Le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), agissant comme Autorité environnementale, vient de rendre un avis pour le moins critique sur le nouveau Programme d'actions national nitrates proposé par le gouvernement. Le CGEDD est obligé de se référer à ses deux précédents rapports, qui n'avaient pas été suivis d'effets (une mauvaise habitude que connaît hélas le monde des ouvrages hydrauliques). Parmi les reproches: pas d'analyse quantitative permettant de suivre les effets des mesures, mauvaise prise en compte de la qualité de l'eau et des objectifs DCE 2000, pas de garantie sur l'eutrophisation, simple nettoyage formel des programmes précédents pour éviter la condamnation de la Cour de justice de l'Union européenne suite à la mise en demeure de 2014. Ce bricolage permanent sans queue ni tête, ce pilotage à vue où l'on navigue de mesures inappliquées en objectifs inapplicables et de diagnostics sans preuves en actions sans effets, nous le retrouvons désormais dans toutes les strates de la politique française de l'eau. Pendant ce temps-là, les destructeurs du patrimoine hydraulique nous jurent la main sur le coeur que "tout est fait pour les autres impacts sur la rivière, les pollutions sont déjà traitées". Allons donc... Ci-dessous synthèse du rapport.
"La directive n°91/676/CEE du 12 décembre 1991, dite directive « nitrates », vise la réduction et la prévention de la pollution des eaux par l’azote d’origine agricole (engrais chimiques, déjections animales et effluents d’élevage). Elle a notamment instauré des « zones vulnérables » (définies sur des critères de concentration en nitrates dans l’eau ou d’eutrophisation), dans lesquelles doivent être mis en œuvre des « programmes d’action » visant à restaurer la qualité des eaux et des milieux aquatiques. En France, un programme d’actions national est établi sous la responsabilité des ministres chargés de l’agriculture et de l’environnement. Il est complété dans chaque région par un programme d’actions régional.
Les principaux enjeux environnementaux du programme d’action nitrates sont liés à l’équilibre du cycle de l’azote et à son impact sur les différents milieux : la contamination par les nitrates des eaux souterraines et superficielles ; les impacts sur les milieux en particulier l’eutrophisation des milieux aquatiques continen- taux et marins ; l’intégrité des sites Natura 2000.
Le document transmis à l’Ae est un nouveau projet d’arrêté modifiant le programme d’actions national en vigueur depuis 2013 ; l’Ae avait déjà formulé deux avis sur les programmes nationaux précédents2. Elle renouvelle les recommandations qu'elle avait déjà faites en 2011 et en 2013, toujours non prises en compte dans ce document et recommande, en conséquence, que les avis n° 2011-49 et n° 2013-53 soient joints au dossier de consultation.
Les modifications apparaissent davantage motivées par la nécessité de répondre a minima aux attendus d’un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne que par l’ambition de restaurer les écosystèmes perturbés par l’excès d’azote. Alors que ce programme d’actions nitrates devrait être un levier de mise en oeuvre de la directive cadre sur l’eau, visant à restaurer la qualité des écosystèmes, l’analyse privilégie un seuil de qualité chimique des eaux qui ne garantit pas l'absence d’eutrophisation.
L’évaluation environnementale, qui est claire, ne concerne que les modifications prévues par ce projet d’arrêté et revient très peu sur l’évaluation du programme dans son ensemble.
L’évaluation environnementale ne recourt pas à des méthodes quantitatives qui permettraient de vérifier l’efficacité des mesures. L'Ae renouvelle sa recommandation de réaliser une évaluation globale du programme d’actions national et des programmes d'actions régionaux, indispensable pour vérifier la pertinence de l’ajustement des mesures pour l’atteinte des résultats recherchés, tout particulièrement vis-à-vis des milieux les plus sensibles.
L’Ae recommande que l’évaluation environnementale démontre et quantifie dans quelle mesure le programme rendra possible la diminution de l’eutrophisation des milieux aquatiques vulnérables aux nitrates, et qu’elle démontre l’existence ou l’absence d’incidence significative sur les sites Natura 2000. S’appuyant sur le concept de «cascade de l’azote», l’Ae recommande également que l’évaluation du programme d’actions prenne en compte, d’autres questions environnementales liées à l’excès d’azote (qualité de l’air, santé humaine, émissions de gaz à effet de serre...)."
Source : CGEDD, Avis délibéré de l’Autorité environnementale sur le programme d'actions national nitrates, n°2015-101 adopté lors de la séance du 16 mars 2016
Illustration : marée verte dans le Finistère, par Thesupermat - travail personnel, GFDL
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