Le 26 juin 2018, en quelques heures, la chaussée du moulin de Perrigny-sur-Armançon a disparu sous les coups de la pelle mécanique, avec elle la chute et la retenue qui agrémentaient le cadre de vie du village depuis le XIXe siècle. Telle est la triste issue où mènent les idées folles que propagent des intégristes et qu'exécutent des arrivistes. La destruction précipitée et forcée des ouvrages est une page honteuse de l'histoire de nos rivières. Arrêtons cette dérive.
L'enquête publique sur le premier arrêté de 2016 avait conclu à l'absence d'intérêt écologique et à l'absence d'intérêt général du projet. Et pour cause : la chute était modeste, les relevés piscicoles ne démontraient pas d'impact majeur, l'analyse morphologique du bassin n'avait pas conclu à un déséquilibre notable, l'endroit était charmant. Outre que la rivière Armançon est fragmenté de barrages beaucoup plus importants et sans projet, mais aussi polluée et soumise à des sécheresses parfois sévères, ce qui inquiète davantage les riverains.
Mais ce chantier est caractéristique de la routine dogmatique des effacements d'ouvrage en France : on le fait car il y a un diktat du ministère de l'écologie, une obéissance sans esprit critique des rouages administratifs et des syndicats, un budget de l'agence de l'eau ayant toujours de l'argent public à gâcher sur les modes du moment, quelques élus locaux prêts à tirer la gloriole d'une soi-disant "restauration de la rivière" alors que les causes majeures de sa dégradation ne sont pas modifiées. Les mêmes faisaient le contraire 40 ans plus tôt, en aménageant à l'époque lourdement les cours d'eau et en affirmant déjà que leurs travaux étaient tout à fait indispensables au bien commun. Bêtise et vanité...
A Perrigny-sur-Armançon, l'association Hydrauxois avait requis l'annulation de l'arrêté de 2016 et la préfecture de l'Yonne avait préféré retirer le texte, obtenant un non-lieu devant la justice. Mais un autre arrêté a été promulgué en novembre 2017, cette fois sans enquête. Bel exemple du déni démocratique massif entourant la question des ouvrages hydrauliques : pourquoi donc entendre les citoyens, puisqu'ils refusent de penser comme l'Etat exige qu'ils le fassent? Si cette "écologie"-là se croit un avenir, elle se trompe.
L'association Hydrauxois appelle les propriétaires et riverains de l'Armançon à exprimer leur désapprobation au SMBVA, aux élus et aux administratifs. Ainsi qu'à s'engager à ses côtés sur tous les autres projets en cours où la destruction est encore proposée comme option, en attendant que des choix nationaux mettent éventuellement fin à cette version absurde, destructrice et coûteuse de la continuité écologique.
27/06/2018
25/06/2018
Du tritium dans les rivières bourguignonnes et comtoises (Eyrolle et al 2018)
Un groupe de chercheurs vient de montrer que les rivières du bassin rhodanien contiennent du carbone 14 et du tritium "technogéniques", c'est-à-dire issus des activités humaines. En l'occurrence des centrales nucléaires, mais aussi des industries horlogères, qui usaient du tritium comme matière radioluminescente déposée sur les éléments de l'affichage horaire et permettant leur lecture dans l'obscurité. La Tille, l'Ognon, le Doubs, la Loue montrent des concentrations localement élevées. Pas d'affolement, car ces dépôts sédimentaires de faible activité ne semblent pas radiotoxiques au plan sanitaire pour l'homme. Mais cette contamination rappelle que nos rivières actuelles reflètent un lourd héritage industriel dont les effets retard sont loin d'être tous compris. Aussi qu'il vaut toujours mieux analyser des sédiments avant de les remobiliser dans le cas d'un effacement d'ouvrage, ce que les préfectures négligent bien trop souvent.
Frédérique Eyrolle et ses collèges (IRSN, Université Rouen-Normandie) résument ainsi les principales découvertes issues de leurs travaux :
"Le tritium (3H) et le carbone 14 (14C) sont des radionucléides d'origine naturelle (cosmogénique) qui ont également été introduits dans l'environnement par l'homme depuis le milieu du siècle dernier. Ce ne sont donc pas seulement des composés qui ont été récemment libérés dans l'environnement et ils ne constituent pas une menace sanitaire reconnue en raison de leur faible radiotoxicité. Cependant, ils occupent une place importante parmi les préoccupations actuelles car ils sont déversés dans l'environnement par l'industrie nucléaire en grande quantité par rapport à d'autres radionucléides. Ces deux radionucléides intègrent en partie la matière organique au cours des processus métaboliques (c'est-à-dire la photosynthèse) conduisant à des formes organiquement liées que l'on peut trouver dans les sédiments.
Les analyses du tritium organiquement lié (OBT) réalisées sur les sédiments du Rhône et de ses affluents indiquent un marquage tritium significatif et historique des particules sédimentaires tout au long du Rhône, ainsi que dans plusieurs affluents du nord, notamment l'Ognon et la Tille (affluents de la Saône), le Doubs et la Loue (affluent du Doubs) et la rivière Arve. Les niveaux enregistrés (de 10 à plus de 20 000 Bq/L) sont très probablement liés à la présence de particules tritiées synthétiques (tritium technogène), utilisées autrefois dans les ateliers d'horlogerie. Bien que les niveaux globaux de contamination diminuent du nord au sud dans le bassin versant du Rhône et s'estompent avec le temps, en raison notamment de la décroissance radioactive du tritium, cette source de contamination du tritium technogène dans les bassins versants du Rhône n'est pas négligeable.
Les analyses de carbone 14 montrent que les sédiments du Rhône affichent généralement des niveaux de 14C proches des valeurs de référence atmosphériques (231 Bq·kg-1 de C en 2015) voire plus basses dans la plupart des cas, et présentent un marquage sporadique et faible près des installations nucléaires. Les niveaux bas du 14C dans les sédiments du Rhône sont très probablement liés aux contributions solides des affluents drainant des zones riches en matière organique fossile, donc dépourvues de 14C."
Cette carte donne le niveau de concentration du tritium organiquement lié dans le bassin rhodanien, où l'on observe notamment les plus fortes concentrations en tête de bassin bourguignonne et comtoise.
Et les auteurs concluent :
"Dans le Rhône, la présence de tritium sous forme organique de composés synthétiques (tritium technogène) comme le carbone organique fossile devrait modifier les taux d'assimilation du tritium et du carbone 14 dans la chaîne alimentaire. Les composés synthétiques et le carbone fossile sont peu biodégradables. Les voies d'introduction et les taux d'assimilation de ces deux composants pour les organismes aquatiques devraient différer de ceux associés classiquement à des formes organiquement liées aux matières organiques naturelles (pour le tritium) et à celles associées au carbone organique biosphérique (pour le 14C), ce qui augmente les conséquences potentielles sur les taux effectifs d'assimilation par la chaîne alimentaire. Une analyse plus détaillée de ces composés organiques, notamment ceux présents dans le bassin versant du Rhône, permettrait de mieux comprendre les processus de transfert du tritium et du 14C dans les différents composants environnementaux abiotiques et biologiques et l'estimation de l'étiquetage environnemental nucléaire dans les cours d'eau mondiaux."
Discussion
Même si les quantités concernées par le travail de Frédérique Eyrolle et de ses collègues ne représentent pas un risque aiguë de radiotoxicité, leur recherche rappelle la contamination diffuse des rivières à l'âge industriel, par toutes sortes de composés synthétiques issus des activités humaines. Cette tendance s'est renforcée à l'époque de la "grande accélération" (Steffe et al 2015), depuis les années 1950, dont les rivières actuelles sont les héritières. La meilleure compréhension de ces pollutions et contaminations est indispensable pour juger correctement des causes cumulées et enchevêtrées de dégradations biologiques observées sur certains cours d'eau, et faire les choix susceptibles de restaurer un bon niveau de biodiversité. Subsidiairement, cet héritage industriel est parfois oublié des gestionnaires actuels… mais pas des sédiments qui en gardent la mémoire! Quand des projets d'effacement de barrage avec remobilisation des sédiments sont planifiés, la vérification de leur composition chimique devrait être une stricte obligation posée par les préfectures. Ce point est trop souvent négligé, hélas (voir aussi Howard et al 2017).
Référence : Eyrolle F et al (2018), A brief history of origins and contents of Organically Bound Tritium (OBT) and 14C in the sediments of the Rhône watershed, Science of The Total Environment, 643, 1, 40–51
Frédérique Eyrolle et ses collèges (IRSN, Université Rouen-Normandie) résument ainsi les principales découvertes issues de leurs travaux :
"Le tritium (3H) et le carbone 14 (14C) sont des radionucléides d'origine naturelle (cosmogénique) qui ont également été introduits dans l'environnement par l'homme depuis le milieu du siècle dernier. Ce ne sont donc pas seulement des composés qui ont été récemment libérés dans l'environnement et ils ne constituent pas une menace sanitaire reconnue en raison de leur faible radiotoxicité. Cependant, ils occupent une place importante parmi les préoccupations actuelles car ils sont déversés dans l'environnement par l'industrie nucléaire en grande quantité par rapport à d'autres radionucléides. Ces deux radionucléides intègrent en partie la matière organique au cours des processus métaboliques (c'est-à-dire la photosynthèse) conduisant à des formes organiquement liées que l'on peut trouver dans les sédiments.
Les analyses du tritium organiquement lié (OBT) réalisées sur les sédiments du Rhône et de ses affluents indiquent un marquage tritium significatif et historique des particules sédimentaires tout au long du Rhône, ainsi que dans plusieurs affluents du nord, notamment l'Ognon et la Tille (affluents de la Saône), le Doubs et la Loue (affluent du Doubs) et la rivière Arve. Les niveaux enregistrés (de 10 à plus de 20 000 Bq/L) sont très probablement liés à la présence de particules tritiées synthétiques (tritium technogène), utilisées autrefois dans les ateliers d'horlogerie. Bien que les niveaux globaux de contamination diminuent du nord au sud dans le bassin versant du Rhône et s'estompent avec le temps, en raison notamment de la décroissance radioactive du tritium, cette source de contamination du tritium technogène dans les bassins versants du Rhône n'est pas négligeable.
Les analyses de carbone 14 montrent que les sédiments du Rhône affichent généralement des niveaux de 14C proches des valeurs de référence atmosphériques (231 Bq·kg-1 de C en 2015) voire plus basses dans la plupart des cas, et présentent un marquage sporadique et faible près des installations nucléaires. Les niveaux bas du 14C dans les sédiments du Rhône sont très probablement liés aux contributions solides des affluents drainant des zones riches en matière organique fossile, donc dépourvues de 14C."
Cette carte donne le niveau de concentration du tritium organiquement lié dans le bassin rhodanien, où l'on observe notamment les plus fortes concentrations en tête de bassin bourguignonne et comtoise.
Extrait d'Eyrolle et al 2018, art cit, droit de courte citation
"Dans le Rhône, la présence de tritium sous forme organique de composés synthétiques (tritium technogène) comme le carbone organique fossile devrait modifier les taux d'assimilation du tritium et du carbone 14 dans la chaîne alimentaire. Les composés synthétiques et le carbone fossile sont peu biodégradables. Les voies d'introduction et les taux d'assimilation de ces deux composants pour les organismes aquatiques devraient différer de ceux associés classiquement à des formes organiquement liées aux matières organiques naturelles (pour le tritium) et à celles associées au carbone organique biosphérique (pour le 14C), ce qui augmente les conséquences potentielles sur les taux effectifs d'assimilation par la chaîne alimentaire. Une analyse plus détaillée de ces composés organiques, notamment ceux présents dans le bassin versant du Rhône, permettrait de mieux comprendre les processus de transfert du tritium et du 14C dans les différents composants environnementaux abiotiques et biologiques et l'estimation de l'étiquetage environnemental nucléaire dans les cours d'eau mondiaux."
Discussion
Même si les quantités concernées par le travail de Frédérique Eyrolle et de ses collègues ne représentent pas un risque aiguë de radiotoxicité, leur recherche rappelle la contamination diffuse des rivières à l'âge industriel, par toutes sortes de composés synthétiques issus des activités humaines. Cette tendance s'est renforcée à l'époque de la "grande accélération" (Steffe et al 2015), depuis les années 1950, dont les rivières actuelles sont les héritières. La meilleure compréhension de ces pollutions et contaminations est indispensable pour juger correctement des causes cumulées et enchevêtrées de dégradations biologiques observées sur certains cours d'eau, et faire les choix susceptibles de restaurer un bon niveau de biodiversité. Subsidiairement, cet héritage industriel est parfois oublié des gestionnaires actuels… mais pas des sédiments qui en gardent la mémoire! Quand des projets d'effacement de barrage avec remobilisation des sédiments sont planifiés, la vérification de leur composition chimique devrait être une stricte obligation posée par les préfectures. Ce point est trop souvent négligé, hélas (voir aussi Howard et al 2017).
Référence : Eyrolle F et al (2018), A brief history of origins and contents of Organically Bound Tritium (OBT) and 14C in the sediments of the Rhône watershed, Science of The Total Environment, 643, 1, 40–51
22/06/2018
Nicolas Hulot n'a pas (encore) compris l'urgence de stopper les dérives de la continuité écologique
Le ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, vient de publier une réponse copiée-collée à l'identique à la dizaine de parlementaires qui l'ont déjà saisi depuis mars dernier à propos des destructions d'ouvrages hydrauliques (barrages, moulins, étangs) au nom de la continuité écologique. Cette réponse est manifestement rédigée par sa direction administrative et non pas inspirée par un avis politique sur ce débat démocratique très vif depuis 5 ans, avec une large majorité de parlementaires ayant exprimé leur souhait d'arrêter la casse à la chaîne des moulins, étangs, barrages et autres ouvrages. Si Nicolas Hulot ne veut pas comprendre, s'il reste prisonnier de l'écran de fumée de sa haute administration lui masquant le naufrage de cette réforme, le blocage complet sur le terrain, les centaines de luttes ouvertes pour protéger les rivières et leur patrimoine, il nous revient de lui expliquer, aussi longtemps que nécessaire. Hydrauxois saisira donc à nouveau le ministre ainsi que l'ensemble des parlementaires cet été : merci de signer à nos côtés et de diffuser massivement la lettre pétition des propriétaires et riverains refusant la destruction du patrimoine hydraulique.
Voici un exemple de cette réponse et son contenu :
La restauration de la continuité écologique des cours d'eau (libre circulation des poissons et des sédiments) est une composante essentielle de l'atteinte du bon état des masses d'eau conformément à la directive cadre sur l'eau. Cette continuité est essentiellement impactée par les seuils et barrages qui sont sur les cours d'eau. Ils empêchent plus ou moins fortement le déplacement des poissons vers leurs habitats, refuges et frayères, ennoient certains de ces mêmes éléments et stockent les sédiments. Pour réduire ces effets, la loi a prévu des classements de cours d'eau qui rendent obligatoire pour les ouvrages existants en lit mineur, d'assurer la circulation piscicole et le transport sédimentaire là où cet enjeu est fort. Cette préoccupation est ancienne puisque la première loi prévoyant d'imposer le franchissement des ouvrages par les poissons date de 1865 avant les grands barrages et avant la pollution du 20ème siècle. La mise en œuvre de la continuité écologique nécessite la conciliation de plusieurs enjeux importants tels que la qualité de l'eau, l'hydroélectricité, le patrimoine et la préservation de la biodiversité. Certains acteurs concernés manifestent de vives réactions. Pour autant, la restauration de la continuité n'a en aucun cas pour objectif et conséquence, la destruction des moulins puisqu'elle ne s'intéresse qu'aux seuils dans le lit mineur des cours d'eau et que différentes solutions d'aménagement existent. Afin d'apaiser les choses, un groupe de travail a été constitué au sein du comité national de l'eau (CNE). Les fédérations de défense des moulins et l'association des riverains de France y sont pleinement associées. Composé de représentants de l'ensemble des acteurs concernés, ce groupe de travail se sera réuni cinq fois entre octobre 2017 et juin 2018. Il s'est vu confier par le CNE une mission d'écoute, d'analyse et de synthèse formulées sous forme d'un projet de plan d'action pour améliorer la mise en œuvre de la continuité écologique sur le terrain. Le comité national de l'eau rendra un avis sur ce projet de plan qui sera adressé au ministre de la transition écologique et solidaire. On ne doute pas, au regard des travaux du groupe, que ceux-ci permettront de prendre les dispositions nécessaires pour faciliter une mise en œuvre plus apaisée de la continuité écologique dans le respect des différentes parties, des différents enjeux et de la réglementation européenne.
