Les auteurs rappellent en introduction les faibles émissions de CO2 par kWh produit pour les petites centrales hydro-électriques (PCH) au fil de l'eau : 4 grammes équivalent CO2 (g eqCO2) au kWh contre 1001 g CO2eq / WHh pour le charbon, 469 pour le gaz, 46 pour le solaire, 16 pour le nucléaire et 12 pour l'éolien. Ce bilan carbone positif, associé à un faible impact sur les autres usages des rivières et bassins dans le cas des centrales de taille modeste, incite les décideurs à voir dans la petite hydro-électricité un élément légitime de la lutte contre le changement climatique.
Autre point mis en avant par les chercheurs : la pauvreté de la recherche. Autant les grands barrages ont fait l'objet d'analyses scientifiques, autant les PCH en sont généralement orphelines. De surcroît, les choix d'hypothèses et d'observations n'apportent pas toujours des enseignements utiles. "Les précédentes recherches dans ce domaine ont été limitées par l'absence de données standardisées à long terme et la faiblesse de conceptions des études — reposant principalement sur la dynamique post-construction et la comparaison de tronçons de référence amont-aval, ce qui limite les conclusions que l'on peut en tirer".
Gary S. Bilotta et ses collègues ont donc sélectionné des sites où l'on dispose de données de qualité pour effecteur une comparaison, à savoir des mesures:
- standardisés pour le peuplement piscicole,
- disponibles à moins d'1 km des sites,
- en comparaison de mesures similaires et faites sur des tronçons avec des seuils non équipés (l'objet étant de comprendre l'effet spécifique de l'équipement hydro-électrique de ces seuils).
Pour 161 PCH, seuls 23 ont correspondu aux critères posés par les auteurs. Leur chutes (1, 5 à 96 m), leurs longueurs de tronçon court-circuité (5 à 1150 m), leurs équipements (turbines Kaplan, Turgo, Francis, Banki-Mitchell, vis d'Archimède, roues) et leurs puissances (3 à 450 kW) reflètent la réalité de la petite hydro-électricité. C'est assez rare pour être souligné car nombre d'études mise en avant en France (par exemple sur la mortalité piscicole en turbine) sont faites sur la base de données et modèles issues de sites EDF, avec des puissances de l'ordre de MW ou de la dizaine de MW, sans rapport avec les PCH.
Six données piscicoles ont été analysées (rapportées à 100 m^2 de surface) : nombre d'espèces, nombre de poissons, nombre de saumons atlantiques (Salmo salar), nombre de saumons de plus d'un an, nombre de truites communes (Salmo trutta), nombre de truites de plus d'un an. Le résultat est exprimé dans le graphique ci-dessous (les carrés indiquent la moyenne, les barres l'intervalle de confiance à 95%, avant / après, site de contrôle / site équipé).
Figure extraite de Bilotta et al 2016, art. cit., droit de courte citation.
- les effets des PCH sont très faibles (l'intervalle de confiance inclut la valeur nulle),
- 5 des 6 mesures n'ont pas de variation significative,
- la seule mesure ayant une variation significative est le nombre d'espèces, avec une baisse négligeable de -0,06 par 100 m^2.
Enfin les auteurs rappellent que la plupart des sites étudiés sont d'équipement récent et ont suivi des bonnes pratiques dans leur conception. Cela ne préjuge pas de l'effet de sites plus anciens, qui serait à étudier avec la même rigueur pour arriver à des conclusions robustes.
Discussion
Les auteurs soulignent en conclusion les limites de leur propre travail, en raison de la faiblesse d'échantillonnage, et rappellent que bon nombre d'études piscicoles ou d'écologie des milieux aquatiques ne disposent d'aucune évaluation de la puissance statistique des méthodes employées, donc du risque des faux positifs ou des faux négatifs. "Le résultat d'études à faible puissance statistique peut être à la fois trompeur et dangereux, pas seulement par leur incapacité à détecter des changements écologiques significatifs, mais aussi parce que cela crée l'illusion qu'une chose utile a été faite".
On ne peut que conseiller aux gestionnaires français de méditer sur ces propos. Nombre de relevés effectués par l'Onema ou des fédérations de pêche sont par exemple avancés comme des "preuves" d'un phénomène (abondance ou rareté d'espèces, écart à une typologie, impact de telle ou telle pression) sans avoir toujours les méthodes nécessaires pour inférer ces conclusions avec un degré raisonnable de confiance (problème déjà souligné par Peterman 1997 dans le cas des études piscicoles, dont 98% n'analysent pas le risque d'erreur de seconde espèce). Dans un domaine qui engage l'argent public et qui recouvre de nombreux enjeux (pas seulement piscicoles au sein de l'écologie, et pas seulement écologiques au sein des bénéfices sociaux), la moindre des choses est d'avertir le décideur du caractère encore incertain et préliminaire de la plupart des connaissances sur les rivières.
Le travail de Bilotta et de ses collègues cherche un signal lié à l'équipement hydro-électrique, mais ne décrit pas l'effet des seuils sur les assemblages piscicoles, puisque l'échantillon de référence est lui aussi fragmenté d'ouvrages sans usages. Toutefois, des travaux français en hydro-écologie quantitative indiquent que cet effet serait modeste (de l'ordre de 12% de la variance des scores de qualité piscicole selon Van Looy et al 2014), en particulier quand l'effet relatif des barrages et seuils est comparé à d'autres causes de variation de l'état écologique des rivières (13e facteur de variation piscicole, selon Villeneuve et al 2015). Ces travaux concordent avec d'autres résultats de la recherche internationale (par exemple Wang et al 2011, Cooper 2016) : si les barrages, et en particulier les grand barrages, ont des effets importants dans la zone d'influence de leur bassin versant, et parfois sur des espèces migrant à longue distance, l'effet cumulé de l'ensemble des ouvrages hydrauliques ne paraît pas pour autant un facteur de premier ordre de la variation de population piscicole (à supposer par ailleurs que cette variation puisse être ramenée par l'écologue à une notion de "qualité", d'"intégrité" ou même de "référence", ce qui est un débat épistémologique chez les chercheurs eux-mêmes, voir par exemple Bouleau et Pont 2015 ou le livre de Lévêque 2013). Quant à l'effet historique des ouvrages et aux évolutions à long terme des populations piscicoles, le sujet reste pour l'essentiel une terra incognita de la recherche, les premiers travaux n'apportant pas forcément des conclusions attendues (voir Clavero et Hermoso 2015, Haidvogl et al 2015, Belliard et al 2016).
Dans le dossier de 2013 consacré au classement des rivières et à la continuité écologique, notre association appelait à une "double modernisation écologique et énergétique" des ouvrages hydrauliques. L'action publique française a hélas! choisi d'inciter par la réglementation et par le financement à la suppression la plus large possible des seuils et barrages. Il est peu compréhensible qu'une posture correspondant à des visions minoritaires dans la société, manquant cruellement d'études scientifiques préalables sur les petits ouvrages, soit ainsi devenue une politique nationale. La correction de cette aberration est une urgence pour les prochaines réformes de la loi sur l'eau. Et l'étude scientifique des cours d'eau fragmentés reste une priorité, pour faire des choix efficaces et proportionnés d'aménagement.
Référence
Bilotta GS et al (2016) The effects of run-of-river hydroelectric power schemes on fish community composition in temperate streams and rivers, PLoS ONE, 11, 5, e0154271. doi:10.1371/journal.pone.0154271
Pas besoin d'étude pour identifier l'impact marginal d'une turbine de petit seuil sur la faune piscicole, c'est la présence du seuil qui est impactante. Comme toujours vous détournez et prenez les lecteurs pour des dupes.
RépondreSupprimer"Pas besoin d'étude..."
SupprimerCela commence mal, les gens qui affirment l'inutilité de l'étude d'un phénomène sont aussi ceux qui propagent le mieux l'ignorance ou l'erreur à son sujet.
"pour identifier l'impact marginal d'une turbine de petit seuil sur la faune piscicole, c'est la présence du seuil qui est impactante"
Vous devriez expliquer cela à tous ceux qui sont loin d'en être convaincus (par exemple les porte-parole des pêcheurs, qui ont une phobie manifeste de la relance de l'hydro et qui voudraient que cela tourne comme à l'époque des moulins ; ou les financeurs de bavardes études sur la modélisation de la mortalité en turbine).
