Prime à la destruction du patrimoine, disparition du potentiel énergétique bien réparti sur les rivières, dépenses exorbitantes pour des résultats à l'intérêt écologique non évalué, mise en oeuvre opaque fuyant les débats démocratiques directs et refusant de répondre aux objections formulées: la campagne d'effacement des moulins et usines à eau de France continue de susciter questions, controverses et oppositions. Voici les interpellations récentes de la Ministre de l'Environnement par les députés Censi et Marsac. Ségolène Royal ne cesse se répéter qu'il faut arrêter la destruction des moulins. Mais est-elle écoutée par son administration, malgré ses instructions aux Préfets? Est-elle capable de stopper la folle machine à détruire conçue par quelques idéologues et lobbies? Pour l'instant, nombre de syndicats de rivière continuent de dépenser l'argent public des Agences de l'eau pour casser les seuils et barrages dans des chantiers bâclés aux diagnostics incomplets, aux garanties incertaines, aux protocoles de suivi inexistants et aux analyses coût-bénéfice négligées. Ces dérives ne sont pas une fatalité : les associations et les collectifs de riverains se mobilisent pour les faire cesser.
Yves Censi (Les Républicains - Aveyron), Question N° 95651
M. Yves Censi attire l'attention de Mme la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat sur la situation des 60 000 moulins de France. Le troisième patrimoine historique bâti de France est impacté par l'application de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques (LEMA) du 30 décembre 2006, à la suite de l'application de la circulaire du 25 janvier 2010, qui prône soit l'effacement systématique des ouvrages et des seuils des moulins, soit l'obligation d'équipement par dispositifs de franchissement représentant des dépenses exorbitantes pour leurs propriétaires privés ou publics. Il semblerait que les moulins soient plutôt considérés comme des « obstacles » à la continuité écologique des cours d'eau, alors que ceux-ci constituent des ressources économiques et énergétiques, un maillage territorial et un patrimoine culturel incontestable. En effet, la présence de ces moulins a entraîné la construction de barrages transversaux, appelés chaussées. Celles-ci sont souvent anciennes et représentent un patrimoine historique unique remontant parfois au Moyen-Âge. Les propriétaires de moulins ne sont pas opposés au principe de la continuité écologique, à laquelle contribuent d'ailleurs lesdites chaussées, mais à son application qu'ils jugent excessive, désordonnée et aveugle et qui ne repose sur aucune donnée fiable. Aussi, sans remettre en cause le principe de continuité écologique, il semble impérieux d'en analyser l'efficacité réelle sur la qualité des milieux, d'en assurer la faisabilité pour les maîtres d'ouvrages tout en maîtrisant l'efficience des dépenses publiques. C'est la raison pour laquelle il lui demande de bien vouloir envisager de définir, en concertation avec toutes les parties prenantes, les conditions d'une mise en œuvre plus équilibrée de la continuité écologique et d'une conciliation harmonieuse des différents usages de l'eau.
Jean-René Marsac (Socialiste, écologiste et républicain - Ille-et-Vilaine), Question N° 96972
M. Jean-René Marsac attire l'attention de Mme la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat sur l'application de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques (LEMA) du 30 décembre 2006. En effet la circulaire du 25 janvier 2010 prône l'effacement systématique des ouvrages et des seuils des moulins pour la sauvegarde des espèces de poissons en voie de disparition, la préservation de la biodiversité aquatique et le transport des sédiments. Elle conduit à des dépenses importantes pour les propriétaires privés ou publics des moulins. Sans remettre en cause le principe de continuité écologique, aujourd'hui, très peu de propriétaires privés sont capables de supporter financièrement le coût des modifications même si elles sont fortement subventionnées. Aussi il lui demande quelles sont les intentions du Gouvernement afin de concilier la continuité écologique et la sauvegarde des moulins à eau.