Notons d'abord que le ministère dédaigne la représentation parlementaire et, par le jeu d'un copier-coller généraliste, ne répond pas aux questions précises qui lui sont posées. Par exemple, certaines interrogations des parlementaires insistaient sur le coût exorbitant des travaux et le caractère insolvable des maîtres d'ouvrage (particuliers, petites communes) : pas un mot dans les éléments de langage des hauts fonctionnaires de l'écologie.
Signez et diffusez la lettre-pétition à Nicolas Hulot, qui sera envoyée également à tous les parlementaires dans l'été.
Voici un exemple de cette réponse et son contenu :
La restauration de la continuité écologique des cours d'eau (libre circulation des poissons et des sédiments) est une composante essentielle de l'atteinte du bon état des masses d'eau conformément à la directive cadre sur l'eau. Cette continuité est essentiellement impactée par les seuils et barrages qui sont sur les cours d'eau. Ils empêchent plus ou moins fortement le déplacement des poissons vers leurs habitats, refuges et frayères, ennoient certains de ces mêmes éléments et stockent les sédiments. Pour réduire ces effets, la loi a prévu des classements de cours d'eau qui rendent obligatoire pour les ouvrages existants en lit mineur, d'assurer la circulation piscicole et le transport sédimentaire là où cet enjeu est fort. Cette préoccupation est ancienne puisque la première loi prévoyant d'imposer le franchissement des ouvrages par les poissons date de 1865 avant les grands barrages et avant la pollution du 20ème siècle. La mise en œuvre de la continuité écologique nécessite la conciliation de plusieurs enjeux importants tels que la qualité de l'eau, l'hydroélectricité, le patrimoine et la préservation de la biodiversité. Certains acteurs concernés manifestent de vives réactions. Pour autant, la restauration de la continuité n'a en aucun cas pour objectif et conséquence, la destruction des moulins puisqu'elle ne s'intéresse qu'aux seuils dans le lit mineur des cours d'eau et que différentes solutions d'aménagement existent. Afin d'apaiser les choses, un groupe de travail a été constitué au sein du comité national de l'eau (CNE). Les fédérations de défense des moulins et l'association des riverains de France y sont pleinement associées. Composé de représentants de l'ensemble des acteurs concernés, ce groupe de travail se sera réuni cinq fois entre octobre 2017 et juin 2018. Il s'est vu confier par le CNE une mission d'écoute, d'analyse et de synthèse formulées sous forme d'un projet de plan d'action pour améliorer la mise en œuvre de la continuité écologique sur le terrain. Le comité national de l'eau rendra un avis sur ce projet de plan qui sera adressé au ministre de la transition écologique et solidaire. On ne doute pas, au regard des travaux du groupe, que ceux-ci permettront de prendre les dispositions nécessaires pour faciliter une mise en œuvre plus apaisée de la continuité écologique dans le respect des différentes parties, des différents enjeux et de la réglementation européenne.
Notons d'abord que le ministère dédaigne la représentation parlementaire et, par le jeu d'un copier-coller généraliste, ne répond pas aux questions précises qui lui sont posées. Par exemple, certaines interrogations des parlementaires insistaient sur le coût exorbitant des travaux et le caractère insolvable des maîtres d'ouvrage (particuliers, petites communes) : pas un mot dans les éléments de langage des hauts fonctionnaires de l'écologie.
La restauration de la continuité écologique des cours d'eau (libre circulation des poissons et des sédiments) est une composante essentielle de l'atteinte du bon état des masses d'eau conformément à la directive cadre sur l'eau.Ce propos est inexact.
- La continuité (pas seulement en long) n'a qu'une place marginale dans la directive cadre européenne sur l'eau. Les Etats-membres sont avant tout tenus de garantir un bon état chimique et physico-chimique en éliminant d'abord les pollutions, non seulement les effluents (nitrates et phosphates) responsables de l'eutrophisation, mais aussi des dizaines de micro-polluants dont les pesticides, les matières fines, etc.
- La recherche scientifique a maintes fois montré depuis 10 ans que l'intervention sur la morphologie de la rivière (dont la continuité n'est qu'une dimension particulière) a des effets lents, et parfois nuls voire contradictoires avec les objectifs, sur l'état biologique des cours d'eau. En particulier, elle ne garantit en rien un bon état au sens de la DCE, les barrages ayant un effet assez secondaire par rapport aux pollutions et usages des sols du bassin versant.
- Les dispositifs de continuité écologique de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques de 2006 sont en fait les héritiers directs non de la DCE 2000 (transposée en droit français en 2004) mais des lois halieutiques de 1865 et surtout de 1984. Historiquement et encore souvent présentement, ce sont avant tout des demandes du lobby de la pêche de loisir, centrées sur des salmonidés, non par souci désintéressé de l'écologie, mais pour trouver, stresser et tuer un plus grand nombre de proies.
(…) la restauration de la continuité n'a en aucun cas pour objectif et conséquence, la destruction des moulins puisqu'elle ne s'intéresse qu'aux seuils dans le lit mineur des cours d'eau et que différentes solutions d'aménagement existent.Cette phrase est une provocation, en même temps qu'une illustration de la mauvaise foi persistante des bureaucraties en charge de l'eau. On ne construira rien de durable sur de tels dénis.
- L'identité du moulin à eau provient tout entière de son ouvrage en rivière qui crée une retenue et détourne un canal (bief) en vue d'un usage de l'eau. C'est aussi vrai pour d'autres cas, notamment les canaux traditionnels d'irrigation ou les lacs des grands barrages, comme ceux de la Sélune. Détruire l'ouvrage, c'est détruire des milieux aquatiques et humides (la retenue, le canal, les zones humides et milieux rivulaires sous leur influence) en même temps que détruire l'identité du moulin ainsi que la possibilité de lui rendre des usages.
- Si "différentes solutions" existent, voici la vérité : les représentants de l'Etat au sein des agences de l'eau ont reçu pour consigne d'engager le surfinancement des destructions au détriment des solutions douces (vannes, passes, contournement) ; les représentants de l'Etat au sein des DDT-M ont laissé entendre que la destruction est une issue légale voire souhaitable alors qu'elle n'a jamais été inscrite dans la loi française, soit un excès de pouvoir institutionnalisé depuis 5 ans et une décrédibilisation sans précédent de la parole de l'Etat; les fonctionnaires de l'Onema devenu Agence française de la biodiversité ont systématiquement surévalué l'enjeu de certains poissons (en raison de lien historique de cette institution au lobby pêche) et n'ont jamais procédé à l'inventaire de la biodiversité des cours d'eau aménagés, en particulier des ouvrages et de leurs annexes, couvrant de leur autorité des chantiers bâclés. La plupart des syndicats de rivières, parcs régionaux et autres maîtres d'ouvrages publics, soumis aux diktats de cette administration, ont étudié les ouvrages en rivière avec des biais systématiques de construction dans leur méthode, conduisant dans la plupart des cas à prétendre que la destruction serait la meilleure solution (de toute façon, la seule financée...).
Signez et diffusez la lettre-pétition à Nicolas Hulot, qui sera envoyée également à tous les parlementaires dans l'été.
Pour aller plus loin
Consultez l'ensemble des réponses aux idées reçues que propagent certains services du ministère de l'écologie et certains lobbies à propos des ouvrages et des rivières. Des centaines de références et d'exemples montrant les biais, omissions et déformations de la réalité.
Contre les dérives dogmatiques et amnésiques, pour une continuité positive et une écologie inclusive
20/06/2018
La justice confirme qu'un effacement d'ouvrage relève de l'autorisation dès que plus de 100 m de rivière sont modifiés
Pour aller plus vite dans leur entreprise de destruction à la chaîne des ouvrages hydrauliques, certains maîtres d'ouvrage et certaines administrations ont tenté de faire passer des chantiers sous le régime de la simple déclaration. Cela évite notamment d'étudier les milieux que l'on s'apprête à altérer et de faire une enquête publique pour entendre l'avis des riverains. Le tribunal administratif de Pau vient de confirmer en première instance que cette pratique est illégale dès que plus de 100 mètres du profil en long ou en travers d'un cours d'eau sont modifiés en conséquence d'un chantier. L'association Hydrauxois avait soulevé le problème voici déjà 2 ans et demi. Elle a depuis saisi plusieurs administrations et deux tribunaux de cette mauvaise pratique, dans Yonne, dans l'Ain, en Moselle et en Savoie. Toutes les associations de moulins, riverains, protection des patrimoines naturel et culturel doivent être vigilantes, en signalant au préfet et si nécessaire au juge les chantiers non règlementaires.
Dans l'affaire jugée à Pau, un récépissé est délivré le 31 juillet 2015 par le préfet des Pyrénées-Atlantiques suite à la déclaration déposée par la société du moulin de Chopolo en vue de la réalisation de travaux d'arasement du barrage du moulin du Bourg, et de la construction d'une passe à poisson sur le barrage de la centrale hydroélectrique du moulin de Chopolo, à Ustaritz.
L'association Ustaritz défense environnement demande de l'annuler, en même temps que l'arrêté du 30 octobre 2015 par lequel cette même autorité préfectorale a fixé des prescriptions complémentaires concernant l'arasement du barrage du moulin du Bourg.
L'association soutient que l'arrêté est entaché d'erreur de droit dès lors que les travaux projetés sont soumis à autorisation au titre des articles L. 214-1 et L. 214-6 du code de l'environnement.
Le juge retient ce motif, observant que les travaux d'arasement modifient plus de 100 m de rivière, un tel chantier demandant une autorisation et non une simple déclaration :
"Considérant qu'il résulte notamment des cartographies, du formulaire de demande déposé par la société du moulin de Chopolo et de l'arrêté attaqué, que si les travaux d'arasement de l'ancien canal du moulin du Bourg ne portent que sur un linéaire de 10 m, les travaux d'arasement du seui l du moulin du Bourg prévoient un abaissement de ce seuil, passant de la cote 6,50 m NGF environ à la cote 4 m NGF sur une longueur de 130 m ; que le procès-verbal de constat d'huissier d"ll11juin 2016 produit par l'association requérante, a relevé une longueur du seuil égale à 116,7 m ; qu' ainsi, les travaux relatifs au récépissé et à l'arrêté attaqué ont pour effet de modifier le profil en travers du lit mineur de la Nive sur une longueur supérieure à 100 m; que, dès lors, en application de l'article R. 214-1 du code de l'environnement , ces travaux relevaient non pas du régime de la déclaration, mais de celui de l'autorisation ; que, par suite, le récépissé et l'arrêté attaqué sont entachés d'erreur de droit."
Par ailleurs, le juge retient aussi l'unité des opérations :
"si l'arrêté attaqué comporte différents travaux, soumis à déclaration ou à autorisation au regard de la nomenclature définie à l'article R. 214-1 du code de l'environnement, ils ont été présentés par la même société et concernent le même milieu aquatique de la Nive de telle sorte qu'ils doivent être regardés comme une seule et même opération".
Conclusion : les destructions d'ouvrages hydrauliques sont des chantiers à part entière, et dès lors qu'ils modifient plus de 100 m de profil en long ou en travers, détruisent plus de 200 m2 de frayères, ou encore assèchent des zones humides supérieures à 1 ha, il faut un dossier complet d'autorisation. Ce point doit attirer la vigilance de tous les riverains, car certains maîtres d'ouvrages et certaines administrations de l'eau oublient parfois ces prescriptions, faisant passer la destruction de sites sous le régime de simples déclarations.
Source : jugement du 19 décembre 2017, tribunal administratif de Pau, n° 1502509
A lire en complément
Pourquoi tout chantier doit faire l'objet d'une autorisation et d'une enquête publique s'il modifie plus de 100 m de rivière
Illustration : l'ouvrage de Belleydoux sur la Semine a commencé à être démonté en 2016 sur simple déclaration, alors que le dossier du porteur (PNR du Haut Jura) attestait d'une influence sur plus de 400 m de rivière. La préfecture a validé cette déclaration simple malgré le recours motivé de notre association. Le dossier est en contentieux.
Dans l'affaire jugée à Pau, un récépissé est délivré le 31 juillet 2015 par le préfet des Pyrénées-Atlantiques suite à la déclaration déposée par la société du moulin de Chopolo en vue de la réalisation de travaux d'arasement du barrage du moulin du Bourg, et de la construction d'une passe à poisson sur le barrage de la centrale hydroélectrique du moulin de Chopolo, à Ustaritz.
L'association Ustaritz défense environnement demande de l'annuler, en même temps que l'arrêté du 30 octobre 2015 par lequel cette même autorité préfectorale a fixé des prescriptions complémentaires concernant l'arasement du barrage du moulin du Bourg.
L'association soutient que l'arrêté est entaché d'erreur de droit dès lors que les travaux projetés sont soumis à autorisation au titre des articles L. 214-1 et L. 214-6 du code de l'environnement.
Le juge retient ce motif, observant que les travaux d'arasement modifient plus de 100 m de rivière, un tel chantier demandant une autorisation et non une simple déclaration :
"Considérant qu'il résulte notamment des cartographies, du formulaire de demande déposé par la société du moulin de Chopolo et de l'arrêté attaqué, que si les travaux d'arasement de l'ancien canal du moulin du Bourg ne portent que sur un linéaire de 10 m, les travaux d'arasement du seui l du moulin du Bourg prévoient un abaissement de ce seuil, passant de la cote 6,50 m NGF environ à la cote 4 m NGF sur une longueur de 130 m ; que le procès-verbal de constat d'huissier d"ll11juin 2016 produit par l'association requérante, a relevé une longueur du seuil égale à 116,7 m ; qu' ainsi, les travaux relatifs au récépissé et à l'arrêté attaqué ont pour effet de modifier le profil en travers du lit mineur de la Nive sur une longueur supérieure à 100 m; que, dès lors, en application de l'article R. 214-1 du code de l'environnement , ces travaux relevaient non pas du régime de la déclaration, mais de celui de l'autorisation ; que, par suite, le récépissé et l'arrêté attaqué sont entachés d'erreur de droit."
Par ailleurs, le juge retient aussi l'unité des opérations :
"si l'arrêté attaqué comporte différents travaux, soumis à déclaration ou à autorisation au regard de la nomenclature définie à l'article R. 214-1 du code de l'environnement, ils ont été présentés par la même société et concernent le même milieu aquatique de la Nive de telle sorte qu'ils doivent être regardés comme une seule et même opération".
Conclusion : les destructions d'ouvrages hydrauliques sont des chantiers à part entière, et dès lors qu'ils modifient plus de 100 m de profil en long ou en travers, détruisent plus de 200 m2 de frayères, ou encore assèchent des zones humides supérieures à 1 ha, il faut un dossier complet d'autorisation. Ce point doit attirer la vigilance de tous les riverains, car certains maîtres d'ouvrages et certaines administrations de l'eau oublient parfois ces prescriptions, faisant passer la destruction de sites sous le régime de simples déclarations.