Quant à l'impact des seuils par eux-mêmes, voilà un protocole de recherche :
- étude avant-après (BACI)
- sur des tronçons ayant fait l'objet de restauration de continuité
- en comparaison de tronçons toujours fragmentés
- avec contrôle des autres facteurs d'influence (ordre de Strahler, usage des sols du BV, chimie et autres données DCE dispo, etc.)
- avec des relevés biologiques standardisés avant / après assez nombreux
- avec des informations sur les ouvrages (hauteurs) et les types d'aménagement choisis
- sur un ensemble de taille suffisante pour exclure le biais d'échantillonnage
- sur toutes les hydro-éco-régions / zonations
- avec test de la puissance statistique des résultats
Quand cela sera fait, vous nous présenterez les résultats et là oui, on pourra discuter sur une base objective.
L'équipement de seuils existants sans dérivation est un problème marginal par rapport à la création d'équipements nouveaux. De plus vous n'avez certainement pas remarqué que la géographie du pays de Galles et de l'Angleterre était fort différente de celles de nos régions montagneuse qui abritent une grande majorité des petites centrales hydrauliques ? L'étude proposée n'a donc qu'un intérêt anecdotique, son résultat ne fait que confirmer le bon sens et le titre de votre article est, comme bien souvent, trompeur. Quant à vos seuils, ce serait plutôt à vous de démontrer que vos seuils sont sans effet : depuis quand l'agressé doit-il supporter la charge de la preuve ?
RépondreSupprimerRégions montagneuses? Il y a des moulins sur toutes les rivières, la plupart des chutes équipables étant de moins de 3 m. La "houille verte", comme on nommait l'hydraulique de plaine.
SupprimerSi le titre vous semble trompeur, faites l'effort de lire l'article. Avons-nous dissimulé que l'étude se bornait à comparer les rivières fragmentées de seuils déjà existants avec ou sans production énergétique? Non, c'est même la toute première ligne de l'introduction.
Sur le caractère marginal de l'équipement des ouvrages, si vous en êtes déjà convaincus, ce n'est pas le cas de tout le monde comme rappelé ci-dessus. N'avez-vous pas observé les violentes réactions allergiques de FNE et de la FNPF à la volonté de la Ministre de l'Environnement de relancer la petite hydro-électricité? Il y a même une amusante pétition qui circule (amusante car on voit le niveau argumentaire de ce petit monde excité quand les camarades de l'ex-CSP ne tiennent pas la plume).
Quant à "l'agressé", c'est un mystère. Généralement, les gens qui viennent chez vous pour casser ou pour rançonner sont définis comme des agresseurs. Au-delà de la sémantique, on attend du sujet et non de l'objet d'une action qu'il la justifie. Vous auriez pu répondre : "vous avez raison, faisons cette étude et vous serez bien obligé d'admettre que vous avez tort". Etonnamment, vous bottez en touche. Voyez-vous, c'est cela qui nous rassure car nous avons pour notre part toute confiance dans les progrès de la connaissance scientifique, fussent-il lents et difficiles, particulièrement en sciences de l'environnement.
La houille verte, comme la couleur de l'eau dans les retenues des biefs de rivières de plaine.
RépondreSupprimerVous avez raison de le rappeler, les biefs et retenues des moulins héritent de tout ce que déversent les sols et rives du bassin amont (phosphore, azote, matières en suspension, pesticides, micro-polluants, macro-déchets, etc.). Ce qui explique la sensibilité de leurs propriétaires à la pollution. Et leur doute sur la volonté réelle de les supprimer, quand cela heurte tant d'intérêt économiques et politiques autrement plus influents que les petits ouvrages...
Supprimerhttp://resistance-verte.over-blog.com/2016/09/poissons-morts-dans-la-semene.html
RépondreSupprimerVive les barrages
Une mauvaise gestion produit de mauvais résultats, pour sûr. Et les barrages n'ont pas que des avantages, comme à peu près tout. Une rivière "naturelle", cela n'a pas que des avantages non plus, cela inonde, cela érode, cela détruit et cela tue. C'est d'ailleurs pour cela que les hommes ont essayé de gérer les rivières et zones humides depuis le néolithique, afin de rendre les milieux plus propices à leur implantation.
