06/11/2014

Protéger l'anguille pour mieux la pêcher... l'incohérence du Ministère de l'Ecologie a-t-elle une limite?

Le Ministère de l'Ecologie a décidé de doubler le quota de civelles (juvéniles des anguilles) destinées à la commercialisation, cela alors même que l'anguille est considérée comme une espèce menacée dans les cours d'eau français et européens, à la suite de sa raréfaction brutale depuis le début des années 1980 (voir la fiche INPN de cette espèce).

Dans un communiqué (pdf), la FNPF exprime son désaccord sur ce choix gouvernemental, tout en soulignant qu'il n'existe toujours aucun retour d'évaluation sur le Plan de gestion de l'anguille.

En Yonne et Côte d'Or, la rivière Armançon a été classée en liste 2 au titre de la continuité écologique (art 214-17 C env.) avec l'anguille comme principal enjeu migrateur amphihalin. Le Ministère de l'Ecologie et l'Agence de l'eau imposent donc des effacements d'ouvrages ou des aménagements coûteux sur le bassin de Seine Amont pendant qu'ils délivrent un blanc-seing de prédation sur le bassin de Seine Aval et autres zones estuariennes.

Cette incohérence, où seul surnage le poids de plus en plus manifeste des lobbies dans la politique de l'eau, serait risible si ses conséquences n'étaient pas aussi graves pour le patrimoine hydraulique de nos territoires, et pour les propriétaires désemparés des ouvrages menacés.  Et également pour l'anguille, bien sûr, espèce dont le recrutement reste très faible dans les rivières malgré une petite amélioration récente. Rappelons que les ouvrages hydrauliques de l'Armançon étant présents depuis un à huit siècles, il est peu probable qu'ils soient la cause d'un déclin essentiellement documenté depuis 30 ans.  Rappelons aussi que les pêcheurs avaient autorisation de traquer l'anguille comme espèce "nuisible" dans les rivières de première catégorie jusque dans les années 1980, de sorte que leurs fédérations à la mémoire courte ne sont pas toujours les mieux placées pour donner des leçons de bonnes pratiques...

Photo : Wikimedia, CC

A lire sur le sujet : l'excellent ouvrage d'Eric Feunteun (2012), Le rêve de l'anguille, Buchet-Castel. Un des meilleurs spécialistes internationaux de l'anguille expose de manière précise et vivante nos connaissances sur l'espèce, ainsi que les enjeux de sa protection.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire