29/03/2016

12 partenaires nationaux, 275 institutions, 1200 élus s’engagent pour une autre vision de la continuité écologique

  • Le mouvement pour un moratoire sur la continuité écologique est porté par 12 partenaires nationaux et plus de 250 associations et institutions locales, représentant l’ensemble des usagers de l’eau, des propriétaires d’ouvrages hydrauliques et des riverains.
  • L’appel à moratoire a déjà recueilli plus de 1800 grandes signatures en sept mois, dont 29 parlementaires et plus de 500 maires ou maires-adjoints.
  • Plus de 100.000 adhérents directs au bord des rivières classées au titre de la continuité écologique sont représentés par les associations ou institutions signataires.
  • Depuis le lancement du moratoire, et suite à d’innombrables interpellations des élus, le  gouvernement et le Parlement ont commencé à acter la réalité des problèmes posés par la réforme de continuité écologique : indifférence au patrimoine historique et culturel ; manque de concertation ; prime à la destruction des ouvrages ; changement des paysages de vallée contre l’avis des riverains ; coût exorbitant de certains aménagements ; insolvabilité des particuliers et mise en danger des petites exploitations ; absence de suivi sérieux du Ministère (pas de base de données nationale) ; retard considérable sur les chantiers (moins de 10% de sites aménagés à 2 ans seulement de l’issue du délai légal).
  • La mission confiée au CGEDD par la Ministre de l’Ecologie en décembre 2015 pour faciliter le consensus autour de la mise en conformité des seuils, chaussées et barrages en rivière, comme le vote des lois Patrimoine et Biodiversité doivent permettre d'entériner des évolutions substantielles de la loi, de la réglementation et de la mise en oeuvre de la continuité écologique.
  • Les partenaires nationaux du moratoire font 10 propositions pour une réforme en profondeur de la gouvernance et de l’application des réformes de continuité écologique.


L’Observatoire de la continuité écologique et des usages de l’eau (OCE), la Fédération des moulins de France (FMDF), la Fédération française des associations de sauvegarde des moulins (FFAM), l’Association des riverains de France (ARF), l’Union nationale des syndicats et associations des aquaculteurs en étangs et bassins (UNSAAEB), Electricité autonome française (EAF),  France hydro électricité (FHE), Fédération nationale des syndicats de forestiers privés (FRANSYLVA), la Coordination rurale (CR) , Maisons paysannes de France (MPF), Vieilles maisons françaises (VMF), la Société pour la protection des paysages et de l’esthétique de la France (SPPEF) portent un appel commun pour demander un moratoire sur la mise en œuvre de la continuité écologique.

En sept mois, le mouvement a déjà reçu plus de 1800 grandes signatures d’élus, d’associations, d’institutions et de personnalités de la société civile.

Un mouvement sans précédent des riverains, des usagers et des défenseurs du patrimoine
Ce mouvement est sans précédent par la diversité des partenaires qui le portent, rassemblant les riverains et les usagers de la rivière, ainsi que les défenseurs du patrimoine culturel et paysager. Cette unité témoigne si besoin était de la pertinence de la démarche, de l’urgence de la situation au bord des rivières et de l’absence de concertation réelle dont a souffert la politique de continuité écologique depuis 10 ans.

Cette politique était notamment conçue pour contribuer à l’atteinte du ‟bon état des masses d’eau en 2015”.  La loi demandait simplement des mesures de gestion, entretien et équipement des ouvrages hydrauliques, mais l’administration a ciblé l’hydromorphologie des rivières comme un élément supposé essentiel de ce bon état en allant bien au-delà des prescriptions initiales. Cela a conduit à un projet irréaliste de « renaturation » des cours d’eau classés et de « restauration des habitats » entraînant souvent des reprofilages complets des écoulements.

L’application bien trop systématique, autoritaire et radicale de cette politique s’est révélée inefficace. Elle a donné lieu à toutes sortes d’improvisations sur le choix des ouvrages traités, sans aucune cohérence écologique. Elle a eu pour principal effet de braquer les populations riveraines face à des préceptes d’aménagements dont la rationalité scientifique est difficile à percevoir, impliquant des coûts considérables et des bénéfices non quantifiés ni garantis. L’extension des ‟migrateurs” à toutes sortes d’espèces non migratrices ni menacées d’extinction, la volonté de privilégier l’effacement des ouvrages comme solution prioritaire, l’absence de prise en compte de l’attachement des riverains et usagers aux autres dimensions de la rivière ont dénaturé l’objectif initial visant plus modestement à améliorer certaines fonctionnalités des ouvrages là où il était prouvé que cela était nécessaire. La gestion « équilibrée et durable » de la ressource en eau prévue par l’article L 211-1 du code de l’environnement a été remise en question par ces choix.

