La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte fixe l’objectif d’atteindre 40 % d’énergies renouvelables dans le mix électrique en 2030. Ségolène Royal a lancé, le 26 avril, en clôture de la conférence environnementale 2016, un appel d’offres pour le développement de petites installations hydroélectriques. Son objectif est de développer près de 60 MW de nouvelles capacités pour relancer la filière.
Les projets éligibles à l’appel d’offres se répartissent en trois catégories :
- la construction de nouvelles installations complètes (barrage et installation électrique) dans les zones propices : ce sont surtout les régions montagneuses qui seront concernées. Des installations de puissance supérieure à 500kW et jusqu’à quelques MW pourront être sélectionnées. Cette catégorie représente un volume de 25 MW dans l’appel d’offres ;
- l’équipement d’ouvrages existants, mais ne produisant à ce jour pas d’électricité, d’une puissance supérieure à 150 kW : l’appel d’offres prévoit notamment d’orienter les producteurs vers l’équipement des barrages publics, ayant une fonction de navigation ou d’alimentation en eau potable. Cette catégorie représente un volume de 30 MW dans l’appel d’offres ;
- l’équipement de petits seuils et barrages (entre 36 et 150 kW), et en particulier la réhabilitation de sites d’anciens moulins. La réhabilitation devra se faire en conformité avec les règles relatives à la continuité écologique. 50 projets seront retenus dans cette catégorie.
Le cahier des charges peut être téléchargé à ce lien (pdf).
Commentaires
Cette annonce du Ministère de l'Environnement est une bonne nouvelle : elle signale que toute l'hydroélectricité, pas seulement les grandes et moyennes puissances, a vocation à participer à la transition énergétique. Certaines se souviennent de ces réunions à la Direction de l'eau et de la biodiversité où des hauts fonctionnaires affirmaient péremptoirement que l'on pouvait garder un ou deux moulins par rivière, pour le folklore, mais que les autres étaient appelés à disparaître. Le ton a clairement changé, tant du côté du Ministère de l'Environnement où l'on commence à vanter l'intérêt énergétique des petits sites que du côté du Ministère de la Culture, où la destruction systématique du troisième patrimoine de France au nom de l'idéologie amnésique de la "renaturation" suscite des réserves de plus en plus clairement exprimées.
Il reste cependant beaucoup de progrès à faire : l'administration française est traditionnellement plus à l'aise avec la grande industrie qu'avec les petits producteurs, elle a du mal à dimensionner ses exigences et ses réglementations à la réalité des chutes les plus modestes. On observera ainsi que:
- l'appel d'offres 36-150 kW ne concerne que 50 sites, ce qui est très peu par rapport aux milliers d'ouvrages de cette gamme de puissance susceptibles de recevoir un équipement;
- les moulins de moins de 36 kW sont majoritaires en France, probablement entre 40.000 et 60.000 sites. Il faut dans ce cas favoriser l'équipement en autoconsommation avec injection du surplus, en simplifiant notamment les régimes fiscaux et les dossiers d'instruction;
- sur toutes les puissances modestes, les normes environnementales de qualité doivent être adaptées à la réalité du risque pour les espèces aquatiques et à la capacité d'investissement des porteurs. Par exemple, les modèles de mortalité proposés par l'Onema n'ont aucun réalisme sur des petites turbines (voir aussi ici) : ils doivent impérativement être révisés sur la base d'une analyse empirique d'un panel de sites représentatifs de la très petite hydro-électricité, selon des méthodologies fondées sur le comportement réel (et non forcé) des poissons. De même, autant les passes à poissons ou autres dispositifs de franchissement se conçoivent sur les sites à construire, qui peuvent assez aisément intégrer la contrainte dans la conception du génie civil, autant leur demande sur des sites déjà existants ne doit pas être automatique. Il faut établir des grilles réalistes de priorisation en fonction des peuplements piscicoles à l'amont et à l'aval du site. Le coût très élevé d'une passe à poissons est susceptible de faire avorter nombre de projets: si l'enjeu migrateur n'est pas établi au droit de l'ouvrage hydraulique, mieux vaut réfléchir à de simples ouvertures de vannes en période de hautes eaux ou à des mesures compensatoires plus réalistes.
Des avancées, mais trop timides
Enfin, dans la page Internet annonçant cet appel d'offres, le service de communication du Ministère en profite pour suggérer que tout va pour le mieux entre les moulins et les services administratifs. C'est inexact.