Source : jugement du 19 décembre 2017, tribunal administratif de Pau, n° 1502509
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Pourquoi tout chantier doit faire l'objet d'une autorisation et d'une enquête publique s'il modifie plus de 100 m de rivière
Illustration : l'ouvrage de Belleydoux sur la Semine a commencé à être démonté en 2016 sur simple déclaration, alors que le dossier du porteur (PNR du Haut Jura) attestait d'une influence sur plus de 400 m de rivière. La préfecture a validé cette déclaration simple malgré le recours motivé de notre association. Le dossier est en contentieux.
18/06/2018
Le député Taugourdeau demande à nouveau que cesse la destruction planifiée des moulins en France
Le député Jean-Charles Taugourdeau a profité des questions orales au gouvernement pour saisir Nicolas Hulot du problème de la destruction des moulins. Mais le ministre était absent. La réponse d'Elisabeth Borne (ministre des Transports), manifestement écrite par la direction de l'eau et de la biodiversité, laisse à désirer. On continue de jouer sur les mots en disant que l'on ne détruit pas les moulins en France, juste leurs ouvrages en rivière… c'est-à-dire ce qui fait justement l'intérêt du moulin au plan paysager, patrimonial, énergétique et parfois écologique! Le ministère renvoie aux travaux du Conseil national de l'eau : mais pendant ce temps-là, dans tous les départements, les préfectures continuent de mettre leur tampon sur des destructions d'ouvrages et de menacer les propriétaires par courrier afin qu'ils engagent cette issue. Nicolas Hulot doit se prononcer rapidement : il sera saisi du sujet aussi longtemps que son administration ne recevra pas l'instruction claire de cesser les harcèlements en vue de contraindre à la destruction, au mépris des innombrables protestations des parlementaires sur cette politique décriée et contraire à l'esprit de nos lois. L'Etat doit proposer et financer des solutions non destructrices de continuité écologique là où elles sont nécessaires ; réviser des classements excessifs, peu utiles et coûteux ailleurs.
Sources de l'échange.
M. le président. La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau, pour exposer sa question, no 352, relative à la destruction des moulins.
M. Jean-Charles Taugourdeau. Madame la ministre chargée des transports, je suis désolé de vous poser une question qui ne vous concerne absolument pas. Autrefois, chaque ministre concerné venait lors de la séance des questions orales.
Cela étant, je me permets d’appeler l’attention du Gouvernement sur le très grave problème posé par la destruction programmée des moulins de France, et par là même celle de milliers de biotopes millénaires… Vous comprenez pourquoi j’aurais aimé poser cette question à M. Hulot.
Aujourd’hui, les moulins sont considérés comme des obstacles à la continuité écologique et au bon état des cours d’eau. Mais parfois on ne réfléchit pas assez : après les églises et les châteaux, les 60 000 moulins sont le troisième patrimoine de France et ont une utilité socio-économique réelle. Savez-vous, par exemple, que les moulins peuvent produire de l’hydroélectricité et que certains d’entre eux le font ? Propre et écologique, celle-ci peut non seulement permettre de l’autoproduction, mais également d’importantes économies ! Ils contribuent pleinement à la vie économique de proximité, mais aussi à l’animation touristique et culturelle de nos ruralités. L’existence des moulins est directement menacée par une application dogmatique et excessive du principe de la restauration de la continuité écologique par les services de police de l’eau. Cette continuité a toujours été prévue lors de la construction des moulins, mais pas entretenue au fil des siècles.
Madame la ministre, que compte faire M. Hulot pour protéger notre patrimoine ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée des transports.
Mme Élisabeth Borne, ministre chargée des transports. Monsieur le député, votre question s’adresse en effet à Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Mais, ne pouvant être présent, il m’a chargée de vous répondre, ce que je fais avec plaisir vu l’enjeu sensible sur lequel porte votre question.
La restauration de la continuité écologique des cours d’eau, c’est-à-dire la libre circulation des poissons et des sédiments, est une composante essentielle du bon état des masses d’eau conformément à la directive-cadre sur l’eau. Cette continuité est principalement impactée par les seuils et les barrages sur les cours d’eau qui empêchent, plus ou moins fortement, le déplacement des poissons vers leurs habitats, refuges et frayères, ennoient certains de ces éléments et stockent les sédiments. Pour réduire ces effets, la loi a prévu des classements de cours d’eau qui rendent obligatoire, pour les ouvrages existants en lit mineur, d’assurer la circulation piscicole et le transport sédimentaire là où cet enjeu est important. Cette préoccupation est ancienne, puisque la première loi prévoyant d’imposer la possibilité de franchissement des ouvrages par les poissons date de 1865, avant les grands barrages et bien avant la pollution du XXe siècle.
La mise en œuvre de la continuité écologique nécessite la conciliation de plusieurs enjeux importants tels que l’hydroélectricité et le patrimoine. Certains acteurs concernés manifestent de vives réactions. Pour autant, la restauration de la continuité n’a en aucun cas pour objectif et conséquence la destruction des moulins, puisqu’elle ne concerne que les seuils dans le lit mineur des cours d’eau et que différentes solutions d’aménagement existent.
Afin d’apaiser ces oppositions exacerbées, un groupe de travail a été constitué au sein du Conseil national de l’eau ; les fédérations de défense des moulins et l’Association des riverains de France y sont pleinement associées. Composé de représentants de l’ensemble des acteurs concernés, ce groupe de travail s’est réuni cinq fois entre octobre 2017 et fin mai 2018 ; il s’est vu confier par le Conseil national de l’eau une mission d’écoute, d’analyse et de synthèse, formulée sous forme d’un projet de plan d’action pour améliorer la mise en œuvre de la continuité écologique sur le terrain. Le Comité national de l’eau rendra un avis sur ce projet de plan, qui sera adressé au ministre d’État prochainement. Je ne doute pas, au regard des travaux du groupe de travail, que ceux-ci lui permettront de prendre les dispositions nécessaires pour faciliter une mise en œuvre plus apaisée de la continuité écologique dans le respect des différentes parties, des différents enjeux et de la réglementation européenne.
M. le président. La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau.
M. Jean-Charles Taugourdeau. Il ne s’agit surtout pas de détruire les moulins, mais de détruire ce qui retient l’eau pour les moulins, et donc aussi des biotopes. Lors de la construction des moulins, un fossé était toujours prévu pour joindre l’aval à l’amont au-dessus de la retenue d’eau, et ledit fossé permettait le passage des poissons – je rappelle qu’au XIXe siècle, des ouvriers s’étaient même mis en grève parce qu’ils en avaient assez de ne manger que du saumon, celui-ci étant en abondance dans toutes les rivières de France. La continuité écologique existait bien, et ce serait d’autant plus une aberration de détruire les biefs qu’on ne pourrait alors plus se servir des moulins pour la production d’hydroélectricité.
Destruction du seuil de Sougland à Saint-Michel (Oise), Union des Syndicats d’Aménagement et de Gestion des Milieux Aquatiques , photos droits réservés.
Sources de l'échange.
M. le président. La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau, pour exposer sa question, no 352, relative à la destruction des moulins.
M. Jean-Charles Taugourdeau. Madame la ministre chargée des transports, je suis désolé de vous poser une question qui ne vous concerne absolument pas. Autrefois, chaque ministre concerné venait lors de la séance des questions orales.
Cela étant, je me permets d’appeler l’attention du Gouvernement sur le très grave problème posé par la destruction programmée des moulins de France, et par là même celle de milliers de biotopes millénaires… Vous comprenez pourquoi j’aurais aimé poser cette question à M. Hulot.
Aujourd’hui, les moulins sont considérés comme des obstacles à la continuité écologique et au bon état des cours d’eau. Mais parfois on ne réfléchit pas assez : après les églises et les châteaux, les 60 000 moulins sont le troisième patrimoine de France et ont une utilité socio-économique réelle. Savez-vous, par exemple, que les moulins peuvent produire de l’hydroélectricité et que certains d’entre eux le font ? Propre et écologique, celle-ci peut non seulement permettre de l’autoproduction, mais également d’importantes économies ! Ils contribuent pleinement à la vie économique de proximité, mais aussi à l’animation touristique et culturelle de nos ruralités. L’existence des moulins est directement menacée par une application dogmatique et excessive du principe de la restauration de la continuité écologique par les services de police de l’eau. Cette continuité a toujours été prévue lors de la construction des moulins, mais pas entretenue au fil des siècles.
Madame la ministre, que compte faire M. Hulot pour protéger notre patrimoine ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée des transports.
Mme Élisabeth Borne, ministre chargée des transports. Monsieur le député, votre question s’adresse en effet à Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Mais, ne pouvant être présent, il m’a chargée de vous répondre, ce que je fais avec plaisir vu l’enjeu sensible sur lequel porte votre question.
La restauration de la continuité écologique des cours d’eau, c’est-à-dire la libre circulation des poissons et des sédiments, est une composante essentielle du bon état des masses d’eau conformément à la directive-cadre sur l’eau. Cette continuité est principalement impactée par les seuils et les barrages sur les cours d’eau qui empêchent, plus ou moins fortement, le déplacement des poissons vers leurs habitats, refuges et frayères, ennoient certains de ces éléments et stockent les sédiments. Pour réduire ces effets, la loi a prévu des classements de cours d’eau qui rendent obligatoire, pour les ouvrages existants en lit mineur, d’assurer la circulation piscicole et le transport sédimentaire là où cet enjeu est important. Cette préoccupation est ancienne, puisque la première loi prévoyant d’imposer la possibilité de franchissement des ouvrages par les poissons date de 1865, avant les grands barrages et bien avant la pollution du XXe siècle.
La mise en œuvre de la continuité écologique nécessite la conciliation de plusieurs enjeux importants tels que l’hydroélectricité et le patrimoine. Certains acteurs concernés manifestent de vives réactions. Pour autant, la restauration de la continuité n’a en aucun cas pour objectif et conséquence la destruction des moulins, puisqu’elle ne concerne que les seuils dans le lit mineur des cours d’eau et que différentes solutions d’aménagement existent.
Afin d’apaiser ces oppositions exacerbées, un groupe de travail a été constitué au sein du Conseil national de l’eau ; les fédérations de défense des moulins et l’Association des riverains de France y sont pleinement associées. Composé de représentants de l’ensemble des acteurs concernés, ce groupe de travail s’est réuni cinq fois entre octobre 2017 et fin mai 2018 ; il s’est vu confier par le Conseil national de l’eau une mission d’écoute, d’analyse et de synthèse, formulée sous forme d’un projet de plan d’action pour améliorer la mise en œuvre de la continuité écologique sur le terrain. Le Comité national de l’eau rendra un avis sur ce projet de plan, qui sera adressé au ministre d’État prochainement. Je ne doute pas, au regard des travaux du groupe de travail, que ceux-ci lui permettront de prendre les dispositions nécessaires pour faciliter une mise en œuvre plus apaisée de la continuité écologique dans le respect des différentes parties, des différents enjeux et de la réglementation européenne.
M. le président. La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau.
M. Jean-Charles Taugourdeau. Il ne s’agit surtout pas de détruire les moulins, mais de détruire ce qui retient l’eau pour les moulins, et donc aussi des biotopes. Lors de la construction des moulins, un fossé était toujours prévu pour joindre l’aval à l’amont au-dessus de la retenue d’eau, et ledit fossé permettait le passage des poissons – je rappelle qu’au XIXe siècle, des ouvriers s’étaient même mis en grève parce qu’ils en avaient assez de ne manger que du saumon, celui-ci étant en abondance dans toutes les rivières de France. La continuité écologique existait bien, et ce serait d’autant plus une aberration de détruire les biefs qu’on ne pourrait alors plus se servir des moulins pour la production d’hydroélectricité.
15/06/2018
Lettre à Justine Roulot sur les enjeux de la Sélune
Notre association répond au courrier de Justine Roulot (conseillère biodiversité, eau et mer du ministre de l'écologie) sur le projet contesté de destruction des barrages de la Sélune. En particulier, nous rappelons que le potentiel salmonicole du cours d'eau ne peut être considéré comme "exceptionnel", que des options non-destructrices permettent d'engager et vérifier les opportunités de recolonisation par le saumon, que les nouveaux écosystèmes formés par les lacs ne doivent pas être négligés au prétexte de leur origine humaine. Outre son coût exorbitant au plan financier et son effet négatif sur les services écosystémiques, ce projet d'effacement des ouvrages de la Sélune n'a pas aujourd'hui la maturité suffisante pour être accepté par les populations riveraines. A quoi bon s'enfermer dans une écologie de la division, surtout promue pour des motifs halieutiques, à l'heure où les initiatives pour la biodiversité ont besoin de rassembler les citoyens?
Le 5 juin dernier, vous avez répondu à l’interpellation dont a fait l’objet M. le ministre d’Etat Nicolas HULOT à propos du projet actuel de destruction des lacs et barrages de la Sélune. Cette réponse a été rendue publique. Le présent courrier l’est aussi, puisque notre association milite pour un débat démocratique ouvert sur ces questions.
Vous relevez que la destruction des ouvrages de la Sélune s’inscrit dans le cadre du Plan d’action pour la restauration de continuité écologique des cours d’eau (PARCE 2009). Vous n’êtes pas sans ignorer que ce Plan a fait l’objet de nombreuses critiques depuis son lancement :
L’association des Amis des barrages de la Sélune vous a déjà rappelé les nombreuses raisons pour lesquelles la destruction des sites de la vallée est refusée par les parties prenantes impactées. Nous les rappelons pour mémoire : disparition du cadre de vie majoritairement apprécié par les riverains, crainte des élus sur l’aggravement du risque inondation pour les crues à temps de retour fréquent, perte de la principale réserve d’eau potable de la région, sacrifice d’une unité de production renouvelable en pleine transition et ce malgré le retard français en ce domaine, disparition de la fonction de stockage et épuration des polluants des retenues, avec pression supplémentaire sur la baie du Mont Saint-Michel et ses activités. Les services écosystémiques associés aux retenues sont ainsi détruits par le projet.
Outre cet enjeu local, la propriété des sites par l’Etat et par EDF comme le coût public considérable de l’opération (déjà 45,6 M€ engagés par l’agence de l’eau Seine-Normandie entre 2012 et 2018) en font également une question de politique générale, touchant tous les citoyens dont les taxes sont utilisées à fin de détruire les ouvrages.
Ce projet est également mis en avant comme un test ambitieux de «renaturation» associé à une vaste étude scientifique de suivi des effets. Mais ainsi présenté, cela revient à dire aux habitants que leur vallée est mise sous cloche et qu’ils seront les cobayes d’une expérimentation grandeur nature où leur consentement n’est pas requis. Faut-il s’étonner d’avoir des réticences face à cette manière de faire d’un autre âge ? M. Edouard PHILIPPE n’a-t-il pas souligné dans le cas de Notre-Dame-des-Landes qu’un projet structurant est impossible à mener à bien sans une pleine implication du territoire, ce qui suppose qu’il n’y ait pas de division forte ?
Des chercheurs en sciences sociales ont observé que la gouvernance de ce chantier est problématique depuis son origine (voir Germaine et Lespez 2017), ce qui a empêché une appropriation locale et une articulation démocratique des enjeux. L’enquête publique de 2014 a produit une très courte majorité en faveur de la destruction (53 versus 47%), actant déjà la division des esprits. Mais le résultat de cette enquête a surtout été biaisé par la mobilisation électronique du lobby international des pêcheurs de saumons – principale force de soutien à la destruction, pour des raisons halieutiques davantage qu’écologiques. Un loisir individuel fondé sur le stress et la prédation des animaux sauvages peut difficilement être un motif suffisant pour modifier une vallée entière et investir des dizaines de millions € d’argent public.
