Depuis des années, nous entendions sur le terrain les représentants des Agences de l'eau, des syndicats de rivière, des DDT et de l'Onema répéter que la France devait atteindre le "bon état écologique des masses d'eau en 2015". Et plaider pour l'urgence qu'il y avait (paraît-il) à effacer les seuils ou barrages, derniers obstacles non seulement à l'écoulement de l'eau, mais à la reconquête de sa qualité. Les mêmes nous disaient que les pollutions chimiques étaient déjà traitées, donc que la morphologie devenait la priorité. Nous sommes en 2015 : qu'en est-il réellement du bon état des masses d'eau et des mesures prises pour l'atteindre? On nous mentait, l'Union européenne le démontre dans son analyse de la politique française...
La France doit rapporter à l'Union européenne l'état d'avancement de ses mesures afin d'atteindre ce fameux bon état écologique des rivières. On peut lire le rapport de la Commission européenne sur la copie française au lien donné en référence en bas de cet article. Voici quelques observations au sujet de ce rapport. Nous indiquons d'abord dans le schéma ci-dessous (cliquer pour agrandir) le code des bassins hydrographiques permettant au lecteur de s'y retrouver par la suite. Par exemple, FRH désigne le bassin Seine-Normandie dans les graphiques.
Les données ci-dessous concernent les efforts accomplis par la France entre 2009 et 2012 (pour les dépenses) et l'état d'avancement des mesures essentielles (rapportage consolidé en 2013 et évalué en 2014). La France a en effet annoncé des mesures à l'Union européenne en 2009, et celle-ci contrôle si les engagements sont tenus. (Chaque graphe peut être cliqué pour agrandir.)
Réduction des nutriments (nitrates, etc.) : deux-tiers (65%) des engagements non tenus, pour 1,6 milliard d'euros (ci-dessus)
Dans ce domaine exigible depuis la directive Nitrates de 1991, et rappelé dans la directive-cadre sur l'eau DCE 2000, la France a dépense 1,583 milliard d'euros entre 2009 et 2012. Mais 65% des mesure n'ont pas commencé (rouge) et 12% seulement sont achevées (vert), les autres état en cours. Certains bassins comme la Loire et la Meuse sont particulièrement en retard avec près de 80% d'actions toujours pas engagées.
Réduction des pesticides : deux tiers (67%) des engagements non tenus, pour 1,9 milliard d'euros (ci-dessus)
La France a engagé un train de mesures de 1,945 milliard d'euros pour limiter l'usage des pesticides. Mais à la date du rapportage, 67% de ces mesures n'étaient toujours pas engagées (rouge) et 12% seulement étaient complétées (vert). La Meuse, le Rhin, la Loire et la Seine sont particulièrement en retard, avec parfois plus de 90% des mesures restées dans les cartons.
Hydromorphologie lié à la continuité longitudinale : 95% des opérations engagées, pour 0,4 milliard d'euros (ci-dessus)
La France a proposé des mesures de continuité longitudinale (effacement ou aménagement d'obstacles à l'écoulement) à hauteur de 384 millions d'euros et 5% seulement des mesures n'avaient pas démarré en 2012. 67% sont en cours, 23% en phase projet et 4% achevées.
Hydromorphologie autre que la continuité longitudinale : 96% des opérations engagées, pour 2,6 milliards d'euros (ci-dessus)
Les sommes engagées dans l'hydromorphologie pour motifs autres que la question des seuils et barrages atteignent le montant remarquablement élevé de 2,597 milliards d'euros. 4% seulement des opérations ne sont pas engagées, 78% en cours, 12% en phase projet et 6% achevé.
Qualité des analyses de l'état écologique / chimique des rivières : près de la moitié des mesures non engagées, pour 0,17 milliards d'euros (ci-dessus)
La mesure des indicateurs de qualité de l'eau (chimique, biologique, physico-chimique et morphologie) s'est vue allouer un budget de 170 millions d'euros. Mais 41% des mesures ne sont pas engagées, 47% sont en cours et 12% seulement sont complétées.
Réalité n°1 : la qualité chimique de l'eau bradée au profit de très hasardeuses restaurations morphologiques
La première conclusion de ces graphiques est claire : la France est très en retard sur les dossiers des pollutions chimiques par les excès de nutriments et par les pesticides, sans même parler des autres substances (micro-polluants, métaux lourds, HAP, etc.). Elle a consacré des efforts et budgets considérables à des opérations de morphologie, alors même que la morphologie est considérée comme facteur de "très bon état" écologique (et non simplement "bon état" déjà à atteindre) et alors que des résultats scientifiques nombreux doutent des effets écologiques (en particulier biologiques) de long terme des travaux en morphologie (voir pour des exemples récents Haase 2013, Nilsson 2014, Morandi 2014).
Réalité n°2 : les analyses de qualité toujours absentes, une politique de l'eau au doigt mouillé
Le deuxième enseignement de ce rapportage, c'est que la France alloue des sommes ridiculement faibles à ce qui devrait être la base de toute politique de l'eau fondée sur la preuve, à savoir la mesure réelle et sur chaque masse d'eau de tous les indicateurs de qualité. En ce domaine, vu l'incapacité de nos interlocuteurs institutionnels à fournir des bases de données agrégées, homogénéisées et mises à jour, nous soupçonnons fortement que la France n'est pas même capable de fournir l'intégralité des données exigibles sur une seule masse d'eau du pays. Des compartiments entiers de qualité de l'eau sont ignorés sous prétexte que l'on peut par exception se fier à dire d'expert ou évaluation de modèle pression-impact, et non procéder aux mesures elles-mêmes. Mais ces données molles n'ont aucune fiabilité, et défient le principe de base selon laquelle la science procède par mesure objective des phénomènes qu'elle étudie, et non par opinion subjective sur ces phénomènes.
Réalité n°3 : le bon état 2015 était évidemment un leurre... mais on remet cela pour 2021 !
Troisième conclusion : le "bon état 2015" brandi comme un impératif catégorique justifiant toutes opérations précipitées en rivière était un leurre. Comme vient de le montrer l'Agence européenne de l'environnement, nous sommes très loin de ce bon état pour 100% des masses d'eau européennes. Mais cela n'empêche pas les SDAGE en cours d'élaboration de faire comme si de rien n'était et de continuer le même charabia vide de sens, promettant que pour 2021 (prochaine échéance réglementaire aux yeux de la DCE), on fera des bonds de géants au lieu des pas de fourmis observés depuis 15 ans. On verra donc les mêmes brandir des projections irréalistes et des promesses fantaisistes. Ou continuer de grossières manipulations, comme celles du SDAGE Loire-Bretagne.
Conclusion : moratoire sur la mise en oeuvre du L-214-C env al. 2, commission d'enquête sur les dérives de la politique de l'eau
Nous ne jetons pas tant la pierre aux autorités et gestionnaires de l'eau pour leurs échecs – car de toute évidence, l'altération massive de la qualité de l'eau depuis le XXe siècle et la difficulté de sa restauration ont été largement sous-estimées par l'UE –, que pour la dissimulation de ces échecs, l'incapacité à l'autocritique et l'infantilisation de l'opinion publique. On peut toujours continuer les slogans creux, les consultations bidons et les graphiques tronqués. Mais cela ne rétablira jamais une confiance perdue.
Nous demandons donc, et nous invitons nos consoeurs associatives à demander à leur Préfet et à leurs élus, les deux décisions suivantes :
- le moratoire à effet immédiat sur la mise en oeuvre du classement des rivières en liste 2 au titre de l'article L 214-17 C env, tant il est manifeste que les dépenses exorbitantes impliquées par ce classement sont sans effet proportionné ni urgence quelconque pour le bon état écologique des rivières, de même qu'elles induisent une grave inégalité devant les charges publiques ;
- la constitution d'une Commission d'enquête parlementaire sur les dérives de la politique de l'eau, dérives dont les condamnations de la France à la CJCE sont une des preuves et dont les responsables principaux sont le Ministère de l'Ecologie (agissant depuis 2006 de manière incontrôlée, non-concertée et confuse par l'usage systématique de la voie réglementaire) et les Agences de l'eau (dépensant de manière abusive, opaque et inefficace l'argent public, au terme d'une gouvernance démocratique très défaillante).
Référence :
WRC (2015), Assessment of Member States’ progress in the implementation of Programmes of Measures during the first planning cycle of the Water Framework Directive, 45 p. (lien pdf)
23/03/2015
20/03/2015
Agence de l'eau Loire-Bretagne: un scandaleux exercice de propagande
L'Agence de l'eau Loire-Bretagne vient de publier un numéro spécial de sa luxueuse revue quadrichromique où elle se félicite de "30 ans d'action en faveur des milieux aquatiques" (voir références). Pour les rivières, les motifs de cette autocélébration sont douteux. On apprend en effet en lisant ledit fascicule que 30% des cours d'eau seulement sont en bon état écologique (au lieu des 66 à 100% attendus en 2015) et que "cette situation reste stable depuis 2006". Il faut en déduire que des centaines de millions d'euros ont été dépensés en 10 ans sans qu'on observe l'effet significatif de ces dépenses sur la qualité des rivières. Au lieu d'un satisfecit, on attendrait surtout un audit de cet échec.
50% des rivières dégradées à cause de la morphologie : un chiffre choc
Nous allons nous attarder sur un point qui apparaît très mis en valeur dans cette publication (premier chiffre de la page 2, voir image ci-dessus) : "50% des cours d'eau du bassin Loire-Bretagne risquent de ne pas atteindre le bon état 2021 du fait de la morphologie".
