31/12/2014
21/12/2014
Nilsson et al 2014: pourquoi la restauration écologique des rivières produit-elle des échecs?
Le Pr Christer Nilsson nous a fait parvenir une intéressante étude de son groupe de recherche à l'Université d'Umel, Suède (Département d'écologie et science de l'environnement). Le travail a consisté à examiner l'efficacité des opérations de restauration écologique menées sur des petites rivières boréales, en région finlandaise et suédoise.
Pourquoi cet objectif de recherche ? C. Nilsson et ses collègues rappellent qu'un certain nombre d'études récentes ont questionné l'efficacité de la réponse biotique aux opérations de restauration morphologique. Ainsi Jähnig et al 2010 comme Palmer et al 2010 ont dressé des constats d'échec partiel sur les effets l'ingénierie hydromorphologique – par exemple, deux rivières seulement sur 104 qui montrent une réponse des macro-invertébrés.
Analyser la réponse des milieux dans le cas des cours d'eau scandinaves
Poursuivant dans cette veine d'analyse critique de la restauration des rivières telle qu'elle est incitée par certaines interprétations de la Directive cadre européenne sur l'eau 2000, les chercheurs scandinaves ont sélectionné 18 études de rivières présentant le même profil : jadis modifiées pour le flottage du bois, ces rivières ont ensuite été abandonnées à elles-mêmes, puis ont fait l'objet de restauration fonctionnelle. Leur environnement ne montre plus d'impact anthropique majeur.
Les facteurs pris en compte ont été la réponse abiotique (complexité / rugosité de l'écoulement vitesse de l'eau, capacité de rétention sédimentaire) et la réponse biotique (poissons, macro-invertébrés, végétation aquatique et rivulaire). Le temps de réponse du milieu allait de 1 mois à 24 ans dans ces études.
Résultat : la majorité des études constatent un effet abiotique c'est-à-dire un changement dans la dynamique et la morphologie (vitesse plus lente de l'eau, écoulements plus variés, rugosité plus forte du lit, etc.). Mais la réponse du vivant est beaucoup moins évidente : une seule étude sur 8 montre un résultat sur les invertébrés ; une sur 5 une réponse positive des populations piscicoles ; la végétation est un peu plus "répondante" avec 2 succès sur 4.
Pas de réponse consistante sur une période de 24 ans... 7 hypothèses
Et les auteurs de conclure : "Bien que les chenaux restaurés au nord de la Fennoscandie soit devenus plus larges avec une rugosité plus marquée et des vitesses d'écoulement moindres, la communauté biotique n'a pas montré de réponse consistante sur la période examinée de 24 ans".
De manière très intéressante, Christer Nilsson et ses co-auteurs proposent à la communauté scientifique 7 pistes de travail pour analyser ces situations d'échec, en forme d'hypothèses non excluisves :
- les objectifs de restauration sont trop médiocrement définis;
- les facteurs limitants des populations cibles sont trop mal connus ou pris en compte ;
- des méthodes standardisées de suivis et mesures n'ont pas été prévues (ou respectées) ;
- les espèces choisies ne sont pas représentatives / indicatives des communautés d'intérêt ;
- des pools de population susceptibles de recoloniser le milieu n'étaient pas présents à taille critique ;
- le temps écoulé depuis la restauration est trop court ;
- le retour à l'équilibre biotique a déjà eu lieu (les populations présentes au moment de la restauration étaient à l'optimum des sites concernés).
Ces travaux sont passionnants pour la recherche comme pour les amoureux des rivières. Nous l'avons dit et répété ici, hydro-écologie hydrobiologie et hydromorphologie sont encore des disciplines jeunes, qui ont beaucoup à apprendre comme à nous apprendre en vue de mieux respecter les équilibres des milieux naturels aquatiques.
La politique française de l'eau doit sortir de son dogmatisme
Mais on se permettra bien sûr une conclusion plus concrète sur la politique de l'eau. En effet, rappelons qu'outre les travaux cités dans cet article, les études montrant l'impact relativement faible du volet morphologique sur la volet biologique de qualité de l'eau s'accumulent désormais (voir ici Dahm et L 2013, Haase 2013 ou ici Van Looy 2014), et cela alors même qu'en France, les Agences de l'eau ont engagé un budget de plus de 2 milliards d'euros sur la restauration fonctionnelle des rivières. En particulier, le patrimoine hydraulique formé par des dizaines de milliers de seuils, chaussées et barrages de moulins est menacé aujourd'hui de destruction pure et simple, à la pelleteuse et au bulldozer. Cela pour des résultats écologiques manifestement non garantis, avec une probable non-atteinte des critères de qualité DCE 2000 (condamnation à venir de la France, comme déjà pour la directive nitrates) et au prix d'une incroyable perte de valeur en terme patrimonial, paysager et énergétique.
La Direction de l'eau et de la biodiversité du Ministère de l'Ecologie doit immédiatement réviser ses priorités sur les rivières si elle ne veut pas être tenue plus longtemps pour responsable de ce naufrage français en matière de qualité de l'eau et des milieux aquatiques. Et toute restauration morphologique impliquant des destructions doit faire l'objet d'un moratoire, le temps que des analyses coût-bénéfice plus sérieuses soient menées sur ces questions. Après le dogme administratif, la cécité idéologique et la pression lobbyiste, place à la prudence, au doute et à l'enquête scientifiques dans un climat plus serein. Avec toujours à l'esprit les mesures les plus efficaces et les plus responsables pour améliorer l'état de nos cours d'eau.
Référence : Nilsson C et al (2014), Riparian and instream restoration of boreal streams and rivers: success or failure?, Ecohydrology, doi: 10.1002/eco.1480
Illustrations : ©Nilsson et al 2014, extraits de l'article de recherche montrant quelques exemples des hydrosystèmes analysés.
Pourquoi cet objectif de recherche ? C. Nilsson et ses collègues rappellent qu'un certain nombre d'études récentes ont questionné l'efficacité de la réponse biotique aux opérations de restauration morphologique. Ainsi Jähnig et al 2010 comme Palmer et al 2010 ont dressé des constats d'échec partiel sur les effets l'ingénierie hydromorphologique – par exemple, deux rivières seulement sur 104 qui montrent une réponse des macro-invertébrés.
Analyser la réponse des milieux dans le cas des cours d'eau scandinaves
Poursuivant dans cette veine d'analyse critique de la restauration des rivières telle qu'elle est incitée par certaines interprétations de la Directive cadre européenne sur l'eau 2000, les chercheurs scandinaves ont sélectionné 18 études de rivières présentant le même profil : jadis modifiées pour le flottage du bois, ces rivières ont ensuite été abandonnées à elles-mêmes, puis ont fait l'objet de restauration fonctionnelle. Leur environnement ne montre plus d'impact anthropique majeur.
Les facteurs pris en compte ont été la réponse abiotique (complexité / rugosité de l'écoulement vitesse de l'eau, capacité de rétention sédimentaire) et la réponse biotique (poissons, macro-invertébrés, végétation aquatique et rivulaire). Le temps de réponse du milieu allait de 1 mois à 24 ans dans ces études.
Résultat : la majorité des études constatent un effet abiotique c'est-à-dire un changement dans la dynamique et la morphologie (vitesse plus lente de l'eau, écoulements plus variés, rugosité plus forte du lit, etc.). Mais la réponse du vivant est beaucoup moins évidente : une seule étude sur 8 montre un résultat sur les invertébrés ; une sur 5 une réponse positive des populations piscicoles ; la végétation est un peu plus "répondante" avec 2 succès sur 4.
Pas de réponse consistante sur une période de 24 ans... 7 hypothèses
Et les auteurs de conclure : "Bien que les chenaux restaurés au nord de la Fennoscandie soit devenus plus larges avec une rugosité plus marquée et des vitesses d'écoulement moindres, la communauté biotique n'a pas montré de réponse consistante sur la période examinée de 24 ans".