Dans toutes les questions de continuité écologique que nous suivons depuis le PARCE 2009, la sincérité, la rigueur et la précision de la parole publique forment un enjeu essentiel. Les citoyens sont excédés quand ils ont le sentiment d’être trompés ou manipulés.
Pour la Sélune, vous évoquez dans votre courrier du 5 juin un « potentiel exceptionnel » pour les poissons migrateurs, anguilles et surtout saumons. C’est aujourd’hui le principal argument en faveur de la destruction des barrages. Il est audible : améliorer les conditions d’espèces menacées est légitime, à condition que les coûts soient proportionnés aux enjeux et que ces enjeux soient assez significatifs pour produire un large accord chez les riverains et usagers.
Est-ce le cas? Nous aimerions relativiser votre propos sur le caractère «exceptionnel» du bénéfice écologique du chantier de la Sélune à la lumière des faits suivants :
Détruire les hydrosystèmes en place a aussi de nombreux désavantages écologiques, comme l’a relevé le rapport de diagnostic fait par Artelia en 2014 et comme le soulignent des riverains :
Au-delà de la question juridique, c’est la représentation sociale de la biodiversité que votre ministère gagnerait à questionner. Nous vivons dans une zone européenne où l’influence humaine est multimillénaire et où la plupart des milieux sont en réalité des hybrides de trajectoires naturelles et de contributions anthropiques. Développer des politiques publiques de «renaturation» a un coût important pour des bénéfices à long terme parfois incertains au plan biologique et souvent discutés au plan social. Considérer la biodiversité in situ – endémique comme acquise – plutôt que viser le retour hypothétique à une biodiversité passée paraîtrait un choix préférable pour définir les priorités d’investissements. A l’heure où l’on documente dans tant de nos régions un déclin massif et alarmant de cette biodiversité ordinaire des insectes, oiseaux, amphibiens, poissons ou petits mammifères, il serait contre-productif d’investir des sommes disproportionnées sur des opérations dont les dimensions sont plus symboliques et halieutiques qu’autre chose.
Il s’agit aujourd’hui pour notre pays de réunir les citoyens autour d’enjeux de biodiversité : le projet de destruction des lacs et barrages n’a pas la maturité suffisante pour y aboutir dans de bonnes conditions. Nous vous demandons donc de poser un moratoire sur son exécution. Les options existent pour l’Etat, qui a toutes les cartes en main : classement en masse d’eau fortement anthropisée au titre de la DCE, déclassement de la liste 2 du L 214-17 CE en raison du coût disproportionné de la mise en conformité, poursuite de la concession avec mesure de sauvegarde du saumon. L’alternative serait un engagement dans un long conflit judiciaire et politique, un chantier imposé à des habitants qui n’en veulent pas, une image encore un peu plus ternie d’une continuité écologique dont la mise en œuvre pose déjà problème partout.
Nous ne voulons pas croire que le gouvernement fera ce choix de la division et de la confusion, au moment où un plan ambitieux de protection de la biodiversité doit engager tous nos concitoyens.
Le 5 juin dernier, vous avez répondu à l’interpellation dont a fait l’objet M. le ministre d’Etat Nicolas HULOT à propos du projet actuel de destruction des lacs et barrages de la Sélune. Cette réponse a été rendue publique. Le présent courrier l’est aussi, puisque notre association milite pour un débat démocratique ouvert sur ces questions.
Vous relevez que la destruction des ouvrages de la Sélune s’inscrit dans le cadre du Plan d’action pour la restauration de continuité écologique des cours d’eau (PARCE 2009). Vous n’êtes pas sans ignorer que ce Plan a fait l’objet de nombreuses critiques depuis son lancement :
- deux rapports du conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD 2012, CGEDD 2016) dont la plupart des préconisations n’ont pas à ce jour été prises en compte par l’administration de votre ministère en charge de l’eau et de la biodiversité ;
- près d’une centaine d’interpellations parlementaires des ministres successifs en charge de l’environnement depuis 2010, ayant notamment conduit Mme Ségolène ROYAL à demander en 2015 aux préfets de cesser les opérations de continuité écologique ne rencontrant pas des conditions apaisées de consensus local ;
- déjà quatre évolutions législatives entre 2015 et 2017 (modifiant les art L211-1, art. L214-17 et art. L214-18-1 code environnement) ayant conduit à poser que la continuité écologique doit se rendre compatible avec les autres dimensions d’intérêt général de l’eau, qu’il s’agisse de la production d’énergie bas carbone, du patrimoine historique et industriel, des réserves d’eau à l’étiage et de la gestion des crues, de l’adaptation des vallées aux défis que posera le changement climatique dans les prochaines décennies ;
- une recherche observant de fortes divisions sociales dans la représentation des rivières et une dimension subjective dans l’appréciation de ce que devraient être les priorités écologiques (voir le livre collectif de Barraud et Germaine 2017)
L’association des Amis des barrages de la Sélune vous a déjà rappelé les nombreuses raisons pour lesquelles la destruction des sites de la vallée est refusée par les parties prenantes impactées. Nous les rappelons pour mémoire : disparition du cadre de vie majoritairement apprécié par les riverains, crainte des élus sur l’aggravement du risque inondation pour les crues à temps de retour fréquent, perte de la principale réserve d’eau potable de la région, sacrifice d’une unité de production renouvelable en pleine transition et ce malgré le retard français en ce domaine, disparition de la fonction de stockage et épuration des polluants des retenues, avec pression supplémentaire sur la baie du Mont Saint-Michel et ses activités. Les services écosystémiques associés aux retenues sont ainsi détruits par le projet.
Outre cet enjeu local, la propriété des sites par l’Etat et par EDF comme le coût public considérable de l’opération (déjà 45,6 M€ engagés par l’agence de l’eau Seine-Normandie entre 2012 et 2018) en font également une question de politique générale, touchant tous les citoyens dont les taxes sont utilisées à fin de détruire les ouvrages.
Ce projet est également mis en avant comme un test ambitieux de «renaturation» associé à une vaste étude scientifique de suivi des effets. Mais ainsi présenté, cela revient à dire aux habitants que leur vallée est mise sous cloche et qu’ils seront les cobayes d’une expérimentation grandeur nature où leur consentement n’est pas requis. Faut-il s’étonner d’avoir des réticences face à cette manière de faire d’un autre âge ? M. Edouard PHILIPPE n’a-t-il pas souligné dans le cas de Notre-Dame-des-Landes qu’un projet structurant est impossible à mener à bien sans une pleine implication du territoire, ce qui suppose qu’il n’y ait pas de division forte ?
Des chercheurs en sciences sociales ont observé que la gouvernance de ce chantier est problématique depuis son origine (voir Germaine et Lespez 2017), ce qui a empêché une appropriation locale et une articulation démocratique des enjeux. L’enquête publique de 2014 a produit une très courte majorité en faveur de la destruction (53 versus 47%), actant déjà la division des esprits. Mais le résultat de cette enquête a surtout été biaisé par la mobilisation électronique du lobby international des pêcheurs de saumons – principale force de soutien à la destruction, pour des raisons halieutiques davantage qu’écologiques. Un loisir individuel fondé sur le stress et la prédation des animaux sauvages peut difficilement être un motif suffisant pour modifier une vallée entière et investir des dizaines de millions € d’argent public.
Dans toutes les questions de continuité écologique que nous suivons depuis le PARCE 2009, la sincérité, la rigueur et la précision de la parole publique forment un enjeu essentiel. Les citoyens sont excédés quand ils ont le sentiment d’être trompés ou manipulés.
Pour la Sélune, vous évoquez dans votre courrier du 5 juin un « potentiel exceptionnel » pour les poissons migrateurs, anguilles et surtout saumons. C’est aujourd’hui le principal argument en faveur de la destruction des barrages. Il est audible : améliorer les conditions d’espèces menacées est légitime, à condition que les coûts soient proportionnés aux enjeux et que ces enjeux soient assez significatifs pour produire un large accord chez les riverains et usagers.
Est-ce le cas? Nous aimerions relativiser votre propos sur le caractère «exceptionnel» du bénéfice écologique du chantier de la Sélune à la lumière des faits suivants :
- La seule estimation publiée à ce jour (Forget et al 2014), sur la base d’un modèle déterministe, fait état d’un potentiel de 1314 saumons supplémentaires. A titre de comparaison, la destruction des deux barrages de l’Elwha aux Etats-Unis représente un potentiel de retours annuels d'anadromes estimé entre 380.000 et 500.000 individus (Pess et al 2008). On voit la différence entre une opération réellement « exceptionnelle » et une autre beaucoup plus modeste.
- 4 rivières à salmonidés et migrateurs se jettent dans la baie du Mont-Saint-Michel: la Sienne (92,6 km), la Sée (78,1 km), le Couesnon (97,8 km) et la Sélune (84,7 km). Non seulement la Sélune n'est pas le fleuve le plus long, mais d'autres ont fait l'objet de tentatives de restauration pour le saumon avec des résultats mitigés, malgré des alevinages massifs. Il faudrait procéder à une analyse bien plus approfondie de ces conditions locales et des probabilités de succès.
- On trouve aujourd’hui un total de 1635 km de linéaires de rivières salmonicoles en Seine-Normandie, le gain d’habitat de l'effacement des barrages sur la Sélune représente 3,5% de ce linéaire total. Outre la Seine-Normandie, les rivières côtières salmonicoles sont présentes sur toute la façade atlantique de l'Aquitaine à l'Artois, et de grands bassins font l'objet de suivis et aménagements pour être rendus accessibles (Loire, Allier, Garonne, Dordogne, Adour, Somme, Rhin, etc.). Le gain de linéaire sur la Sélune rapporté au potentiel salmonicole français devient alors quantité plus négligeable. Ce qui pose la question de son coût considérable.
- Le projet est censé structurer la vallée à échelle de ce siècle, or on ne trouve aucune information sur les projections climatiques à horizon 2100 et leurs effets pour les phases de vie continentale et océanique des saumons atlantiques.
- Entre 2500 et 3000 saumons sont capturés par les pêcheurs chaque année en France (chiffres Onema 2012), donc le gain espéré pour l'espèce menacée sur la Sélune serait inférieur d'un facteur 2 aux seules pertes de prédation dues au loisir pêche (hors braconnage, mortalités accidentelles, etc.). Si un gain de 1300 saumons est jugé « exceptionnel », cela devrait conduire votre ministère à interdire rapidement la pêche du saumon pour les pertes « exceptionnelles » de géniteurs qu’elle engendre…
- Le repreneur industriel des barrages de la Sélune se propose de procéder pendant la nouvelle concession de 30 ans à des captures et relargages de saumons remontants, comme cela se pratique un peu partout dans le monde, et sur plusieurs rivières françaises dans le cadre de la gestion EDF de grands barrages. Cette solution n’est évidemment pas l’idéal, mais elle permet déjà de tester la qualité des habitats en amont de la Sélune, dont un rapport avait souligné le caractère très dégradé (étude Hydroconcept / Fédération de pêche Manche 2010). Cette issue paraît une étape raisonnable en vue de préparer un éventuel effacement, qui aurait lieu s'il était nécessaire dans des conditions plus consensuelles et sur la base de données plus solides quant au potentiel salmonicole de long terme. Une partie des équipes scientifiques pressenties pour étudier l’effacement pourrait être mobilisée sur l'accompagnement de cette première phase de recolonisation.
Détruire les hydrosystèmes en place a aussi de nombreux désavantages écologiques, comme l’a relevé le rapport de diagnostic fait par Artelia en 2014 et comme le soulignent des riverains :
- disparition de la réserve d’habitats que peut constituer la retenue en période de très basses eaux dans le cas d'un cours d’eau soumis à des étiages sévères,
- destruction de l’alimentation des zones humides dans les zones déprimées en fond des vallons,
- mortalité d’une partie de la ripisylve de la retenue du barrage dont les racines seront exondées,
- réduction de zones favorables aux espèces des milieux lentiques (brème, brochet, gardon, carpe, perche, sandre, tanche),
- destruction des conditions favorables au développement du phytoplancton et de certaines macrophytes, disparition des vasières et des espèces inféodées à ce milieu (limoselle aquatique, scirpe à inflorescence ovoïde, léersie faux-riz),
- perte d'habitat et nourrisserie pour l'avifaune, dont certaines espèces protégées (hirondelle de fenêtre, bergeronnette des ruisseaux, chevalier guignette, grèbe huppé, héron cendré, grand cormoran, bouscarle de Cetti, martin pêcheur d’Europe, troglodyte mignon, bondrée apivore, pic épeichette),
- perte d'habitat pour les amphibiens et urodèles (grenouille agile, crapaud commun, salamandre tachetée, triton palmé), risque de disparition de certains insectes protégés (gomphe semblable),
- menace sur les colonies de chiroptères (petit rhinolophe, murin à oreilles échancrées, murin de Daubenton).
Au-delà de la question juridique, c’est la représentation sociale de la biodiversité que votre ministère gagnerait à questionner. Nous vivons dans une zone européenne où l’influence humaine est multimillénaire et où la plupart des milieux sont en réalité des hybrides de trajectoires naturelles et de contributions anthropiques. Développer des politiques publiques de «renaturation» a un coût important pour des bénéfices à long terme parfois incertains au plan biologique et souvent discutés au plan social. Considérer la biodiversité in situ – endémique comme acquise – plutôt que viser le retour hypothétique à une biodiversité passée paraîtrait un choix préférable pour définir les priorités d’investissements. A l’heure où l’on documente dans tant de nos régions un déclin massif et alarmant de cette biodiversité ordinaire des insectes, oiseaux, amphibiens, poissons ou petits mammifères, il serait contre-productif d’investir des sommes disproportionnées sur des opérations dont les dimensions sont plus symboliques et halieutiques qu’autre chose.
Il s’agit aujourd’hui pour notre pays de réunir les citoyens autour d’enjeux de biodiversité : le projet de destruction des lacs et barrages n’a pas la maturité suffisante pour y aboutir dans de bonnes conditions. Nous vous demandons donc de poser un moratoire sur son exécution. Les options existent pour l’Etat, qui a toutes les cartes en main : classement en masse d’eau fortement anthropisée au titre de la DCE, déclassement de la liste 2 du L 214-17 CE en raison du coût disproportionné de la mise en conformité, poursuite de la concession avec mesure de sauvegarde du saumon. L’alternative serait un engagement dans un long conflit judiciaire et politique, un chantier imposé à des habitants qui n’en veulent pas, une image encore un peu plus ternie d’une continuité écologique dont la mise en œuvre pose déjà problème partout.
Nous ne voulons pas croire que le gouvernement fera ce choix de la division et de la confusion, au moment où un plan ambitieux de protection de la biodiversité doit engager tous nos concitoyens.
Références citées
Backstrom AC et al (2018), Grappling with the social dimensions of novel ecosystems, Front Ecol Environ, 16, 2, 109-117.
Barraud R, MA Germaine (ed) (2017), Démanteler les barrages pour restaurer les cours d’eau. Controverses et représentations, Quae, Paris, 240 p.
Beatty S et al (2017), Rethinking refuges: Implications of climate change for dam busting, Biological Conservation, 209, 188–195
Beatty S et al (2017), Rethinking refuges: Implications of climate change for dam busting, Biological Conservation, 209, 188–195
Forget G. et al (2014), Estimation des capacités de production en saumon du bassin de la Sélune après la suppression des deux barrages de Vezins et de la Roche-qui-Boit, 8 p., non publié.
Germaine MA, Lespez L (2017), The failure of the largest project to dismantle hydroelectric dams in Europe? (Sélune River, France, 2009-2017), Water Alternatives, 10, 3, 655-676
Onema (2012), La pêche du saumon en France en 2011 et 2012, 6 p.