Voilà un chiffre choc. Mais d'où vient-il? En fouillant dans la publication, on lit page 8 que ce chiffre aurait été établi par l'état des lieux des eaux de bassin 2013. Dont acte, nous examinons la méthodologie de cet état des lieux (cf référence ci-dessous). Nous trouvons en pp. 29 et suivantes de l'état des lieux l'explication de la méthode. Les auteurs se sont contentés d'évaluer des pressions (soit par analyse de bassin sur données réelles soit à dire d'expert) et des états de tronçons de rivière, puis de faire une règle de trois. Ci-dessous le tableau donnant sa base au calcul des fameux 50% (cliquer pour agrandir).
50% des rivières dégradées à cause de la morphologie : un chiffre bidon
Soyons clair : ce chiffre choc n'a aucune valeur scientifique, et donc aucune valeur d'aide à la décision. Il est à peu près aussi fiable qu'une boule de cristal, un jeu de tarot ou un marc de café. Trois problèmes majeurs se posent en effet dans la méthode de l'AELB.
Mesures DCE 2000 incomplètes. Chaque masse d'eau du bassin ne dispose pas de l'ensemble des mesures exigées par la directive cadre européenne sur l'eau. Il faudrait des campagnes systématiques, pondérées spatialement (moyenne sur chaque tronçon et non site isolé pas forcément représentatif) et temporellement (moyenne selon la durée significative de la campagne de mesure et le temps de relaxation du milieu), cela sur l'ensemble des indicateurs chimiques (plus de 40), physico-chimiques (plus de 10), biologiques (5 critères de qualité) et morphologiques (plusieurs marqueurs berges et lit). Or, ce n'est pas le cas. Par exemple, de l'aveu même de la publication 2015, 70% seulement des masses d'eau disposent de mesures (et non de simulations). Mais celles dont les mesures sont complètes sont moins nombreuses encore : ainsi, l'état des lieux admet que "la moitié des cours d'eau font l'objet de mesures" sur l'état écologique, en précisant que les mesures sont partielles (par exemple pas d'état macrophytes sur la plupart des sites). Quant aux analyses de l'état chimique (qui a évidemment un impact écologique), voir plus bas.
Mesures de variation de l'état écologique incomplètes. Outre la carence dans les mesures réglementairement exigibles par la DCE 2000, le tableau des facteurs de variation de l'état écologique d'un cours d'eau est incomplet en Loire-Bretagne. D'une part, il existe une dimension de variabilité naturelle (physiographique ou stochastique) des indicateurs biologiques mesurés pour la DCE 2000 (voir par exemple Marzin 2012). D'autre part, il existe des pressions non prises en compte dans l'état des lieux comme le réchauffement climatique depuis plusieurs décennies, l'introduction d'espèces invasives et les pathogènes émergents, les plus de 400 micropolluants présents dans les rivières (non intégrés dans le suivi DCE et non mesurés en routine), les effets directs et indirects de la pêche, etc. Le panel des pressions est ainsi incomplet, la variation naturelle inconnue : l'influence anthropique ne peut être sérieusement évaluée, encore moins le poids relatif de tel ou tel facteur.
Absence de modèle descriptif et explicatif. Le défaut le plus évident de l'état des lieux de l'Agence de l'eau Loire-Bretagne concerne l'absence totale de modèle d'interprétation des (trop rares) mesures. Quand on veut expliquer un phénomène complexe dépendant d'une série de variables quantitatives et qualitatives, on doit faire appel à des techniques d'analyses factorielles ou dimensionnelles. Celles-ci permettent de mesurer la significativité des calculs, d'estimer le poids relatif des facteurs de co-variance et l'inertie totale (la variance globale) prise en compte par le modèle (voir par exemple Villeneuve 2015). Encore s'agit-il là d'une première étape de l'analyse, un vrai modèle scientifique d'évolution des populations étant passablement plus compliqué qu'une approche statistique permettant de dégager des corrélations. Mais dans l'état des lieux Loire-Bretagne, on n'a rien de tout cela pour appuyer les 50% : juste une règle de trois des plus sommaires sur des données non fiables.
Un état des lieux qui comporte des aveux proprement hallucinants… comme l'absence d'état chimique!
Notre expérience nous indique que les volumineuses publications accompagnant la politique de l'eau ne sont généralement lues que par un cercle étroit de spécialistes (et quelques associations engagées, heureusement). C'est probablement la raison pour laquelle on y découvre des perles qui feraient bondir toute personne sensée si elle les découvrait et les comprenait.
On lit ainsi en page 87 (chapitre III-2-b) de l'état des lieux Loire-Bretagne :
«L’agence de l’eau, en charge du programme de surveillance des eaux, a conduit en 2009-2010 les premiers calculs de l’état chimique avec les règles de l’arrêté appliquant la directive cadre. Pour différentes raisons précisées ci-dessous, elle a rencontré des difficultés à exploiter des résultats acquis et n’a pas pu valider les évaluations dans un contexte aussi fragile. Depuis 2009, avec l’accord des instances de bassin, l’agence de l’eau considère non pertinent et impossible de calculer et de publier un état chimique.»
Les «raisons précisées ci-dessous» sont simplement que les substances indiquées dans la DCE 2000 sont difficiles à mesurer, que ce soit le métaux, les HAP, les pesticides, les résidus médicementeux, etc. Quinze ans après la directive-cadre, le plus important bassin français en terme de linéaire de rivières est donc contraint d'admettre qu'il ne sait pas établir le bilan de l'état chimique pour chaque masse d'eau et pour l'ensemble hydrographique régional. C'est consternant, mais plus consternant encore que le Comité de bassin et l'Etat avalisent cette dérive sans sourciller. Que font donc les associations de défense de l'environnement comme FNE, pourtant lourdement subventionnées et capables de mobiliser des experts pour dénoncer ces dérives? On se le demande...
Conclusion : un peu moins de bureaucratie, de lobbies et d'idéologie, un peu plus de bon sens... et de bonne science
Il existe une solide et récente littérature scientifique française et internationale mettant en garde contre la précipitation dans les opérations de restauration morphologique des rivières, dont les effets biologiques sont souvent modestes à nuls (Palmer 2005, Doyle 2005, Palmer 2010, Bernhardt 2011, Louhi 2011, Stanrko 2012, Haase 2013, Lorenz 2013, Verdonschot 2013, Morandi 2014, Nilsson 2014). Nous en ferons une synthèse prochainement. Il n'est pas acceptable que les Agences de bassin et les autorités en charge de l'eau persistent à ignorer ces travaux et à reproduire des perceptions biaisées ou des généralisations douteuses. Nous espérons de ce point de vue que des chercheurs vont s'engager dans le débat public sur l'eau pour rappeler quelques conclusions de leurs disciplines, notamment que les mesures de restauration des rivières exigent des travaux autrement plus sérieux sur la caractérisation des impacts à différentes échelles, sur la définition d'objectifs réalistes et sur le suivi scientifique des effets environnementaux des mesures prises.
L'Agence de l'eau Loire-Bretagne n'est pas capable de fournir des mesures complètes ni des modèles réalistes. Pour ces raisons, elle n'est pas plus capable d'améliorer depuis 2006 l'état des rivières car elle ne sait pas cibler les impacts réels sur chaque bassin versant et doser les réponses à ces impacts. Le Conseil Général de l'Orne a d'ores et déjà signalé qu'il refusait le SDAGE 2016-2021 (celui de Loire-Bretagne comme celui de Seine-Normandie). Le Conseil Général de Loir-et-Cher a exigé un moratoire sur la continuité écologique. La Cour des Comptes a sévèrement épinglé les Agences de l'eau pour leur gestion défaillante des pollutions. Ce n'est que le début, car tous les signaux de la politique de l'eau sont au rouge.
Nous appelons bien évidemment nos consoeurs associatives de Loire-Bretagne à réfuter l'état des lieux 2013 du bassin hydrographique, à refuser le SDAGE 2016-202 qui en découle et à travailler avec nous aux procédures judiciaires qui permettront d'établir les responsabilités de ces échecs et de ces manipulations si mal travesties.
Références citées
AELB (2013), Etat des lieux du bassin Loire-Bretagne, lien pdf
AELB (2015), «30 ans d'actions en faveur des milieux aquatiques», L'Eau en Loire-Bretagne, n°89, mars 2015, lien pdf
50% des rivières dégradées à cause de la morphologie : un chiffre choc
Nous allons nous attarder sur un point qui apparaît très mis en valeur dans cette publication (premier chiffre de la page 2, voir image ci-dessus) : "50% des cours d'eau du bassin Loire-Bretagne risquent de ne pas atteindre le bon état 2021 du fait de la morphologie".
Voilà un chiffre choc. Mais d'où vient-il? En fouillant dans la publication, on lit page 8 que ce chiffre aurait été établi par l'état des lieux des eaux de bassin 2013. Dont acte, nous examinons la méthodologie de cet état des lieux (cf référence ci-dessous). Nous trouvons en pp. 29 et suivantes de l'état des lieux l'explication de la méthode. Les auteurs se sont contentés d'évaluer des pressions (soit par analyse de bassin sur données réelles soit à dire d'expert) et des états de tronçons de rivière, puis de faire une règle de trois. Ci-dessous le tableau donnant sa base au calcul des fameux 50% (cliquer pour agrandir).
50% des rivières dégradées à cause de la morphologie : un chiffre bidon
Soyons clair : ce chiffre choc n'a aucune valeur scientifique, et donc aucune valeur d'aide à la décision. Il est à peu près aussi fiable qu'une boule de cristal, un jeu de tarot ou un marc de café. Trois problèmes majeurs se posent en effet dans la méthode de l'AELB.
