La loutre d’Europe est un mammifère semi-aquatique, qui a souffert d'une forte régression en raison de la prédation humaine (chasse, piégeage), de la pollution des cours d'eau, de la destruction des habitats aquatiques et humides, de la baisse de biomasse de ses proies (poissons, écrevisses). Elle est protégée en France (arrêté du 23 avril 2007). Sa chasse est interdite depuis 1972 et sa protection légale a été renforcée par la loi sur la protection de la nature du 10 juillet 1976 (arrêté ministériel du 17 avril 1981). Elle est inscrite sur l’annexe I de la CITES (1973), interdisant le commerce, l’annexe II (espèces de faune strictement protégées) de la Convention de Berne (1979), les annexes II (espèces d’intérêt communautaire dont la conservation nécessite la désignation de zones spéciales de conservation) et IV (espèces d’intérêt communautaire qui nécessitent une protection stricte) de la directive Habitats Faune Flore 92/43/EC (1992).
La présence de la loutre en Normandie fait l'objet de divers travaux (voir par exemple des informations sur le site du Groupe mammalogique normand et le point DREAL). Concernant la Manche et plus particulièrement le fleuve Sélune, le plus récent est le rapport de suivi 2017 du CPIE des Collines normandes (référence et lien en bas d'article).
Ce rapport dit pour le relevé d'automne : "Sur les 14 stations prospectées 3 se sont avérées positives. Elles se répartissent entre le barrage de la Roche qui boit et St-Hilaire-du-Harcouet, soit un linéaire de 23 km. Sur ce tronçon on constate une alternance entre stations positives et négatives. Les prospections effectuées au niveau du Barrage de Vezins n’ont pas permis de localiser le passage amont-aval autour du barrage."
Et pour l'hiver : "Sur les 14 stations prospectées 7 se sont avérées positives. Elles se répartissent sur le cours principal entre le barrage de la Roche qui boit et l’amont de St-Hilaire-du-Harcouet, soit sur un linéaire de 27 km. Des indices ont également été observés sur un affluent, l’Airon, à 7 km de la confluence."
Image : relevé de l'hiver 2017 sur la Sélune, rapport cité.
La loutre est capable de vivre auprès des milieux d'eaux courantes ou stagnantes. Elle apprécie les lacs, les étangs, les plans d'eau, les marais. La ressource en nourriture est l’un des principaux facteurs limitants pour la loutre d’Europe car elle détermine la survie des individus et leur succès reproducteur (on a estimé qu'une biomasse piscicole d'au moins 50 kg/ha et si possible supérieure à 100 kg/ha est préférable). Les interventions impliquant un appauvrissement de la ressource trophique agissent donc négativement sur la conservation de la loutre d’Europe : c'est le cas a priori pour la destruction d'un lac formant un vivier important en poissons, principale nourriture de la loutre.
L'intersyndicale EDF a souligné récemment que, parmi les intérêts des barrages de la Sélune, en particulier de Roche-qui-Boit, il existe la présence de la loutre susceptible de profiter de la biomasse des lacs. Ce point est donc exact au regard des données disponibles. Il serait utile de procéder déjà à un inventaire de présence de la loutre autour du lac, afin de vérifier si le mammifère s'y est installé. Il serait aussi utile de donner l'estimation de biomasse piscicole du lac pour la comparer avec l'estimation de biomasse de la Sélune "renaturée" au droit du même tronçon. Pour tout dire, il serait utile de faire de l'écologie, pas simplement d'optimiser des milieux pour le saumon sans réfléchir au reste, ou de poser par principe qu'un retour à la "nature sauvage" vaut forcément mieux qu'une protection de la nature anthropisée lorsque la seconde présente des traits manifestes d'intérêt.
Référence : CPIE-DREAL, Etat des lieux.La loutre d'Europe. Bassins de la Mayenne, de la Sarthe et de la Sélune en Normandie. Automne-hiver 2017
Illustration en haut : loutre (Lutra lutra) CC BY-SA 3.0
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