Pess GR et al (2008), Biological Impacts of the Elwha River Dams and Potential Salmonid Responses to Dam Removal, Northwest Science, 82, 72-90.
12/06/2018
Les nouveaux écosystèmes et la construction sociale de la nature (Backstrom et al 2018)
Concept apparu en 2006, les "nouveaux écosystèmes" désignent des milieux nés de l'influence humaine. Ils sont l'objet d'intenses débats dans l'écologie de la conservation. Quatre chercheurs plaident pour leur reconnaissance, en soulignant que notre relation à la nature et à sa biodiversité relève avant tout d'une construction sociale. Il est nécessaire que ces questions soient débattues en amont et en accompagnement des politiques publiques en France, particulièrement dans le domaine des rivières et plans d'eau, où l'humain a créé de nombreuses modifications dans l'histoire et produit en conséquence des milieux nouveaux. Ceux-ci méritent d'être étudiés et discutés pour ce qu'ils sont, et non pas seulement en miroir de ce qu'ils ont remplacé, parfois depuis plusieurs siècles.
Depuis une dizaine d'années, la littérature spécialisée en écologie de la conservation de la biodiversité parle beaucoup du concept de "nouvel écosystème", proposé en 2006 par Richard J. Hobbs et une vingtaine de collègues. Le constat de ces scientifiques était simple: on ne peut plus se contenter d'opposer un écosystème naturel intact d'un côté et un monde humain artificiel de l'autre, car en réalité, les deux s'interpénètrent dans des gradients de modification. Et les humains font aussi bien émerger par leurs actions des écosystèmes ayant des trajectoires nouvelles.
Au sens le plus large, un nouvel écosystème est ainsi un "système de composantes abiotiques, biotiques et sociales (et de leurs interactions) qui, en vertu de l'influence humaine, diffère de celles qui prévalaient historiquement" (Hobbs et al 2013).
Dans une tribune venant de paraître dans le journal de la Société américaine d'écologie, quatre scientifiques (Anna C. Backstrom, Georgia E. Garrard, Richard J. Hobbs et Sarah A. Bekessy) reviennent sur les dimensions sociales de ces nouveaux écosystèmes.
Ils rappellent tout d'abord : "À mesure que la Terre est modifiée par les humains et que les zones «naturelles» deviennent de plus en plus méconnaissables en rapport aux systèmes qui les remplacent (Radeloff et al 2015), un débat a émergé sur la labellisation de ces systèmes comme «nouveaux écosystèmes» ( Murcia et al 2014, Radeloff et al 2015, Miller et Bestelmeyer 2016). Depuis les années 1930, plusieurs termes ont été utilisés pour décrire les systèmes modifiés (Tansley 1935), notamment les «écosystèmes anthropogéniques», les «communautés non analogues», les «écosystèmes synthétiques ou émergents» et la «végétation spontanée» (Truitt et al 2015). Indépendamment de la terminologie, il existe bel et bien des écosystèmes hautement modifiés (Chapin et Starfield 1997, Hobbs et al 2006 et Collier 2015) et lorsque les objectifs traditionnels de conservation ne peuvent plus être atteints, il est impératif de trouver un cadre de gestion acceptable où les décideurs de la conservation biologique peuvent communiquer et développer de nouvelles stratégies de gestion."
Les chercheurs font observer que les perceptions actuelles des nouveaux écosystèmes et la façon dont ils sont appréciés par les décideurs diffèrent selon les contextes culturels et sociaux entourant les mouvements de conservation aux États-Unis et en Europe :
"Dans le modèle américain, où les objectifs de restauration et de conservation écologiques visent à rétablir les écosystèmes qui existaient avant l'arrivée des Européens, la nouveauté écologique dans les écosystèmes hautement modifiés n'est généralement pas acceptée (Egan 2006). Dans le modèle européen, les nouveaux écosystèmes ne sont pas explicitement pris en compte. Les paysages ont été soumis de longue date à des changements agricoles et industriels. Un objectif fréquent est de ramener les écosystèmes à un état préindustriel (milieu du XIXe siècle) et non à un peuplement pré-agricole (Whited et al 2005). Ici, la conservation de la biodiversité comprend la protection et la gestion active des états du système qui seraient considérés comme de nouveaux écosystèmes selon le modèle américain, par exemple les haies et les prairies fleuries agricoles (Halada et al 2011). Dans le paysage européen, la reconnaissance des assemblages d'espèces nouvelles et modernes exige une compréhension écologique et sociale nuancée de ce qui pourrait être catégorisé comme base de référence pour définir les nouveaux écosystèmes. Cette variation dans les approches de la vision des nouveaux écosystèmes met en évidence la construction sociale du concept d'écosystème. Une croyance (quelle «nature» devrait être conservée) est considérée comme socialement construite si les sociétés qui détiennent les mêmes connaissances (faits et informations écologiques) parviennent à des croyances différentes et incompatibles en raison de valeurs sociales divergentes (le type de nature préféré) (Boghossian 2001)."
En outre, les représentations de la biodiversité dépendent du contexte, des services écosystémiques et des évolutions locales de biodiversité. Par exemple, des espèces végétales de zones humides comme les quenouilles (Typha sp) ou le roseau à balais (Phragmites australis) montrent souvent des tendances invasives. Elles sont en même temps reconnues pour des vertus épuratrices et pour abriter des espèces d'oiseaux ou d'amphibiens d'intérêt. Le gestionnaire ou le riverain ne va pas porter le même jugement selon l'effet observé dans la zone dont il a la responsabilité. "La conservation de la biodiversité, comme toutes les décisions d'intervenir sur les écosystèmes, est un processus intrinsèquement subjectif", observent les chercheurs.
La biodiversité englobe un vaste éventail de faune, flore et interactions biophysiques, mais les aspects de la biodiversité qui seront choisis pour la protection, la conservation ou la recherche sont ainsi déterminés par la société. De même, les classifications des assemblages d'espèces, l'élaboration et la mise en œuvre de stratégies de gestion de l'environnement, la délimitation des limites des parcs nationaux et des zones de conservation ne sont pas déterminées objectivement : elles sont basées sur des normes, des lois et des valeurs. Les chercheurs proposent donc un schéma de décision sur les écosystèmes anthropisés qui prennent en considération le représentations de la nature (figure ci-dessous).
Et les auteurs de conclure : "Déterminer les objectifs de conservation et hiérarchiser les actions de gestion pour les nouveaux écosystèmes est souvent guidé par des valeurs - priorités, principes et préférences associés à une qualité de relation avec la nature (Hobbs 2004, Chan et al 2016). La question fondamentale de savoir comment les nouveaux écosystèmes sont perçus et gérés est essentiellement philosophique. La façon dont les gens interprètent ce qu'est la «nature» et ce qu'elle signifie «naturel» a changé au fil du temps, d'une position philosophique selon laquelle la «nature» existe objectivement et a une valeur inhérente, à l'idée que ce qui est «naturel» est socialement construit, donc dépendant d'un contexte, avec un éventail d'objectifs de gestion écologique, sociale et économique, qui sera le moyen effectif de concilier des positions contradictoires sur de nouveaux écosystèmes."
Discussion
Passant quasiment inaperçu en France pour le moment, le débat sur les nouveaux écosystèmes est pourtant très vif dans la communauté savante. Les critiques affirment que ce concept est mal défini, peut favoriser le laissez-faire en matière de conservation (Murcia et al 2014; Higgs 2017), ou encore qu'il est inutile car la restauration écologique tient déjà compte des écosystèmes modifiés (Egan 2006; 2015). Inversement, les tenants du concept soutiennent qu'il répond au besoin de gérer des écosystèmes ayant irrémédiablement franchi des seuils socio-écologiques au-delà desquels la restauration du système antérieur n'a plus de sens (Hobbs et al 2013) et qu'il confère une valeur de conservation à des systèmes anthropiquement modifiés qui seraient autrement rejetés ou négligés (Marris et al 2013). Miller et Bestelmeyer (2016) analysent le concept comme un moyen de nommer une classe d'écosystème qui n'a pas d'analogue historique mais sans les connotations négatives du terme "dégradé". Pour une analyse critique des risques et des avantages du concept d'écosystème, voir Marris et al 2013, Murcia et al 2014 et Collier 2015.
Le débat n'est pas que scientifique. La reconnaissance du caractère historique et hybride de la biodiversité comme l'affirmation du caractère social de nos représentations de la nature ont des implications fortes sur la manière dont on construit des politiques publiques de l'écologie. Par exemple, toute la politique européenne de qualité des rivières et plans d'eau est fondée sur l'idée qu'il existe un état de référence (la rivière naturelle sans impact humain) et que l'écart à cette référence guide l'action (voir Bouleau et Pont 2015). Or, si les Européens ont modifié depuis des millénaires leurs bassins versants, s'ils ont créé au fil des générations de nouveaux écosystèmes (étangs, lacs, canaux) et mélangé des espèces qui étaient jadis séparées par la géographie, le choix de ce paradigme pose question sur sa prétention à une objectivité scientifique indiscutable. Et aussi, d'un point de vue pratique, sur la possibilité même d'obtenir les effets attendus pour des hydrosystèmes ayant bifurqué de longue date d'une référence ancienne tout en étant aujourd'hui soumis à des facteurs d'évolution inédits (changement climatique).
Enfin, ces travaux sur les nouveaux écosystèmes rejoignent nos préoccupations sur la nécessité de refonder la politique de l'eau à échelle de chaque bassin versant, en commençant par des diagnostics écologiques beaucoup plus complets et rigoureux sur l'état initial (et, dans le cas particulier des ouvrages hydrauliques, sur le besoin d'analyses in situ de leurs biodiversités et fonctionnalités).
Référence : Backstrom AC et al (2018), Grappling with the social dimensions of novel ecosystems, Front Ecol Environ, 16, 2, 109-117
Illustration, en haut : les étangs de Bitche en Moselle sont menacés de destruction au nom de la continuité écologique. Ce sont typiquement des nouveaux écosystèmes créés par l'homme. Avant de les perturber pour recréer ce que le gestionnaire estime être un état plus "originel" (et plus désirable) du ruisseau qui les alimente, il convient d'analyser la biodiversité acquise par ces plans d'eau et leurs abords, aussi bien que les perceptions de cette nature anthropisée par les riverains et usagers. Une politique écologique ne peut plus être formée de diktats généralistes de "renaturation" que l'on applique sans discernement et sans écoute. La question naturelle doit être démocratisée, et non pas bureaucratisée.
Depuis une dizaine d'années, la littérature spécialisée en écologie de la conservation de la biodiversité parle beaucoup du concept de "nouvel écosystème", proposé en 2006 par Richard J. Hobbs et une vingtaine de collègues. Le constat de ces scientifiques était simple: on ne peut plus se contenter d'opposer un écosystème naturel intact d'un côté et un monde humain artificiel de l'autre, car en réalité, les deux s'interpénètrent dans des gradients de modification. Et les humains font aussi bien émerger par leurs actions des écosystèmes ayant des trajectoires nouvelles.
Au sens le plus large, un nouvel écosystème est ainsi un "système de composantes abiotiques, biotiques et sociales (et de leurs interactions) qui, en vertu de l'influence humaine, diffère de celles qui prévalaient historiquement" (Hobbs et al 2013).
Dans une tribune venant de paraître dans le journal de la Société américaine d'écologie, quatre scientifiques (Anna C. Backstrom, Georgia E. Garrard, Richard J. Hobbs et Sarah A. Bekessy) reviennent sur les dimensions sociales de ces nouveaux écosystèmes.
Ils rappellent tout d'abord : "À mesure que la Terre est modifiée par les humains et que les zones «naturelles» deviennent de plus en plus méconnaissables en rapport aux systèmes qui les remplacent (Radeloff et al 2015), un débat a émergé sur la labellisation de ces systèmes comme «nouveaux écosystèmes» ( Murcia et al 2014, Radeloff et al 2015, Miller et Bestelmeyer 2016). Depuis les années 1930, plusieurs termes ont été utilisés pour décrire les systèmes modifiés (Tansley 1935), notamment les «écosystèmes anthropogéniques», les «communautés non analogues», les «écosystèmes synthétiques ou émergents» et la «végétation spontanée» (Truitt et al 2015). Indépendamment de la terminologie, il existe bel et bien des écosystèmes hautement modifiés (Chapin et Starfield 1997, Hobbs et al 2006 et Collier 2015) et lorsque les objectifs traditionnels de conservation ne peuvent plus être atteints, il est impératif de trouver un cadre de gestion acceptable où les décideurs de la conservation biologique peuvent communiquer et développer de nouvelles stratégies de gestion."
Les chercheurs font observer que les perceptions actuelles des nouveaux écosystèmes et la façon dont ils sont appréciés par les décideurs diffèrent selon les contextes culturels et sociaux entourant les mouvements de conservation aux États-Unis et en Europe :
"Dans le modèle américain, où les objectifs de restauration et de conservation écologiques visent à rétablir les écosystèmes qui existaient avant l'arrivée des Européens, la nouveauté écologique dans les écosystèmes hautement modifiés n'est généralement pas acceptée (Egan 2006). Dans le modèle européen, les nouveaux écosystèmes ne sont pas explicitement pris en compte. Les paysages ont été soumis de longue date à des changements agricoles et industriels. Un objectif fréquent est de ramener les écosystèmes à un état préindustriel (milieu du XIXe siècle) et non à un peuplement pré-agricole (Whited et al 2005). Ici, la conservation de la biodiversité comprend la protection et la gestion active des états du système qui seraient considérés comme de nouveaux écosystèmes selon le modèle américain, par exemple les haies et les prairies fleuries agricoles (Halada et al 2011). Dans le paysage européen, la reconnaissance des assemblages d'espèces nouvelles et modernes exige une compréhension écologique et sociale nuancée de ce qui pourrait être catégorisé comme base de référence pour définir les nouveaux écosystèmes. Cette variation dans les approches de la vision des nouveaux écosystèmes met en évidence la construction sociale du concept d'écosystème. Une croyance (quelle «nature» devrait être conservée) est considérée comme socialement construite si les sociétés qui détiennent les mêmes connaissances (faits et informations écologiques) parviennent à des croyances différentes et incompatibles en raison de valeurs sociales divergentes (le type de nature préféré) (Boghossian 2001)."
En outre, les représentations de la biodiversité dépendent du contexte, des services écosystémiques et des évolutions locales de biodiversité. Par exemple, des espèces végétales de zones humides comme les quenouilles (Typha sp) ou le roseau à balais (Phragmites australis) montrent souvent des tendances invasives. Elles sont en même temps reconnues pour des vertus épuratrices et pour abriter des espèces d'oiseaux ou d'amphibiens d'intérêt. Le gestionnaire ou le riverain ne va pas porter le même jugement selon l'effet observé dans la zone dont il a la responsabilité. "La conservation de la biodiversité, comme toutes les décisions d'intervenir sur les écosystèmes, est un processus intrinsèquement subjectif", observent les chercheurs.
In Backstrom AC et al (2018), art. cit., droit de courte citation.
Discussion
Passant quasiment inaperçu en France pour le moment, le débat sur les nouveaux écosystèmes est pourtant très vif dans la communauté savante. Les critiques affirment que ce concept est mal défini, peut favoriser le laissez-faire en matière de conservation (Murcia et al 2014; Higgs 2017), ou encore qu'il est inutile car la restauration écologique tient déjà compte des écosystèmes modifiés (Egan 2006; 2015). Inversement, les tenants du concept soutiennent qu'il répond au besoin de gérer des écosystèmes ayant irrémédiablement franchi des seuils socio-écologiques au-delà desquels la restauration du système antérieur n'a plus de sens (Hobbs et al 2013) et qu'il confère une valeur de conservation à des systèmes anthropiquement modifiés qui seraient autrement rejetés ou négligés (Marris et al 2013). Miller et Bestelmeyer (2016) analysent le concept comme un moyen de nommer une classe d'écosystème qui n'a pas d'analogue historique mais sans les connotations négatives du terme "dégradé". Pour une analyse critique des risques et des avantages du concept d'écosystème, voir Marris et al 2013, Murcia et al 2014 et Collier 2015.