Mesures DCE 2000 incomplètes. Chaque masse d'eau du bassin ne dispose pas de l'ensemble des mesures exigées par la directive cadre européenne sur l'eau. Il faudrait des campagnes systématiques, pondérées spatialement (moyenne sur chaque tronçon et non site isolé pas forcément représentatif) et temporellement (moyenne selon la durée significative de la campagne de mesure et le temps de relaxation du milieu), cela sur l'ensemble des indicateurs chimiques (plus de 40), physico-chimiques (plus de 10), biologiques (5 critères de qualité) et morphologiques (plusieurs marqueurs berges et lit). Or, ce n'est pas le cas. Par exemple, de l'aveu même de la publication 2015, 70% seulement des masses d'eau disposent de mesures (et non de simulations). Mais celles dont les mesures sont complètes sont moins nombreuses encore : ainsi, l'état des lieux admet que "la moitié des cours d'eau font l'objet de mesures" sur l'état écologique, en précisant que les mesures sont partielles (par exemple pas d'état macrophytes sur la plupart des sites). Quant aux analyses de l'état chimique (qui a évidemment un impact écologique), voir plus bas.
Mesures de variation de l'état écologique incomplètes. Outre la carence dans les mesures réglementairement exigibles par la DCE 2000, le tableau des facteurs de variation de l'état écologique d'un cours d'eau est incomplet en Loire-Bretagne. D'une part, il existe une dimension de variabilité naturelle (physiographique ou stochastique) des indicateurs biologiques mesurés pour la DCE 2000 (voir par exemple Marzin 2012). D'autre part, il existe des pressions non prises en compte dans l'état des lieux comme le réchauffement climatique depuis plusieurs décennies, l'introduction d'espèces invasives et les pathogènes émergents, les plus de 400 micropolluants présents dans les rivières (non intégrés dans le suivi DCE et non mesurés en routine), les effets directs et indirects de la pêche, etc. Le panel des pressions est ainsi incomplet, la variation naturelle inconnue : l'influence anthropique ne peut être sérieusement évaluée, encore moins le poids relatif de tel ou tel facteur.
Absence de modèle descriptif et explicatif. Le défaut le plus évident de l'état des lieux de l'Agence de l'eau Loire-Bretagne concerne l'absence totale de modèle d'interprétation des (trop rares) mesures. Quand on veut expliquer un phénomène complexe dépendant d'une série de variables quantitatives et qualitatives, on doit faire appel à des techniques d'analyses factorielles ou dimensionnelles. Celles-ci permettent de mesurer la significativité des calculs, d'estimer le poids relatif des facteurs de co-variance et l'inertie totale (la variance globale) prise en compte par le modèle (voir par exemple Villeneuve 2015). Encore s'agit-il là d'une première étape de l'analyse, un vrai modèle scientifique d'évolution des populations étant passablement plus compliqué qu'une approche statistique permettant de dégager des corrélations. Mais dans l'état des lieux Loire-Bretagne, on n'a rien de tout cela pour appuyer les 50% : juste une règle de trois des plus sommaires sur des données non fiables.
Un état des lieux qui comporte des aveux proprement hallucinants… comme l'absence d'état chimique!
Notre expérience nous indique que les volumineuses publications accompagnant la politique de l'eau ne sont généralement lues que par un cercle étroit de spécialistes (et quelques associations engagées, heureusement). C'est probablement la raison pour laquelle on y découvre des perles qui feraient bondir toute personne sensée si elle les découvrait et les comprenait.
On lit ainsi en page 87 (chapitre III-2-b) de l'état des lieux Loire-Bretagne :
«L’agence de l’eau, en charge du programme de surveillance des eaux, a conduit en 2009-2010 les premiers calculs de l’état chimique avec les règles de l’arrêté appliquant la directive cadre. Pour différentes raisons précisées ci-dessous, elle a rencontré des difficultés à exploiter des résultats acquis et n’a pas pu valider les évaluations dans un contexte aussi fragile. Depuis 2009, avec l’accord des instances de bassin, l’agence de l’eau considère non pertinent et impossible de calculer et de publier un état chimique.»
Les «raisons précisées ci-dessous» sont simplement que les substances indiquées dans la DCE 2000 sont difficiles à mesurer, que ce soit le métaux, les HAP, les pesticides, les résidus médicementeux, etc. Quinze ans après la directive-cadre, le plus important bassin français en terme de linéaire de rivières est donc contraint d'admettre qu'il ne sait pas établir le bilan de l'état chimique pour chaque masse d'eau et pour l'ensemble hydrographique régional. C'est consternant, mais plus consternant encore que le Comité de bassin et l'Etat avalisent cette dérive sans sourciller. Que font donc les associations de défense de l'environnement comme FNE, pourtant lourdement subventionnées et capables de mobiliser des experts pour dénoncer ces dérives? On se le demande...
Conclusion : un peu moins de bureaucratie, de lobbies et d'idéologie, un peu plus de bon sens... et de bonne science
Il existe une solide et récente littérature scientifique française et internationale mettant en garde contre la précipitation dans les opérations de restauration morphologique des rivières, dont les effets biologiques sont souvent modestes à nuls (Palmer 2005, Doyle 2005, Palmer 2010, Bernhardt 2011, Louhi 2011, Stanrko 2012, Haase 2013, Lorenz 2013, Verdonschot 2013, Morandi 2014, Nilsson 2014). Nous en ferons une synthèse prochainement. Il n'est pas acceptable que les Agences de bassin et les autorités en charge de l'eau persistent à ignorer ces travaux et à reproduire des perceptions biaisées ou des généralisations douteuses. Nous espérons de ce point de vue que des chercheurs vont s'engager dans le débat public sur l'eau pour rappeler quelques conclusions de leurs disciplines, notamment que les mesures de restauration des rivières exigent des travaux autrement plus sérieux sur la caractérisation des impacts à différentes échelles, sur la définition d'objectifs réalistes et sur le suivi scientifique des effets environnementaux des mesures prises.
L'Agence de l'eau Loire-Bretagne n'est pas capable de fournir des mesures complètes ni des modèles réalistes. Pour ces raisons, elle n'est pas plus capable d'améliorer depuis 2006 l'état des rivières car elle ne sait pas cibler les impacts réels sur chaque bassin versant et doser les réponses à ces impacts. Le Conseil Général de l'Orne a d'ores et déjà signalé qu'il refusait le SDAGE 2016-2021 (celui de Loire-Bretagne comme celui de Seine-Normandie). Le Conseil Général de Loir-et-Cher a exigé un moratoire sur la continuité écologique. La Cour des Comptes a sévèrement épinglé les Agences de l'eau pour leur gestion défaillante des pollutions. Ce n'est que le début, car tous les signaux de la politique de l'eau sont au rouge.
Nous appelons bien évidemment nos consoeurs associatives de Loire-Bretagne à réfuter l'état des lieux 2013 du bassin hydrographique, à refuser le SDAGE 2016-202 qui en découle et à travailler avec nous aux procédures judiciaires qui permettront d'établir les responsabilités de ces échecs et de ces manipulations si mal travesties.
Références citées
AELB (2013), Etat des lieux du bassin Loire-Bretagne, lien pdf
AELB (2015), «30 ans d'actions en faveur des milieux aquatiques», L'Eau en Loire-Bretagne, n°89, mars 2015, lien pdf
18/03/2015
Les moulins à eau et la transition énergétique: faits et chiffres
Vous pouvez télécharger le texte ci-dessous mis en page en version pdf ou en version odt (Open Office) afin de le diffuser autour de vous et de l'adapter à vos besoins locaux. Document réalisé avec les contributeurs du Forum de la petite hydroélectricité, la référence des passionnés et des experts en petites puissances.
En France, près de 100 000 moulins pourraient être aménagés à fin de production hydro-électrique. Excellent bilan carbone, moindre impact sur la CSPE, pilotabilité par le réseau, forte acceptabilité sociale, foisonnement sur tous les territoires, emplois non délocalisables… les atouts de cette très petite hydro-électricité sont nombreux. Au lieu d’équiper ces seuils et barrages sur chacune de nos rivières, l’Etat promeut aujourd’hui leur destruction. Une erreur grave à l’heure où la lutte contre le réchauffement climatique et la transition énergétique post-carbone devraient être nos priorités, et où les vrais impacts sur la qualité des rivières ne sont pas efficacement traités.
Moulins à eau en France : environ 100 000 sites de production à développer
Le Référentiel des obstacles à l'écoulement de l'Onema (V6.0, mai 2014) compte aujourd'hui 76.293 références, et le nombre définitif pourrait être de 120 000 (chiffre cité in Souchon et Malavoi 2012). Ces chiffres convergent avec les données historiques connues : la statistique impériale de 1809 comptabilise 82 300 moulins à eau en activité en France, mais ce chiffre a continué de croître jusqu’à la fin du XIXe siècle, période où l’énergie hydraulique est la première puissance motrice en France. Il paraît probable qu’il existe aujourd’hui environ 100 000 sites de moulins en France, dont 60 000 sont en état correct pour recevoir un équipement énergétique et 40 000 demanderaient des travaux de modernisation à cette fin.
Quel potentiel énergétique ?
