Une équipe de chercheurs d'Aix-Marseille a quantifié pour la première fois les additifs aux plastiques présents dans le fleuve Rhône, comme les phtalates ou les bisphenols. Ces substances sont des reprotoxiques ou des perturbateurs endocriniens qui affectent la santé des organismes aquatiques, même à petites doses et avec des effets cocktail. Entre 5 et 50 tonnes ont été comptabilisés sur une campagne d'une année. Les chercheurs observent que ces polluants sont peu ou pas comptabilisés dans la surveillance des fleuves et estuaires par la directive européenne sur l'eau. Nous déplorons de longue date cette carence, les gestionnaires de l'eau ayant parfois développé en France des idées fantaisistes sur une "auto-épuration" des rivières au lieu de s'attaquer à la source des pollutions, notamment à tous les micro-polluants émergents.
Les polluants comme les esters organophosphorés, les phtalates et les bisphénols sont présents partout dans notre environnement depuis des décennies, et particulièrement dans les rivières. Ils proviennent des détergents, des peintures et vernis, des textiles, des emballages alimentaires et, tout particulièrement, des plastiques. La directive cadre européenne n'impose que peu de quantification de leur présence dans les eaux de surface, alors que des travaux nombreux ont montré leurs effets sur le développement et la santé des organismes.
Natascha Schmidt et ses collègues (U. Aix-Marseille, IRD, CNRS) ont quantifié sur un an les pollutions charriées par le Rhône et finissant dans la Méditerranée. "Les rivières sont connues pour être des vecteurs de débris plastiques (Horton et al 2017; Schmidt et al 2017), des contaminants hérités tels que les biphényles polychlorés (PCB) (Herrero et al 2018) et des contaminants considérés comme préoccupants, comme les pthtalates (Paluselli et al 2018a). Sánchez-Avila et al (2012) ont conclu que les rivières (ainsi que les usines de traitement des eaux usées) sont la principale source de micropolluants organiques, y compris les BP et les PAE, sur la côte nord-ouest de la Méditerranée."
Voici le résumé de leur travail :
"Nous présentons ici une étude approfondie (échantillonnage régulier sur 1 an) sur la présence de grandes familles d'additifs plastiques organiques dans les eaux de surface du Rhône. Les sources potentielles et l'exportation de contaminants sont également discutées. Un total de 22 échantillons en phase dissoute ont été analysés pour 22 additifs organiques principalement utilisés dans l'industrie plastique, y compris les esters organophosphorés (OPE), les phtalates (PAE) et les bisphénols (BP). Nos résultats indiquent que les PAE étaient la classe la plus abondante, avec des concentrations allant de 97 à 541 ng/L, suivis des OPE (85-265 ng/L) et des BP (4-21 ng/L). Parmi les PAE, le phtalate de diéthylhexyle (DEHP) était le composé le plus abondant, tandis que le TCPP (phosphate de tris (1-chloro-2-propyle)) et le TnBP (phosphate de tri (n-butyle)) étaient les OPE prédominants. Le bisphénol S était le seul BP détecté. On estime que 5 à 54 tonnes métriques par an d'additifs plastiques organiques dissous préoccupants sont exportés vers le golfe du Lion par le Rhône, qui est la principale source d'eau douce de la mer Méditerranée."
Des tonnes de polluants sont donc charriées par nos rivières et nos fleuves, sans que ce sujet fasse l'objet d'un suivi précis des autorités en charge de l'environnement. Il est dommageable d'avoir des politiques publiques fondées sur de telles carences de connaissances, en particulier quand ces politiques publiques doivent préciser l'origine de la perte de qualité écologique des rivières, des lacs, des retenues et des estuaires, afin de faire les bons choix d'intervention et d'investissement.
