Le barrage de Pont-et-Massène - 20 m de haut et sans projet de continuité - n'a pas empêché en 2011-2012 de classer l'Armançon au titre de la continuité (liste 2). Une rivière qui n' a jamais eu de saumon par ailleurs, et dont les cyprinidés rhéophiles n'ont aucune pression connue vers l'extinction (les populations semblent stables à échelle séculaire, voir les travaux de Beslagic et al). Ce genre d'aberration serait évité si les classements étaient débattus publiquement et justifiés scientifiquement avant d'être adoptés... mais ce ne fut pas le cas hier, et cela ne semble toujours pas être le cas aujourd'hui.
Le blog du cabinet Landot publie un entretien avec Claude Miqueu, président de la commission règlementation du Comité national de l’eau, membre du Comité de bassin Adour Garonne, ancien député. Claude Miqueu est aussi l'un des co-président du groupe de travail sur la "continuité apaisée".
Si les quelques échanges électroniques que nous avons pu avoir avec M. Miqueu nous ont fait l'impression d'une personne ouverte et attentive, tout comme son mur collaboratif de veille sur les politiques publiques de l'eau, nous ne partageons pas pour autant son optimisme sur la suite.
Par exemple, au détour de cet entretien, nous découvrons que
"Les comités de bassins devront délibérer dans le respect des spécificités locales. Sous 6 mois, une liste d’ouvrages prioritaires parmi ceux restant à traiter, sera soumise au vote."En l'espace de 6 mois seulement, les comité de bassins des agences de l'eau sont donc censés produire des listes d'ouvrages prioritaires au titre de la continuité écologique. Mais :
- Il n'y a eu pour le moment aucun échange sur la méthodologie scientifique de ces classements de priorité. Les riverains et usagers contestent déjà les classements de 2011-2012 - opaques, sans procédure contradictoire, sans publication scientifique d'appui, faisant la part belle au lobbying de pêcheurs de salmonidés sans réflexion socio-écologique globale -, pourquoi ces nouveaux classements de 2019 seraient-ils plus acceptés s'ils ne commencent pas par une discussion ouverte et transparente de leurs attendus, de leurs critères, de leurs objectifs, de leurs garanties, de leur cohérence, de leur faisabilité?
- On ne cesse de parler "concertation", "consultation" et "co-construction"... sans entendre les premiers concernés. Comment peut-on classer des ouvrages / tronçons / rivières comme prioritaires sans organiser des débats avec les propriétaires, premiers concernés, et avec les riverains des biefs / retenues / plans d'eau, seconds concernés, au lieu de décider tout très vite d'en haut, dans un comité que très peu de citoyens connaissent et dont les membres sont nommés par le préfet, pas élus? On va reproduire le même schéma "top-down". Rappelons à ce sujet que les fédérations de moulins et riverains (absentes des comités de bassin) ne peuvent de toute façon représenter chaque particulier ou commune possédant un ouvrage, a fortiori chaque citoyen ayant un intérêt à cet ouvrage. En terme de mise en oeuvre et de concertation pour définir des axes précis de continuité, c'est le terrain et l'échange avec le terrain qui comptent.
- L'arrière-plan juridique de cette priorisation n'est toujours pas clarifié et l'on prépare une zone de non-droit. L'Etat affirme qu'il va concentrer ses moyens (humains, financiers) sur certains ouvrages mais que d'autres ouvrages resteront pour autant contraints eux aussi de respecter la loi et la règlementation... sans bénéficier de cet engagement de l'Etat. Mais cela s'appelle l'organisation d'une inégalité devant la loi ! Donc les ouvrages non-prioritaires seront fondés à demander l'annulation de tout classement de priorité tant qu'ils n'auront pas reçu de garantie sous forme d'une exemption de continuité opposable aux tiers.
Si les agences de l'eau produisent dans 6 mois seulement une liste d'ouvrages prioritaires sans avoir consulté les propriétaires, les riverains, les associations locales, sans avoir soumis la méthode retenue de priorisation à la libre critique de tous, sans avoir publié intégralement les échanges ayant conduit à l'adoption des priorités par tel ou tel comité, sans avoir répondu à d'éventuelles objections sur l'intérêt, la cohérence, l'efficacité des priorités, sans avoir proposé de statut juridique aux "non prioritaires", on ne voit guère comment s'installeraient les conditions initiales d'un apaisement. Car la gouvernance fermée et autoritaire a été la première erreur de la continuité, avec une politique publique construite sans entendre les premiers concernés, voire en les désignant dans des documents administratifs d'orientation comme de véritables adversaires!