Les deux estimations de potentiel hydro-électriques dont on dispose (rapport Dambrine 2006 et étude de convergence Ministère UFE DGEMEDDE/UFE 2013) sont incomplètes : la première exclut les sites de moins de 10 kW (qui représentent plus de 50 % des moulins), la seconde les sites de moins de 100 kW (plus de 90 % des moulins). Sur une base limitative de 30 000 moulins de plus de 10 kW, Dambrine 2006 estimait le potentiel à 1 TWh / an. Le potentiel réel total peut être approché à trois fois cette valeur, soit 3 TWh / an. Pour donner un ordre de grandeur, l’équipement des moulins représenterait l’équivalent en productible d’un réacteur nucléaire ou la production totale de l’éclairage public en France (après effet du plan de réduction de cet éclairage).
Les usages : autoconsommation ou injection réseau
L’équipement énergétique des moulins peut servir à l’autoconsommation (chauffage en particulier) ou à l’injection réseau. En raison du bon facteur de charge de l’énergie hydraulique, il faut compter environ 10 kW de puissance pour satisfaire les besoins en consommation d'une famille, la puissance en surcroît pouvant être dédiée à l’injection réseau.
Pilotabilité pour le réseau : une énergie prévisible à 24 / 48 h
Le productible d’un moulin est défini par l’hydrologie de la rivière (débit utile et chute nette). Ces données sont prévisibles 24 à 48 h à l’avance, et donc faciles à intégrer lorsque les gestionnaires du réseau doivent anticiper le besoin de charge. Par rapport à d’autres énergies souffrant de fatalité et d’intermittence (éolien, solaire), l’hydraulique jouit donc d’une certaine régularité et prévisibilité. Les moulins sont disséminés sur le territoire (cf carte ROE) et injectent généralement sur le réseau basse tension. Les coûts de transport de l’électricité peuvent être réduits par ce foisonnement.
Taux de retour énergétique (EROEI) : le meilleur score de toutes les énergies
Le taux de retour énergétique, appelé EROEI (energy return on energy invested) se calcule par la quantité d’énergie que l’on produit sur le cycle de vie d’un dispositif divisée par la quantité d’énergie nécessaire à la construction, la maintenance et le démantèlement du dispositif. L’énergie hydraulique représente le meilleur EROEI de toutes les sources d’énergie, charbon inclus, avec un facteur 10 à 20 au-dessus du nucléaire ou des autres ENR (Murphy et Halls 2010).
Bilan carbone : en pointe contre le réchauffement climatique
Avec 4 g eqCO2 par kWh produit, l’énergie hydraulique représente le meilleur bilan de toutes les énergies productrices d’électricité (GIEC IPCC, SRREN Report 2012). Ce chiffre est encore meilleur dans le cas des moulins, car le génie civil (seuils, biefs, chambre d’eau) est déjà présent, donc ce poste carbone intensif est très limité par rapport à la grande hydraulique construite de novo. L’équipement des moulins devrait donc être une priorité dans la stratégie de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre et prévention du réchauffement climatique. D’autant que ce réchauffement représente la menace de premier ordre sur l’évolution à long terme des milieux aquatiques continentaux.
Usage des matières premières : un impact très faible
Il a été montré que l’énergie hydraulique est la moins consommatrice de matières premières et en particulier de métaux par kWh produit (Kleijn et al 2011 et Van Der Voet et al 2013).
Impact sur la rivière : un effet modeste que l’on peut corriger
Les barrages de moulins, que l’on appelle seuils ou chaussées, ont généralement une hauteur de moins de 2 m. Ils modifient localement la morphologie de la rivière, mais leur impact sur la qualité de l’eau et des milieux aquatiques reste très modeste. Les travaux scientifiques récents (Wang et al 2011, Dahm et al 2013, Van Looy et al 2014, Villeneuve et al 2015) convergent pour observer ce faible impact des barrages (de la morphologie en général) sur les indicateurs biologiques de qualité des eaux à échelle des tronçons ou des bassins versants. Les premiers facteurs de dégradation sont la pollution chimique et les changements d'usage des sols (urbanisation, agriculture ou sylviculture intensive, altérations des berges), facteurs qui se sont nettement aggravés à partir du milieu du XXe siècle (Steffen et al 2015). Grâce au progrès des connaissances, technologies et bonnes pratiques, il est aujourd’hui possible de réduire l’impact piscicole et sédimentaire des prises d’eau de moulin (Courret et Larinier, Onema 2008). Le choix actuel de détruire le maximum de seuils de moulins en rivière paraît donc une option profondément contestable au plan écologique et énergétique.
Economie : des emplois non délocalisables, notamment en zones rurales
Equiper les moulins ne permet pas seulement de produire une énergie propre, non carbonée et locale, c’est aussi un investissement dans plusieurs filières d’emplois non délocalisables : bureaux d’études, installateurs-réparateurs, turbiniers, producteurs en vantellerie (vannes, organes mobiles) et automatisme, génie civil, etc. Sur la base d’un investissement de 4000 € / kW installé (compte non tenu des dispositifs écologiques de franchissement), l’équipement de 1500 moulins français par an pourrait représenter un milliard d’euros d'investissement productif d’ici 2030. Cet investissement bénéficie notamment aux territoires ruraux où les moulins sont les plus nombreux.
Poids sur la CSPE : la facture des Français soulagée
L’hydro-électricité fluviale est une technologie mature, qui possède un excellent rendement. Il en résulte que le tarif de rachat est moindre que celui d’autres sources d’énergie émergentes et moins maîtrisées. Dans la phase initiale de la transition énergétique, ce sont les sources les moins coûteuses qui devraient être équipées en premier, afin de ne pas alourdir les coûts publics supportés par les Français à travers leur facture d’électricité. Dans son rapport sur l’évaluation des politiques publiques en matière d’énergie renouvelable, la Cour des Comptes a reconnu cette qualité : «S’agissant de la filière hydraulique, qui est mature et dispose encore d’un potentiel important, cependant limité par les mesures de protection des cours d’eau portées notamment par la LEMA, l’État doit arbitrer entre l’exploitation à des fins énergétiques d’une énergie connue, maîtrisée, non polluante et nécessaire à la réalisation de ses objectifs de politique énergétique et le maintien d’un niveau élevé de protection de la faune et de la flore» (Cour des Comptes 2013)
Les moulins et l’opinion : une forte acceptabilité sociale
Contrairement à d’autres sources d’énergie renouvelable, les moulins à eau jouissent d’une forte popularité auprès des élus locaux et des riverains. Leurs retenues sont déjà intégrées dans les paysages de vallée depuis des siècles. Ils appartiennent à l’imaginaire national et font salles combles lors des visites des journées du patrimoine comme des journées des moulins. La reprise de leur activité énergétique ne représente aucune nuisance particulière pour le voisinage, car ils fonctionnent au fil de l’eau (et non en éclusée comme les grands barrages). Plusieurs centaines d’associations rassemblent déjà les passionnés dans tous les départements français.
Quelles réformes attendues ?
La mise en œuvre du potentiel de la petite hydro-électricité passe par plusieurs avancées législatives et réglementaires, en particulier :
Illustrations : 1. ROE, Onema 2014, carte indiquant les seuils et barrages connus à date ; 2. exemples de montages en petite hydro (© DBH) ; 3. moulin sur le Serein à Guillon. De hauteur modeste, noyés en hautes eaux, les seuils de moulin ont un impact très faible sur la qualité piscicole et sédimentaire des cours d’eau. La dégradation récente des rivières françaises n'est pas liée à leur existence pluriséculaire ; 4. montage Turbiwatt, fabricant français spécialisé en turbines pour moulins.
En France, près de 100 000 moulins pourraient être aménagés à fin de production hydro-électrique. Excellent bilan carbone, moindre impact sur la CSPE, pilotabilité par le réseau, forte acceptabilité sociale, foisonnement sur tous les territoires, emplois non délocalisables… les atouts de cette très petite hydro-électricité sont nombreux. Au lieu d’équiper ces seuils et barrages sur chacune de nos rivières, l’Etat promeut aujourd’hui leur destruction. Une erreur grave à l’heure où la lutte contre le réchauffement climatique et la transition énergétique post-carbone devraient être nos priorités, et où les vrais impacts sur la qualité des rivières ne sont pas efficacement traités.
— Nombre et potentiel énergétique des moulins —
Le Référentiel des obstacles à l'écoulement de l'Onema (V6.0, mai 2014) compte aujourd'hui 76.293 références, et le nombre définitif pourrait être de 120 000 (chiffre cité in Souchon et Malavoi 2012). Ces chiffres convergent avec les données historiques connues : la statistique impériale de 1809 comptabilise 82 300 moulins à eau en activité en France, mais ce chiffre a continué de croître jusqu’à la fin du XIXe siècle, période où l’énergie hydraulique est la première puissance motrice en France. Il paraît probable qu’il existe aujourd’hui environ 100 000 sites de moulins en France, dont 60 000 sont en état correct pour recevoir un équipement énergétique et 40 000 demanderaient des travaux de modernisation à cette fin.
Quel potentiel énergétique ?
Les deux estimations de potentiel hydro-électriques dont on dispose (rapport Dambrine 2006 et étude de convergence Ministère UFE DGEMEDDE/UFE 2013) sont incomplètes : la première exclut les sites de moins de 10 kW (qui représentent plus de 50 % des moulins), la seconde les sites de moins de 100 kW (plus de 90 % des moulins). Sur une base limitative de 30 000 moulins de plus de 10 kW, Dambrine 2006 estimait le potentiel à 1 TWh / an. Le potentiel réel total peut être approché à trois fois cette valeur, soit 3 TWh / an. Pour donner un ordre de grandeur, l’équipement des moulins représenterait l’équivalent en productible d’un réacteur nucléaire ou la production totale de l’éclairage public en France (après effet du plan de réduction de cet éclairage).
