K. Birnie‐Gauvin et cinq collègues danois, spécialisés en ichtyologie (Centre du saumon sauvage de Randers ; département d'écologie des pêcheries d'eaux douces de l'Université technique de Silkeborg ; centre de biologie du poisson de l'Université de Copenhague), ont analysé l'évolution des truites de mer (S. trutta) dans la rivière de Villestrup, au nord-est du Jutland. Le module du cours d'eau est de 1,1 m3/s. Il se jette dans fjord Mariager, connecté au passage du Cattégat (mer Baltique).
Sur cette rivière, 6 ouvrages hydrauliques de petites dimensions ont été effacés entre 2005 et 2012 (voir carte ci-dessus). La hauteur des ouvrages variait de 0,1 à 1,9 m (la plupart au-dessus de 1,5 m). Leurs retenues mesuraient 180 à 800 m de long.
Les auteurs ont analysé les propriétés des smolts (jeunes adultes matures redévalant en mer après leur croissance en rivière) à l'embouchure de la Villestrup entre 2004 et 2016. Le tableau ci-dessous en donne les caractéristiques (cliquer pour agrandir).
Tableau in Birnie-Gauvin K et al 2018, art cit, droit de courte citation
- on passe de 1660 individus avant les effacements en 2004 à 8185 individus en 2016, avec une pointe à 19105 en 2015
- la taille moyenne évolue de 16,3 ± 3.0 cm en 2004 à 13,2 ± 2,2 cm en 2016, avec une régression régulière sur la période.
Sur cette baisse de taille, les auteurs notent : "Il est possible que, à la suite de l'enlèvement des ouvrages, les poissons plus petits aient également réussi à migrer en aval, plutôt que les poissons plus gros seulement, qui sont probablement plus aptes à échapper aux prédateurs dans les zones de retenue ou à franchir les obstacles."
Discussion
La monographie de K. Birnie‐Gauvin est assez classique dans la littérature des sciences halieutiques soulignant l'intérêt de la connectivité pour les poissons migrateurs. Mais les études sur les petits ouvrages, comme celle-ci, sont assez rares à ce jour.
Les auteurs se félicitent du résultat observé et avancent l'intérêt de déployer ces schémas d'effacement quand ils sont possibles. Le fait est que les effacements d'ouvrages sont favorables aux espèces migrant en montaison et appréciant des habitats lotiques plutôt que de retenues, comme les truites de mer. On se permettra quelques remarques critiques :
- la rivière avec ses ouvrages n'était pas dépourvue de truites de mer, elle en présentait une moins grande densité (ce qui pose la question de la finalité et la proportionnalité des chantiers, quand l'espèce-cible est déjà présente);
- la diminution régulière de taille moyenne suggère (sans en apporter la preuve formelle cependant) que les obstacles opéraient un filtre sélectif, en favorisant la reproduction des truites de grande taille. Des adaptations de ce genre ont déjà été observées, et mériteraient plus ample examen. On se pose en effet la question de prioriser les aménagements d'ouvrages selon leur perméabilité et leurs effets;
- l'étude se focalise sur une seule espèce d'intérêt halieutique, mais ne dit rien des autres espèces présentes dans la rivière fragmentée, de la diversité alpha et bêta des zones de retenues avant et après l'opération d'effacement, des dimensions autres qu'écologiques associées aux ouvrages. Ce n'est plus une manière correcte et suffisante selon nous de justifier des choix de restauration de continuité en long.
Référence : Birnie-Gauvin K et al (2018), River connectivity reestablished: Effects and implications of six weir removals on brown trout smolt migration, River Res Applic., doi.org/10.1002/rra.3271
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C'est quand même efficace les arasements sur des cours d'eaux à migrateurs. Ah bon entendeur, Sélune.
RépondreSupprimerSans aucun doute, les poissons circulent mieux dans une rivière sans obstacles à la circulation. La question est de savoir si, connaissant l'état initial du système et ses différents enjeux (qui ne se réduisent pas aux migrateurs en écologie, ni à l'écologie en attentes riveraines), la société souhaite optimiser le système pour les migrateurs et en payer le coût public.
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