De manière très intéressante, Christer Nilsson et ses co-auteurs proposent à la communauté scientifique 7 pistes de travail pour analyser ces situations d'échec, en forme d'hypothèses non excluisves :
- les objectifs de restauration sont trop médiocrement définis;
- les facteurs limitants des populations cibles sont trop mal connus ou pris en compte ;
- des méthodes standardisées de suivis et mesures n'ont pas été prévues (ou respectées) ;
- les espèces choisies ne sont pas représentatives / indicatives des communautés d'intérêt ;
- des pools de population susceptibles de recoloniser le milieu n'étaient pas présents à taille critique ;
- le temps écoulé depuis la restauration est trop court ;
- le retour à l'équilibre biotique a déjà eu lieu (les populations présentes au moment de la restauration étaient à l'optimum des sites concernés).
Ces travaux sont passionnants pour la recherche comme pour les amoureux des rivières. Nous l'avons dit et répété ici, hydro-écologie hydrobiologie et hydromorphologie sont encore des disciplines jeunes, qui ont beaucoup à apprendre comme à nous apprendre en vue de mieux respecter les équilibres des milieux naturels aquatiques.
La politique française de l'eau doit sortir de son dogmatisme
Mais on se permettra bien sûr une conclusion plus concrète sur la politique de l'eau. En effet, rappelons qu'outre les travaux cités dans cet article, les études montrant l'impact relativement faible du volet morphologique sur la volet biologique de qualité de l'eau s'accumulent désormais (voir ici Dahm et L 2013, Haase 2013 ou ici Van Looy 2014), et cela alors même qu'en France, les Agences de l'eau ont engagé un budget de plus de 2 milliards d'euros sur la restauration fonctionnelle des rivières. En particulier, le patrimoine hydraulique formé par des dizaines de milliers de seuils, chaussées et barrages de moulins est menacé aujourd'hui de destruction pure et simple, à la pelleteuse et au bulldozer. Cela pour des résultats écologiques manifestement non garantis, avec une probable non-atteinte des critères de qualité DCE 2000 (condamnation à venir de la France, comme déjà pour la directive nitrates) et au prix d'une incroyable perte de valeur en terme patrimonial, paysager et énergétique.
La Direction de l'eau et de la biodiversité du Ministère de l'Ecologie doit immédiatement réviser ses priorités sur les rivières si elle ne veut pas être tenue plus longtemps pour responsable de ce naufrage français en matière de qualité de l'eau et des milieux aquatiques. Et toute restauration morphologique impliquant des destructions doit faire l'objet d'un moratoire, le temps que des analyses coût-bénéfice plus sérieuses soient menées sur ces questions. Après le dogme administratif, la cécité idéologique et la pression lobbyiste, place à la prudence, au doute et à l'enquête scientifiques dans un climat plus serein. Avec toujours à l'esprit les mesures les plus efficaces et les plus responsables pour améliorer l'état de nos cours d'eau.
Référence : Nilsson C et al (2014), Riparian and instream restoration of boreal streams and rivers: success or failure?, Ecohydrology, doi: 10.1002/eco.1480
Illustrations : ©Nilsson et al 2014, extraits de l'article de recherche montrant quelques exemples des hydrosystèmes analysés.
20/12/2014
Révision des SDAGE 2015 : participez !
Les SDAGE (schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux) fixent pour 5 ans les grands choix politiques et économiques sur l'eau, en particulier les rivières. Ils sont en cours de renouvellement en 2015 avec concertation du public, cela sur chacun des grands bassins versants hydrographiques (Seine-Normandie, Loire-Bretagne, Adour-Garonne, etc.).
Vous pouvez lire cette page pour la présentation générale des consultations. Ensuite, il vous faut cliquer sur la carte, aller sur le site de l'Agence de l'eau de votre bassin et retrouver la bonne page, exemple ici en Seine-Normandie.