Les usages : autoconsommation ou injection réseau
L’équipement énergétique des moulins peut servir à l’autoconsommation (chauffage en particulier) ou à l’injection réseau. En raison du bon facteur de charge de l’énergie hydraulique, il faut compter environ 10 kW de puissance pour satisfaire les besoins en consommation d'une famille, la puissance en surcroît pouvant être dédiée à l’injection réseau.
Pilotabilité pour le réseau : une énergie prévisible à 24 / 48 h
Le productible d’un moulin est défini par l’hydrologie de la rivière (débit utile et chute nette). Ces données sont prévisibles 24 à 48 h à l’avance, et donc faciles à intégrer lorsque les gestionnaires du réseau doivent anticiper le besoin de charge. Par rapport à d’autres énergies souffrant de fatalité et d’intermittence (éolien, solaire), l’hydraulique jouit donc d’une certaine régularité et prévisibilité. Les moulins sont disséminés sur le territoire (cf carte ROE) et injectent généralement sur le réseau basse tension. Les coûts de transport de l’électricité peuvent être réduits par ce foisonnement.
Taux de retour énergétique (EROEI) : le meilleur score de toutes les énergies
Le taux de retour énergétique, appelé EROEI (energy return on energy invested) se calcule par la quantité d’énergie que l’on produit sur le cycle de vie d’un dispositif divisée par la quantité d’énergie nécessaire à la construction, la maintenance et le démantèlement du dispositif. L’énergie hydraulique représente le meilleur EROEI de toutes les sources d’énergie, charbon inclus, avec un facteur 10 à 20 au-dessus du nucléaire ou des autres ENR (Murphy et Halls 2010).
— Climat et environnement —
Avec 4 g eqCO2 par kWh produit, l’énergie hydraulique représente le meilleur bilan de toutes les énergies productrices d’électricité (GIEC IPCC, SRREN Report 2012). Ce chiffre est encore meilleur dans le cas des moulins, car le génie civil (seuils, biefs, chambre d’eau) est déjà présent, donc ce poste carbone intensif est très limité par rapport à la grande hydraulique construite de novo. L’équipement des moulins devrait donc être une priorité dans la stratégie de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre et prévention du réchauffement climatique. D’autant que ce réchauffement représente la menace de premier ordre sur l’évolution à long terme des milieux aquatiques continentaux.
Usage des matières premières : un impact très faible
Il a été montré que l’énergie hydraulique est la moins consommatrice de matières premières et en particulier de métaux par kWh produit (Kleijn et al 2011 et Van Der Voet et al 2013).
Impact sur la rivière : un effet modeste que l’on peut corriger
Les barrages de moulins, que l’on appelle seuils ou chaussées, ont généralement une hauteur de moins de 2 m. Ils modifient localement la morphologie de la rivière, mais leur impact sur la qualité de l’eau et des milieux aquatiques reste très modeste. Les travaux scientifiques récents (Wang et al 2011, Dahm et al 2013, Van Looy et al 2014, Villeneuve et al 2015) convergent pour observer ce faible impact des barrages (de la morphologie en général) sur les indicateurs biologiques de qualité des eaux à échelle des tronçons ou des bassins versants. Les premiers facteurs de dégradation sont la pollution chimique et les changements d'usage des sols (urbanisation, agriculture ou sylviculture intensive, altérations des berges), facteurs qui se sont nettement aggravés à partir du milieu du XXe siècle (Steffen et al 2015). Grâce au progrès des connaissances, technologies et bonnes pratiques, il est aujourd’hui possible de réduire l’impact piscicole et sédimentaire des prises d’eau de moulin (Courret et Larinier, Onema 2008). Le choix actuel de détruire le maximum de seuils de moulins en rivière paraît donc une option profondément contestable au plan écologique et énergétique.
— Economie et société —
Equiper les moulins ne permet pas seulement de produire une énergie propre, non carbonée et locale, c’est aussi un investissement dans plusieurs filières d’emplois non délocalisables : bureaux d’études, installateurs-réparateurs, turbiniers, producteurs en vantellerie (vannes, organes mobiles) et automatisme, génie civil, etc. Sur la base d’un investissement de 4000 € / kW installé (compte non tenu des dispositifs écologiques de franchissement), l’équipement de 1500 moulins français par an pourrait représenter un milliard d’euros d'investissement productif d’ici 2030. Cet investissement bénéficie notamment aux territoires ruraux où les moulins sont les plus nombreux.
Poids sur la CSPE : la facture des Français soulagée
L’hydro-électricité fluviale est une technologie mature, qui possède un excellent rendement. Il en résulte que le tarif de rachat est moindre que celui d’autres sources d’énergie émergentes et moins maîtrisées. Dans la phase initiale de la transition énergétique, ce sont les sources les moins coûteuses qui devraient être équipées en premier, afin de ne pas alourdir les coûts publics supportés par les Français à travers leur facture d’électricité. Dans son rapport sur l’évaluation des politiques publiques en matière d’énergie renouvelable, la Cour des Comptes a reconnu cette qualité : «S’agissant de la filière hydraulique, qui est mature et dispose encore d’un potentiel important, cependant limité par les mesures de protection des cours d’eau portées notamment par la LEMA, l’État doit arbitrer entre l’exploitation à des fins énergétiques d’une énergie connue, maîtrisée, non polluante et nécessaire à la réalisation de ses objectifs de politique énergétique et le maintien d’un niveau élevé de protection de la faune et de la flore» (Cour des Comptes 2013)
Les moulins et l’opinion : une forte acceptabilité sociale
Contrairement à d’autres sources d’énergie renouvelable, les moulins à eau jouissent d’une forte popularité auprès des élus locaux et des riverains. Leurs retenues sont déjà intégrées dans les paysages de vallée depuis des siècles. Ils appartiennent à l’imaginaire national et font salles combles lors des visites des journées du patrimoine comme des journées des moulins. La reprise de leur activité énergétique ne représente aucune nuisance particulière pour le voisinage, car ils fonctionnent au fil de l’eau (et non en éclusée comme les grands barrages). Plusieurs centaines d’associations rassemblent déjà les passionnés dans tous les départements français.
— Un choix politique à l’heure de la transition énergétique —
La mise en œuvre du potentiel de la petite hydro-électricité passe par plusieurs avancées législatives et réglementaires, en particulier :
- le moratoire immédiat sur les effacements de seuils et barrages au motif de continuité écologique (qui détruisent nos capacités de production au lieu de les équiper),
- l’aide publique (Agence de l’eau, Régions) aux aménagements écologiques de franchissabilité et d’ichtyocompatibilité,
- la simplification des contrats de raccordement et injection (autoconsommation avec injection du surplus en compteur double sens, procédure simplifiée pour les moins de 36 kVA, procédure ultrasimplifiée pour les moins de 10 kVA),
- la mise en place d’un guichet unique dans chaque département (et non pas de multiples interlocuteurs administratifs DDT, Onema, Dreal, Ademe, etc.),
- le développement du financement participatif,
- l’intégration systématique dans les Plans climat-énergie territoriaux (PCET), les Schémas régionaux climat air énergie (SRCAE) et le maillage des territoires à énergie positive pour la croissance verte,
- le maintien des tarifs d’achat EDF-OA en 2016, avec prime aux petites puissances.
Illustrations : 1. ROE, Onema 2014, carte indiquant les seuils et barrages connus à date ; 2. exemples de montages en petite hydro (© DBH) ; 3. moulin sur le Serein à Guillon. De hauteur modeste, noyés en hautes eaux, les seuils de moulin ont un impact très faible sur la qualité piscicole et sédimentaire des cours d’eau. La dégradation récente des rivières françaises n'est pas liée à leur existence pluriséculaire ; 4. montage Turbiwatt, fabricant français spécialisé en turbines pour moulins.
17/03/2015
DCE 2000 et politique de l'eau: la France manque de transparence, de justice et d'efficacité
Alors que l'Etat français prétend détruire de manière autoritaire 18.000 seuils et barrages de moulins d'ici 2018, trois rapports indépendants montrent l'échec programmé de la politique de l'eau, notamment en matière de qualité écologique et chimique des rivières. Combien de temps va encore durer ce scandale?
D'aucuns pourraient penser que notre jugement sévère sur les acteurs de la politique de l'eau (Direction de l'eau au Ministère de l'Ecologie, Agences de l'eau, syndicats de rivières et de bassins versants) est biaisé par notre intérêt particulier pour le patrimoine et l'énergie hydrauliques. Mais il n'en est rien : les critiques que nous dressons à partir de nos observations de terrain et de notre veille de la littérature scientifique sont en fait largement partagées par les autorités chargées d'évaluer la politique de l'Etat et des administrations. En témoignent trois rapports récents et convergents : Commission européenne, Agence européenne de l'environnement, Cour des comptes.
Commission européenne : des doutes sérieux sur la politique française de l'eau
La directive-cadre européenne sur l'eau (DCE 2000) a fixé voici 15 ans les objectifs de qualité chimique et écologique des rivières pour les pays signataires de l'Union. Chaque pays dresse régulièrement un bilan de la mise en oeuvre de cette directive (processus dit de rapportage) et l'Union européenne (par la voix de la Commission) évalue ce bilan.