SupprimerL'article de votre lien est peu clair sur les faits et les causes. Combien de poissons mort au juste? Quelles espèces? Quels liens avec la "sécheresse" mentionnée, outre le barrage eutrophe? Etc. Mais une analyse permettra d'établir les responsabilités et de déduire des prescriptions pour minimiser le risque. Quant à ce barrage, puisqu'il existe, autant l'exploiter complètement et mettre une turbine hydro-électrique si ce n'est pas déjà le cas. Comme l'article ici commenté le suggère, cela aurait peu d'effets.
Enfin, si la "résistance verte stéphanoise" s'émeut à chaque mortalité de poisson, nous espérons bien sûr qu'elle milite également pour l'interdiction de la pêche, loisir de masse consistant à traquer, stresser, blesser ou tuer le poisson. Vous nous donnerez les liens des articles en ce sens. Merci d'avance.
Une riviere natutelle tue? Vous avez vu ca ou? C est de la malhonnetete intellectuelle
RépondreSupprimerinadmissible. Une riviere qui inonde qui erode est une riviere vivante.une riviere endiguee , avec des barrages est une riviere dangereuse. Lorsque les digues ou les barrages cedent ce sont des populations en danger. Exemple Aggly avec ses ruptures ou dans la Gard.
Les barrages au dela des problemes de continuite ecologisues provoquent de vrais probleme hydraulique et d inondation avev la rehausse du fil d eau.
Evidemment que les rivières tuent, et depuis toujours. Lisez l'ouvrage classique de Maurice Champion sur les crues et sa "suite" récente de Michel Lang et al. Comme beaucoup d'enfants gâtés du XXIe siècle, vous oubliez un fait élémentaire, à savoir que les centaines de générations d'humains qui vous ont précédé ont d'abord lutté contre la dureté et l'imprévisibilité de la nature. La sédentarité est indissociable de la maîtrise de l'eau (donc l'endiguement, la canalisation, le drainage, etc.), pour nourrir hommes et bêtes, irriguer les cultures, assurer l'hygiène, servir l'artisanat puis l'industrie, produire l'énergie, éviter les maladies à vecteurs des zones humides infestées, etc. Voir les ouvrages de Viollet sur la civilisation hydraulique.
SupprimerPS : ce qui est "admissible" ou non sur ce site, c'est nous qui le décidons, pas vous qui êtes invité à nous critiquer.
La peche loisir est donc un loisir de masse a traquer stresser et tuer des poissons. Ca se voit que vous n avez jamais amener des enfants a la peche.
RépondreSupprimerOK donc vous êtes en pleine contradiction, merci de l'avoir confirmé. Continuez de faire des communiqués faussement éprouvés quand vous trouvez un cadavre de poisson au pied d'un barrage et d'apprendre dans le même temps aux enfants à torturer ces animaux.
SupprimerDrainer,endiguer pour nourrir l'homme vous êtes adhérent de la FNSEA?
RépondreSupprimerNon. A peu près aucun paysage de France n'est "naturel", tous résultent des modifications liées à l'occupation humaine : nous rappelons simplement ce fait assez bien connu de l'écologie scientifique et de l'histoire de l'hydraulique. Tant pis si cette vérité contrarie les croyances de l'église de la "résistance verte stéphanoise".
SupprimerAprès, si vous désirez libérer les bassins versants de cette occupation humaine, pas de problème, c'est un programme politique comme un autre quoiqu'il nous paraisse comme tel vide de sens. Argumentez votre cas, tolérez la contre-argumentation propre au débat démocratique, choisissons finalement ce qui paraîtra le mieux aux riverains des cours d'eau. Si vos propositions sont de nature à accroître les services rendus par les écosystèmes et répondent aux attentes sociales, vous n'aurez pas de difficulté particulière à les transformer en réalité.
Petite précision : les propriétaires de moulins et les riverains de leurs retenues sont les premiers à subir les pollutions chimiques de l'eau. Nous avons au demeurant pointé à de nombreuses reprises les résultats médiocres de l'action publique en ce domaine. A charge égale de nutriments et pesticides, la destruction systématique des seuils et barrages est de nature à aggraver cette pollution, pas à la diminuer.
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