Les rivières reçoivent fréquemment des excès de nutriments (matières azotées et phosphorées) issus des activités agricoles ou des eaux usées du bassin versant. Les trois chercheurs de ce nouveau travail paru dans Biogechemistry ont souhaité analyser le rôle des réservoirs et retenues d'eau des barrages, pour évaluer leur bilan azote (N) et phosphore (P). Ils ont compilé 18 années de données de qualité (1990-2007) sur les bassins du Mississippi, des Grands Lacs et de l'Ohio. En particulier, SM Powers et ses collègues ont comparé des tronçons avec et sans barrage (total 869, incluant 100 contrôles en sortie de barrage).
Principal résultat de leur étude : les écoulements en sortie de barrage montrent en moyenne une baisse annuelle de 20% du phosphore total et de l'azote total. Ce rôle de "puits de nitrate et de phosphate" est donc positif pour la qualité de la rivière, et empêche notamment que les nutriments aillent s'accumuler vers les bassins aval, ainsi que les zones côtières et estuariennes.
Le bilan de masse montre que l'azote est soit piégé dans les sédiments, soit dénitrifié (transformation gazeuse par activité bactérienne). Le bilan est plus complexe et variable sur le phosphore. Image ci-dessus : flux net du phosphore total (à gauche) et de l'azote total (à droite) sur les réservoir doté d'un monitorage par bilan de masse des écoulements entrant / sortant. Les barres vers la gauche indiquent la rétention (rôle auto-épurateur), les barres vers la droite l'exportation (rôle mobilisateur). Cliquer pour agrandir.
Les seuils et barrages rendent des "services aux écosystèmes"
Les trois chercheurs observent en conclusion : "Nous soulignons que nous ne nous faisons pas les avocats de la construction des grands barrages comme moyen d'améliorer la qualité de l'eau. Mais les petits barrages et réservoirs, en revanche, existent souvent dans des zones où les paysages naturels ont disparu au profit de l'agriculture, et ils peuvent éventuellement être gérés de manière adaptée pour retenir les nutriments et assurer d'autres services aux écosystèmes".
Nous sommes donc aux antipodes du discours des syndicats de rivières, des Agences de l'eau ou de certains agents Onema affirmant que les seuils et barrages nuisent à l'auto-épuration des rivières. Mais ce n'est ni la première ni la dernière fois que les gestionnaires de l'eau trompent ainsi le public au service d'une idéologie bornée de l'effacement systématique des obstacles à l'écoulement… La destruction des seuils et barrages en cours dans notre pays a malheureusement toute chance d'aggraver les pollutions, qui forment déjà le premier impact sur la qualité des eaux de surface et des milieux aquatiques.
Référence : Powers SM et al (2015), Control of nitrogen and phosphorus transport by reservoirs in agricultural landscapes, Biogeochemistry, 124, 1-3, 417-439
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