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Lettre à Ségolène Royal sur ses instructions que l'on ignore et sur les moulins que l'on détruit
A savoir à propos des effacements d'ouvrages de moulins
Idée recue #1 : "Le propriétaire n'est pas obligé d'effacer son ouvrage, il est libre de son choix"
Idée reçue #05 : "L'Etat n'a jamais donné priorité aux effacements des ouvrages hydrauliques en rivière"
Idée reçue #06 : "C'est l'Europe qui nous demande d'effacer nos seuils et barrages en rivière"
Illustration : l'ouvrage Massard à Belan-sur-Ource, dont les vannes ont déjà été déposées. D'après les propagandistes de la continuité écologique, l'impact présumé de cet ouvrage justifierait de dépenser près de 100 k€ d'argent public pour détruire le pertuis et conforter la berge sur la retenue effacée. Pas une donnée biologique n'est avancée sur l'état des espèces piscicoles à l'aval et à l'amont du site, ni sur la biodiversité de sa retenue et des canaux de dérivation. On efface sans preuve ni remords. Avons-nous les moyens de payer de telles absurdités? La fonction d'un syndicat est-elle de casser le patrimoine des rivières dont il a la charge? Le rôle d'une Agence de l'eau est-il de donner une priorité dogmatique aux solutions destructrices? La continuité écologique "à la française" a besoin d'une remise à plat complète de ses attendus, de ses méthodes, de sa gouvernance et de son financement.
Effacements en cours en Nord Bourgogne : rejoignez-nous, ainsi que les collectifs riverains en lutte, pour les combattre à Avallon, Tonnerre, Perrigny-sur-Armançon, Belan-sur-Ource
Vous dites : Avons-nous les moyens de payer de telles absurdités ? (100 000 euros pour l’ouvrage de Belan).
RépondreSupprimerSuite à vos propos, je me permets d’informer vos lecteurs : il me semble que vous soutenez des projets de production hydroélectrique ou les sommes sont conséquentes, pour certains cas l’investissement est proche d’1 million d’euros avec un retour sur investissement de plus de TRENTE ANS. Il me semble que c’est le cas pour l’ancien barrage hydroélectrique de la commune de Semur en Auxois (abandonné par EDF, on se demande pourquoi d’ailleurs). Alors endetter des communes sur 30 ans avant de récolter un centime n’est-il pas une absurdité. Pour information la ville de Semur à un encours de 7 millions d’euros soit 1 500 euros par hab !!!
Vous avez bien raison d'informer nos lecteurs. Continuons de le faire:
RépondreSupprimera) l'association Hydrauxois a signalé en comité de pilotage que cette estimation budgétaire lui paraît trop élevée en l'état (par exemple un improbable 200 k€ de curage issu des très fantaisistes travaux du BE Cariçaie ; possibilité de trouver des ensembles turbines-génératrice-armoire moins chers, etc.) ; b) les projets hydro-électriques de ce type font l'objet d'une aide Ademe-Région-Europe en raison de leur bon bilan carbone et de leur contribution à la lutte contre le réchauffement climatique (rappel, la France est censée abandonner le fossile, env. 50% de sa consommation finale aujourd'hui, tout en réduisant le nucléaire) ; c) la commune est libre de confier l'exploitation à un industriel privé en bail (ses coûts seront moindres que ceux d'une collectivité) ou de recourir au financement participatif (ce à quoi nous l'encourageons, cela fonctionne bien pour des sites de cette dimension) ; d) l'enjeu de préservation du site n'est pas seulement énergétique mais aussi patrimonial (lieu de naissance de l'électricité de la ville, foulon ayant produit pendant 5 siècles ininterrompus) et paysager (promenade appréciée de habitants, lieu de pêche aux blancs) : e) le syndicat de l'Armançon comprend tellement bien les besoins des Semurois qu'il propose d'ouvrir les vannes en été, soi disant pour améliorer le transit sédimentaire (du transport de charge solide quand il n'y a pas d'eau, donc pas de puissance tractrice… fallait y penser), avec pour effet de transformer la retenue en marigot au moment où les gens aiment bien se promener.
Nous sommes censés nous engager dans des territoires à énergie positive, la commune de Semur a un potentiel hydro total de l'ordre de 600 kW, cela fait partie du mix énergétique futur de la ville. Le classement patrimonial dont jouitSemur crée par ailleurs des contraintes et rend assez improbable le déploiement massif d'autres solutions (solaire de toit, éolien). Si l'on prend la transition énergétique au sérieux, il faut donc s'engager progressivement dans l'équipement des seuils de la ville, de Saumaise à Saint-Jean.
