19/01/2020

La cour d'appel de Nantes condamne une préfecture qui a tenté d'annuler un droit d'eau et détruire un plan d'eau

La préfecture d'Ile-et-Vilaine a tenté d'annuler le droit d'eau d'un moulin associé à un étang et d'obliger à la destruction du plan d'eau au nom de la continuité écologique. Elle vient d'être condamnée par la cour d'appel administrative de Nantes, rappelant d'une part que la présence ou l'absence d'un site sur la carte de Cassini ne sont pas les seuls moyens de prouver un fondé en tire, d'autre part que l'usage de la force motrice de l'eau au droit d'un moulin accolé à un étang n'implique pas la persistance du moulin ni l'existence d'un bief.  On voit que l'administration de l'eau et de la biodiversité poursuit ses erreurs appréciation voire ses abus de pouvoir pour intimider les propriétaires. Toutes les associations doivent désormais être aux côtés des maîtres d'ouvrage pour aller devant la justice dès lors qu'une préfecture veut soit détruire des ouvrages, soit empêcher leur usage. On marche sur la tête en France à harceler les moulins et étangs en dépensant du temps et de l'argent pour cette écologie de pacotille alors que tant d'urgences environnementales sont négligées. L'administration est-elle encore capable de revenir au bon sens et aux priorités du pays? 



La cour d'appel administrative de Nantes a examiné le cas d'un propriétaire ayant demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, de déclarer fondés en titre l'étang du Gué Charet et son barrage, situés sur le territoire des communes de Treffendel et Monterfil, et, en conséquence, dispensés de déclaration, et, d'autre part, d'annuler la décision du 28 octobre 2014 par laquelle le préfet d'Ille-et-Vilaine a rendu un avis défavorable à sa demande de régularisation de cet étang et de son barrage et lui a demandé d'effacer le plan d'eau afin de rétablir la continuité écologique.

Le tribunal administratif de Rennes avait rejeté sa demande. Il est fréquent que la première instance soit ainsi défavorable aux particuliers et associations, mais cela ne présage pas toujours de la suite.

Les juges d'appel viennent ainsi de donner raison au propriétaire et de condamner le représentant du ministère de l'écologie, en annulant son arrêté.

Ils relèvent d'abord que "une prise d'eau est présumée établie en vertu d'un acte antérieur à l'abolition des droits féodaux dès lors qu'est prouvée son existence matérielle avant cette date. La preuve de cette existence matérielle peut être apportée par tout moyen, notamment par sa localisation sur la carte de Cassini datant du XVIIIème siècle."

On observera ici une petite anomalie, c'est l'antériorité à l'instruction d'août 1790 obligeant à l'autorisation administrative des moulins, non à l'abolition des droits féodaux (août 1789), qui est requise dans le cas des fondés en titre.

Mais peu importe ici, puisque les documents attestent l'ancienneté du site :

"la preuve de l'existence matérielle du droit fondé en titre qu'il revendique peut être apportée par tout moyen. Il résulte de l'instruction, notamment de la carte géométrique de la province de Bretagne établie en 1771 par Jean-Baptiste Ogée, faisant apparaître deux étangs sur le cours d'eau non domanial du Serein entre " Tréfandel " et " Monterfil ", et d'un acte de baptême du 4 septembre 1774, tiré des registres paroissiaux de Treffendel, mentionnant la naissance de l'enfant " au Moulin du Gué Charet ", que l'étang existait avant l'entrée en vigueur de la loi du 4 août 1789 ayant aboli les droits féodaux et que cette réserve d'eau, située en amont du moulin du Gué Charet à Treffendel et à proximité immédiate de celui-ci, participait à l'époque à son alimentation. S'il est vrai que la carte de Cassini, dont la feuille dite de Rennes a été établie de 1785 à 1787, fait apparaître sur le Serein, à proximité de l'actuel étang du Gué Charet, l'existence d'un moulin sans désignation de nom ou de lieu et sans faire figurer de retenue d'eau, alors qu'un moulin peut fonctionner au seul fil de l'eau, la seule absence de l'étang sur cette carte de Cassini ne suffit pas à valoir preuve de l'inexistence ou de la ruine de cet ouvrage à la même date. (...)Dès lors, l'étang du Gué Charet et son barrage doivent être regardés comme fondés en titre."

Le préfet est donc débouté pour avoir prétendu que la carte de Cassini seule attesterait ou d'un fondé en titre au droit du site. Le caractère inexact d'une telle prétention est assez bien connu: cela indique combien l'administration de l'eau ne répugne pas à des pressions indues sur des propriétaires qu'elle espère sans doute ignorants du droit.

Ce même préfet a ensuite tenté d'alléguer de l'état de ruine. Mais la cour d'appel rappelle : "ni la circonstance que ces ouvrages n'aient pas été utilisés en tant que tels au cours d'une longue période de temps, ni le délabrement du bâtiment auquel le droit d'eau fondé en titre est attaché, ne sont de nature, à eux seuls, à remettre en cause la pérennité de ce droit."

En l'espèce, "il résulte de l'instruction que le moulin, entendu comme l'appareil actionné par la force motrice de l'eau destiné en l'espèce à moudre le blé, n'était pas l'un des ouvrages essentiels destinés à utiliser la pente et le volume du cours d'eau, tandis qu'aucun bief n'a jamais existé entre la retenue d'eau et la roue du moulin, cette dernière étant directement alimentée au fil de l'eau depuis la " vanne meunière " située sur la digue de l'étang."

Au final,  "il résulte de l'instruction que la force motrice de l'eau est toujours susceptible d'être utilisée par le détenteur de l'étang du Gué Charet et de son barrage et que, dès lors, le droit d'eau fondé en titre ne s'est pas éteint".

La continuité écologique sera-t-elle apaisée? Certainement pas si les administrations et syndicats de l'eau viennent encore voir les moulins et étangs avec l'idée de leur destruction par pression financière ou règlementaire. Nous attendons des actes montrant le respect des ouvrages autorisés par l'administration et proposant des solutions raisonnables de continuité écologique, pas des belles paroles sans effet. Nous rappelons aussi que les priorités de la France sont la dépollution de ses eaux, comme le rappelle la Commission européenne, l'accélération de la transition énergétique bas carbone, la préservation de la ressource en eau, le respect des milieux aquatiques et zones humides, y compris ceux des étangs anciens dont la recherche scientifique a amplement montré qu'ils sont des sites d'intérêt pour la biodiversité.

Référence : Cour d'appel de Nantes, arrêt n°18NT00067, 26 novembre 2019

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