Nous conseillons vivement à toutes les associations, mais aussi à tous les particuliers riverains et maîtres d'ouvrage ainsi qu'à tous les élus de déposer des avis. Ces participations seront très précieuses pour changer les orientations de la politique de l'eau et témoigner des innombrables problèmes rencontrés en rivière.
Les axes sur lesquels nous nous battrons en tant qu'association, en interpellant directement les Comités de bassin, sont les suivants:
Dans les prochains mois, mobilisez-vous massivement à nos côtés, participez et faites participer tous vos proches !
Vous pouvez lire cette page pour la présentation générale des consultations. Ensuite, il vous faut cliquer sur la carte, aller sur le site de l'Agence de l'eau de votre bassin et retrouver la bonne page, exemple ici en Seine-Normandie.
Nous conseillons vivement à toutes les associations, mais aussi à tous les particuliers riverains et maîtres d'ouvrage ainsi qu'à tous les élus de déposer des avis. Ces participations seront très précieuses pour changer les orientations de la politique de l'eau et témoigner des innombrables problèmes rencontrés en rivière.
Les axes sur lesquels nous nous battrons en tant qu'association, en interpellant directement les Comités de bassin, sont les suivants:
- un moratoire à effet immédiat sur la mise en oeuvre des effacements dans le cadre du 214-17 C env
- une étude de risque à l'échelle de tous les bassins versants avant le moindre effacement d'ouvrage (risques milieux, biens et personnes liés aux changements globaux d'écoulement par cumul des actions locales sur les seuils, barrages et digues)
- une analyse coût-avantage sur les opérations de restauration écologique déjà menées sur chaque bassin afin d'optimiser la dépense publique des Agences
- un changement de la politique de subvention avec soutien plus élevé et moins limitatif aux dispositifs de franchissement sédimentaire / piscicole (au minimum 50% de subvention Agences sans condition sur les usages du seuil + complément Région)
- une valorisation du potentiel hydro-électrique dans le cadre de la transition énergétique et de l'égalité des territoires
- une meilleure prise en compte de l'ensemble des dimensions de la rivière, ce qui inclut outre l'énergie et l'écologie, le patrimoine, le paysage, les loisirs, les usages
- une transparence et une accessibilité totales à l'ensemble des données sur l'eau, à savoir les mesures (mises à jour) des volets chimique, physico-chimique, biologique et morphologique de la qualité des rivières.
Dans les prochains mois, mobilisez-vous massivement à nos côtés, participez et faites participer tous vos proches !
19/12/2014
13/12/2014
Elle tourne! Première vis d'Archimède en activité en Bourgogne
La vis d'Archimède, dite aussi vis hydrodynamique, est un procédé de production d'hydro-électricité apparu voici une quinzaine d'années. Notre association y a consacré un dossier complet (voir ici). En ce mois de décembre 2014, la première vis d'Archimède bourguignonne a commencé à injecter ses MWh sur le réseau. Elle est située à Champdôtre sur la Tille. Bravo au maître d'oeuvre de ce vaste chantier, le dynamique Paul Joliet, et à l'Ademe pour son fidèle soutien aux énergies renouvelables de nos territoires. Ci-dessous, photos du site. A comparer avec celles de notre dernière visite à l'automne.
08/12/2014
De Sivens en Sélune… la GEMAPI et l'introuvable démocratie des rivières
Gestion de l'eau, des milieux aquatiques et prévention des inondations : sous le label très administratif de la GEMAPI se tient une importante mutation en cours. L'Etat transfère à compter de 2016 la gestion des rivières au bloc communal, soit le plus petit échelon des collectivités locales (voir par exemple ici). Quelles vont être les conséquences?
D'abord, si les métropoles et les grandes agglomérations disposent de compétences techniques et de moyens financiers, ce n'est pas le cas des collectivités rurales, très majoritaires en nombre comme en linéaire de rivières. Donc concrètement, ce sont les syndicats de gestion des rivières (EPAGE, EPTB) qui vont prendre de l'importance dans les années à venir (voir ici le peu d'appétit des communes pour ce cadeau empoisonné).