Le débat n'est pas que scientifique. La reconnaissance du caractère historique et hybride de la biodiversité comme l'affirmation du caractère social de nos représentations de la nature ont des implications fortes sur la manière dont on construit des politiques publiques de l'écologie. Par exemple, toute la politique européenne de qualité des rivières et plans d'eau est fondée sur l'idée qu'il existe un état de référence (la rivière naturelle sans impact humain) et que l'écart à cette référence guide l'action (voir Bouleau et Pont 2015). Or, si les Européens ont modifié depuis des millénaires leurs bassins versants, s'ils ont créé au fil des générations de nouveaux écosystèmes (étangs, lacs, canaux) et mélangé des espèces qui étaient jadis séparées par la géographie, le choix de ce paradigme pose question sur sa prétention à une objectivité scientifique indiscutable. Et aussi, d'un point de vue pratique, sur la possibilité même d'obtenir les effets attendus pour des hydrosystèmes ayant bifurqué de longue date d'une référence ancienne tout en étant aujourd'hui soumis à des facteurs d'évolution inédits (changement climatique).
Enfin, ces travaux sur les nouveaux écosystèmes rejoignent nos préoccupations sur la nécessité de refonder la politique de l'eau à échelle de chaque bassin versant, en commençant par des diagnostics écologiques beaucoup plus complets et rigoureux sur l'état initial (et, dans le cas particulier des ouvrages hydrauliques, sur le besoin d'analyses in situ de leurs biodiversités et fonctionnalités).
Référence : Backstrom AC et al (2018), Grappling with the social dimensions of novel ecosystems, Front Ecol Environ, 16, 2, 109-117
Illustration, en haut : les étangs de Bitche en Moselle sont menacés de destruction au nom de la continuité écologique. Ce sont typiquement des nouveaux écosystèmes créés par l'homme. Avant de les perturber pour recréer ce que le gestionnaire estime être un état plus "originel" (et plus désirable) du ruisseau qui les alimente, il convient d'analyser la biodiversité acquise par ces plans d'eau et leurs abords, aussi bien que les perceptions de cette nature anthropisée par les riverains et usagers. Une politique écologique ne peut plus être formée de diktats généralistes de "renaturation" que l'on applique sans discernement et sans écoute. La question naturelle doit être démocratisée, et non pas bureaucratisée.
10/06/2018
08/06/2018
La Mérantaise, ses poissons et ses ouvrages (Roy et Le Pichon 2017)
Deux hydro-écologues ont étudié une petite rivière d'Ile-de-France pour comprendre l'impact des ouvrages hydrauliques sur la circulation des truites. Ils observent qu'une petite partie des obstacles à l'écoulement bloque l'essentiel des gains possibles d'accès en habitats de frai ou de nourriture. Tout traiter n'aurait pas un bon bilan coût-bénéfice par rapport à des interventions ciblées. Cette recherche montre donc que l'on peut prioriser les interventions de continuité écologique, d'autant que la mobilité des truites mesurée par radiotélémétrie (quelques centaines de mètres) se révèle assez modeste. Mais cette recherche ne répond pas à d'autres questions. Et notamment : pourquoi dépenser de l'argent public et imposer des contraintes en faveur de la truite commune si l'espèce n'est pas menacée (contrairement aux grands migrateurs amphihalins)?
La Mérantaise est une rivière de la haute vallée de Chevreuse (Yvelines), affluent de l'Yvette, bassin de Seine. Elle a un bassin versant de 31 km2. Cette rivière a été identifiée comme réservoir biologique en raison de la présence de 28 espèces terrestres et aquatiques protégées, dans le cours d'eau ou ses zones humides attenantes. La rivière comporte aussi plusieurs moulins, en place depuis un à plusieurs siècles.
Mathieu Roy et Céline Le Pichon ont analysé un tronçon de 6 km, d'une largeur de 2-5 m, pente moyenne de 0,75%, substrat mêlée de limon, sable, gravier et galets. Douze barrières ont été retrouvées : 3 associées à des moulins, d'autres à des buses, passages routiers, lavoir.
Entre mars 2012 et avril 2013, 39 truites communes âgées de plus de 1 an ont été suivies en radio-télémétrie. Leur taille variait de 178 à 554 mm. L'analyse a révélé que les poissons immatures circulent sur une distance moyenne de 143 m (maximum 366 m) hors période de reproduction et les poissons mature de 170 m (maximum 774 m), ces derniers circulant en moyenne 351 m (maximum 830 m) en période de frai.
Les ingénieurs ont ensuite utilisé un logiciel (Anaqualand) pour estimer le gain que représenterait le traitement des obstacles à la circulation. Ils en présentent ainsi le fonctionnement: "Le logiciel permet à l'utilisateur de quantifier la connectivité structurelle et fonctionnelle entre les parcelle d'habitat ou des points de coordonnées en amont ou en aval, ou les deux (Le Pichon et al 2006). La connectivité structurelle peut être quantifiée en calculant les distances entre les parcelles d'habitat dans le cours d'eau (c'est-à-dire le chemin le plus court à l'intérieur des limites du chenal) et la résistance au mouvement est supposée homogène. En revanche, la connectivité fonctionnelle intègre la distance entre les parcelles et une résistance variable au mouvement, ce qui permet d'identifier les chemins les moins coûteux, exprimés en résistance minimale cumulée (MCR) (Adriaensen et al 2003; Knaapen et al 1992). Cette approche est basée sur les hypothèses générales de la théorie de la stratégie optimale de recherche de nourriture (Davies et al 2012) prédisant que les poissons auront tendance à minimiser les coûts d'énergie lorsqu'ils voyagent (Giske et al 1998). Ainsi, le chemin le moins coûteux entre deux parcelles d'habitat fonctionnel peut parfois impliquer de parcourir une distance plus longue que l'option la plus courte afin d'éviter un obstacle ou une zone à risque."
Le principal résultat du travail est qu'en rendant franchissable 3 barrières sur 12, on obtient un gain d'accès à des frayères qui ne s'améliore pas significativement ensuite. Les barrières en place ne sont pas des obstacles pour la circulation liée aux besoins quotidiens de recherche de nourriture, cf image ci-dessous, cliquez pour agrandir.
Mathieu Roy et Céline Le Pichon concluent : "A la lumière de l'analyse, les efforts dans le cas de la Mérantaise devraient se concentrer sur l'amélioration de la franchissabilité de la barrière B3, à la fois pour augmenter la superficie des habitats de fraie accessibles de 13% de la superficie totale de l'habitat pour la truite, et maximiser la connectivité entre l'habitat de fraie et les parcelles d'habitat à usage quotidien. Un tel changement serait favorable, car une meilleure connectivité entre les habitats de fraie et d'utilisation quotidienne pourrait accroître la probabilité d'utilisation de l'habitat (Flitcroft et al 2012). Cependant, l'élimination d'autres obstacles en amont n'augmenterait que légèrement la superficie totale de l'habitat accessible, en raison des obstacles plus franchissables et de la moindre disponibilité d'habitats fonctionnels dans cette zone en amont. Par conséquent, l'élimination ou la modification de ces obstacles pourrait être considérée comme peu prioritaire pour la gestion et la conservation de l'habitat de la truite".
Discussion
A l'heure où certaines réfléchissent à la priorisation du traitement des ouvrages hydrauliques à fin de continuité, cette étude de Mathieu Roy et Céline Le Pichon suggère que traiter la totalité des barrières à la circulation n'est pas forcément utile, car le rapport coût-bénéfice peut devenir défavorable à mesure que les gains diminuent et que les dépenses s'accumulent. Les gestionnaires de bassin versant seraient avisés d'utiliser de tels outils, au lieu de multiplier des opérations. Le syndicat concerné a fait des travaux lourds de continuité écologique sur certaines zones et parle de "projet ambitieux du rétablissement de la continuité écologique de la Mérantaise". Il est vrai que ces travaux étaient d'abord motivés par le risque inondation à Gif-sur-Yvette, impliquant plutôt la continuité latérale et l'expansion de crue, mais il a été aussi posé à l'occasion le supposé besoin d'intervenir sur le maximum d'ouvrages.
Or, outre le peu d'intérêt de traiter systématiquement les ouvrages, cette étude pose d'autres questions. Ainsi, la Mérantaise est déjà classée comme réservoir biologique (28 espèces protégées dans le bassin), donc la nécessité de mobiliser l'argent public pour agir sur la continuité en long de ce cours d'eau doit être questionnée, alors que tant d'autres sont dans un état plus dégradé appelant des actions plus utiles (voire plus impératives pour atteindre notre obligation européenne de bon état écologique et chimique, prioritaire par rapport à la question des densités locales de poissons migrateurs). Par ailleurs, la truite commune est une espèce abondante et non menacée en France et en Europe, outre que les populations présentes en rivière sont souvent issues des empoissonnements de pêcheurs depuis plus d'un siècle. Les données sur la Mérantaise suggèrent qu'elle n'est pas menacée non plus dans cette rivière, les mobilités observées étant compatibles avec la fragmentation. Enfin, aucune étude ne permet de dire si les ouvrages et leurs annexes hydrauliques ont des effets sur cette biodiversité locale. Nous souhaitons que le gestionnaire des rivières fondent leurs réflexions et actions sur la réalité biologique des bassins - inventaires faune-flore, étude des habitats singuliers, - plutôt que sur des principes abstraits qui seraient valables partout.
Référence : Roy ML, Le Pichon C (2017), Modelling functional fish habitat connectivity in rivers: A case study for prioritizing restoration actions targeting brown trout, Aquatic Conserv: Mar Freshw Ecosyst, 1–11.
La Mérantaise est une rivière de la haute vallée de Chevreuse (Yvelines), affluent de l'Yvette, bassin de Seine. Elle a un bassin versant de 31 km2. Cette rivière a été identifiée comme réservoir biologique en raison de la présence de 28 espèces terrestres et aquatiques protégées, dans le cours d'eau ou ses zones humides attenantes. La rivière comporte aussi plusieurs moulins, en place depuis un à plusieurs siècles.
Mathieu Roy et Céline Le Pichon ont analysé un tronçon de 6 km, d'une largeur de 2-5 m, pente moyenne de 0,75%, substrat mêlée de limon, sable, gravier et galets. Douze barrières ont été retrouvées : 3 associées à des moulins, d'autres à des buses, passages routiers, lavoir.
Entre mars 2012 et avril 2013, 39 truites communes âgées de plus de 1 an ont été suivies en radio-télémétrie. Leur taille variait de 178 à 554 mm. L'analyse a révélé que les poissons immatures circulent sur une distance moyenne de 143 m (maximum 366 m) hors période de reproduction et les poissons mature de 170 m (maximum 774 m), ces derniers circulant en moyenne 351 m (maximum 830 m) en période de frai.
Les ingénieurs ont ensuite utilisé un logiciel (Anaqualand) pour estimer le gain que représenterait le traitement des obstacles à la circulation. Ils en présentent ainsi le fonctionnement: "Le logiciel permet à l'utilisateur de quantifier la connectivité structurelle et fonctionnelle entre les parcelle d'habitat ou des points de coordonnées en amont ou en aval, ou les deux (Le Pichon et al 2006). La connectivité structurelle peut être quantifiée en calculant les distances entre les parcelles d'habitat dans le cours d'eau (c'est-à-dire le chemin le plus court à l'intérieur des limites du chenal) et la résistance au mouvement est supposée homogène. En revanche, la connectivité fonctionnelle intègre la distance entre les parcelles et une résistance variable au mouvement, ce qui permet d'identifier les chemins les moins coûteux, exprimés en résistance minimale cumulée (MCR) (Adriaensen et al 2003; Knaapen et al 1992). Cette approche est basée sur les hypothèses générales de la théorie de la stratégie optimale de recherche de nourriture (Davies et al 2012) prédisant que les poissons auront tendance à minimiser les coûts d'énergie lorsqu'ils voyagent (Giske et al 1998). Ainsi, le chemin le moins coûteux entre deux parcelles d'habitat fonctionnel peut parfois impliquer de parcourir une distance plus longue que l'option la plus courte afin d'éviter un obstacle ou une zone à risque."
Le principal résultat du travail est qu'en rendant franchissable 3 barrières sur 12, on obtient un gain d'accès à des frayères qui ne s'améliore pas significativement ensuite. Les barrières en place ne sont pas des obstacles pour la circulation liée aux besoins quotidiens de recherche de nourriture, cf image ci-dessous, cliquez pour agrandir.
Gain en accès d'habitats de frai (gauche) et de circulation courante (droite) selon le nombre d'ouvrages rendus transparents. Cliquer pour agrandir. Extrait de Roy et Le Pichon, art cit.
Discussion
A l'heure où certaines réfléchissent à la priorisation du traitement des ouvrages hydrauliques à fin de continuité, cette étude de Mathieu Roy et Céline Le Pichon suggère que traiter la totalité des barrières à la circulation n'est pas forcément utile, car le rapport coût-bénéfice peut devenir défavorable à mesure que les gains diminuent et que les dépenses s'accumulent. Les gestionnaires de bassin versant seraient avisés d'utiliser de tels outils, au lieu de multiplier des opérations. Le syndicat concerné a fait des travaux lourds de continuité écologique sur certaines zones et parle de "projet ambitieux du rétablissement de la continuité écologique de la Mérantaise". Il est vrai que ces travaux étaient d'abord motivés par le risque inondation à Gif-sur-Yvette, impliquant plutôt la continuité latérale et l'expansion de crue, mais il a été aussi posé à l'occasion le supposé besoin d'intervenir sur le maximum d'ouvrages.
Or, outre le peu d'intérêt de traiter systématiquement les ouvrages, cette étude pose d'autres questions. Ainsi, la Mérantaise est déjà classée comme réservoir biologique (28 espèces protégées dans le bassin), donc la nécessité de mobiliser l'argent public pour agir sur la continuité en long de ce cours d'eau doit être questionnée, alors que tant d'autres sont dans un état plus dégradé appelant des actions plus utiles (voire plus impératives pour atteindre notre obligation européenne de bon état écologique et chimique, prioritaire par rapport à la question des densités locales de poissons migrateurs). Par ailleurs, la truite commune est une espèce abondante et non menacée en France et en Europe, outre que les populations présentes en rivière sont souvent issues des empoissonnements de pêcheurs depuis plus d'un siècle. Les données sur la Mérantaise suggèrent qu'elle n'est pas menacée non plus dans cette rivière, les mobilités observées étant compatibles avec la fragmentation. Enfin, aucune étude ne permet de dire si les ouvrages et leurs annexes hydrauliques ont des effets sur cette biodiversité locale. Nous souhaitons que le gestionnaire des rivières fondent leurs réflexions et actions sur la réalité biologique des bassins - inventaires faune-flore, étude des habitats singuliers, - plutôt que sur des principes abstraits qui seraient valables partout.
Référence : Roy ML, Le Pichon C (2017), Modelling functional fish habitat connectivity in rivers: A case study for prioritizing restoration actions targeting brown trout, Aquatic Conserv: Mar Freshw Ecosyst, 1–11.
Illustration en haut : photo Jlbailleul, CC BY-SA 3.0.