Référence : Schmidt N et al (2020), Occurrence of organic plastic additives in surface waters of the Rhône River (France), Environmental Pollution, 257, 113637
30/04/2020
26/04/2020
Barrages mal gérés de l'Yonne, niveaux en baisse, faune en danger
Le manque d'eau commence à se faire sentir dans le centre et l'est de la France. Sur la rivière Yonne en amont de Paris, la mauvaise gestion des vannes des barrages entraîne une chute des niveaux et des premières mortalités piscicoles. Riverains, pêcheurs et naturalistes s'alarment du résultat et des risques pour les milieux. Un avant-goût de ce que donne la conjonction de la sécheresse et du non-maintien des lames d'eau par les ouvrages —voire dans la pire hypothèse de la destruction irréversible de ces ouvrages, comme cela a eu lieu sur de trop nombreux sites. Conserver une capacité à gérer les niveaux d'eau pour la société et pour le vivant doit impérativement devenir un axe de nos politiques publiques.
Une page Facebook "Alerte rivières et canaux" a été lancée par des riverains et usagers inquiets, car les niveaux de l'Yonne sont extrêmement bas dans la région icaunaise. France 3 Régions s'est fait l'écho du problème.
Nous incitons nos adhérents de l'Yonne à rejoindre le groupe et à documenter des problèmes similaires en Bourgogne.
Extraits :
"Le manque de pluie se fait cruellement sentir dans les rivières. C’est encore plus le cas dans celles où la main de l’homme est nécessaire pour maintenir un niveau d’eau suffisant. L’Yonne est à certains endroits presque à sec depuis plusieurs semaines. Une réelle menace pour la faune et la flore. Un crève-cœur pour les icaunais soucieux de l’environnement. D’autant que certains d’entre eux ont l’impression que les pouvoirs publics ne prennent pas la mesure du problème et n’agissent pas, ou trop peu.
Parmi eux il y a David Rosse. Le milieu des rivières il connait bien, il a travaillé 6 ans dans un magasin de fourniture de pêche à Monéteau. Pour lui « le niveau d’eau actuel est inquiétant voir dramatique sur 130 kilomètres de Clamecy à Sens ».
Une situation qu’il n’accepte pas et qu’il attribue à une mauvaise gestion des cours d’eau. «Juste avant le confinement les rivières étaient assez pleines. Voies Navigables de France avait ouvert les barrages pour éviter les inondations. Depuis le confinement ils ont laissé ouvert et n’interviennent plus. J’ai l’impression que partout où les voies servent aux transports de marchandises on se soucie du niveau de l’eau, et que là où il n’y en a pas on s’en fout» pense-t-il.
Il ajoute : « J’ai essayé d’appeler tout le monde. J’ai contacté VNF, la préfecture et même le ministère de l’environnement. Personne ne m’a répondu ! Alors je me suis dit, si on veut faire bouger les choses on va devoir monter une page facebook »
Et c’est ce qu’il a fait le 20 avril dernier. Sur la page on trouve des photos de la rivière prises par une trentaine de contributeurs. Elles montrent le faible niveau d’eau à différents endroits du département comme à Augy, Dornecy ou encore Coulanges sur Yonne.
En haut de la page un mot est inscrit en lettre rouge majuscule. Le mot « ALERTE » que Davide Rosse estime employer sans exagération. « Si la situation perdure tous les poissons vont mourir et de ce fait les oiseaux aussi. En plus nous sommes en période de reproduction. Il faudra donc ensuite beaucoup de temps pour que certains bras retrouvent un écosystème aquatique ».
Pêcheurs et agriculteurs également inquiets
Parmi les plus préoccupés de la situation on trouve les pêcheurs. « C’est une catastrophe ! Il ne faudrait pas que ça s’aggrave d’avantage. Il faut que VNF remonte les barrages et qu’ils fassent vite » nous indique Didier Barbier, président de l’Union des Pêcheurs auxerrois.
« Avec le beau temps l’eau s’évapore et les poissons meurent. On m’a déjà signalé des poissons morts à plusieurs endroits ». Un constat difficile à accepter pour ce responsable associatif déjà privé, du fait du confinement, de l’ouverture de la pêche au brochet prévue le 25 avril.