Le ministère de l’Ecologie (Direction de l’eau et de la biodiversité), les Agences de l’eau et l’Onema ont ainsi favorisé depuis 2009 des options de destruction du patrimoine hydraulique, ou des aménagements d’une complexité excessive. Cette attitude a entraîné un blocage de nombreux projets, de vives interrogations des riverains et des usagers inquiets de voir disparaître leur paysage familier ainsi qu’un refus de beaucoup de propriétaires ou d’exploitants de s’engager dans un dossier « à charge », sans issue raisonnable pour eux (effacement ou endettement) et sans prise en compte des préjudices subis pour leurs biens ou leurs exploitations.

1200 élus dont 30 parlementaires et 508 maires ou maires-adjoints
Les élus sont très concernés par la continuité écologique car la gestion des rivières est au cœur de la vie locale. Leur soutien à la demande de moratoire témoigne des difficultés de mise en œuvre de cette continuité et de son déficit massif d’acceptabilité par les populations.

Alors que les collectivités voient leur dotation baisser et que l’État ponctionne le budget des Agences de l’eau, des sommes conséquentes sont dépensées pour des objectifs dont l’intérêt environnemental est souvent peu démontré, sans engagement de résultats pour les espèces piscicoles et la biodiversité en général, qui ne résume pas aux poissons. Pourtant, l’argent manque pour l’amélioration de l’efficacité réelle des assainissements et l’aide aux bonnes pratiques environnementales qui participent à l’amélioration de la qualité de l’eau.

275 associations et institutions, représentant 100.000 adhérents directs, et de nombreux acteurs de la société civile
Des associations de sauvegarde de moulins et de riverains, des associations de défense de la rivière ou de ses ouvrages, des associations de pêche (AAPMA), parfois des syndicats de rivière ont déjà rejoint le mouvement pour un moratoire sur la continuité écologique.

Ces institutions sont présentes dans toutes les régions françaises, en particulier dans les rivières classées en liste 2 au titre de la continuité écologique. Toutes ont rejoint le moratoire en exprimant le sentiment qu’elles n’avaient jamais été entendues et, si par hasard des réunions de concertation avaient été organisées, que leurs objections n’avaient jamais été prises en compte. Le déficit démocratique de la continuité écologique est patent.

Dans les signataires de la société civile, outre des chercheurs, des auteurs, des artistes, on compte aussi des chefs d’entreprise qui expriment le regret de l’absence fréquente de réalisme économique des mesures proposées par l’administration dans le domaine de la continuité écologique. Quand ces entreprises produisent de l’énergie bas carbone, l’incompréhension est totale car le Ministère de l’Ecologie envoie des signaux contradictoires, demandant une montée en puissance des énergies renouvelables mais contrariant l’hydro-électricité par toutes sortes de mesures rendant les dossiers longs, les investissements risqués et la rentabilité de plus en plus incertaine.

Le gouvernement et le Parlement commencent à mesurer l’ampleur du problème
Au cours des derniers mois et suite aux interpellations du gouvernement (questions écrites de parlementaires et courriers de propriétaires ou d’associations), les nombreux problèmes liés aux effacements d'ouvrage ou à l’imposition de travaux à coûts exorbitants ont commencé à être pris en compte. La Ministre de l'Ecologie a missionné une enquête du CGEDD pour comprendre les blocages. Elle a écrit aux Préfets en décembre 2015 pour demander l’arrêt des destructions de sites.  La ministre de l’Ecologie et la ministre de la Culture ont appelé à plusieurs reprises devant le Parlement à cesser les effacements de seuils de moulins.

L'article L 214-17 du Code de l’environnement, qui a créé en 2006 le principe de classement des rivières en vue d’assurer la continuité écologique, est actuellement débattu dans le cadre de l'examen des lois Patrimoine et Biodiversité, avec dépôts de plusieurs amendements émanant de partenaires du moratoire.

Le rapport parlementaire Dubois-Vigier (février 2016) sur les continuités écologiques aquatiques a demandé une évolution substantielle de la continuité écologique sur plusieurs points, dont le financement et la priorisation sur le vrai enjeu des grands migrateurs amphihalins. Il apparaît que le ministère de l’Ecologie ne dispose toujours pas en 2016 d’une base de données sur l’ensemble des chantiers mis en œuvre, leur coût public, les solutions choisies et les bénéfices constatés pour les milieux aquatiques. Les parlementaires se sont émus de cette opacité.