06/06/2018
L'agence de l'eau Seine-Normandie a déjà engagé 45,6 millions € pour détruire lacs et barrages de la Sélune
Notre association a finalement obtenu la communication des décisions de financement de l'agence de l'eau Seine-Normandie relatives aux barrages de la Sélune. Il en ressort qu'entre 2012 et 2018, l'agence de l'eau a engagé plus de 45 M€ d'argent public pour effacer les ouvrages hydrauliques. Cette somme finance un projet consistant à détruire contre l'avis des 20.000 riverains deux barrages en état de produire de l'hydro-électricité, qui servent également de réserve d'eau potable, de lieux de loisir et de ralentisseurs de crue, tout en évitant l'arrivée d'eaux polluées dans la baie du mont Saint-Michel. Cette gabegie incroyable et ce mépris des habitants sont un cadeau fastueux au lobby des pêcheurs de saumon et à quelques intégristes minoritaires des rivières sauvages, dont l'objectif affiché depuis 30 ans est de détruire le maximum de barrages en France. En plein transition énergétique bas-carbone et alors que l'action publique manque de moyens, Nicolas Hulot laisse faire voire encourage cette absurdité. Le gouvernement a-t-il toute sa lucidité sur ce dossier? Pourquoi tient-il un double discours sur la nécessité d'abandonner les grands projets qui divisent à Notre-Dame-des-Landes mais pas sur la Sélune, renouant avec la duplicité usuelle des dirigeants dont les citoyens sont si las? Le président mesure-t-il l'image donnée, quand il avait promis aux Français un usage juste, intelligent et modéré de la dépense publique? Quand on rogne sur les investissements d'accessibilité des personnes handicapées mais qu'on dépense ainsi à vannes ouvertes sur l'accessibilité des saumons? Il est temps de stopper cette folie héritée des dérives antérieures de la continuité écologique, folie qui est combattue sur le terrain comme devant les tribunaux.
Pour l'ouvrage de Vézins (Etat maître d'ouvrage), le 16 janvier 2012, l'agence de l'eau Seine-Normandie a signé une convention d'étude préalable à l'effacement (sous forme d'un fond de concours) et une première convention d'aide financière.
Le versement de 1 million € (M€) a eu lieu en deux fois en juin et octobre 2012.
Le 11 février 2014, un second fond de cours a été décidé par l'agence de l'eau pour la poursuite des travaux préalables à l'effacement, suivi le 3 mars 2014 par une autre convention d'aide financière.
Les sommes versées ont cette fois atteint 25 M€ (en juillet 2014 et en juillet 2016).
Pour l'ouvrage de La Roche-qui-Boit (EDF maître d'ouvrage), la commission des aides a donné un avis favorables pour 4 subventions de 38148 €, 94850 €, 19964 €, 392080 €, correspondant à des travaux de préparation du démantèlement du barrage et de l'usine.
Cela représente 545.042 € (0,5 M€).
Enfin en février 2018, l'agence de l'eau Seine-Normandie a décidé de verser :
- un troisième fond de concours à l'Etat pour un montant de 13,5 M€,
- une subvention à EDF de 5,553 M€.
On atteint donc déjà au total la somme exorbitante de 45,598 millions € dépensés pour détruire les barrages et les lacs de la Sélune.
Ces sommes ne prévoient aucune compensation ni aucun projet de substitution dans la vallée défigurée — l'Etat laisse aujourd'hui entendre que ce sera à charge des collectivités locales, qui sont désargentées et n'ont nulle somme importante à investir dans le cloaque que laisseraient les travaux.
La bureaucratie de l'eau dilapide ainsi l'argent public pour effacer des barrages qui
Cette dépense a pour objectif principal la présence de 1300 saumons supplémentaires alors même que cette espèce circule déjà dans tous les fleuves de la baie du Mont Saint-Michel, dont la Sélune aval. Cette quantité (hypothétique) de salmonidés est remarquablement faible par rapport au coût et aux standards de projets de cette ampleur dans le monde, où ce sont plutôt des centaines de milliers de migrateurs qui sont le cas échéant concernés. L'enjeu écologique est ici assez secondaire, d'autant que la zone amont des barrages est dégradée, sans budget disponible pour la restaurer à ce jour. De plus un repreneur industriel a proposé dans son projet de tester sur 30 ans un transport des saumons vers l'amont, comme cela se pratique en France et dans certains fleuves à saumon dans le monde (voir par exemple Kareiva 2017 sur la Snake River, où le déclin du migrateur a été conjuré). Enfin, un nombre croissant de chercheurs appellent à la prudence sur la gestion des barrages en situation de changement climatique (voir Beatty et al 2017).
Ce grand projet inutile et imposé est principalement un cadeau fait au lobby des pêcheurs et à quelques intégristes des rivières sauvages, cadeau se payant par le sacrifice du cadre de vie de 20 000 riverains ayant dit leur opposition à la casse lors d'une consultation.
En septembre 2018 se tiendra la fête annuelle des barrages. Nous appelons tous ceux qui le peuvent à converger vers la Sélune pour dire leur opposition à cette folie sur le terrain, comme cela est déjà engagé devant les tribunaux.
Image : une rupture de digue lors de la vidange de 2017, DR.
Pour l'ouvrage de Vézins (Etat maître d'ouvrage), le 16 janvier 2012, l'agence de l'eau Seine-Normandie a signé une convention d'étude préalable à l'effacement (sous forme d'un fond de concours) et une première convention d'aide financière.
Le versement de 1 million € (M€) a eu lieu en deux fois en juin et octobre 2012.
Le 11 février 2014, un second fond de cours a été décidé par l'agence de l'eau pour la poursuite des travaux préalables à l'effacement, suivi le 3 mars 2014 par une autre convention d'aide financière.
Les sommes versées ont cette fois atteint 25 M€ (en juillet 2014 et en juillet 2016).
Pour l'ouvrage de La Roche-qui-Boit (EDF maître d'ouvrage), la commission des aides a donné un avis favorables pour 4 subventions de 38148 €, 94850 €, 19964 €, 392080 €, correspondant à des travaux de préparation du démantèlement du barrage et de l'usine.
Cela représente 545.042 € (0,5 M€).
Enfin en février 2018, l'agence de l'eau Seine-Normandie a décidé de verser :
- un troisième fond de concours à l'Etat pour un montant de 13,5 M€,
- une subvention à EDF de 5,553 M€.
On atteint donc déjà au total la somme exorbitante de 45,598 millions € dépensés pour détruire les barrages et les lacs de la Sélune.
Ces sommes ne prévoient aucune compensation ni aucun projet de substitution dans la vallée défigurée — l'Etat laisse aujourd'hui entendre que ce sera à charge des collectivités locales, qui sont désargentées et n'ont nulle somme importante à investir dans le cloaque que laisseraient les travaux.
La bureaucratie de l'eau dilapide ainsi l'argent public pour effacer des barrages qui
- produisent une énergie bas carbone,
- ralentissent les inondations de la vallée aval,
- forment la principale réserve d'eau potable locale,
- nourrissent les activités socio-économiques autour des lacs,
- protègent la baie du Mont-Michel des pollutions.
Cette dépense a pour objectif principal la présence de 1300 saumons supplémentaires alors même que cette espèce circule déjà dans tous les fleuves de la baie du Mont Saint-Michel, dont la Sélune aval. Cette quantité (hypothétique) de salmonidés est remarquablement faible par rapport au coût et aux standards de projets de cette ampleur dans le monde, où ce sont plutôt des centaines de milliers de migrateurs qui sont le cas échéant concernés. L'enjeu écologique est ici assez secondaire, d'autant que la zone amont des barrages est dégradée, sans budget disponible pour la restaurer à ce jour. De plus un repreneur industriel a proposé dans son projet de tester sur 30 ans un transport des saumons vers l'amont, comme cela se pratique en France et dans certains fleuves à saumon dans le monde (voir par exemple Kareiva 2017 sur la Snake River, où le déclin du migrateur a été conjuré). Enfin, un nombre croissant de chercheurs appellent à la prudence sur la gestion des barrages en situation de changement climatique (voir Beatty et al 2017).
Ce grand projet inutile et imposé est principalement un cadeau fait au lobby des pêcheurs et à quelques intégristes des rivières sauvages, cadeau se payant par le sacrifice du cadre de vie de 20 000 riverains ayant dit leur opposition à la casse lors d'une consultation.
En septembre 2018 se tiendra la fête annuelle des barrages. Nous appelons tous ceux qui le peuvent à converger vers la Sélune pour dire leur opposition à cette folie sur le terrain, comme cela est déjà engagé devant les tribunaux.
Image : une rupture de digue lors de la vidange de 2017, DR.
04/06/2018
L'ouvrage hydraulique comme passé et comme avenir, l'exemple anglais (Edgeworth 2018)
Au Royaume-Uni, l'Agence de l'environnement a produit au début des années 2010 une carte des sites de petite hydraulique exploitables pour la transition énergétique en Angleterre et au Pays de Galles. Soit plusieurs dizaines de milliers d'opportunités d'installer des dispositifs hydro-électriques. Dans un essai collectif venant de paraître et consacré aux rivières comme infrastructure matérielle des sociétés humaines, l'archéologue Matt Edgeworth (université de Leicester) souligne que la plupart de ces sites sont des héritages du passé, en particulier des moulins construits au cours du dernier millénaire. L'universitaire montre combien nos trajectoires s'inscrivent dans les usages anciens et les ré-inventent. Un message dont on aimerait qu'il soit entendu par le décideur français, alors que l'administration de notre pays a été saisie d'une manie sectaire et autoritaire de destruction de cet héritage, qui est aussi un avenir. Restaurer et équiper les moulins, forges et autres dispositifs d'Ancien Régime doit devenir une priorité des propriétaires et des collectivités. Extraits du texte de Matt Edgeworth.
"Le point de départ de ce document est une carte produite par l'Agence britannique pour l'environnement en 2010 (Figure 1). Elle identifie les sites sur les rivières avec un potentiel de production hydroélectrique à petite échelle. Étonnamment, la carte indique près de 26 000 sites en Angleterre et au Pays de Galles. Le rapport ne précise pas en quoi consistent ces sites, d'où ils viennent et comment ils sont arrivés. Il les classe simplement en fonction de la puissance potentielle en kilowatts qui pourrait être générée sur chaque site (Environment Agency 2010).
Le rapport reconnaît que tous les sites identifiés sur la carte ne seront pas adaptés et utilisés pour la production d'hydroélectricité. Certains sont dans des zones non peuplées où l'entretien serait difficile, ou trop loin des points de connexion avec le réseau national. Même si tous les sites identifiés étaient développés, l'hydroélectricité à petite échelle ne peut jamais correspondre à l'échelle de production des centrales au charbon ou des centrales nucléaires. (…)
Mais ce n'est pas le sujet. L'énergie renouvelable a une valeur symbolique importante pour la société qui va bien au-delà de la valeur économique et, dans ce contexte, la petite échelle de l'exploitation peut avoir des avantages par rapport aux processus industriels de production d'énergie. Le développement de programmes énergétiques «verts» est essentiel à l'objectif plus large de parvenir à une vie durable et de s'attaquer aux problèmes liés au changement climatique, à la pollution de l'environnement et à l'épuisement des ressources. Même si seulement un tiers des sites identifiés sur la carte étaient développés, l'hydroélectricité à petite échelle pourrait fournir une part substantielle de l'énergie renouvelable du pays, aux côtés de l'énergie éolienne et solaire. (…)
Ce qui est vraiment extraordinaire à propos de la carte, comme le montrera cet article, c'est que la vision du développement futur potentiel des rivières qu'elle présente repose sur une infrastructure matérielle déjà existante, sous la forme de dispositifs et aménagements fluviaux plus anciens mais souvent encore en fonctionnement. Cette dimension temporelle et culturelle des rivières - le fait qu'elles ont été façonnées par les générations passées d'êtres humains en sorte que cela autorise et contraint à la fois ce qui peut être fait à l'avenir - sera cruciale pour l'analyse présentée ici. (…)
Revenant maintenant à la carte de l'Agence pour l'environnement montrée à la figure 1, et aux 25 000+ sites ayant un potentiel pour la production hydroélectrique, nous pouvons voir que c'est une carte du passé et de l'avenir - ou plutôt, une carte des potentiels pour l'avenir fondée sur une carte du passé. Dans la plupart des cas, l'installation de turbines hydroélectriques ne devrait pas repartir de zéro. La plupart des travaux essentiels d'infrastructure ont déjà été faits: une infrastructure matérielle, comme nous l'avons vu, existe déjà. Dans de nombreux cas, il faudrait modifier ces structures et les aménagements existants pour y installer des turbines, s'il est jugé approprié de le faire. (…)
Ce chapitre a été en partie dédié aux sites hydroélectriques, mais en réalité, il a essayé de regarder au-delà de l'hydroélectricité pour arriver à quelque chose de plus fondamental - l'étendue de l'intrication des rivières dans les affaires humaines, pas seulement dans la période industrielle, mais au cours des mille dernières années, et au-delà."
Référence : Edgeworth Matt (2018) Rivers as material infrastructure: a legacy from the past to the future. In Holt, Emily (ed), Water and Power in Past Societies, Albany, SUNYPress, 243-257
"Le point de départ de ce document est une carte produite par l'Agence britannique pour l'environnement en 2010 (Figure 1). Elle identifie les sites sur les rivières avec un potentiel de production hydroélectrique à petite échelle. Étonnamment, la carte indique près de 26 000 sites en Angleterre et au Pays de Galles. Le rapport ne précise pas en quoi consistent ces sites, d'où ils viennent et comment ils sont arrivés. Il les classe simplement en fonction de la puissance potentielle en kilowatts qui pourrait être générée sur chaque site (Environment Agency 2010).
Le rapport reconnaît que tous les sites identifiés sur la carte ne seront pas adaptés et utilisés pour la production d'hydroélectricité. Certains sont dans des zones non peuplées où l'entretien serait difficile, ou trop loin des points de connexion avec le réseau national. Même si tous les sites identifiés étaient développés, l'hydroélectricité à petite échelle ne peut jamais correspondre à l'échelle de production des centrales au charbon ou des centrales nucléaires. (…)
Mais ce n'est pas le sujet. L'énergie renouvelable a une valeur symbolique importante pour la société qui va bien au-delà de la valeur économique et, dans ce contexte, la petite échelle de l'exploitation peut avoir des avantages par rapport aux processus industriels de production d'énergie. Le développement de programmes énergétiques «verts» est essentiel à l'objectif plus large de parvenir à une vie durable et de s'attaquer aux problèmes liés au changement climatique, à la pollution de l'environnement et à l'épuisement des ressources. Même si seulement un tiers des sites identifiés sur la carte étaient développés, l'hydroélectricité à petite échelle pourrait fournir une part substantielle de l'énergie renouvelable du pays, aux côtés de l'énergie éolienne et solaire. (…)
Ce qui est vraiment extraordinaire à propos de la carte, comme le montrera cet article, c'est que la vision du développement futur potentiel des rivières qu'elle présente repose sur une infrastructure matérielle déjà existante, sous la forme de dispositifs et aménagements fluviaux plus anciens mais souvent encore en fonctionnement. Cette dimension temporelle et culturelle des rivières - le fait qu'elles ont été façonnées par les générations passées d'êtres humains en sorte que cela autorise et contraint à la fois ce qui peut être fait à l'avenir - sera cruciale pour l'analyse présentée ici. (…)
Revenant maintenant à la carte de l'Agence pour l'environnement montrée à la figure 1, et aux 25 000+ sites ayant un potentiel pour la production hydroélectrique, nous pouvons voir que c'est une carte du passé et de l'avenir - ou plutôt, une carte des potentiels pour l'avenir fondée sur une carte du passé. Dans la plupart des cas, l'installation de turbines hydroélectriques ne devrait pas repartir de zéro. La plupart des travaux essentiels d'infrastructure ont déjà été faits: une infrastructure matérielle, comme nous l'avons vu, existe déjà. Dans de nombreux cas, il faudrait modifier ces structures et les aménagements existants pour y installer des turbines, s'il est jugé approprié de le faire. (…)
Ce chapitre a été en partie dédié aux sites hydroélectriques, mais en réalité, il a essayé de regarder au-delà de l'hydroélectricité pour arriver à quelque chose de plus fondamental - l'étendue de l'intrication des rivières dans les affaires humaines, pas seulement dans la période industrielle, mais au cours des mille dernières années, et au-delà."
