Kateřina Bubíková et Richard Hrivnák (Centre des sciences botanique et de la biodiversité, Institut de recherche sur l'eau, Bratislava) observent que les eaux douces sont actuellement l'un des habitats les plus menacés. Si de nombreuses études se sont concentrées sur la diversité de leurs espèces végétales, les deux chercheurs slovaques notent que "les informations concernant la contribution de divers types de plans d'eau à la diversité des macrophytes manquent".
Ils ont donc décidé d'étudier la diversité des espèces de quatre types de masses d'eau: rivières larges (plus de 7 m); ruisseaux et petits cours deau (moins de 7 m); fossés et canaux; étangs. "Les rivières et les ruisseaux sont des habitats d'origine naturelle, mais souvent modifiés par l'homme dans les régions habitées. Les canaux sont des habitats artificiels utilisés à plusieurs fins, telles que l'irrigation, le drainage ou les centrales hydroélectriques. La catégorie des plans d'eau comprenait toutes les eaux stagnantes ayant une superficie de 0,05 à 5 ha (taille moyenne de 1,9 ha), naturelles (par exemple, les bras morts, la dépression du terrain gorgée d'eau) et artificielles (fosses de gravière, étangs)".
Ce travail a été mené dans deux écorégions distinctes (Carpates occidentales et Pannonie), en Europe centrale. Au total 100 localités (25 par type de plan d'eau) ont été échantillonnées, toutes situées le long d'un cours d'eau de 400 km de la rivière Váh. Les diversités locale (alpha), inter-sites (bêta) et régionale (gamma) ont été analysées.
Résultat : "le nombre le plus élevé d'espèces au niveau local et régional a été trouvé dans les plans d'eau et les canaux. Les petits cours d'eau sont les habitats ayant la plus faible diversité locale et régionale, et le plus petit nombre d'espèces uniques ou sur la liste rouge." Au total, 84 espèces ont été trouvées, dont 31 avec une observation unique.
Cependant, remarquent les chercheurs, "aucune des mesures de diversité utilisées n'a montré de différence statistiquement significative entre les types d'habitats. Ainsi, nous pouvons affirmer que tous les types de plans d'eau contribuent à la diversité des macrophytes à un degré comparable à l'échelle générale dans le paysage d'Europe centrale."
Discussion
Des mesures similaires ont déjà été faites au Royaume-Uni (voir notre recension de Davies 2008, voir aussi Williams 2004) et avaient abouti à la même conclusion. Les végétaux ne sont pas les seuls à bénéficier de la diversité des masses d'eau, puisque des résultats du même ordre s'observent sur des invertébrés ou des amphibiens. Ce n'est pas une surprise : le vivant colonise les milieux aquatiques et humides, des habitats naturels ou artificiels peuvent présenter des fonctionnalités et des propriétés comparables. Il est regrettable que l'on trouve très peu de travaux en France sur la biodiversité des masses d'eau selon leur typologie, leur origine (naturelle ou artificielle) et leurs caractéristiques. La grande masse des travaux concernent les seuls poissons. Et un "biais de naturalité" pousse souvent le gestionnaire à se désintéresser des milieux d'origine anthropique, même lorsque ceux-ci sont anciens.
Cette absence de connaissance conduit à des choix qui ne sont pas forcément optimaux pour la biodiversité, en particulier dans la stratégie d'aménagement ou effacement des ouvrages hydrauliques, qui focalise l'attention sur des espèces spécialisées de poissons, sans prise en compte du reste du vivant (voir ce rapport, voir Dufour et al 2017). Des chercheurs européens appellent aujourd'hui à prendre davantage en compte la diversité des masses d'eau, y compris celle des plans d'eau ou autres habitats d'origine artificielle (voir Hill et al 2018), tout en les intégrant dans les stratégies de gestion de la biodiversité à échelle des tronçons, des bassins versants, des éco-complexes et des hydro-écorégions.
Référence : Bubíková K, Hrivnák R (2018), Comparative macrophyte diversity of waterbodies in the Central European landscape, Wetlands, doi.org/10.1007/s13157-017-0987-0
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