Les castors sont une espèce ingénieur, capables de remodeler les écosystèmes des rivières, tant les ripisylves que les lits mineur et majeur. Avant leur quasi-extermination par l'homme entre l'Antiquité et le XIXe siècle, ils étaient probablement omniprésents dans les rivières eurasiennes et nord-américaines. Les castors ont une stratégie de construction de niche très particulière, qui consiste à créer si nécessaire des petits barrages formant des retenues, afin d'avoir toujours une certaine hauteur de lame d'eau (celle-ci est généralement insuffisante pour les castors dans les rivières peu profondes des têtes de bassin).
Au Royaume-Uni, Allan Puttock et ses collègues (Université d'Exeter) ont réintroduit 2 castors européens (Castor fiber) dans le cadre du Devon Beaver Project. Le site de l'expérience était une petite rivière boisée de tête de bassin (Tamar), de température moyenne annuelle de 14°C et de pluviométrie de 918 mm. Le couple de castors a été introduit dans un enclos de 3 ha, à l'aval d'une terre agricole (prairie) de 20 ha exploitée de manière intensive. En quelques années, un réseau de 13 barrages et retenues est apparu (image ci-dessus).
Les chercheurs ont mesuré quelques effets de cet hydrosystème fragmenté. Leurs résultats:
- les barrages ont augmenté le stockage local d'eau de 1000 m3,
- une réduction significative des effets des crues est mesurée à l'aval, qu'il s'agisse de la baisse des pics de crue (-30%) et du débit total (-34%) ou de la hausse du délai entre le pic pluviométrique et le pic de débit lors des tempêtes (+29%),
- les matières en suspension, phosphate et azote ont montré des baisses de concentration entre l'entrée et l'exutoire des barrages (effet inverse pour le carbone organique dissous), cliquer image ci-dessous pour agrandir.
Extrait de Puttock et al 2016, art. cit. droit de courte citation.
Puttock et ses collègues observent que ces effets tiennent notamment à la discontinuité de l'écoulement et à la réduction de continuité longitudinale. Ce travail s'ajoute à de nombreux autres qui soulignent l'impact positif des castors sur les écosystèmes et l'intérêt que la gestion de bassin pourrait en retirer. Certains chercheurs comparent l'effet des barrages de castor à ceux des chaussées de moulin (voir Hart et al 2002). Et pour cause, car du point de vue fonctionnel, les avantages soulignés par Puttock et ses collègues (écrêtage des petites crues, stockage d'eau, ralentissement et épuration de certains composés) ont de bonnes chances de se retrouver pour d'autres obstacles à l'écoulement que les ouvrages des castors. En revanche les moulins, contrairement aux castors, n'alimentent pas toujours des zones humides latérales (mais ce cas de figure se retrouve sur certains biefs en haut de thalweg déversant en contrebas).
Référence: Puttock A et al (2017), Eurasian beaver activity increases water storage, attenuates flow and mitigates diffuse pollution from intensively-managed grasslands, Science of the Total Environment, 576, 430–443
Illustrations en haut : plan SW Archaology (DR) et photos Devon Wildlife Trust (DR) des aménagements, article cité. Les barrages de castor remplacent typiquement un écoulement lotique en chenal étroit et boisé par des retenues lentiques plus larges et plus éclairées. Ce phénomène est qualifié (par les idéologues français de la continuité) de grave dérèglement quand il est le fait des chaussées de moulin. Il est vrai que si le véritable objectif de la continuité écologique est de donner au lobby pêcheur son quota de poissons rhéophiles ou migrateurs, ni les castors ni les moulins n'ont un effet facilitateur.
les idéologues de la continuité écologique attendent avec impatience l'arrivé des castors... Cela va créer de l'emploi, de la main d’œuvre sera nécessaire pour aller enlever les nombreux arbres dans les vannages !
RépondreSupprimerOn aidera les castors à faire du solide (l'avantage de l'humain, autre espèce ingénieur).
Supprimerle mieux c'est d'enlever les vannages, comme cela plus de problèmes ;)
SupprimerQuand un moulin est sans usage et que l'assèchement partiel du bief en basses eaux ne pose pas problème, pourquoi en effet ne pas retirer (ouvrir en permanence) les vannes? L'avantage, c'est que c'est réversible et que si un nouveau propriétaire a des envies plus constructives, il peut relancer le site tout en faisant un dispositif de franchissement. Hélas, y compris sur des rivières à IPR bon ou excellent et sans grand migrateur, n'ayant donc pas d'urgence piscicole particulière ni d'enjeu DCE, on voit que certains syndicats ne se contentent pas de déposer les vannes, mais veulent à tout prix casser pertuis et bajoyers (politique du Sicec à Nod, Buncey, Belan). Quand on arrêtera ces dépenses sans grand intérêt, perçues comme un acharnement symbolique à détruire et laissant l'essentiel des problèmes intacts (pendant ce temps là, 80% des autres sites ayant encore vanne et seuil sont sans projet), peut-être qu'on pourra dialoguer.
SupprimerS'il y a des castors sur les rivieres de 1re catégorie, les pêcheurs demanderons le droit de les tirer à vue comme ils le font pour les cormorans, ces grands "amis de la Nature". Il faut espérer le retour de cet animal, les gens vont se rendre compte de ce que c'est que la vie au naturel, pas du tout du tout ce qu'ils croient!!
RépondreSupprimerPas mal de pêcheurs voudraient bien tirer les hérons aussi. Fréquentez leurs sites et leurs forums, vous trouverez des choses assez édifiantes sur les moeurs de ces "protecteurs des milieux aquatiques", comme la loi bienveillante leur en donne la réputation.
SupprimerUn retour du castor serait intéressant, mais ne manquerait pas de poser des problèmes de riveraineté. Car ils sont très efficaces, ne demandent pas de droit d'eau à la DDT ni de conseil de franchissabilité à l'Onema pour faire leur barrage où ils en ont envie. Cela peut inonder ensuite des champs, des chemins et des routes, mettre à sec les pieds d'ouvrage d'art, faire tomber des berges, etc. Il y a eu un documentaire intéressant sur leur ré-introduction "sauvage" en Belgique. La joyeuse anarchie (naturelle) du castor n'a pas grand chose à voir avec la pseudo-rivière renaturée par méandre redessiné à la pelleteuse entre une voie ferrée et un champ cultivé...
Il suffit de discuter avec des représentants de sociétés de pêche locales pour apprendre, au détour d'une discussion, que les garde-pêches tirent aussi sur les hérons, mais qu'on leur demande d'épargner les grandes aigrettes…
SupprimerCes garde-pêches recevant leurs directives de présidents de la société de pêche.
Vous parlez de Buncey et Belan, quels ont été les avis des CE sur ces deux dossiers? Défavorables, comme sur l'Armançon?
RépondreSupprimerLes avis ont été favorables au projet. Dans le cas de Belan/Ource, il reste l'avis formel de l'ABF, qui n'est pas a priori défavorable.
SupprimerC'est bien dommage (dans le cas de Belan) que casser de jolis pertuis dont les vannes sont déjà déposées soit considéré comme ayant une dépense d'argent public ayant un quelconque intérêt général, mais que voulez-vous... Il faut espérer que les personnes en zone inondable de Belan (on en connaît, hein :-) ne subiront aucune conséquence, pas plus que le bâti. Nous allons suivre tout cela de près, comme nous examinerons les prochaines études de la Fédé pêche 21 sur le suivi des populations piscicoles. Il devrait y avoir un boom absolument impressionnant des densités et juvéniles de truites aux prochaines pêches.