Enfin, la différence que certains ne comprennent pas : investir l'argent public dans la casse du patrimoine, cela ne produit rien en services rendus aux citoyens par les écosystèmes, cela les détruit au contraire (disparition de la réserve incendie, du soutien nappe amont, de l'esthétique de retenue, du biotope à poissons blancs appréciés des pêcheurs en 2e catégorie comme l'Armançon, etc.). Dans les cas où le projet de destruction est assorti d'une restauration paysagère complète et d'aménagements conformes aux souhaits des riverains, donc répond à un éventuel projet de territoire autre qu'une "renaturation" fantasmée de rivière modifiée depuis 8000 ans d'occupation humaine, le budget devient conséquent : plus de 1 million d'euros à Montbard par exemple pour casser deux ouvrages assez modestes. Un million pour casser de manière amnésique ou un million pour préserver, restaurer, équiper, le choix est vite fait!
Dernière chose : l'idéal de "renaturation" de la rivière consiste à la rendre autonome et ne rien faire ensuite. L'idéal de cette posture (si elle est cohérente avec elle-même) est de "muséifier" la rivière et son écosystème avec quasiment aucun impact anthropique. Ce n'est donc nullement créateur d'activités et d'emplois sur le long terme, contrairement à l'aménagement des cours d'eau.
Energie positive? Erdf va raccorder un nouveau parc éolien à poiseul la grange donc le territoire accède peu à peu à une vraie énergie positive mais sans les moulins, il est vrai tant leur production est infime. Tant de débats inutiles et temps perdu pour quelques kilowatts, c'est à contresens.
RépondreSupprimerLa "vraie" énergie... parce qu'il y a de la "fausse" énergie? On n'est pas à une étrangeté physique près chez les cartomanciens de "l'écologie des rivières".
SupprimerL'énergie du vent ou du soleil vous plaît, mais pas celle de l'eau : cela n'a rien d'original, chaque source d'énergie a ses détracteurs (y compris le parc que vous citez).
Mais surtout, faites un calcul de coin de table pour fixer les ordres de grandeur. La consommation totale d'énergie en France est de l'ordre de 4 tep/hab/an (énergie primaire). Ce qui fait environ 40 MWh/hab/an (beaucoup plus que l'électricité spécifique de consommation car cela inclut toute l'énergie du pays, y compris les usages pro et les transports). Il y a 500.000 habitants en Côte d'Or, donc un besoin de l'ordre de 20.000 GWh/an. Une éolienne à 2 MW de puissance nominale et 20% de facteur de charge produit environ 3,5 GWh/an. Donc il en faudrait 5700 sur le seul territoire cote-dorien pour arriver au bon compte. C'est évidemment peu réaliste : si l'on en a quelques centaines sur les couloirs les plus venteux (pour un bon facteur de charge et une fatalité minimisée), ce sera déjà bien.
La morale de cette histoire, c'est que la transition énergétique ni fossile ni fissile devra peu à peu exploiter toutes les sources renouvelables disponibles où elles se trouvent, le vent, le soleil, la biomasse, l'eau et la chaleur géothermique. Casser les seuils et barrages, c'est une aberration de ce point de vue (pas seulement pour l'énergie par ailleurs, tout le monde n'est pas aussi insensible au patrimoine que les fanas de la pelleteuse en rivière).
Il suffit de lire ici les partisans de cet effacement pour comprendre que cela relève de quelques intérêts particuliers et visions très partisanes, quand ce n'est pas une gestion court-termiste vide de toute vision ou un éloge paresseux de la rivière renaturée comme on la vend dans les prospectus publicitaires d'une Agence. Ces intérêts et visions peuvent faire illusion dans les bureaux fermés des commissions techniques, mais dès que le dada obsessionnel de la casse arrive dans les choix publics et le débat public, il se passe ce qui se passe depuis 4 ans : une levée de bouclier contre le caractère dogmatique et délirant de ces choix.