L’inquiétude grandit aussi dans le monde agricole. Cette baisse de niveau risque d’avoir des répercutions sur l’abreuvage du bétail et sur l’arrosage des champs.
Les actions de VNF ralenties par le confinement
« Si on avait su les conditions météorologiques de ces 5 dernières semaines on aurait agi en amont, mais il y a 5 semaines on ne savait pas » reconnait Thierry Feroux, directeur opérationnel à VNF Centre-Bourgogne. (...)
Depuis début avril les interventions ont repris mais demandent plus de temps qu’avant le Covid. Il ajoute. «Sur l’Yonne nous avons une quarantaine de barrages qui nécessitent beaucoup de personnes. En ce moment c’est compliqué de réunir une dizaine d’agents en respectant les gestes barrières. Notre rythme d’intervention est largement plus lent qu’auparavant. Nous sommes déjà intervenus en amont d’Auxerre mais cela prend du temps. D’autant que lorsque l’on ferme un barrage cela assèche le bief à l’aval. Il faut donc attendre qu’il se remplisse pour fermer le précédent. Et comme en ce moment le débit de l’eau est faible cela prend plus de temps».
Une page Facebook "Alerte rivières et canaux" a été lancée par des riverains et usagers inquiets, car les niveaux de l'Yonne sont extrêmement bas dans la région icaunaise. France 3 Régions s'est fait l'écho du problème.
Nous incitons nos adhérents de l'Yonne à rejoindre le groupe et à documenter des problèmes similaires en Bourgogne.
Extraits :
"Le manque de pluie se fait cruellement sentir dans les rivières. C’est encore plus le cas dans celles où la main de l’homme est nécessaire pour maintenir un niveau d’eau suffisant. L’Yonne est à certains endroits presque à sec depuis plusieurs semaines. Une réelle menace pour la faune et la flore. Un crève-cœur pour les icaunais soucieux de l’environnement. D’autant que certains d’entre eux ont l’impression que les pouvoirs publics ne prennent pas la mesure du problème et n’agissent pas, ou trop peu.
Parmi eux il y a David Rosse. Le milieu des rivières il connait bien, il a travaillé 6 ans dans un magasin de fourniture de pêche à Monéteau. Pour lui « le niveau d’eau actuel est inquiétant voir dramatique sur 130 kilomètres de Clamecy à Sens ».
Une situation qu’il n’accepte pas et qu’il attribue à une mauvaise gestion des cours d’eau. «Juste avant le confinement les rivières étaient assez pleines. Voies Navigables de France avait ouvert les barrages pour éviter les inondations. Depuis le confinement ils ont laissé ouvert et n’interviennent plus. J’ai l’impression que partout où les voies servent aux transports de marchandises on se soucie du niveau de l’eau, et que là où il n’y en a pas on s’en fout» pense-t-il.
Il ajoute : « J’ai essayé d’appeler tout le monde. J’ai contacté VNF, la préfecture et même le ministère de l’environnement. Personne ne m’a répondu ! Alors je me suis dit, si on veut faire bouger les choses on va devoir monter une page facebook »
Et c’est ce qu’il a fait le 20 avril dernier. Sur la page on trouve des photos de la rivière prises par une trentaine de contributeurs. Elles montrent le faible niveau d’eau à différents endroits du département comme à Augy, Dornecy ou encore Coulanges sur Yonne.
En haut de la page un mot est inscrit en lettre rouge majuscule. Le mot « ALERTE » que Davide Rosse estime employer sans exagération. « Si la situation perdure tous les poissons vont mourir et de ce fait les oiseaux aussi. En plus nous sommes en période de reproduction. Il faudra donc ensuite beaucoup de temps pour que certains bras retrouvent un écosystème aquatique ».