La Commission vient de publier sa dernière évaluation, à partir des données transmises fin 2012. Le chapitre consacré aux recommandations à la France est particulièrement éclairant. On y lit en effet que la France devrait :
- combler les vides du suivi et de la méthodologie dans l'analyse des qualités écologique et chimique des eaux de surface;
- améliorer l'analyse des liens entre impacts / pressions et qualité de l'eau, afin de choisir des mesures utiles pour l'atteinte du bon état DCE 2000;
- traiter enfin le problème des pollution nitrate / phosphore, obstacles au bon état, de même que la charge en pesticides;
- identifier de manière claire et transparente les pollutions de chaque bassin versant;
- mieux qualifier les services rendus par l'eau et donc les analyses coût-avantage des mesures choisies;
- intégrer davantage le réchauffement climatique dans l'analyse des impacts et des besoins futurs.
La Commission européenne rassemble donc très exactement l'ensemble des critiques que nous faisons à la politique française de l'eau, outre l'acharnement sur la morphologie qui est le contrepoint (et l'alibi) de ces carences précédemment citées.
Agence européenne de l'environnement : bilan négatif
Ce rapport de travail de la Commission fait suite à une étude également publiée en mars par l'Agence européenne de l'environnement. Celui-ci établit qu'au mieux 53% seulement des masses d'eau européennes seront en bon état écologique en 2015.
L'objectif initial de la DCE 2000 était un bon état chimique et écologique des rivières en 2015, avec des exceptions motivées pour une atteinte en 2021 ou en 2027. Nous sommes donc très loin de cet objectif, et la carte publiée par l'Agence de l'environnement montre que la France n'est pas vraiment le bon élève de l'Europe en ce domaine.
On observe en particulier que la pollution chimique continue d'impacter la majorité des rivières dans la majorité des bassins où elle est mesurée.
L'Agence européenne de l'environnement rappelle au passage que l'hydromorphologie doit faire prioritairement l'objet de correction dans les seuls cas où il est démontré qu'elle est le facteur limitant d'atteinte de la qualité écologique. La France est très loin d'appliquer ce précepte puisque pas une seule étude scientifique ne démontre que les choix de continuité écologique et les classements des rivières 2012-2013 ont été faits sur cette base. Nous dépensons ainsi des milliards d'euros en destructions de seuils et barrages sans certitude aucune de progresser vers le bon état au sens attendu par nos engagements européens. Tout en massacrant notre patrimoine hydraulique et son potentiel énergétique.
Cour des comptes : comment l'Agence de l'eau fait payer les pollués plutôt que les pollueurs
Qui sont-ils donc, les responsables de l'échec français ? L'Etat bien sûr, c'est-à-dire le Ministère de l'Ecologie et sa Direction de l'eau et de la biodiversité. Mais aussi les grandes agences financières de bassins, dites Agences de l'eau, qui établissent des programmes d'action et qui dépensent l'argent prélevé par les taxes sur l'eau.
Le dernier rapport de la Cour des comptes étrille cette gestion des rivières et milieux aquatiques par les Agences de l'eau. Le reproche le plus grave est la mauvaise application du principe "pollueur-payeur : "ceux dont l'activité est à l'origine des pollutions graves ne sont pas sanctionnés en proportion des dégâts qu'ils provoquent". Les usagers domestiques règlent 87 % du montant total de la redevance sur l'eau, alors que la part des industriels est descendue à 7 % et celle des agriculteurs stagne à 6 % en moyenne. L'Agence de l'eau Seine-Normandie, connue pour sa haine des seuils et barrages comme pour son impuissance à réduire les polluants, est même épinglée pour son acharnement sur les usagers : elle voulait faire payer les usagers domestiques à hauteur de 92% !
Autre motif de critique de la haute autorité financière : la "transparence insuffisante" dans la distribution des subventions. Il n'existe pas de règles claires et partagées en ce domaine, donc on observe des dérives comme des versements généreux à des pollueurs. De même, la composition des comités de bassins est problématique : largement dominée par les lobbies, elle offre très peu de représentants à la société civile et des petits usagers de l'eau. A titre d'exemple, il n'y a aucun représentant des moulins dans le comité de bassin Seine-Normandie, alors que 8000 d'entre eux sont concernés par le classement L2 des rivières et que des dizaines de milliers de km du bassin comportent des moulins.
En conclusion
Depuis des années et à partir de nos observations de terrain, nous dénonçons les absurdités de la politique française de l'eau. Comme déjà l'avaient fait les rapports Lesage et Levrault de 2013. De manière simultanée, trois autorités indépendantes publient en ce début 2015 des analyses convergentes qui confortent et aggravent notre diagnostic. Nous appelons donc les citoyens à saisir leurs élus (députés et sénateurs) afin d'exiger que les responsables de ce naufrage soient politiquement, voire judiciairement, sanctionnés. La dérive hors de tout contrôle indépendant de la direction de l'eau au Ministère de l'Ecologie et des directions Onema / Agence de l'eau est désormais connue de tous. Il faut cesser ce scandale permanent et refonder la politique de l'eau sur des bases nouvelles.
Références :
Commission européenne (2015), Report on the progress in implementation of the Water Framework Directive Programmes of Measures, Commission Staff Working Document (pdf)
Agence européenne de l'environnement (2015), The European environment — state and outlook 2015
Cour des Comptes (2015), Rapport public annuel, extrait sur les Agences de l'eau (pdf)
D'aucuns pourraient penser que notre jugement sévère sur les acteurs de la politique de l'eau (Direction de l'eau au Ministère de l'Ecologie, Agences de l'eau, syndicats de rivières et de bassins versants) est biaisé par notre intérêt particulier pour le patrimoine et l'énergie hydrauliques. Mais il n'en est rien : les critiques que nous dressons à partir de nos observations de terrain et de notre veille de la littérature scientifique sont en fait largement partagées par les autorités chargées d'évaluer la politique de l'Etat et des administrations. En témoignent trois rapports récents et convergents : Commission européenne, Agence européenne de l'environnement, Cour des comptes.
Commission européenne : des doutes sérieux sur la politique française de l'eau
La directive-cadre européenne sur l'eau (DCE 2000) a fixé voici 15 ans les objectifs de qualité chimique et écologique des rivières pour les pays signataires de l'Union. Chaque pays dresse régulièrement un bilan de la mise en oeuvre de cette directive (processus dit de rapportage) et l'Union européenne (par la voix de la Commission) évalue ce bilan.
La Commission vient de publier sa dernière évaluation, à partir des données transmises fin 2012. Le chapitre consacré aux recommandations à la France est particulièrement éclairant. On y lit en effet que la France devrait :
- combler les vides du suivi et de la méthodologie dans l'analyse des qualités écologique et chimique des eaux de surface;
- améliorer l'analyse des liens entre impacts / pressions et qualité de l'eau, afin de choisir des mesures utiles pour l'atteinte du bon état DCE 2000;
- traiter enfin le problème des pollution nitrate / phosphore, obstacles au bon état, de même que la charge en pesticides;
- identifier de manière claire et transparente les pollutions de chaque bassin versant;
- mieux qualifier les services rendus par l'eau et donc les analyses coût-avantage des mesures choisies;
- intégrer davantage le réchauffement climatique dans l'analyse des impacts et des besoins futurs.
La Commission européenne rassemble donc très exactement l'ensemble des critiques que nous faisons à la politique française de l'eau, outre l'acharnement sur la morphologie qui est le contrepoint (et l'alibi) de ces carences précédemment citées.
Agence européenne de l'environnement : bilan négatif
Ce rapport de travail de la Commission fait suite à une étude également publiée en mars par l'Agence européenne de l'environnement. Celui-ci établit qu'au mieux 53% seulement des masses d'eau européennes seront en bon état écologique en 2015.
L'objectif initial de la DCE 2000 était un bon état chimique et écologique des rivières en 2015, avec des exceptions motivées pour une atteinte en 2021 ou en 2027. Nous sommes donc très loin de cet objectif, et la carte publiée par l'Agence de l'environnement montre que la France n'est pas vraiment le bon élève de l'Europe en ce domaine.
On observe en particulier que la pollution chimique continue d'impacter la majorité des rivières dans la majorité des bassins où elle est mesurée.
L'Agence européenne de l'environnement rappelle au passage que l'hydromorphologie doit faire prioritairement l'objet de correction dans les seuls cas où il est démontré qu'elle est le facteur limitant d'atteinte de la qualité écologique. La France est très loin d'appliquer ce précepte puisque pas une seule étude scientifique ne démontre que les choix de continuité écologique et les classements des rivières 2012-2013 ont été faits sur cette base. Nous dépensons ainsi des milliards d'euros en destructions de seuils et barrages sans certitude aucune de progresser vers le bon état au sens attendu par nos engagements européens. Tout en massacrant notre patrimoine hydraulique et son potentiel énergétique.
Cour des comptes : comment l'Agence de l'eau fait payer les pollués plutôt que les pollueurs
Qui sont-ils donc, les responsables de l'échec français ? L'Etat bien sûr, c'est-à-dire le Ministère de l'Ecologie et sa Direction de l'eau et de la biodiversité. Mais aussi les grandes agences financières de bassins, dites Agences de l'eau, qui établissent des programmes d'action et qui dépensent l'argent prélevé par les taxes sur l'eau.
Le dernier rapport de la Cour des comptes étrille cette gestion des rivières et milieux aquatiques par les Agences de l'eau. Le reproche le plus grave est la mauvaise application du principe "pollueur-payeur : "ceux dont l'activité est à l'origine des pollutions graves ne sont pas sanctionnés en proportion des dégâts qu'ils provoquent". Les usagers domestiques règlent 87 % du montant total de la redevance sur l'eau, alors que la part des industriels est descendue à 7 % et celle des agriculteurs stagne à 6 % en moyenne. L'Agence de l'eau Seine-Normandie, connue pour sa haine des seuils et barrages comme pour son impuissance à réduire les polluants, est même épinglée pour son acharnement sur les usagers : elle voulait faire payer les usagers domestiques à hauteur de 92% !