Les "pages pédagogiques" publiées récemment sur le site du Ministère sont remplies de généralités, approximations et parfois contre-vérités caractéristiques de ce que nous n'acceptons plus. Bien loin d'attendre de la "vulgarisation" (ce que font depuis 10 ans les Agences, les syndicats, l'Onema, etc.), nous voulons au contraire un audit scientifique multidisciplinaire et rigoureux de la réforme de continuité écologique, afin de cesser une politique publique fondée sur des assertions invérifiables, des bénéfices non quantifiés, des modèles et des suivis à peu près inexistants, etc. La charte des moulins a pour sa part avorté dans sa forme actuelle, car les services de Ministère refusent de sortir clairement du réductionnisme écologique qui leur sert d'horizon quand ils doivent traiter la question du patrimoine hydraulique, de même qu'ils manifestent fort peu de capacité d'autocritique sur la réforme de continuité écologique telle qu'elle est (mal) menée depuis 10 ans. La mission du CGEDD à ce sujet est certes lancée par Ségolène Royal, mais certains acteurs importants n'ont pas été auditionnés à ce jour (alors que le rapport était censé être rendu en mai...), et comme la précédente mission du CGEDD n'a pas été suivie d'effets, les interlocuteurs du Ministère restent très sceptiques. Pendant ce temps-là, les signatures de soutien à l'appel à moratoire sur la continuité écologique continuent de s'accumuler : élus, associations et personnalités attendent une évolution de la politique des ouvrages hydrauliques posant le caractère exceptionnel de leur effacement, aidant à leur équipement écologique de manière non-destructive et promouvant en priorité leur valorisation au service des territoires.
Donc oui, nous allons dans la bonne direction. Mais le chemin sera long.
Illustration : installation de deux turbines bulbes semi-Kaplan dans la chambre d'eau d'un moulin du Morvan.
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Vous devriez plutôt vous inquiéter de voir la Madone de Roquelaure qui ne sera plus rien dans quelques mois se rallier à votre cause. Par ailleurs je vois mal le rapport entre le patrimoine industriel des XVIII siècle et avant et vos deux Kaplan : la turbine Kaplan est un des modèles le plus récent de turbine, inventée au XXième siécle, comme conservation du patrimoine on a vu nettement mieux... Et si l'hydroélectricité était la principale cause de la destruction du patrimoine hydraulique ancien ?
RépondreSupprimerNous ne sommes pas particulièrement inquiets: les raisons qui poussent à l'inflexion de la politique des rivières seront toujours là dans un an. Vu le degré de popularité de l'effacement des ouvrages, un Ministre qui souhaiterait ré-endosser l'habit dogmatique que lui prépare sa direction de l'eau et de la biodiversité comprendrait très vite son erreur.
SupprimerPour le reste, vous confondez patrimoine et musée. Les moulins ont toujours changé d'équipement dans l'histoire, au gré des innovations. Certaines aiment garder ou reproduire les roues pour l'aspect esthétique, la plupart ont des turbines, dès le XIXe siècle.
Bonjour,
Supprimeren termes énégétique, "anonyme" préfère-t-il Tchernobyl et Fukushima ou les ors du pouvoir versus Jean-Vincent ? En clair: tout et son contraire?
cordialement
La continuité écologique a été promue par un gouvernement de droite pro-nucléaire, pro-OGM, pro-agriculture intensive. Ce n'est pas un hasard, c'était les gages de l'administration Sarkozy pour tous les gogos du Grenelle. Certains de ces gogos rêvent sans doute du retour des mêmes, histoire de toucher leur pognon.
RépondreSupprimerQuand on fait le bilan complet, le solaire consomme plus d'énergie qu'il n'en fournit en région à insolation faible ou moyenne comme l'Europe (buzz sur Ferronni & Hopkirk 2016 Energy policy). Les zécolos zintégristes en déduisent qu'il faut vite remplacer tous les barrages français par des panneaux PV chinois, ce sera la décroissance pour tous. Les apparatchiks pêcheurs, ils sont pas mal à être pro-nuke mais ils ne le disent pas trop haut, ça gênerait leur alliance de circonstance avec FNE & filiales. Du plutonium dans l'eau réchauffée de la "Loire rivière sauvaaaage", ça leur convient bien, tant qu'il y a le quota de saumon d'élevage pour Robert Viandard et ses poteaux.
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