Pêcheurs et agriculteurs également inquiets
Parmi les plus préoccupés de la situation on trouve les pêcheurs. « C’est une catastrophe ! Il ne faudrait pas que ça s’aggrave d’avantage. Il faut que VNF remonte les barrages et qu’ils fassent vite » nous indique Didier Barbier, président de l’Union des Pêcheurs auxerrois.
« Avec le beau temps l’eau s’évapore et les poissons meurent. On m’a déjà signalé des poissons morts à plusieurs endroits ». Un constat difficile à accepter pour ce responsable associatif déjà privé, du fait du confinement, de l’ouverture de la pêche au brochet prévue le 25 avril.
L’inquiétude grandit aussi dans le monde agricole. Cette baisse de niveau risque d’avoir des répercutions sur l’abreuvage du bétail et sur l’arrosage des champs.
Les actions de VNF ralenties par le confinement
« Si on avait su les conditions météorologiques de ces 5 dernières semaines on aurait agi en amont, mais il y a 5 semaines on ne savait pas » reconnait Thierry Feroux, directeur opérationnel à VNF Centre-Bourgogne. (...)
Depuis début avril les interventions ont repris mais demandent plus de temps qu’avant le Covid. Il ajoute. «Sur l’Yonne nous avons une quarantaine de barrages qui nécessitent beaucoup de personnes. En ce moment c’est compliqué de réunir une dizaine d’agents en respectant les gestes barrières. Notre rythme d’intervention est largement plus lent qu’auparavant. Nous sommes déjà intervenus en amont d’Auxerre mais cela prend du temps. D’autant que lorsque l’on ferme un barrage cela assèche le bief à l’aval. Il faut donc attendre qu’il se remplisse pour fermer le précédent. Et comme en ce moment le débit de l’eau est faible cela prend plus de temps».
22/04/2020
Pour une relance économique cohérente avec les enjeux climatiques et énergétiques
Le Haut Conseil pour le climat demande au gouvernement de prioriser la dépense publique afin que la relance économique soit orientée partout où c'est possible en direction de la transition bas-carbone et de l'atténuation du changement climatique. Une telle orientation exige de notre point de vue la révision immédiate de certaines politiques publiques des rivières, avec en particulier le soutien clair à l'énergie hydro-électrique, la préservation de tous le milieux aquatiques et humides, y compris d'origine humaine, qui sont appelés à atténuer les effets attendus du changement climatique (canicules, sécheresses, crues). Les associations devront exiger que ces principes s'appliquent dans les SAGE et les SDAGE, mais également protéger des sites menacés par des chantiers de destructions qui dilapident l'argent public et nuisent à la résilience des territoires au cours de ce siècle.
Le Haut Conseil pour le climat est une instance scientifique et technique créée par le gouvernement afin d'orienter les choix de la France pour la transition bas-carbone. Le dernier rapport du Haut Conseil, publié à l'occasion de la crise du covid-19 et de ses suites économiques, énonce des "principes pour une transition" (p. 13):
"A l’inverse des mesures prises dans le sillage de la crise de 2008, une « relance » qui prend sérieusement en compte les facteurs profonds de la situation actuelle sera plus un renouveau qu’une reprise et orientera vers une rupture plutôt qu’un rebond. Elle évitera les effets de verrouillage carbone pour les prochaines décennies. Elle renforcera le signal de la transition vers une économie décarbonée compatible avec les réponses aux enjeux de la santé et de l’emploi, qui seront légitimement, au quotidien, les préoccupations premières. La transition bas-carbone doit être accélérée pour que la France parvienne enfin au rythme de ses engagements : « le rythme de cette transformation est actuellement insu ffisant, car les politiques de transition, d'efficacité et de sobriété énergétiques ne sont pas au cœur de l’action publique ». Les demandes de certains acteurs économiques d’alléger les contraintes liées au climat ne sont pas une réponse, ni de court ni de long terme, aux enjeux.