Autre motif de critique de la haute autorité financière : la "transparence insuffisante" dans la distribution des subventions. Il n'existe pas de règles claires et partagées en ce domaine, donc on observe des dérives comme des versements généreux à des pollueurs. De même, la composition des comités de bassins est problématique : largement dominée par les lobbies, elle offre très peu de représentants à la société civile et des petits usagers de l'eau. A titre d'exemple, il n'y a aucun représentant des moulins dans le comité de bassin Seine-Normandie, alors que 8000 d'entre eux sont concernés par le classement L2 des rivières et que des dizaines de milliers de km du bassin comportent des moulins.
En conclusion
Depuis des années et à partir de nos observations de terrain, nous dénonçons les absurdités de la politique française de l'eau. Comme déjà l'avaient fait les rapports Lesage et Levrault de 2013. De manière simultanée, trois autorités indépendantes publient en ce début 2015 des analyses convergentes qui confortent et aggravent notre diagnostic. Nous appelons donc les citoyens à saisir leurs élus (députés et sénateurs) afin d'exiger que les responsables de ce naufrage soient politiquement, voire judiciairement, sanctionnés. La dérive hors de tout contrôle indépendant de la direction de l'eau au Ministère de l'Ecologie et des directions Onema / Agence de l'eau est désormais connue de tous. Il faut cesser ce scandale permanent et refonder la politique de l'eau sur des bases nouvelles.
Références :
Commission européenne (2015), Report on the progress in implementation of the Water Framework Directive Programmes of Measures, Commission Staff Working Document (pdf)
Agence européenne de l'environnement (2015), The European environment — state and outlook 2015
Cour des Comptes (2015), Rapport public annuel, extrait sur les Agences de l'eau (pdf)
05/03/2015
Qualité piscicole: les indicateurs synthétiques (IPR, EFI) plus sensibles à l'état chimique et à la dégradation globale qu'à la seule morphologie (Marzin et al 2012)
Les rivières et leurs peuplements évoluent en fonction de l'action humaine, mais aussi en fonction de divers facteurs physiques. Comment distinguer la réponse des indicateurs de qualité biologique à la variabilité naturelle des milieux et aux différentes pressions d'origine humaine? Comment savoir quels assemblages biologiques vont répondre à tel ou tel impact?
Une étude qui prend en compte la "physiographie" de la rivière
Pour répondre à ces questions, Anahita Marzin et ses collègues (Irstea, UR HBAN HYNES à Anthony, UR REBX à Cestas) ont analysé 290 rivières françaises de taille petite à moyenne (bassin versant de 1 à 13312 km2, médiane 99 km2), rivières sur lesquelles on disposait de mesures de qualité sur la période 2005-2008. Dans cet ensemble, 102 sites sont peu impactés avec un état écologique bon ou très bon selon le rapportage de la Directive cadre sur l'eau (DCE 2000), tandis que les 188 autres présentent des impacts anthropiques d'intensité variable. Les indicateurs de qualité biologique concernent pour leur part les poissons, les macrophytes, les macro-invertébrés et les diatomées benthiques.
La variabilité naturelle a été analysée par des données "physiographiques" (en hydrogéologie, ce sont des variables physiques comme l'altitude, la largeur et pente moyennes du lit, la température moyenne de l'air, la distance à la source, etc.) tandis que les pressions anthropiques ont été intégrées dans quatre classes : dégradations globale (somme des impacts), hydrologique (par exemple prélèvement d'eau), morphologique (par exemple modification de taille du chenal) et qualité chimique de l'eau (par exemple concentration en nitrate et phosphates).
La présence d'une retenue (impoundment) a aussi été intégré comme variable qualitative supplémentaire. La modélisation statistique a consisté en une analyse factorielle en composantes principales (pour les données quantitatives) et en correspondances multiples (pour les données qualitatives).
L'état global du milieu et la qualité chimique de l'eau restent les premiers discriminants de réponse biologique
Les chercheurs ont donc tenté de modéliser l'intensité de la réponse (capacité d'un indicateur biologique à discriminer un facteur) et la sensibilité au changement (niveau de la réponse à la pression, par exemple capacité à répondre à un impact faible). Quels sont les principaux résultats de l'étude?
D'abord, le travaux d'A. Marzin et ses collègues confirme l'importance de la variabilité naturelle. Sur les sites peu impactés par l'homme, les deux-tiers des métriques de qualité montrent une variation significative. Les chercheurs en déduisent que "cette source de variabilité doit être prise ne compte avant de considérer les réponses biologiques aux facteurs de stress induits par l'homme".
La réponse des milieux aux facteurs d'impact a été plus marquée pour l'indice de dégradation globale. Ce sont les diatomées et les macro-invertébrés qui montrent la plus forte sensibilité, mais les poissons exhibent la plus forte intensité. Au sein des pressions spécifiques, la qualité chimique de l'eau produit les plus fortes intensité et sensibilité de la réponse. Les poissons tendent à montrer des sensibilités plus élevées que les autres compartiments biologiques pour des dégradations liées à l'hydrologie, à la morphologie ou à la présence de retenue.
Les auteurs observent que la réponse est d'autant plus forte que les pressions s'additionnent, et inversement. Ils parviennent à ce résultat en analysant selon les sites l'impact global (étape 1), l'impact humain additif (étape 2) et l'impact d'un seul facteur humain (étape 3) – par exemple, s'il n'y a plus qu'une seule pression, le niveau de réponse significatif des métriques piscicoles à l'hydrologie chute de 59% à 9%. Nous allons focaliser sur cette réponse des poissons, qui est un enjeu souvent mis en avant dans les politiques de continuité écologique.
Des indices de qualité piscicole DCE 2000 relativement peu affectés par la morphologie (mais d'autres le sont davantage)
Nous avons extrait ci-dessous des résultats quantifiés les valeurs piscicoles (cliquer pour agrandir). Pour interpréter ce tableau : les pourcentages indiquent la sensibilité (efficacité discriminatoire) de la réponse aux pressions humaines, soit la proportion de sites très impactés (gp4) dont les valeurs des indices biologiques sont dans les percentiles extrêmes (moins de 5% en sens décroissant ou plus de 95% en sens croissant des valeurs des sites peu impactés = gp1). MetFUNC signifie métrique fonctionnelle, MetTAX métrique taxonomique, MetIND indice synthétique de qualité. La réponse est négative (-) ou positive (+), la sensibilité est basse (L), intermédiaire (I) ou haute (H). les unités des indices sont FI pour fish, RA pour abondance relative, S pour richesse spécifique.
On observe que les indices synthétiques de qualité piscicole utilisés pour le rapportage de la Directive cadre sur l'eau (IPR pour Indice Poissons Rivières et EFI pour European Fish Index) montre une sensibilité plutôt basse à la morphologie (22% et 15%) ainsi qu'à la présence de retenue (impoundment, mêmes scores). En comparaison, la sensibilité aux perturbations globales est de 49% pour l'IPR et 74% pour l'EFI. La sensibilité à la qualité de l'eau de 41% pour l'EFI (pas de score IPR), de 32% (IPR) et 21% (EFI) pour l'hydrologie. Les résultats montrent donc, en convergence avec d'autres travaux menés ces 5 dernières années, que la sensibilité piscicole à l'hydromorphologie est moindre que pour les autres facteurs impactant le bassin versant.
Dans le détail cependant, on voit que certaines métriques fonctionnelles sont plus "répondantes" à la morphologie : les espèces de poissons intolérantes aux variation de 02, les lithophiles ou les rhéophiles ont par exemple des scores de sensibilité marqués (à la morphologie et/ou à la présence de retenues). Les espèces ou assemblages concernés sont souvent des témoins de rivières en très bon état écologique, sensibles à un large spectre de dégradations.
Quelques remarques pour conclure
La DCE 2000 sur l'eau a imposé un suivi de qualité chimique, physico-chimique, biologique et morphologique des rivières européennes. C'est une excellente chose que l'on dispose d'un tel réseau de surveillance, mais aussi d'un tel effort de normalisation des indices de qualité. Aucune science d'observation (comme l'écologie) ne peut en effet parvenir à des conclusions robustes si elle ne dispose préalablement de données fiables sur les milieux dont il s'agit de comprendre la dynamique.
L'analyse qualitative in situ d'un hydro-éco-système apporte toujours des résultats de terrain intéressants, mais elle est complémentaire d'analyses comparatives et quantitatives permettant de comprendre les facteurs d'évolution des milieux à échelle des tronçons, des bassins versants et des grands réseaux hydrographiques. L'analyse d'Anahita Marzin et ses collègues s'inscrit dans un ensemble de publications ayant commencé à émerger à la fin des années 2000, disposant des mesures suffisantes pour commencer à estimer la variabilité naturelle et forcée des milieux aquatiques, ainsi que la sensibilité relative des populations biologiques.
Ces remarques sur la connaissance des milieux aquatiques concernent également la gestion de ces même milieux, en particulier par le domaine émergent de l'ingénierie écologique qui se donne des objectifs de résultat : il paraît difficile de vouloir restaurer des équilibres naturels (ou fonctionnels) si l'on n'a pas au préalable une idée correcte de l'impact relatif des déséquilibres à traiter.
