L'Agence française pour la biodiversité et les Agences de l'eau viennent de publier une trame de cahier des charges pour accompagner collectivités et hydroélectriciens dans leur projet de mise en conformité d’un site classé en liste 2 au titre de la continuité écologique. Quelques commentaires sur la complexité des demandes en rapport aux capacités et aux impacts des projets de relance des moulins et autres ouvrages très modestes.
Ce guide venant de paraître est consacré à la définition des équipements de franchissabilité en montaison et dévalaison (passes à poissons, rivières de contournement, grilles) pour les propriétaires ayant un projet hydro-électrique. Il rassemble les éléments que l'administration estime nécessaires: données administratives et réglementaires, connaissance des usages et caractéristiques techniques de l'ouvrage, données sur l'hydrologie et le fonctionnement hydraulique, évaluation des impacts de l'ouvrage sur la continuité écologique, diagnostic de la continuité biologique, diagnostic de la continuité sédimentaire, justifications techniques des choix de franchissabilité, etc.
Nous attirons l'attention sur le caractère trop complexe et donc décalé de ce guide par rapport aux réalités de la très petite hydro-électricité des moulins et anciennes usines à eau. Ce que des grands barragistes peuvent intégrer dans le cadre de projets industriels, ou ce que des constructions de nouveaux sites peuvent planifier dans le génie civil de l'ouvrage à bâtir, n'est pas à portée de projets de réhabilitation de sites anciens et modestes. La seule mobilisation d'un bureau d'études pour répondre à la totalité du cahier des charges proposé dans le guide représenterait pour ces petits sites l'équivalent d'une à cinq années de production – cela sans parler de la réalisation matérielle des passes, grilles, goulottes de dévalaison et autres besoins. Ce qui est manifestement disproportionné. Se pose donc la question du financement de ces demandes : la très haute exigence environnementale a du sens, mais elle ne peut se déployer sans un soutien public à hauteur du niveau d'ambition imposé.
Par ailleurs, la question de la mortalité des poissons sur les petites turbines n'a jamais été explorée de manière satisfaisante. L'administration se fonde sur des travaux anciens concernant (là encore) les grosses unités de production. Nous souhaitons donc que l'Agence française pour la biodiversité mène des travaux sur des sites de production de 5 à 250 kW, avec un spectre représentatif de hauteur et débit, afin de modéliser plus finement la question. Notre association et plusieurs de ses consoeurs sont disposées à aider l'administration à trouver des sites pilotes volontaires pour répondre à ce besoin, en particulier chez les très petits producteurs de 5 à 50 kW. Il n'est pas possible de faire des prescriptions sur la base de simples présomptions, sans disposer au préalable d'étude scientifique et technique sur l'objet de ces prescriptions. Or à notre connaissance, le CSP, l'Onema puis l'AFB n'ont jamais publié le moindre travail de recherche sur le comportement d'approche, d'évitement ou de piégeage des poissons dans les très petits sites de production (moulins).
Enfin, sur le plan du droit, le guide a été conçu avant les évolutions récentes de la loi. On rappellera que le nouvel article L 214-18-1 Code de l'environnement exonère les moulins producteurs des obligations du II de l'article L 214-17 du même code, c'est-à-dire concrètement des contraintes de franchissement piscicole et sédimentaire. Les hauts fonctionnaires du ministère de la Transition écologique n'ont toujours pas produit une circulaire d'application de cette disposition, comme de plusieurs autres votées depuis un an.
Référence : Eléments techniques pour la rédaction d’un cahier des charges (CCTP) pour les équipements et dispositifs dédiés au franchissement piscicole (montaison & dévalaison) et/ou au transit sédimentaire (janvier 2017).
Illustration : une rivière de contournement au droit d'une chaussée de moulin sur le Cousin (Méluzien). Sans le financement Life+, Agence de l'eau et Parc du Morvan, ce projet aurait été hors de portée du maître d'ouvrage.
Votre interprétation de l'article L214-18-1 est erronée car l'exonération ne porte que sur le délai de mise en oeuvre seule prescription supplémentaire instaurée par le classement en liste 2 et non pas sur l'obligation elle même qui est maintenu par Le 7°) de l'article L211-1. Je note par contre avec intérêt que vous mentionnez la limitation aux seuls "moulins" (terme que la jurisprudence appréciera) générateurs d'électricité ...si chers à Madame Royale.
RépondreSupprimerVous citez l'article L 211-1 CE. Comme vous le savez, il contient aussi nombre d'orientations sur la "gestion durable et équilibrée" de l'eau, comme par exemple faciliter le stockage de l'eau, l'exploitation de la ressource, l'énergie, les usages, etc. L'administration peut s'en réclamer (comme y incite la note rédigée par le ministère sur l'interprétation du L 214-18-1 CE), mais le tribunal a peu de chance d'y faire suite si la demande administrative n'est pas motivée par un motif sérieux et argumenté justifiant une injonction de continuité à la charge d'un maître d'ouvrage. (Tout comme aujourd'hui le même tribunal ne suit pas le plaignant si les autres alinéas du même article L 211-1 CE sont simplement invoqués, nombre de contentieux l'ont montré).
SupprimerMais nous sommes d'accord, tout cela est devenu fort complexe, et tellement flou que chacun peut lire ce qu'il veut. Tout cela provoque aussi nombre de conflits, ce qui n'est pas le but de la loi (députés et sénateurs avaient clairement dit leur souhait que l'on arrête les dérives de destruction en chaîne de moulins ou autres ouvrages ainsi que les entraves à la transition énergétique, l'administration fait la sourde oreille et ne s'estime pas tenue par l'avis parlementaire, comme si souvent en France). Aussi notre nouveau gouvernement et notre nouveau parlement ont encore du travail pour que la continuité écologique soit clarifiée, simplifiée, apaisée. Nos lecteurs en seront informés.