Ensuite, pour gérer une rivière, il faut justement des moyens. Et des moyens d'autant plus importants que l'eau a connu une explosion réglementaire depuis 15 ans, avec d'innombrables obligations de qualité, de contrôle et de surveillance, qui ont toutes des coûts. Comme l'Etat transfère la compétence mais réduit dans le même temps la dotation aux collectivités, la GEMAPI devrait donc se traduire par une nouvelle taxe locale. Cette nouvelle taxe est supposée être plafonnée à un montant annuel de 40 € par habitant, elle est encadrée par l'article L. 211-7-2 du Code de l’environnement .
Enfin, et en conséquence des points précédents, la GEMAPI va exiger une révolution démocratique dans la gestion de la rivière. Actuellement règnent l'opacité et le formalisme : la composition des commissions locales de l'eau (quand elles existent grâce à un SAGE) est rigide et fixée par le Préfet, les vraies décisions se prennent en tout petit comité fermé (direction des EPAGE / EPTB, Agence de l'eau, Misen, DDT, Onema, Dreal), la complexité apparente des sujets et de leur jargon produit l'indifférence des élus et des citoyens, les réunions d'information et de concertation du public sont minimalistes voire inexistantes, les consultations donnent des résultats désespérément faibles en participation tout comme les enquêtes publiques sont devenues des formalités peu suivies, car peu susceptibles de modifier des projets soumis à enquête. Continuer sur cette voie, alors qu'on va lever un nouvel impôt et que la pertinence des dépenses des syndicats est déjà fortement remise en question, c'est la garantie d'une conflictualité croissante sur les rivières.
Du barrage de Sivens dans le Tarn aux barrages de la Sélune en Normandie en passant par le Center Parcs de Roybon en zone humide, on observe déjà des premiers exemples de cette insurrection latente. A plus petite échelle, nos associations sont engagées dans de vifs débats sur les choix des syndicats et de l'Etat sur le Cousin, sur l'Armançon, sur la Seine, sur la Bèze… et la liste ne cesse de s'allonger à mesure que les riverains et leurs élus découvrent, effarés, le manque de réalisme de la politique de l'eau et son éloignement des préoccupations essentielles.
Les positions contradictoires et imprévisibles de l'Etat sur le dossier eau (noyer des zones humides sous le béton à Sivens pendant qu'on détruit des moulins centenaires, engager la destruction des barrages normands de la Sélune puis reconnaître que la dépense est absurdement élevée, sortir du chapeau le serpent de mer de la promesse jamais tenue du referendum local, etc.) indiquent assez que, même au sommet – surtout au sommet –, on ne sait plus trop comment gérer un dossier que l'on a soi-même rendu explosif.
Plus elles gagnent en pouvoir de décision et d'action sur nos cadres de vie, plus les technocraties gestionnaires de rivières devront rendre des comptes et s'ouvrir au débat démocratique. Si elles ne le font pas, elles en paieront le prix : désaffection de certaines collectivités n'ayant plus d'intérêt à adhérer à un syndicat qui détruit leur paysage de vallée ou de capacité à assumer des obligations bien trop lourdes, multiplication des contentieux judiciaires, blocage des projets par voie de manifestation ou par voie procédurale, actions de rue parfois violentes comme ultimes moyens de se faire entendre pour certains usagers désespérés comme pour les protecteurs de l'environnement.
Les rivières débordent souvent. Les riverains parfois…
Illustrations : crues 2013 de l'Armançon, une rivière gérée par un Syndicat (SIRTAVA) manifestant peu d'intérêt pour la concertation démocratique, un franc mépris pour les associations ne pensant pas comme lui et dont bon nombre de réunions sont annulées... faute de quorum.
