Discours entendu, et plusieurs fois rapporté par d'autres associations en France, quand on fait observer que les moulins ne dégradent pas l'eau : "les indices de qualité écologique de la rivière sont peut-être bons, mais cela ne concerne pas les poissons migrateurs ; or, c'est en raison des migrateurs qu'il faut supprimer ou aménager votre ouvrage hydraulique".
Un mauvais argument
D'abord, cet argument est une réponse gênée à un constat massif : presque toutes les rivières classées en liste 1 pour leur qualité biologique ont des seuils de moulins ou des barrages sur leurs cours ; et beaucoup d'autres en liste 2 ont un score de qualité piscicole (Indice Poissons Rivières de la directive-cadre européenne) "bon" voire "excellent" en dépit des ouvrages hydrauliques. Cela contredit évidemment le dogme des autorités et gestionnaires de rivières, selon lequel la présence d'obstacles à l'écoulement implique nécessairement une dégradation grave des milieux aquatiques. C'est tout simplement faux.
Ensuite, il est inexact de dire que les scores de qualité piscicole comme l'IPR ne tiennent pas compte des migrateurs. Certes, l'IPR n'a pas été conçu à cette fin (c'est un bio-indicateur de qualité générale créé pour la mise en oeuvre de la directive cadre européenne), mais dans les poissons que cet Indice comptabilise, on relève bel et bien certains migrateurs amphibiotiques (anguille, saumon) ou des assimilés migrateurs holobiotiques (truite). Voir la fiche technique Onema à ce sujet (pdf).
Enfin, le classement des rivières devait initialement ne concerner que les migrateurs amphibiotiques (vivant en eau douce et salée dans leur cycle de vie), mais l'administration a ajouté toutes sortes d'espèces à la motivation de ce classement, y compris des espèces non migratrices (lamproie de Planer, cyprinidés rhéophiles, etc.). Ces espèces sont bel et bien comptabilisées dans l'Indice Poissons Rivières.
On peut donc considérer que dans la plupart des rivières, un score IPR de bonne qualité rend très douteuse la nécessité d'aménagements de franchissement piscicole. Et a fortiori inacceptable le choix extrémiste de la destruction des ouvrages.
Ne pas se laisser faire
Si vous êtes propriétaire d'ouvrage dans une situation de ce type et en rivière classée Liste 2, il ne faut pas se laisser écraser par le poids des "sachants" qui manipulent à dessein des jargons compliqués afin d'éviter toute remise en cause de leurs exigences exorbitantes.
Vous devez demander à l'administration (DDT-M) et subsidiairement au syndicat de rivière (souvent maître d'ouvrage des études), par courrier recommandé, les éléments suivants :
- données complètes de l'état piscicole de la rivière
- justification de la présence historique des espèces cibles du classement de la rivière
- proposition d'aménagements et motivation de leur proportionnalité à l'enjeu / à l'impact de l'ouvrage
L'administration ne sera pas en position de vous adresser une mise en demeure d'équipement au terme légal du délai prévu par le classement si elle n'a pas correctement rempli son rôle. Outre des demandes spécifiques,il est aussi conseillé d'envoyer le questionnaire global de motivation, téléchargeable à cette adresse (pdf).
Si l'on refuse de vous répondre ou si l'on vous fait une réponse dilatoire, alors l'administration se met en défaut au regard du texte de loi (en rivière classée L2, la partie législative du Code de l'environnement dit expressément : "Tout ouvrage doit y être géré, entretenu et équipé selon des règles définies par l'autorité administrative, en concertation avec le propriétaire ou, à défaut, l'exploitant"). L'autorité doit donc poser des règles d'équipement, gestion et entretien, avant cela poser leur nécessité biologique, leur proportionnalité et leur caractère raisonnable (le fait que ces règles ne sont pas une "charge spéciale et exorbitante", ce que le législateur a aussi prévu). Cela dans le cadre d'une procédure contradictoire, et pour chaque seuil (pas des études de rivière indiscriminées).
Enfin, ce point est également à faire-valoir si un bureau d'études a été mandaté pour analyser la rivière et votre ouvrage en particulier : ce BE doit faire une analyse complète et vous ne devez pas laisser passer une rédaction qui vous paraît inappropriée, imprécise ou inexacte. Si vous avez un doute, vous pouvez envoyer le pdf (complet) de l'étude à notre association (délai non garanti, mais nous lisons et analysons toujours avec plaisir ce type d'étude).
Illustration: seuil sur le Trinquelin. La notion uniforme d'obstacle à l'écoulement ne rend aucune justice à la diversité des ouvrages en rivières, dont beaucoup sont plusieurs fois centenaires et n'ont qu'un impact extrêmement faible sur la faune et les sédiments.
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