Une équipe de 11 chercheurs appelle à une prise en compte urgente des mares, étangs et petits plans d'eau dans la politique des milieux aquatiques. Au cours des années 2000, la recherche a montré que ces milieux, souvent moins présents à l'esprit des gestionnaires et décideurs que les rivières et les lacs, abritent pourtant une biodiversité plus importante par unité de surface. Ce message doit être entendu en France où des destructions d'étangs et plans d'eau sont trop souvent menées au nom d'une approche rigide et mal informée de la continuité en long, sans aucune étude de leur biodiversité et de leur connexion aux milieux environnants, sans compensation lorsque l'on fait disparaître des surfaces en eau et des milieux humides profitant localement au vivant.
Le terme anglais "pond" désigne la mare, l'étang et par extension la zone lentique de faible superficie et de faible profondeur. Elle se distingue du lac par l'absence de zone profonde aphotique (fond privé de lumière) et thermiquement stratifiée. Au Royaume-Uni, où ces habitats sont suivis de manière poussée par rapport à d'autres pays d'Europe, le rapport d'inventaire de Williams et al 2010 avait apporté des informations intéressantes pour le cas anglais : 478000 sites (entre 1,8 et 2,2 par km2), 205 espèces de plantes représentant la moitié de toutes les espèces spécialisées en milieux humides et aquatiques (dont 5 protégées et 40 rares), 63% des mares, étangs et plans d'eau directement reliés à la rivière (dont les 2/3 en lit avec exutoire).
Ces habitats lentiques de taille modeste ont longtemps été négligés, l'attention des pouvoirs publics mais aussi des gestionnaires et chercheurs se tournant vers les rivières, les grands lacs ou les eaux côtières. Mais à compter des années 2000, une moisson de travaux a changé la donne. On s'aperçoit que des ensembles de petits habitats offrent généralement une valeur de conservation aussi élevée (ou plus élevée) qu'un seul grand habitat de même superficie.
Matthew J Hill et dix collègues spécialistes de ces milieux rappellent ainsi:
"Des preuves récentes indiquent que les paysages d'étangs et mares soutiennent une biodiversité élevée (voir The Pond Manifesto: EPCN 2008) et contribuent de manière proportionnellement bien plus forte à la biodiversité aquatique des bassins hydrographiques que les masses d'eau douce plus vastes et plus étudiées comme les rivières et les lacs (Davies et al 2008). En outre, les mares et étangs fournissent un habitat essentiel à de nombreuses espèces rares et menacées à l'échelle nationale et internationale, et constituent des refuges importants dans les paysages urbains et agricoles (Davies et al 2008, Chester et Robson 2013). La contribution significative des trame de mares et étangs à la biodiversité aquatique locale et régionale peut être attribuée à (i) les petits bassins individuels de chaque système, produisant des conditions environnementales idiosyncratiques et une complexité de l'habitat, conduisant à l'hétérogénéité de l'habitat à l'échelle du paysage (Davies et al 2008), (ii) la valeur des plans d'eau anthropiques (par exemple mares de fermes) pour augmenter la superficie d'habitats aquatiques disponible pour la vie sauvage, (iii) la fourniture d'habitats de refuge pour les communautés aquatiques, en particulier quand les zones humides naturelles ont été largement converties en fermes ou rizières (Takamura 2012, Chester & Robson 2013). Les mares et étangs jouent également un rôle important dans le soutien de la faune et de la flore semi-aquatique et terrestre, par exemple les zones agricoles qui contiennent des mares et étangs détiennent une richesse et une abondance d'espèces terrestres supérieures aux zones agricoles sans ces plans d'eau (Stewart et al 2017; : Davies et al 2016)."
Ces observations n'ont cependant pas encore été traduites en choix publics. Les chercheurs observent:
"Les politiques internationales de conservation de l'environnement et de la nature (telles que la Convention de Ramsar, la Convention sur la diversité biologique et la Directive-cadre européenne sur l'eau) sont importantes pour protéger les espèces et les habitats face aux pressions anthropiques croissantes (Dudgeon et al. 2006). Malgré cela, le nombre d'espèces menacées figurant sur la Liste rouge de l'UICN continue d'augmenter, les terres modifiées par les humains (urbaines, agricoles) continuent de remplacer les terres naturelles (Decker et al., 2016) et un certain nombre d'habitats terrestres et d'eau douce continuent à être négligés par les décideurs. Les mares et étangs, définis au Royaume-Uni et dans la majeure partie de l'Europe comme des plans d'eau lentiques de moins de 2 ha (Williams et al., 2010), et la trame des plans d'eau [pondscape], définie comme un réseau de mares et étangs avec leur matrice terrestre environnante, sont l'un de ces habitats historiquement négligés. Récemment, il y a eu une hausse significative de la reconnaissance par les communautés scientifiques et non scientifiques de l'importance des mares, étangs et de leur trame pour la biodiversité et les services écosystémiques. Pourtant, ces petits plans d'eau restent largement en dehors des attributions de la législation internationale, et dans de nombreux cas nationale, de la conservation et de l'environnement."
Une série de recommandations est produite, à commencer par un approfondissement de la recherche scientifique et des inventaires de biodiversité dans ces hydrosystèmes négligés. Ce que notre association réclame aujourd'hui, alors que l'AFB est défaillante à produire des exigences de bonnes pratiques écologiques, notamment avant toute destruction des ouvrages et de milieux lentiques.
Référence : Hill MJ et al (2018), New policy directions for global pond conservation, Conservation Letters, doi.org/10.1111/conl.12447
A lire sur ce thème
Vers une étude du limnosystème (Touchart et Bartout 2018)
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La biodiversité négligée des fossés, mares, étangs et lacs (Davies et al 2008)
Un exemple en Morvan
Etangs de Marrault: quand le patrimoine historique enrichit la biodiversité
Illustration : étang de Montigny en Côte d'Or. Un exemple de gestion administrative déplorable des milieux aquatiques. Alors que ce plan d'eau a été créé comme retenue collinaire, que le fossé de quelques centaines de mètres avant la source (supposée) est intermittent dans sa mise en eau (absente 4 à 6 mois de l'année), qu'aucune espèce migratrice de poisson n'est évidemment attestée à l'amont, la DDT et l'AFB focalisent sur la soi-disant nécessité de restaurer une continuité en long (revenant à vider la retenue) tout en ne témoignant aucun intérêt pour la biodiversité aquatique et rivulaire du site. De telles approches dogmatiques et haliocentrées nuisent aux milieux et représentent le même type d'erreur que l'arasement des haies dans les années 1960-1970. Ces petits plans d'eau et zones humides en contexte agricole ont de l'intérêt pour le vivant, il faut s'en féliciter au lieu de chercher à les faire disparaître ou d'exiger des fonctionnalités coûteuses, sans enjeu dans le contexte.
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