Selon les données disponibles, alors que 2200 rivières et 15.000 ouvrages sont concernés d’ici à 2018, il semble qu’environ 600 dossiers seulement seraient engagés chaque année. Et comme bien souvent les solutions préconisées ne rencontrent pas l’assentiment spontané des propriétaires ou des populations, le nombre d’ouvrages réellement effacés ou aménagés depuis les classements de 2012-2013 serait plus faible encore.

Les publications de SDAGE et de leurs états des lieux de bassin ont indiqué que la France est très loin de son objectif de deux-tiers des massées d’eau en ‟bon état 2015”. Dans certains bassins ayant privilégié de longue date la restauration morphologique et la continuité des rivières, comme Loire-Bretagne, les progrès de l’état chimique et écologique des masses d’eau superficielles sont quasi-nuls depuis 10 ans. Il y a la matière à nourrir de sérieux doutes sur notre capacité à atteindre les objectifs 2027 de la DCE 2000 et sur l’efficience des dépenses publiques en rivière.


Les dérives et conflits ont été trop nombreux depuis 2006 pour accepter des mesures superficielles
Les partenaires du moratoire souhaitent que la mission du CGEDD décidée par la Ministre de l’Ecologie soit l’occasion de remettre à plat les modalités de la mise en œuvre de la continuité écologique et l’interprétation administrative très problématique de la partie législative du Code de l’environnement.

Ils souhaitent également que les parlementaires, travaillant actuellement à l’examen des lois Patrimoine et Biodiversité, actent l’urgence des problèmes, la détérioration des rapports des parties prenantes avec l‘administration en charge de l’eau et la nécessité de prendre d’ores et déjà des mesures pour corriger certains effets collatéraux des choix actuels en matière de continuité écologique.

Rappelons qu’après un article L 432-6 CE inopérant durant des décennies, le Plan d’action pour la restauration de la continuité écologique (PARCE 2009) avait déjà montré les nombreuses incompréhensions sur le terrain et justifié une première enquête du CGEDD en 2012. Le Conseil avait fait 11 recommandations : 2 seulement ont été réalisées et 2 ont été amorcées par la DEB (Direction de l’eau et de la biodiversité), qui a pour l’essentiel maintenu sa lecture très orientée des textes de loi relatifs à la continuité écologique.

L’administration centrale ne montre aucune écoute réelle des usagers de l’eau depuis 10 ans, les services déconcentrés développent des interprétations imprévisibles de la loi ou de la réglementation, l’ensemble produit une doctrine par trop radicale, dont la mise en application multiplie les problèmes, les retards, voire les conflits. Sans un changement de cap complet, la continuité écologique court droit à l’échec. Il en va de même pour la démarche de cartographie des cours d'eau lancée en 2015, où les riverains et usagers ne se retrouvent pas davantage dans les objectifs et les méthodes de l'administration.