D'abord, si les métropoles et les grandes agglomérations disposent de compétences techniques et de moyens financiers, ce n'est pas le cas des collectivités rurales, très majoritaires en nombre comme en linéaire de rivières. Donc concrètement, ce sont les syndicats de gestion des rivières (EPAGE, EPTB) qui vont prendre de l'importance dans les années à venir (voir ici le peu d'appétit des communes pour ce cadeau empoisonné).
Ensuite, pour gérer une rivière, il faut justement des moyens. Et des moyens d'autant plus importants que l'eau a connu une explosion réglementaire depuis 15 ans, avec d'innombrables obligations de qualité, de contrôle et de surveillance, qui ont toutes des coûts. Comme l'Etat transfère la compétence mais réduit dans le même temps la dotation aux collectivités, la GEMAPI devrait donc se traduire par une nouvelle taxe locale. Cette nouvelle taxe est supposée être plafonnée à un montant annuel de 40 € par habitant, elle est encadrée par l'article L. 211-7-2 du Code de l’environnement .
Enfin, et en conséquence des points précédents, la GEMAPI va exiger une révolution démocratique dans la gestion de la rivière. Actuellement règnent l'opacité et le formalisme : la composition des commissions locales de l'eau (quand elles existent grâce à un SAGE) est rigide et fixée par le Préfet, les vraies décisions se prennent en tout petit comité fermé (direction des EPAGE / EPTB, Agence de l'eau, Misen, DDT, Onema, Dreal), la complexité apparente des sujets et de leur jargon produit l'indifférence des élus et des citoyens, les réunions d'information et de concertation du public sont minimalistes voire inexistantes, les consultations donnent des résultats désespérément faibles en participation tout comme les enquêtes publiques sont devenues des formalités peu suivies, car peu susceptibles de modifier des projets soumis à enquête. Continuer sur cette voie, alors qu'on va lever un nouvel impôt et que la pertinence des dépenses des syndicats est déjà fortement remise en question, c'est la garantie d'une conflictualité croissante sur les rivières.
Du barrage de Sivens dans le Tarn aux barrages de la Sélune en Normandie en passant par le Center Parcs de Roybon en zone humide, on observe déjà des premiers exemples de cette insurrection latente. A plus petite échelle, nos associations sont engagées dans de vifs débats sur les choix des syndicats et de l'Etat sur le Cousin, sur l'Armançon, sur la Seine, sur la Bèze… et la liste ne cesse de s'allonger à mesure que les riverains et leurs élus découvrent, effarés, le manque de réalisme de la politique de l'eau et son éloignement des préoccupations essentielles.
Les positions contradictoires et imprévisibles de l'Etat sur le dossier eau (noyer des zones humides sous le béton à Sivens pendant qu'on détruit des moulins centenaires, engager la destruction des barrages normands de la Sélune puis reconnaître que la dépense est absurdement élevée, sortir du chapeau le serpent de mer de la promesse jamais tenue du referendum local, etc.) indiquent assez que, même au sommet – surtout au sommet –, on ne sait plus trop comment gérer un dossier que l'on a soi-même rendu explosif.
Plus elles gagnent en pouvoir de décision et d'action sur nos cadres de vie, plus les technocraties gestionnaires de rivières devront rendre des comptes et s'ouvrir au débat démocratique. Si elles ne le font pas, elles en paieront le prix : désaffection de certaines collectivités n'ayant plus d'intérêt à adhérer à un syndicat qui détruit leur paysage de vallée ou de capacité à assumer des obligations bien trop lourdes, multiplication des contentieux judiciaires, blocage des projets par voie de manifestation ou par voie procédurale, actions de rue parfois violentes comme ultimes moyens de se faire entendre pour certains usagers désespérés comme pour les protecteurs de l'environnement.
Les rivières débordent souvent. Les riverains parfois…
Illustrations : crues 2013 de l'Armançon, une rivière gérée par un Syndicat (SIRTAVA) manifestant peu d'intérêt pour la concertation démocratique, un franc mépris pour les associations ne pensant pas comme lui et dont bon nombre de réunions sont annulées... faute de quorum.