Quelques principes simples peuvent aider à prioriser la dépense publique d’un plan d’urgence :
Par ailleurs, le besoin d’évaluation continue, qui aide à la redevabilité, doit être rappelé. Les recommandations du rapport du HCC sur l’évaluation des politiques climatiques demeurent valables alors que les outils – comme le budget vert, déjà mentionné – se développent et se perfectionnent. En outre, un usage plus opérationnel des indicateurs de bien-être (nouveaux indicateurs de richesse, indicateurs des objectifs de développement durable) permettra de mieux éclairer cette transition."
Les associations de défense des patrimoines des rivières et plans d'eau doivent demander aux préfets, aux parlementaires, aux élus locaux et aux gestionnaires de l'eau que ces principes soient pris en compte dans toute la programmation publique.
Cela exige notamment :
A lire également
Pour un bilan carbone de la loi sur l'eau
Les moulins au service de la transition énergétique
Eau, climat, vivant, paysage : s'engager pour les biens communs
Le Haut Conseil pour le climat est une instance scientifique et technique créée par le gouvernement afin d'orienter les choix de la France pour la transition bas-carbone. Le dernier rapport du Haut Conseil, publié à l'occasion de la crise du covid-19 et de ses suites économiques, énonce des "principes pour une transition" (p. 13):
"A l’inverse des mesures prises dans le sillage de la crise de 2008, une « relance » qui prend sérieusement en compte les facteurs profonds de la situation actuelle sera plus un renouveau qu’une reprise et orientera vers une rupture plutôt qu’un rebond. Elle évitera les effets de verrouillage carbone pour les prochaines décennies. Elle renforcera le signal de la transition vers une économie décarbonée compatible avec les réponses aux enjeux de la santé et de l’emploi, qui seront légitimement, au quotidien, les préoccupations premières. La transition bas-carbone doit être accélérée pour que la France parvienne enfin au rythme de ses engagements : « le rythme de cette transformation est actuellement insu ffisant, car les politiques de transition, d'efficacité et de sobriété énergétiques ne sont pas au cœur de l’action publique ». Les demandes de certains acteurs économiques d’alléger les contraintes liées au climat ne sont pas une réponse, ni de court ni de long terme, aux enjeux.
Quelques principes simples peuvent aider à prioriser la dépense publique d’un plan d’urgence :
- elle doit contribuer directement à une transition bas-carbone juste – atténuation, adaptation, réduction des vulnérabilités et renforcement des capacités de résilience ;
- si elle est principalement affectée à un autre objet de dépense (notamment santé ou biodiversité), elle a un co-bénéfice climat en faveur de l’atténuation ou de l’adaptation ;
- elle ne doit pas nuire et ne pas être incompatible avec les objectifs de l’accord de Paris, en écartant notamment tout effet de verrouillage carbone.
Par ailleurs, le besoin d’évaluation continue, qui aide à la redevabilité, doit être rappelé. Les recommandations du rapport du HCC sur l’évaluation des politiques climatiques demeurent valables alors que les outils – comme le budget vert, déjà mentionné – se développent et se perfectionnent. En outre, un usage plus opérationnel des indicateurs de bien-être (nouveaux indicateurs de richesse, indicateurs des objectifs de développement durable) permettra de mieux éclairer cette transition."
Les associations de défense des patrimoines des rivières et plans d'eau doivent demander aux préfets, aux parlementaires, aux élus locaux et aux gestionnaires de l'eau que ces principes soient pris en compte dans toute la programmation publique.