Nous prenons donc date au nom de nos adhérents, sympathisants, et avec toutes nos associations correspondantes : la transparence et la concertation sont requises, que l'on nous indique dès à présent les lieux numériques publics d'information et d'échanges ouverts sur la priorisation.
Nota : nous avons été par ailleurs informés que la FFAM, qui est la plus importante des fédérations de moulins en nombre de membres, a été exclue mi-mai de certaines réunions du Comité national de l'eau. S'il y a exclusion de représentants légitimes au sommet et absence de concertation à la base le tout sur fond d'opacité dans le processus de priorisation, cela ne peut rien produire de valable. Outre le fait qu'Hydrauxois n'a pas été conviée aux débats malgré plus de 600 articles publiés sur ces sujets en quelques années, soit la plus importante activité éditoriale associative en France... l'Etat et les établissements publics récoltent ce qu'ils sèment.
La FFAM, qui est la plus importante des fédérations de moulins en nombre de membres, a été exclue mi-mai de certaines réunions du Comité national de l'eau.Et bien il peuvent en être fiers car ces réunions au sein du Comité National de l'Eau est une véritable mascarade ou nous n'avons juste le droit d'écouter et surtout de ne rien dire . Donc nous n'avons rien à faire dans ces réunions . Et puis nous avons eu l'exemple que dans les réunions départementales des DDT ou CLE etc etc le procédé est le même , "virés" parce que vous avez dit la vérité, ça dérange !
RépondreSupprimerEn effet. Pour notre part, nous avions publié dès la fin 2012 un dossier complet "continuité écologique" (50 pages, une dizaine de propositions constructives) en sollicitant de la préfecture des réunions ouvertes à toutes les parties prenantes : rien. Et rien de mieux 2 ans plus tard quand nous avions saisi le secrétariat du préfet de la même absence complète de concertation, de transparence et d'ouverture des services de l'Etat. Ils ne veulent surtout pas d'actions cordonnées à échelle de rivière avec tout le monde présent et la possibilité de produire des contre-informations critiques face au discours de l'Etat, de demander de modifier les cahiers des charges des bureaux d'études, de solliciter des analyses AFB qui ne soient pas la enième comptabilité du linéaire à truite, etc.
SupprimerLes personnes que l'Etat préfère en réunion, ce sont celles qui sont isolées, qui ne connaissent pas bien le droit, pas bien l'écologie, pas bien l'histoire politico-administrative de la continuité, pas bien les périmètres exacts des pouvoirs des uns et des autres en démocratie... et qui sont donc plus aisément manipulables par le simple effet d'autorité de l'administration (effet qui est tout de même de plus en plus ténu vu les progrès de la transparence sur la manière dont les administrations construisent des politiques publiques !).
Mais bref, il y a toujours blocage sur les fondamentaux, le ministère ne donne pas à ses agents l'ordre clair de respecter les ouvrages autorisés, donc :
- partout où l'administration fera une pression à la destruction d'ouvrage ou à l'empêchement de gestion d'ouvrage (curage, hydro-électricité), aller bien plus vite en contentieux (ne pas finasser des mois et des années face à une administration qui ne veut pas admettre la légitimité de l'ouvrage et la proportionnalité des règles de gestion; saisir le préfet du problème par courrier d'avocat et après 2 mois si non résolution, porter au TA);
- saisir très régulièrement les députés et sénateurs des problèmes, afin qu'ils les signalent au préfet et au ministre, mais aussi que le vote des lois (sur l'énergie, l'économie, l'environnement, la ruralité, etc.) soit l'occasion de corriger le droit partout où des excès ou des manquements sont observés;
- informer l'opinion par ses propres médias et par les médias généralistes, en mettant en avant ce que sont réellement les ouvrages hydrauliques (leur histoire, leur usage, leurs biotopes, etc.), ce que sont réellement les milieux aquatiques et les impacts connus sur ces milieux, ce que font réellement les acteurs de l'eau, ce que sont réellement les résultats sur les pollutions et états DCE après des dizaines de milliards € dépensés depuis 2000, etc.
C'est l'aspect "bénéfique" de ces 10 dernières années : les propriétaires et riverains d'ouvrages doivent se penser comme acteurs de la rivière (ce qu'ils sont de facto), donc s'associer pour se défendre, promouvoir leurs apports au bassin versant et leur vision de la rivière. Cela a commencé et les positions les plus extrémistes de la continuité ont déjà perdu pas mal de batailles. Si nous continuons et si nous agrégeons d'autres voix sur les bassins versants, il y aura encore des progrès. Les gens en ont quand même largement marre des discours hors sol, des enfumages par omission et des visions autoritaires régressives-punitives de l'action publique.