Référence : Edgeworth Matt (2018) Rivers as material infrastructure: a legacy from the past to the future. In Holt, Emily (ed), Water and Power in Past Societies, Albany, SUNYPress, 243-257
03/06/2018
Moret-sur-Loing ne veut pas perdre ses ouvrages hydrauliques
Patrick Septiers, maire de Moret-sur-Loing, appelle ses concitoyens à le soutenir dans une pétition pour préserver les ouvrages hydrauliques de la commune, menacés par les réformes de continuité écologique. Comme partout, les services de l'Etat font pression pour des options visant à faire disparaître partiellement ou totalement le patrimoine ancien et le paysage local, notamment en refusant le barème maximal de subvention aux passes à poissons. Nous soutenons cette commune dans sa lutte, et nous appelons les élus locaux à suivre son exemple. L'administration centrale et les agences publiques méprisent la loi et la volonté générale en voulant imposer le dogme décrié de la casse irrémédiable des ouvrages. Voir aussi les mobilisations actuelles dans le Sud-Ouest et en Lorraine contre les mêmes diktats bureaucratiques qui apportent aux populations des brimades et des nuisances plutôt que des services.
Suite à un problème technique survenu au barrage de Champagne sur Seine, la Seine puis le Loing ont vu leur hauteur d'eau diminuer d'une soixantaine de centimètres.
Notre site Morétain a ainsi été complètement dénaturé pendant quelques semaines. Cette baisse des eaux montre ce que pourrait devenir notre paysage, si la destruction des vannages afin de faciliter la remontée des poissons, était appliquée à Moret-sur-Loing. Depuis plusieurs années, avec les élus locaux, je me bats pour éviter cette solution, pour converser la qualité de notre site et éviter que celui-ci soit à sec…
Je poursuivrai avec les élus, durant les réunions à venir à défendre d'autres solutions, comme une passe à poissons, qui n'abimeraient pas notre environnement… J'espère faire entendre raison aux décideurs afin que les fondations des berges et des bâtiments ne soient pas fragilisées, que notre site immortalisé par de nombreux artistes comme Sisley et connu mondialement soit préservé et continue à célébrer l'union de la nature et du patrimoine forgé par l'Homme.
Et sans eau.. comment les poissons remonteront ils la rivière ?
J'attends toujours la réponse des experts !
Si vous êtes comme moi contre la destruction des barrages sur le Loing signez cette pétition.
Patrick SEPTIERS, Maire de Moret-Loing-et-Orvanne
Signez la pétition
— — —
Envie de comprendre les enjeux, de rencontrer d'autres personnes confrontées au même problème, de débattre des solutions? Le samedi 30 juin 2018 à Semur-en-Auxois (21), venez participer aux 6es rencontres hydrauliques régionales de notre association. Invitation sur demande.
Suite à un problème technique survenu au barrage de Champagne sur Seine, la Seine puis le Loing ont vu leur hauteur d'eau diminuer d'une soixantaine de centimètres.
Notre site Morétain a ainsi été complètement dénaturé pendant quelques semaines. Cette baisse des eaux montre ce que pourrait devenir notre paysage, si la destruction des vannages afin de faciliter la remontée des poissons, était appliquée à Moret-sur-Loing. Depuis plusieurs années, avec les élus locaux, je me bats pour éviter cette solution, pour converser la qualité de notre site et éviter que celui-ci soit à sec…
Je poursuivrai avec les élus, durant les réunions à venir à défendre d'autres solutions, comme une passe à poissons, qui n'abimeraient pas notre environnement… J'espère faire entendre raison aux décideurs afin que les fondations des berges et des bâtiments ne soient pas fragilisées, que notre site immortalisé par de nombreux artistes comme Sisley et connu mondialement soit préservé et continue à célébrer l'union de la nature et du patrimoine forgé par l'Homme.
Et sans eau.. comment les poissons remonteront ils la rivière ?
J'attends toujours la réponse des experts !
Si vous êtes comme moi contre la destruction des barrages sur le Loing signez cette pétition.
Patrick SEPTIERS, Maire de Moret-Loing-et-Orvanne
Signez la pétition
— — —
Envie de comprendre les enjeux, de rencontrer d'autres personnes confrontées au même problème, de débattre des solutions? Le samedi 30 juin 2018 à Semur-en-Auxois (21), venez participer aux 6es rencontres hydrauliques régionales de notre association. Invitation sur demande.
02/06/2018
Tombeau du patrimoine: une lettre à Stéphane Bern en défense des moulins, forges et étangs que l'Etat français détruit
On entend beaucoup parler du loto du patrimoine, mis en place par Stéphane Bern à la demande d'Emmanuel Macron, en vue d'aider à financer la sauvegarde du patrimoine en péril. Mais qu'en est-il du petit patrimoine rural et technique, qui a accompagné au cours des siècles le développement de nos provinces et qui forme aujourd'hui encore le paysage de ses vallées? Luc Lefray, Marie-Geneviève Poillotte, Pierre Potherat (Société mycologique du Châtillonnais) et François Poillotte (Société archéologique et historique du Châtillonnais) attirent l'attention de Stéphane Bern sur la scandaleuse campagne administrative de destruction systématique des chutes, ouvrages, vannages, canaux, biefs, retenues et étangs, souvent présents depuis le Moyen Âge. La France doit cesser cette gabegie d'argent public, qui est un appauvrissement culturel sans précédent des paysages riverains et, bien souvent, une aberration écologique.
Le Président de la république vous a récemment confié une mission spéciale consacrée à la recherche de moyens financiers destinés à sauvegarder le patrimoine français en péril. Nous vous avons entendu avec satisfaction et espoir quand vous avez déclaré que tout le patrimoine vous intéressait, y compris le petit patrimoine ou patrimoine vernaculaire. Hormis le patrimoine mentionné habituellement (cathédrales, châteaux, abbayes…etc), notre région, le nord Côte-d’Or, partie intégrante du plateau de Langres, est particulièrement bien dotée en petit patrimoine en raison du grand nombre de ruisseaux et rivières y prenant naissance, tels la Seine et ses principaux affluents : Marne, Aube, Ource et Laignes…etc. Le plateau de Langres n’est-il pas considéré par les spécialistes géologues et hydrogéologues, comme le château d’eau du bassin parisien ?
Dès le Moyen Âge, ces rivières et ruisseaux, compte tenu de leur fort potentiel en énergie hydraulique, de la présence de bois en quantité ainsi que d’un minerai de fer aisément exploitable, ont vu fleurir sur leurs cours de nombreuses installations artisanales telles que des moulins, scieries, fonderies, forges et autres tanneries…
La construction de ces installations, à l’architecture souvent remarquable, s’est accompagnée de l’aménagement des cours d’eau au moyen d’astucieux systèmes de vannages, de biefs et de canaux destinés à acheminer l’eau jusqu’aux installations en question puis à la rendre à la rivière principale, contribuant ainsi à créer un entrelacs de rivières, chenaux, petites retenues et chutes d’eau, à fort potentiel patrimonial et touristique sur l’ensemble de la région.
Par ailleurs ces aménagements semblent avoir été extrêmement bénéfiques pour le peuplement des rivières comme nous l’enseigne la longue histoire de la truite chatillonnaise qui remonterait également au Moyen Âge.
Les rois de France de passage dans la région, de Charles VI à Louis XIV, se sont vus offrir le célèbre pâté de truites châtillonnais. François Ier, Louis XIII et Louis XIV l’ont tellement apprécié qu’ils ont fait repeupler à plusieurs reprises les étangs de Fontainebleau avec des truites prélevées entre Châtillon-sur-Seine et Mussy-sur-Seine.
Jusqu’au milieu du XXème siècle, quand la pêche commençait à devenir une activité de loisirs, toutes les rivières de la région étaient considérées comme des « spots » exceptionnels pour la pêche à la truite, au brochet et même à l’anguille.
Ces dernières années, notre association ainsi que la population locale se sont émues devant l'effacement et/ou l'absence d'entretien de quelques étangs aménagés à l'époque médiévale (début XIVème siècle) par les ducs de Bourgogne, en forêt domaniale de Châtillon, laquelle doit devenir l'un des cœurs du futur parc national des forêts de feuillus.
Ces étangs faisaient partie d’un ensemble unique en France de sept plans d’eau disposés en chapelet le long du ru du val-des-Choux, depuis la source située dans l’ancienne abbaye éponyme, jusqu’à la confluence avec l’Ource, soit sur un linéaire de seulement 5,5 km. Outre l’application très rigoriste de la directive européenne sur la « continuité écologique des cours d’eau », une des raisons principales avancées pour justifier l’absence d’entretien est le manque de moyens de l’ONF, gestionnaire des étangs.
Or, dans le même temps l’État engage des dépenses très importantes pour détruire le petit patrimoine que sont les vannages et chutes d’eau des anciens moulins, scieries, fonderies, forges et autres tanneries dont un grand nombre remonte au moins au XIIème siècle.
Cette campagne de suppression massive des anciens ouvrages, orchestrée et financée par les pouvoirs publics, va au-delà des recommandations de la directive européenne relative à la continuité écologique des cours d’eau et nous paraît sans fondement puisque, compte tenu de leur faible hauteur (inférieure à 2,5m), l’excellente qualité halieutique de nos rivières a toujours été de pair avec ces aménagements pluriséculaires jusqu’à leur abandon progressif, dans la deuxième moitié du siècle dernier.
Plus de 600 petits ouvrages, dont le plus grand nombre est encore en bon état ou, pour le moins, faciles à restaurer, ont été répertoriés dans le périmètre du futur parc national. A raison de 100 à 250 k€ nécessaires par ouvrage, leur suppression couterait près de 100 million d’euros. Ce chiffre ne concerne que les vannages et seuils recensés dans le périmètre du parc national d’une superficie de 240 000 ha. Etendu à tout le territoire national, sur les ouvrages de même gabarit, le montant des travaux promet d’être colossal pour un résultat qui ne saurait être partout à la hauteur des objectifs fixés.
Nous espérons Monsieur Bern, que vous prendrez notre message en considération et que vous saurez œuvrer efficacement pour stopper la casse programmée de notre petit patrimoine. Nous pensons que l’argent ainsi épargné sera plus utile dans votre quête de moyens de sauvegarde.
Photographie : les étangs des Marots en automne, par Christal de Saint-Marc (droits réservés).
Le Président de la république vous a récemment confié une mission spéciale consacrée à la recherche de moyens financiers destinés à sauvegarder le patrimoine français en péril. Nous vous avons entendu avec satisfaction et espoir quand vous avez déclaré que tout le patrimoine vous intéressait, y compris le petit patrimoine ou patrimoine vernaculaire. Hormis le patrimoine mentionné habituellement (cathédrales, châteaux, abbayes…etc), notre région, le nord Côte-d’Or, partie intégrante du plateau de Langres, est particulièrement bien dotée en petit patrimoine en raison du grand nombre de ruisseaux et rivières y prenant naissance, tels la Seine et ses principaux affluents : Marne, Aube, Ource et Laignes…etc. Le plateau de Langres n’est-il pas considéré par les spécialistes géologues et hydrogéologues, comme le château d’eau du bassin parisien ?
Dès le Moyen Âge, ces rivières et ruisseaux, compte tenu de leur fort potentiel en énergie hydraulique, de la présence de bois en quantité ainsi que d’un minerai de fer aisément exploitable, ont vu fleurir sur leurs cours de nombreuses installations artisanales telles que des moulins, scieries, fonderies, forges et autres tanneries…
La construction de ces installations, à l’architecture souvent remarquable, s’est accompagnée de l’aménagement des cours d’eau au moyen d’astucieux systèmes de vannages, de biefs et de canaux destinés à acheminer l’eau jusqu’aux installations en question puis à la rendre à la rivière principale, contribuant ainsi à créer un entrelacs de rivières, chenaux, petites retenues et chutes d’eau, à fort potentiel patrimonial et touristique sur l’ensemble de la région.
Par ailleurs ces aménagements semblent avoir été extrêmement bénéfiques pour le peuplement des rivières comme nous l’enseigne la longue histoire de la truite chatillonnaise qui remonterait également au Moyen Âge.
Les rois de France de passage dans la région, de Charles VI à Louis XIV, se sont vus offrir le célèbre pâté de truites châtillonnais. François Ier, Louis XIII et Louis XIV l’ont tellement apprécié qu’ils ont fait repeupler à plusieurs reprises les étangs de Fontainebleau avec des truites prélevées entre Châtillon-sur-Seine et Mussy-sur-Seine.
Jusqu’au milieu du XXème siècle, quand la pêche commençait à devenir une activité de loisirs, toutes les rivières de la région étaient considérées comme des « spots » exceptionnels pour la pêche à la truite, au brochet et même à l’anguille.
Ces dernières années, notre association ainsi que la population locale se sont émues devant l'effacement et/ou l'absence d'entretien de quelques étangs aménagés à l'époque médiévale (début XIVème siècle) par les ducs de Bourgogne, en forêt domaniale de Châtillon, laquelle doit devenir l'un des cœurs du futur parc national des forêts de feuillus.
Ces étangs faisaient partie d’un ensemble unique en France de sept plans d’eau disposés en chapelet le long du ru du val-des-Choux, depuis la source située dans l’ancienne abbaye éponyme, jusqu’à la confluence avec l’Ource, soit sur un linéaire de seulement 5,5 km. Outre l’application très rigoriste de la directive européenne sur la « continuité écologique des cours d’eau », une des raisons principales avancées pour justifier l’absence d’entretien est le manque de moyens de l’ONF, gestionnaire des étangs.
Or, dans le même temps l’État engage des dépenses très importantes pour détruire le petit patrimoine que sont les vannages et chutes d’eau des anciens moulins, scieries, fonderies, forges et autres tanneries dont un grand nombre remonte au moins au XIIème siècle.
Cette campagne de suppression massive des anciens ouvrages, orchestrée et financée par les pouvoirs publics, va au-delà des recommandations de la directive européenne relative à la continuité écologique des cours d’eau et nous paraît sans fondement puisque, compte tenu de leur faible hauteur (inférieure à 2,5m), l’excellente qualité halieutique de nos rivières a toujours été de pair avec ces aménagements pluriséculaires jusqu’à leur abandon progressif, dans la deuxième moitié du siècle dernier.
Plus de 600 petits ouvrages, dont le plus grand nombre est encore en bon état ou, pour le moins, faciles à restaurer, ont été répertoriés dans le périmètre du futur parc national. A raison de 100 à 250 k€ nécessaires par ouvrage, leur suppression couterait près de 100 million d’euros. Ce chiffre ne concerne que les vannages et seuils recensés dans le périmètre du parc national d’une superficie de 240 000 ha. Etendu à tout le territoire national, sur les ouvrages de même gabarit, le montant des travaux promet d’être colossal pour un résultat qui ne saurait être partout à la hauteur des objectifs fixés.
Nous espérons Monsieur Bern, que vous prendrez notre message en considération et que vous saurez œuvrer efficacement pour stopper la casse programmée de notre petit patrimoine. Nous pensons que l’argent ainsi épargné sera plus utile dans votre quête de moyens de sauvegarde.
Photographie : les étangs des Marots en automne, par Christal de Saint-Marc (droits réservés).