Cela exige notamment :
- politique active de soutien à l'énergie hydro-électrique, qui a le meilleur bilan carbone et le meilleur bilan matières premières, en priorité l'équipement des ouvrages existants ne créant pas de nouveaux impacts (dizaines de milliers de sites sur le territoire), avec simplification des dossiers d'instruction;
- préservation des milieux aquatiques et humides d'origine naturelle comme d'origine humaine (lacs, réservoirs, retenues, étangs, plans d'eau, biefs, canaux) qui contribuent à retenir et diffuser l'eau tout au long de l'année (sols, nappes), à atténuer les effets locaux du changement climatique, à alimenter des puits carbone (sédimentations, végétations de berge)
- bilan carbone des SDAGE et des SAGE, en particulier articulation des problématiques de continuité écologique, transition énergétique, préservation locale de l'eau, atténuation des sécheresses et des crues, cela sur la base de travaux scientifiques sur des données de terrain des bassins versants, et non de principes généraux trop rarement vérifiés par des mesures.
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19/04/2020
Les poissons ne vivent pas que dans les lits mineurs des rivières (Manfrin et al 2020)
Une équipe de chercheurs allemands montre que les annexes latérales de la rivière - embranchements, tresses, bras morts, plans d'eau provisoires ou permanents - hébergent une riche faune de poissons. Ils soulignent que les politiques écologiques centrées sur le seul lit mineur et sa représentation en chenal unique sont à réviser, en intégrant tout ce qui se passe dans les milieux latéraux de la rivière. On ne peut que suivre ce sage conseil, en particulier dans les dizaines de milliers de biefs, sous-biefs et annexes hydrauliques des moulins. Ces masses d'eau présentent parfois depuis des siècles forment souvent des nouveaux écosystèmes hérités de l'histoire, avec une certaine abondance en poissons et autres espèces de milieux aquatiques et humides. Aucun chantier modifiant ces écoulements latéraux ne doit se tenir sans faire au préalable l'inventaire de cette biodiversité et sans choisir les options qui la préservent.
Dans chaque bassin versant, la rivière est plus ou moins associée à des masses d'eau latérales, qu'elle irrigue de manière temporaire lors des crues ou de manière permanente dans certains bras d'eau. Des chercheurs allemands ont souhaité analyser la richesse fonctionnelle et endémique des poissons présents dans ces masses d'eau latérales.
Cette image montre les différents types de milieux étudiés, qui ont un gradient de connectivité :
On voit des plans d'eau isolé en haut (mares, étangs, trous d'eau, etc.), d'autres connectés de manière occasionnelle, d'autres connectés en permanence (bras d'eau, bras morts, canaux).
Voici le résumé de cette recherche :
"Dans les plaines alluviales, de nombreux programmes de conservation se concentrent sur le chenal principal de la rivière en tant que plus riche en espèces. Les masses d'eau latérales des lits majeurs, qui contribuent largement aux processus fonctionnels des systèmes fluviaux, restent souvent négligés et exposés à des pressions anthropiques. Bien que le rôle de la connectivité hydrologique entre les masses d'eau latérales et le cours d'eau principal sur la composition taxonomique des communautés de poissons soit bien compris, les effets sur la composition des communautés fonctionnelles sont beaucoup moins étudiés.
Des données sur l'abondance des communautés de poissons ont été recueillies sur 152 sites de pêche électrique dans le chenal principal et les plans d'eau latéraux de la plaine d'inondation de la rivière Lippe (Allemagne), sur une période de 18 ans. Ces données ont été utilisées pour comparer les aspects taxonomiques, fonctionnels, de conservation et de pêche récréative le long du gradient de connectivité latérale de la plaine inondable.
La richesse en espèces de poissons a diminué le long du continuum latéral, du chenal principal de la rivière aux plans d'eau isolés des lits majeurs. En revanche, l'abondance relative des espèces menacées d'extinction et également des espèces non endémiques a augmenté le long de ce gradient, soulignant l'importance écologique et conservatrice des masses d'eau du lit majeur. La composition des espèces dans les masses d'eau des plaines d'inondation différait à travers le gradient de connectivité, montrant des assemblages distincts qui n'étaient pas simplement des sous-ensembles du chenal principal. La variabilité du cycle biologique et des stratégies alimentaires parmi les classes de connectivité latérale a confirmé l'importance de chaque classe de connectivité pour contribuer à la diversité fonctionnelle globale de la plaine inondable.
