rivières au titre de la continuité écologique.
Référence : Van Looy, K., Tormos, T. & Souchon, Y. (2014) Disentangling dam impacts in river networks, Ecological Indicators ,37, pp. 10-20 DOI: 10.1016/j.ecolind.2013.10.006
03/10/2014
Cousin : bilan rapide de la réunion de concertation d'Avallon
La réunion organisée à Avallon le 29/09/2014 fut dans l'ensemble constructive. Une trentaine de personnes y ont participé : représentants de la DDT, du Parc du Morvan, du SIVU du Cousin, de la ville d'Avallon, des associations, et bien sûr propriétaires de moulins. Qu'ils en soient ici remerciés.
Le président de l'association Hydrauxois a exprimé les principaux blocages actuels de la politique de l'eau en France, dont on observe les conséquences directes sur le Cousin comme sur l'ensemble des rivières de la région : menace sur les droits d'eau, classement des rivières impliquant des aménagements écologiques très coûteux et peu subventionnés, choix privilégié de destruction du patrimoine historique, manque d'analyse du potentiel énergétique, défaut de robustesse scientifique sur la question de la morphologie et de son influence sur le bon état chimique / écologique au sens de la directive-cadre européenne sur l'eau (DCE 2000).
Parmi les points à retenir :
• la DDT a nié toute politique systématique de déchéance des droits d'eau ou d'animosité envers les moulins, et elle a rappelé qu'elle instruit les demandes de productions hydro-électriques qui lui parviennent. Toutefois, plusieurs propriétaires ont exprimé un ressenti différent, avec une manque de concertation, une perception de décisions parfois autoritaires et une trop grande complexité des évolutions règlementaires. Il a été convenu qu'il est nécessaire de poursuivre des réunions de travail avec les services instructeurs de l'Etat, pour trouver des solutions d'ici 2018, date d'échéance de l'obligation d'aménagement des seuils du Cousin. A signaler que l'Onema SD 89 n'avait pu envoyer de représentants.
• le Parc naturel régional du Morvan a tenu à rappeler qu'il n'a aucune responsabilité dans les lois actuelles sur l'eau et dans l'évolution des règlementations, son rôle étant d'assister quand il le peut les maîtres d'ouvrages. Par ailleurs, le Parc a précisé que le budget réel de 800 k€ pour le Cousin (au sein des 3 M€ de dotation globale) interdira d'aménager les 24 moulins du linéaire Natura 2000. Toutefois, le Parc a reconnu qu'une seule solution de passe à poissons sans arasement a été retenue (Moulin Léger), avec deux autres passes associées à une baisse conséquente du niveau de la retenue (remettant en question le droit d'eau des sites concernés). Les choix s'orientent plutôt vers les propriétaires qui acceptent l'arasement ou le dérasement de leur seuil, comme le moulin des Templiers. Il y a donc de facto une prime à l'effacement plutôt qu'à la solution de modernisation passe à poissons + vanne fonctionnelle.
Pour la suite, les propriétaires de moulins vont continuer de discuter avec le PNR du Morvan des aménagements possibles dans le cadre du programme LIFE+, qui arrive à échéance en 2015.
L'association Hydrauxois prépare déjà la prochaine étape, qui sera une concertation élargie à l'ensemble du Cousin et de ses affluents, avec cette fois tous les représentants publics : Agence de l'eau Seine-Normandie, DDT, Onema, Dreal, Ademe, élus des communes riveraines et syndicat de rivière. La situation actuelle liée au classement de la rivière sera très difficile à gérer, et comme la plupart des propriétaires sont prêts à se battre pour éviter la destruction de leurs ouvrages hydrauliques, le laisser-faire ne peut aboutir qu'à un pourrissement de la situation, avec des querelles procédurières et des contentieux. On observe déjà certains de ces conflits en Côte d'Or, hélas. Il est donc indispensable de chercher des issues constructives pour la patrimoine hydraulique, la continuité écologique et, pourquoi pas, la restauration énergétique d'un certain nombre de sites. Il est aussi urgent de trouver des solutions techniques de franchissement piscicole / sédimentaire à coût moindre que les budgets actuellement observés, hors de portée du financement public comme privé.
Le président de l'association Hydrauxois a exprimé les principaux blocages actuels de la politique de l'eau en France, dont on observe les conséquences directes sur le Cousin comme sur l'ensemble des rivières de la région : menace sur les droits d'eau, classement des rivières impliquant des aménagements écologiques très coûteux et peu subventionnés, choix privilégié de destruction du patrimoine historique, manque d'analyse du potentiel énergétique, défaut de robustesse scientifique sur la question de la morphologie et de son influence sur le bon état chimique / écologique au sens de la directive-cadre européenne sur l'eau (DCE 2000).
Parmi les points à retenir :
• la DDT a nié toute politique systématique de déchéance des droits d'eau ou d'animosité envers les moulins, et elle a rappelé qu'elle instruit les demandes de productions hydro-électriques qui lui parviennent. Toutefois, plusieurs propriétaires ont exprimé un ressenti différent, avec une manque de concertation, une perception de décisions parfois autoritaires et une trop grande complexité des évolutions règlementaires. Il a été convenu qu'il est nécessaire de poursuivre des réunions de travail avec les services instructeurs de l'Etat, pour trouver des solutions d'ici 2018, date d'échéance de l'obligation d'aménagement des seuils du Cousin. A signaler que l'Onema SD 89 n'avait pu envoyer de représentants.
• le Parc naturel régional du Morvan a tenu à rappeler qu'il n'a aucune responsabilité dans les lois actuelles sur l'eau et dans l'évolution des règlementations, son rôle étant d'assister quand il le peut les maîtres d'ouvrages. Par ailleurs, le Parc a précisé que le budget réel de 800 k€ pour le Cousin (au sein des 3 M€ de dotation globale) interdira d'aménager les 24 moulins du linéaire Natura 2000. Toutefois, le Parc a reconnu qu'une seule solution de passe à poissons sans arasement a été retenue (Moulin Léger), avec deux autres passes associées à une baisse conséquente du niveau de la retenue (remettant en question le droit d'eau des sites concernés). Les choix s'orientent plutôt vers les propriétaires qui acceptent l'arasement ou le dérasement de leur seuil, comme le moulin des Templiers. Il y a donc de facto une prime à l'effacement plutôt qu'à la solution de modernisation passe à poissons + vanne fonctionnelle.
Pour la suite, les propriétaires de moulins vont continuer de discuter avec le PNR du Morvan des aménagements possibles dans le cadre du programme LIFE+, qui arrive à échéance en 2015.
L'association Hydrauxois prépare déjà la prochaine étape, qui sera une concertation élargie à l'ensemble du Cousin et de ses affluents, avec cette fois tous les représentants publics : Agence de l'eau Seine-Normandie, DDT, Onema, Dreal, Ademe, élus des communes riveraines et syndicat de rivière. La situation actuelle liée au classement de la rivière sera très difficile à gérer, et comme la plupart des propriétaires sont prêts à se battre pour éviter la destruction de leurs ouvrages hydrauliques, le laisser-faire ne peut aboutir qu'à un pourrissement de la situation, avec des querelles procédurières et des contentieux. On observe déjà certains de ces conflits en Côte d'Or, hélas. Il est donc indispensable de chercher des issues constructives pour la patrimoine hydraulique, la continuité écologique et, pourquoi pas, la restauration énergétique d'un certain nombre de sites. Il est aussi urgent de trouver des solutions techniques de franchissement piscicole / sédimentaire à coût moindre que les budgets actuellement observés, hors de portée du financement public comme privé.
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