Les partenaires du moratoire attendent 10 mesures de fond

  • Poser le caractère exceptionnel du choix de l’effacement (arasement ou dérasement) des ouvrages, ce qui était le texte et l’esprit de la LEMA 2006 et de la loi de Grenelle 2009 ; l’entourer de toutes les précautions nécessaires pour la rupture d’équilibre qu’il induit sur les écoulements, les berges, les habitations et ouvrages d’art, les usages, le patrimoine et les écosystèmes.
  • Garantir la faisabilité économique des réformes, en particulier des dispositifs de franchissement dont les coûts sont actuellement inabordables sans aides publiques massives ; privilégier quand c’est possible des solutions de bon sens relevant de la bonne gestion des ouvrages et des vannages ; revoir le régime de subvention des agences de l’eau et cesser les inégalités devant les charges publiques, chaque agence ayant son barème alors que la loi est commune pour tous.
  • Proroger d’au moins 5 ans les délais de mise en conformité prévus par la loi (L 214-17 CE) sur les rivières en liste 2, à condition que des moyens soient réellement mobilisés par toutes les Agences de l’eau pour des solutions non destructives, sinon les mêmes problèmes se poseront au terme de ce nouveau délai.
  • Réviser les classements liste 2 des masses d’eau en se concentrant sur celles qui sont en état écologique mauvais ou moyen sur des compartiments liés (de manière démontrée par démarche scientifique) aux ouvrages hydrauliques, ainsi que sur celles qui ont des enjeux migrateurs amphihalins attestés.
  • Mettre au point de façon concertée une grille multicritères d'évaluation de l'intérêt des ouvrages, considérant les dimensions multiples du cours d’eau – écologique, énergétique, économique, touristique, sportive, foncière, paysagère, culturelle, historique, sociétale –, pour mener une analyse coûts-avantages non biaisée ; intégrer tous les services rendus par les écosystèmes aménagés et éclairer la prise de décision sur des bases objectives ; associer de façon systématique et individuelle les riverains concernés lors des visites et des analyses réalisées par les DDT(-M) et l'Onema.
  • Procéder à un suivi scientifique des effets observés de la politique de continuité écologique, avec des indicateurs annuels permettant de mesurer objectivement le bénéfice de la réforme en termes d’amélioration de l’état écologique et chimique de l’eau. Il conviendra d’inclure dans les conclusions des études réalisées les outils d'évaluation et leur modalités d'utilisation par l'administration, et de fournir les résultats des opérations réalisées aux comités de pilotage et aux riverains concernés.
  • Procéder à un audit de la politique française de continuité écologique et de ses résultats, incluant un comparatif avec d’autres pays, par un board européen de chercheurs.
  • Lancer des projets de recherche académique visant à mieux modéliser la dynamique écologique des rivières, à construire des outils de priorisation utilisables par les établissements en charge de l’eau (EPCI, EPTB), à définir des solutions techniques de franchissement conciliant efficacité écologique et réalisme économique, en particulier pour les ouvrages modestes de moins de 2 m formant 80 % des seuils, chaussées et barrages concernés.
  • Intégrer l’ensemble des représentants des ouvrages et des riverains, dont la plupart sont encore tenus à l’écart en 2016, dans les instances locales, nationales et régionales de l'eau : Comité de bassin, Commission locale de l’eau, Conseil national de l’eau, commissions techniques des Agences, comités de pilotage des projets locaux et études diagnostiques de bassin versant, groupes de travail des SRCAE et SRCE.
  • Poursuivre la simplification réglementaire des dossiers lois sur l’eau (IOTA) et revoir le processus de cartographie des cours d'eau, en gelant toute nouvelle contrainte dans un domaine d’une complexité déjà illisible, avec des règles pénalisantes à interprétation locale variable selon les services instructeurs ; nommer une commission permanente de concertation chargée du suivi des types de dossiers posant encore problème et de la recherche de solutions consensuelles vers plus de simplicité et d’efficacité.
Texte de l’appel : à diffuser pour amplifier le soutien à la demande de moratoire sur la mise en oeuvre de la continuité écologique

7 commentaires:

  1. L'OCE, l'observatoire de la continuité écologique, quel est cet organisme? merci de m'éclairer.

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    1. Un portail internet d'agrégation d'informations et d'actions sur la continuité écologique et les usages de l'eau. Voir le site :
      http://continuite-ecologique.fr/

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  2. Bonjour,
    On dirait qu'une partie des signataires du moratoire a des intérêts à défendre, le mot électricité apparaît souvent!

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    1. C'est évident, le moratoire a pour partenaires nationaux aussi bien des riverains que des défenseurs du patrimoine et des usagers (ces derniers ayant donc des "usages", dont l'hydro-électricité). Pour rappel, la loi française demande que la gestion durable et équilibrée de la ressource en eau concilie la protection écologique des milieux avec leurs usages. L'intérêt général d'une société humaine s'apprécie à travers les services rendus par les écosystèmes (et non pas à travers telle ou telle propriété intrinsèque d'un milieu naturel).

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  3. Le mot "électricité" apparaît 4 fois dans le texte dont 2 fois pour désigner un acronyme de partenaire (EA et FHE). Dire que c'est "beaucoup", cela se discute. C'est manifestement trop dans l'esprit de l'interlocuteur anonyme, veut-il interdire cet usage de l'eau?

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  4. Convertir de vénérables moulins en centrales hydroélectriques : voilà qui est peu compatible avec la conservation du patrimoine ... ne voudrait-on pas au contraire préserver des intérêts particuliers face à l'intérêt général ?

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    1. Les "vénérables" moulins étaient tous des usines à eau, produire de l'énergie fut leur raison d'être et c'est grâce à eux que s'est développée la France pendant des siècles. Si vous connaissez la petite hydro-électricité, vous savez qu'elle ne change en rien la dimension patrimoniale, au contraire (puisqu'elle installe les dispositifs de production dans le radier de roue ou la chambre d'eau, soit leur destination première).

      Quant à "l'intérêt général", il ne consiste certainement pas à dépenser l'argent public sans être capable de démontrer les bénéfices pour les milieux naturels ni de vérifier que ces bénéfices répondent à des services rendus par les écosystèmes aux citoyens. Encore moins à détruire le patrimoine hydraulique de ce pays et à se priver de sources d'énergie locale et bas-carbone.

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