Cette étude met en évidence la nécessité de préserver la biodiversité taxonomique et fonctionnelle des poissons dans la plaine d'inondation en un seul hydrosystème intégré.
Les mesures de conservation et de restauration devraient donc s'étendre pour inclure toute la zone de la plaine inondable et le spectre complet des masses d'eau du lit majeur connectés différemment, en plus du chenal principal de la rivière."
Discussion
La rivière encaissée dans son lit, comme on la voit familièrement, est largement une construction humaine. Comme l'ont montré les travaux en archéologie et histoire de l'environnement (par exemple Lespez et al 2015 en France), cette représentation de la rivière comme un lit à chenal unique et méandriforme correspond à un style fluvial tardif, consolidé après le Moyen Age en Europe, sans rapport avec ce que serait une rivière sans usage humain des bassins versants. La suppression des forêts, l'élévation de berges au fil des levées et des usages agricoles du lit majeur (cultures en plaines drainés et terrasses du lit majeur), les endiguements de protection urbaine, l'encaissement du lit par érosion jusqu'à la roche-mère d'un flot accéléré dans son chenal contraint sont des héritages de l'histoire.
La rivière ne déborde plus, ou de moins en moins, elle ne dessine plus des bras secondaires ni des tresses, elle perd ses annexes en lit majeur. Il résulte de cette évolution historique une discontinuité latérale avec une baisse de la biodiversité aquatique et humide des milieux adjacents du lit mineur. Les travaux de chercheurs avaient déjà montré que ces ruptures de continuité latérale ont des effets délétères sur la biodiversité beaucoup plus marqués que les ruptures de continuité longitudinale (voir Moog et al 1995 ; Ward et al 1999). Ce point a hélas été étudié dans peu de bassins.
Concernant la question des ouvrages hydrauliques sur laquelle travaille notre association, il convient de noter que de nombreux moulins présentent des annexes latérales (biefs) qui sont des équivalent fonctionnels à des bras de rivière, avec généralement un canal d'amenée lentique et un canal de fuite lotique, parfois des écoulements annexes (déversoirs) et des zones humides attenantes. En voici un schéma de principe :
Le fait que ces écoulements soient d'origine artificielle n'ôte rien à priori à leur intérêt. Des travaux sur les canaux de dérivation (Aspe et al 2015, Guivier et al 2019), les biefs de moulin (Sousa et al 2019a), les canaux d'irrigation (Sousa et al 2019b) ont montré que ces milieux anthropiques peuvent non seulement héberger la biodiversité aquatique ordinaire, mais aussi parfois des espèces menacées d'extinction.Aussi tous les chantiers sur les ouvrages de ces moulins qui risquent de mettre à sec les écoulements latéraux doivent être très encadrés : mesure préalable de la biodiversité faune et flore des biefs, sous-biefs et annexes, choix des solutions qui préservent la continuité latérale et la mise en eau de ces écosystèmes hérités de l'histoire.
Référence : Manfrin M et al (2020), The effect of lateral connectedness on the taxonomic and functional structure of fish communities in a lowland river floodplain, Science of the Total Environment 719, 137169
Dans chaque bassin versant, la rivière est plus ou moins associée à des masses d'eau latérales, qu'elle irrigue de manière temporaire lors des crues ou de manière permanente dans certains bras d'eau. Des chercheurs allemands ont souhaité analyser la richesse fonctionnelle et endémique des poissons présents dans ces masses d'eau latérales.
Cette image montre les différents types de milieux étudiés, qui ont un gradient de connectivité :
Extrait de Manfrin et al 2020
Voici le résumé de cette recherche :
"Dans les plaines alluviales, de nombreux programmes de conservation se concentrent sur le chenal principal de la rivière en tant que plus riche en espèces. Les masses d'eau latérales des lits majeurs, qui contribuent largement aux processus fonctionnels des systèmes fluviaux, restent souvent négligés et exposés à des pressions anthropiques. Bien que le rôle de la connectivité hydrologique entre les masses d'eau latérales et le cours d'eau principal sur la composition taxonomique des communautés de poissons soit bien compris, les effets sur la composition des communautés fonctionnelles sont beaucoup moins étudiés.
