Nils Teichert et ses collègues ont examiné 90 zones estuariennes et eaux de transition sur la façade atlantique nord de l'Europe, incluant la France. Ils ont analysé 17 stresseurs rassemblé en 9 catégories (urbanisation de la côte, dragage de sédiments, pêcheries, changement de débit, perte de zone intertidale, eutrophisation, déplétion d'oxygène, développement portuaire et pollution chimique).
Voilà le résumé de leur recherche :
"Les estuaires sont soumis à de multiples facteurs de stress anthropiques, qui ont des effets additifs, antagonistes ou synergiques. Les défis actuels impliquent l'utilisation de grandes bases de données d'enquêtes de surveillance biologique (par exemple la directive-cadre européenne sur l'eau) pour aider les gestionnaires de l'environnement à hiérarchiser les mesures de restauration. Cette étude a examiné l'impact de neuf catégories d'agents stressants sur l'état écologique des poissons provenant de 90 estuaires des pays de l'Atlantique du Nord-Est. Nous avons utilisé un modèle à forêt aléatoire pour: 1) détecter les facteurs de stress dominants et leurs effets non linéaires; 2) évaluer les avantages écologiques attendus de la réduction de la pression des facteurs de stress; et 3) examiner les interactions entre les facteurs de stress. Les résultats ont montré que les principaux avantages de la restauration étaient attendus lors de l'atténuation de la pollution de l'eau et de la déplétion de l'oxygène."
Ce schéma montre que la dégradation physique et chimique de l'eau des estuaires par les polluants est le premier enjeu de gestion écologique :
Les chercheurs observent : "La qualité chimique des eaux est un élément crucial pour façonner l'abondance et les assemblages dans les estuaires (Delpech et al 2010; Le Pape et al 2007; Whitfield et Elliott 2002). Les contaminants chimiques peuvent avoir un impact direct ou indirect sur la physiologie du poisson en perturbant les fonctions biologiques fondamentales, telles que la reproduction ou la croissance, et peuvent induire des effets létaux dans les cas extrêmes (Fleeger et al 2003; Johnson et al 1998). et Van Der Kraak 1997; Scott et Sloman 2004). Dans notre étude, la pollution de l'eau a été classée au premier rang des priorités dans le schéma de restauration combiné et a montré un changement de seuil pour les effets biologiques de la qualité de l'eau."
Concernant la déplétion d'oxygène, ils précisent : "L'enrichissement en éléments nutritifs et en matière organique peut avoir de graves répercussions sur le fonctionnement des écosystèmes marins, notamment en raison de problèmes d'épuisement de l'oxygène (Diaz et Rosenberg 1995; Diaz et Rosenberg 2008). L'hypoxie est généralement définie par des concentrations en oxygène inférieures à 2 mg l− 1 (environ 24% de saturation à 20 ° C et 15 psu), mais son effet sur les communautés de poissons peut survenir plus tôt lorsque les individus sont capables de détecter les signaux de déplétion del'oxygène (Breitburg 2002; Delage et al 2014). Bien que l'appauvrissement en oxygène soit souvent associé à l'eutrophisation, plusieurs autres facteurs affectent fortement la saturation en oxygène dans les eaux d'estuaires, telles que la température ou le temps de résidence des eaux affectées par le débit du fleuve. Les effets directs de l'eutrophisation n'ont pas été analysé dans notre étude, mais l'appauvrissement en oxygène a été classé au deuxième rang des priorités dans le schéma de restauration. L'état écologique des poissons a fortement diminué lorsque les problèmes d'hypoxie se sont étendus sur 1 à 5% de la longueur de l'estuaire. Uriarte et Borja (2009) ont déjà démontré pour les poissons dans les exploitations que la saturation en oxygène inférieure à 80% conduisait à un statut écologique moyen, tandis que la saturation à 60% conduisait à un statut médiocre avec un effet de seuil. Ces résultats suggèrent qu'un déclin modéré de la saturation en oxygène peut avoir des effets sur la faune mobile (Breitburg 2002), entraînant une modification de la structure des communautés de poissons (Pollock et al 2007)."
Discussion
Certains gestionnaires ont fait l'hypothèse en France que les impacts morphologiques sur les masses d'eau (leur berge, leur substrat, leur écoulement) sont aussi, voire plus importants que les impacts chimiques. Ce point est contredit par les études d'hydro-écologie quantitative, aussi bien dans les eaux continentales que dans les eaux estuariennes : ce sont les polluants qui arrivent en tête des facteurs expliquant le mieux la dégradation des indices biologiques, et cela assez nettement (voir par exemple Dahm et al 2013, Villeneuve et al 2015, Corneil et al 2018).
La France a déjà été rappelée à l'ordre à plusieurs reprises par l'Europe pour son retard dans l'application des directives nitrates et eaux résiduaires urbaines, avec pour conséquence un lourd héritage d'eutrophisation. Elle gère également mal ses eaux pluviales, comme l'a rappelé le CGEDD dans un récent rapport. Quant aux pesticides, leur charge n'a pas diminué (Hossard et al 2017). Les pollutions chimiques doivent devenir l'enjeu prioritaire des rivières françaises, de la source à l'estuaire. Cela suppose de changer les arbitrages financiers des agences de l'eau qui dépensent actuellement plusieurs centaines de millions € par an pour des mesures morphologiques dont la nature reste en réalité expérimentale et dont les résultats sont, du point de vue de la science, très incertains.
Référence : Teichert N et al (2016), Restoring fish ecological quality in estuaries: Implication of interactive and cumulative effects among anthropogenic stressors, Sci Tot Env, 542, 383-393
J'ai fait mes classes au bureau d'études d'une chaudronnerie industrielle dirigée par un "ingénieur conseil" dont la spécialité était la conception et la réalisation d'installation de dépollution biologique. Il me répétait que (1) mélanger ou diluer les effluents avant traitement était du gâchis, (2) faut dorloter les bébêtes et leur laisser le temps de travailler et de se spécialiser et que (3) si le client nous trouve trop cher, nous lui proposerons de modifier son process pour générer moins de polluants (ce qui sera moins cher pour lui et bien plus rentable pour nous).
RépondreSupprimerLes retenues en amont du moulin ont les qualités d'un bon réacteur biologique, on traite les polluants déversés en amont avant de mélanger, avec le temps on sélectionne les bons micro-organismes et on leur laisse le temps de travailler. Bien plus efficace que de tout mélanger en mer !