Arrivés tôt le matin, les membres du collectif parviennent à arrêter le brise-roche. Un camion sera également détourné, avant qu'il ne revienne accompagné de la gendarmerie et de la police municipale. La concertation et le dialogue, vantés dans toutes les bonnes brochures de la continuité écologique, trouvent vite leurs limites avec les représentants de la casse institutionnelle du patrimoine. Pour les militants comme pour les poissons, un seul mot d'ordre: circulez ! Photo Yonne républicaine, tous droits réservés.
La chaussée Saint-Nicolas en eau basse. On voit que l'ouvrage est modeste, y compris par rapport au seuil de la Cascade à Tonnerre, sans compter les plus grands obstacles à l'écoulement de l'Armançon. L'acharnement à casser des petits seuils en laissant les grands barrages caractérise la politique inepte de continuité écologique. Quant aux autres impacts, nous demandons pourquoi le contrat global Armançon 2015-2020 prévoit un budget de 76.000 euros seulement pour la pollution agricole contre 2,5 millions d'euros pour la restauration morphologique, on nous répond que le premier sujet est très difficile à traiter. Ben voyons, laissons la chambre d'agriculture décider de ce qui est bon pour la rivière et pendant ce temps-là, matraquons les moulins. Dans le même ordre d'idée, nos interlocuteurs nous disent que la ville de Tonnerre a bien sûr réfléchi à l'hydro-électricité, mais que les sites promis à la destruction ne produiraient rien. On demande à consulter l'étude : pas besoin d'étude, nous répond-on dans un grand rire... Pendant ce temps-là, Tonnerre est loin d'avoir accompli sa transition énergétique bas-carbone.
Une fois la vanne ouverte, l'ouvrage Saint-Nicolas est franchissable aux poissons bons nageurs, surtout en hautes eaux où le niveau tend à s'égaliser entre amont et aval. Une solution simple, peu coûteuse et respectueuse du patrimoine consiste donc à gérer cette vanne. Mais les employés du syndicat et sa vice-présidente nous expliquent : c'est très insuffisant, il faut restaurer la morphologie, on préfère des rivières libres. Le syndicat de l'Armançon va donc bien au-delà de ce que demande la loi française. Les citoyens du bassin vont-ils consentir à financer ces dépenses décidées sans réelle consultation ni concertation (la commission locale de l'eau, soi-disant représentative des usagers, élus et citoyens, n'a même pas daigné se réunir pour formuler un avis sur ce chantier, c'est dire le mépris complet des instances délibératives du syndicat pour la vie des gens...)? La nouvelle taxe Gemapi qui sera collectée en 2018 va-t-elle servir à modifier comme ici les graviers sur 200 mètres de rivière, au bénéfice de certaines espèces et au détriment d'autres? Le syndicat va devoir sérieusement affûter ses arguments, car ces gabegies destructrices au service des visions subjectives de quelques apprentis-sorciers sont fort peu partagées par les citoyens qui en sont correctement informés.
Voilà ce qui restera comme le grand outil de la pseudo-écologie des rivières des années 2010: la pelleteuse. Au moins la folie de la destruction du patrimoine aide-t-elle le secteur du BTP à franchir la crise de la construction... En matière de résultats pour l'environnement, on surveille avec impatience le retour en masse des anguilles, saumons, aloses et esturgeons sur l'Armançon. Basiquement, on attend déjà que le syndicat de rivière et l'Onema produisent des analyses avant-après sur chaque chantier pour exposer aux citoyens à quoi sert l'argent public et dans quelle mesure cela contribue à notre première et impérative obligation, le bon état chimique et écologique DCE. Le bla-bla généraliste du catéchisme de la continuité, on en a plus que soupé depuis 5 ans: on veut maintenant des faits et des chiffres sur les gains réels pour les milieux aquatiques et sur le progrès mesurable de nos obligations vis-à-vis de l'Europe. On demandera ces données aussi longtemps que nécessaire.
Même le chien paraît définitivement convaincu et profondément abattu : on jette l'argent dans la rivière.
Dans les propriétés voisines, tout le monde déplore le projet du syndicat de l'Armançon: le petit plan d'eau est apprécié, les berges vont souffrir de la reprise des marnages et de l'érosion, le niveau des puits baissera. Aussi l'association Arpent n'a-t-elle pas de difficulté à trouver des propriétés privées pour poser ses panneaux en défense du patrimoine menacé.
Le point de ralliement, chemin des Minimes à Tonnerre. Venez nous y trouver, de 06:00 à 18:00: nous ne sommes pas encore assez nombreux!
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