Des données sur l'abondance des communautés de poissons ont été recueillies sur 152 sites de pêche électrique dans le chenal principal et les plans d'eau latéraux de la plaine d'inondation de la rivière Lippe (Allemagne), sur une période de 18 ans. Ces données ont été utilisées pour comparer les aspects taxonomiques, fonctionnels, de conservation et de pêche récréative le long du gradient de connectivité latérale de la plaine inondable.
La richesse en espèces de poissons a diminué le long du continuum latéral, du chenal principal de la rivière aux plans d'eau isolés des lits majeurs. En revanche, l'abondance relative des espèces menacées d'extinction et également des espèces non endémiques a augmenté le long de ce gradient, soulignant l'importance écologique et conservatrice des masses d'eau du lit majeur. La composition des espèces dans les masses d'eau des plaines d'inondation différait à travers le gradient de connectivité, montrant des assemblages distincts qui n'étaient pas simplement des sous-ensembles du chenal principal. La variabilité du cycle biologique et des stratégies alimentaires parmi les classes de connectivité latérale a confirmé l'importance de chaque classe de connectivité pour contribuer à la diversité fonctionnelle globale de la plaine inondable.
Cette étude met en évidence la nécessité de préserver la biodiversité taxonomique et fonctionnelle des poissons dans la plaine d'inondation en un seul hydrosystème intégré.
Les mesures de conservation et de restauration devraient donc s'étendre pour inclure toute la zone de la plaine inondable et le spectre complet des masses d'eau du lit majeur connectés différemment, en plus du chenal principal de la rivière."
Discussion
La rivière encaissée dans son lit, comme on la voit familièrement, est largement une construction humaine. Comme l'ont montré les travaux en archéologie et histoire de l'environnement (par exemple Lespez et al 2015 en France), cette représentation de la rivière comme un lit à chenal unique et méandriforme correspond à un style fluvial tardif, consolidé après le Moyen Age en Europe, sans rapport avec ce que serait une rivière sans usage humain des bassins versants. La suppression des forêts, l'élévation de berges au fil des levées et des usages agricoles du lit majeur (cultures en plaines drainés et terrasses du lit majeur), les endiguements de protection urbaine, l'encaissement du lit par érosion jusqu'à la roche-mère d'un flot accéléré dans son chenal contraint sont des héritages de l'histoire.
La rivière ne déborde plus, ou de moins en moins, elle ne dessine plus des bras secondaires ni des tresses, elle perd ses annexes en lit majeur. Il résulte de cette évolution historique une discontinuité latérale avec une baisse de la biodiversité aquatique et humide des milieux adjacents du lit mineur. Les travaux de chercheurs avaient déjà montré que ces ruptures de continuité latérale ont des effets délétères sur la biodiversité beaucoup plus marqués que les ruptures de continuité longitudinale (voir Moog et al 1995 ; Ward et al 1999). Ce point a hélas été étudié dans peu de bassins.
Concernant la question des ouvrages hydrauliques sur laquelle travaille notre association, il convient de noter que de nombreux moulins présentent des annexes latérales (biefs) qui sont des équivalent fonctionnels à des bras de rivière, avec généralement un canal d'amenée lentique et un canal de fuite lotique, parfois des écoulements annexes (déversoirs) et des zones humides attenantes. En voici un schéma de principe :
Les écoulements des moulins vus comme annexes latérales du lit mineur de la rivière.
Référence : Manfrin M et al (2020), The effect of lateral connectedness on the taxonomic and functional structure of fish communities in a lowland river floodplain, Science of the Total Environment 719, 137169