Hélas, la politique de continuité écologique ne prend pas ce chemin en France, puisque les sommes considérables qui lui sont affectées profitent essentiellement à des analyses très locales par des bureaux d'étude, rédigeant souvent ce que leur financeur public (Agence de l'eau) ou privé (maître d'ouvrage) a envie d'entendre, et non pas à des diagnostics scientifiques complets à échelle de tronçons ou bassins versants, diagnostics qui pourraient être réalisés par la recherche académique. Par ailleurs, comme une étude OCE l'avait montré, on trouve des rivières classées L2, où les ouvrages hydrauliques sont nombreux mais où les scores IPR sont bons voire excellents : pourquoi prioriser aussi médiocrement les interventions en rivière, alors que les budgets sont limités et les altérations non morphologiques nombreuses ?
Cette précipitation à s'engager dans l'action sans information réelle sur les bénéfices attendus (en particulier sur le respect formel du bon état chimique et écologique au sens de la DCE 2000) est déjà peu compréhensible ; le refus de l'admettre de la part de la Direction de l'eau et de la biodiversité au Ministère de l'Ecologie l'est encore moins.
Référence :
Marzin A et al (2012), Ecological assessment of running waters: Do macrophytes, macroinvertebrates, diatoms and fish show similar responses to human pressures?, Ecological Indicators, 23, 56–65
Une étude qui prend en compte la "physiographie" de la rivière
Pour répondre à ces questions, Anahita Marzin et ses collègues (Irstea, UR HBAN HYNES à Anthony, UR REBX à Cestas) ont analysé 290 rivières françaises de taille petite à moyenne (bassin versant de 1 à 13312 km2, médiane 99 km2), rivières sur lesquelles on disposait de mesures de qualité sur la période 2005-2008. Dans cet ensemble, 102 sites sont peu impactés avec un état écologique bon ou très bon selon le rapportage de la Directive cadre sur l'eau (DCE 2000), tandis que les 188 autres présentent des impacts anthropiques d'intensité variable. Les indicateurs de qualité biologique concernent pour leur part les poissons, les macrophytes, les macro-invertébrés et les diatomées benthiques.
La variabilité naturelle a été analysée par des données "physiographiques" (en hydrogéologie, ce sont des variables physiques comme l'altitude, la largeur et pente moyennes du lit, la température moyenne de l'air, la distance à la source, etc.) tandis que les pressions anthropiques ont été intégrées dans quatre classes : dégradations globale (somme des impacts), hydrologique (par exemple prélèvement d'eau), morphologique (par exemple modification de taille du chenal) et qualité chimique de l'eau (par exemple concentration en nitrate et phosphates).
La présence d'une retenue (impoundment) a aussi été intégré comme variable qualitative supplémentaire. La modélisation statistique a consisté en une analyse factorielle en composantes principales (pour les données quantitatives) et en correspondances multiples (pour les données qualitatives).
L'état global du milieu et la qualité chimique de l'eau restent les premiers discriminants de réponse biologique
Les chercheurs ont donc tenté de modéliser l'intensité de la réponse (capacité d'un indicateur biologique à discriminer un facteur) et la sensibilité au changement (niveau de la réponse à la pression, par exemple capacité à répondre à un impact faible). Quels sont les principaux résultats de l'étude?
D'abord, le travaux d'A. Marzin et ses collègues confirme l'importance de la variabilité naturelle. Sur les sites peu impactés par l'homme, les deux-tiers des métriques de qualité montrent une variation significative. Les chercheurs en déduisent que "cette source de variabilité doit être prise ne compte avant de considérer les réponses biologiques aux facteurs de stress induits par l'homme".
La réponse des milieux aux facteurs d'impact a été plus marquée pour l'indice de dégradation globale. Ce sont les diatomées et les macro-invertébrés qui montrent la plus forte sensibilité, mais les poissons exhibent la plus forte intensité. Au sein des pressions spécifiques, la qualité chimique de l'eau produit les plus fortes intensité et sensibilité de la réponse. Les poissons tendent à montrer des sensibilités plus élevées que les autres compartiments biologiques pour des dégradations liées à l'hydrologie, à la morphologie ou à la présence de retenue.
Les auteurs observent que la réponse est d'autant plus forte que les pressions s'additionnent, et inversement. Ils parviennent à ce résultat en analysant selon les sites l'impact global (étape 1), l'impact humain additif (étape 2) et l'impact d'un seul facteur humain (étape 3) – par exemple, s'il n'y a plus qu'une seule pression, le niveau de réponse significatif des métriques piscicoles à l'hydrologie chute de 59% à 9%. Nous allons focaliser sur cette réponse des poissons, qui est un enjeu souvent mis en avant dans les politiques de continuité écologique.
Des indices de qualité piscicole DCE 2000 relativement peu affectés par la morphologie (mais d'autres le sont davantage)
Nous avons extrait ci-dessous des résultats quantifiés les valeurs piscicoles (cliquer pour agrandir). Pour interpréter ce tableau : les pourcentages indiquent la sensibilité (efficacité discriminatoire) de la réponse aux pressions humaines, soit la proportion de sites très impactés (gp4) dont les valeurs des indices biologiques sont dans les percentiles extrêmes (moins de 5% en sens décroissant ou plus de 95% en sens croissant des valeurs des sites peu impactés = gp1). MetFUNC signifie métrique fonctionnelle, MetTAX métrique taxonomique, MetIND indice synthétique de qualité. La réponse est négative (-) ou positive (+), la sensibilité est basse (L), intermédiaire (I) ou haute (H). les unités des indices sont FI pour fish, RA pour abondance relative, S pour richesse spécifique.
On observe que les indices synthétiques de qualité piscicole utilisés pour le rapportage de la Directive cadre sur l'eau (IPR pour Indice Poissons Rivières et EFI pour European Fish Index) montre une sensibilité plutôt basse à la morphologie (22% et 15%) ainsi qu'à la présence de retenue (impoundment, mêmes scores). En comparaison, la sensibilité aux perturbations globales est de 49% pour l'IPR et 74% pour l'EFI. La sensibilité à la qualité de l'eau de 41% pour l'EFI (pas de score IPR), de 32% (IPR) et 21% (EFI) pour l'hydrologie. Les résultats montrent donc, en convergence avec d'autres travaux menés ces 5 dernières années, que la sensibilité piscicole à l'hydromorphologie est moindre que pour les autres facteurs impactant le bassin versant.
Dans le détail cependant, on voit que certaines métriques fonctionnelles sont plus "répondantes" à la morphologie : les espèces de poissons intolérantes aux variation de 02, les lithophiles ou les rhéophiles ont par exemple des scores de sensibilité marqués (à la morphologie et/ou à la présence de retenues). Les espèces ou assemblages concernés sont souvent des témoins de rivières en très bon état écologique, sensibles à un large spectre de dégradations.
Quelques remarques pour conclure
La DCE 2000 sur l'eau a imposé un suivi de qualité chimique, physico-chimique, biologique et morphologique des rivières européennes. C'est une excellente chose que l'on dispose d'un tel réseau de surveillance, mais aussi d'un tel effort de normalisation des indices de qualité. Aucune science d'observation (comme l'écologie) ne peut en effet parvenir à des conclusions robustes si elle ne dispose préalablement de données fiables sur les milieux dont il s'agit de comprendre la dynamique.
L'analyse qualitative in situ d'un hydro-éco-système apporte toujours des résultats de terrain intéressants, mais elle est complémentaire d'analyses comparatives et quantitatives permettant de comprendre les facteurs d'évolution des milieux à échelle des tronçons, des bassins versants et des grands réseaux hydrographiques. L'analyse d'Anahita Marzin et ses collègues s'inscrit dans un ensemble de publications ayant commencé à émerger à la fin des années 2000, disposant des mesures suffisantes pour commencer à estimer la variabilité naturelle et forcée des milieux aquatiques, ainsi que la sensibilité relative des populations biologiques.
Ces remarques sur la connaissance des milieux aquatiques concernent également la gestion de ces même milieux, en particulier par le domaine émergent de l'ingénierie écologique qui se donne des objectifs de résultat : il paraît difficile de vouloir restaurer des équilibres naturels (ou fonctionnels) si l'on n'a pas au préalable une idée correcte de l'impact relatif des déséquilibres à traiter.
Hélas, la politique de continuité écologique ne prend pas ce chemin en France, puisque les sommes considérables qui lui sont affectées profitent essentiellement à des analyses très locales par des bureaux d'étude, rédigeant souvent ce que leur financeur public (Agence de l'eau) ou privé (maître d'ouvrage) a envie d'entendre, et non pas à des diagnostics scientifiques complets à échelle de tronçons ou bassins versants, diagnostics qui pourraient être réalisés par la recherche académique. Par ailleurs, comme une étude OCE l'avait montré, on trouve des rivières classées L2, où les ouvrages hydrauliques sont nombreux mais où les scores IPR sont bons voire excellents : pourquoi prioriser aussi médiocrement les interventions en rivière, alors que les budgets sont limités et les altérations non morphologiques nombreuses ?
Cette précipitation à s'engager dans l'action sans information réelle sur les bénéfices attendus (en particulier sur le respect formel du bon état chimique et écologique au sens de la DCE 2000) est déjà peu compréhensible ; le refus de l'admettre de la part de la Direction de l'eau et de la biodiversité au Ministère de l'Ecologie l'est encore moins.
Référence :
Marzin A et al (2012), Ecological assessment of running waters: Do macrophytes, macroinvertebrates, diatoms and fish show similar responses to human pressures?, Ecological Indicators, 23, 56–65