Dans chaque bassin versant, la rivière est plus ou moins associée à des masses d'eau latérales, qu'elle irrigue de manière temporaire lors des crues ou de manière permanente dans certains bras d'eau. Des chercheurs allemands ont souhaité analyser la richesse fonctionnelle et endémique des poissons présents dans ces masses d'eau latérales.
Cette image montre les différents types de milieux étudiés, qui ont un gradient de connectivité :
Extrait de Manfrin et al 2020
Voici le résumé de cette recherche :
"Dans les plaines alluviales, de nombreux programmes de conservation se concentrent sur le chenal principal de la rivière en tant que plus riche en espèces. Les masses d'eau latérales des lits majeurs, qui contribuent largement aux processus fonctionnels des systèmes fluviaux, restent souvent négligés et exposés à des pressions anthropiques. Bien que le rôle de la connectivité hydrologique entre les masses d'eau latérales et le cours d'eau principal sur la composition taxonomique des communautés de poissons soit bien compris, les effets sur la composition des communautés fonctionnelles sont beaucoup moins étudiés.
Des données sur l'abondance des communautés de poissons ont été recueillies sur 152 sites de pêche électrique dans le chenal principal et les plans d'eau latéraux de la plaine d'inondation de la rivière Lippe (Allemagne), sur une période de 18 ans. Ces données ont été utilisées pour comparer les aspects taxonomiques, fonctionnels, de conservation et de pêche récréative le long du gradient de connectivité latérale de la plaine inondable.
La richesse en espèces de poissons a diminué le long du continuum latéral, du chenal principal de la rivière aux plans d'eau isolés des lits majeurs. En revanche, l'abondance relative des espèces menacées d'extinction et également des espèces non endémiques a augmenté le long de ce gradient, soulignant l'importance écologique et conservatrice des masses d'eau du lit majeur. La composition des espèces dans les masses d'eau des plaines d'inondation différait à travers le gradient de connectivité, montrant des assemblages distincts qui n'étaient pas simplement des sous-ensembles du chenal principal. La variabilité du cycle biologique et des stratégies alimentaires parmi les classes de connectivité latérale a confirmé l'importance de chaque classe de connectivité pour contribuer à la diversité fonctionnelle globale de la plaine inondable.
Cette étude met en évidence la nécessité de préserver la biodiversité taxonomique et fonctionnelle des poissons dans la plaine d'inondation en un seul hydrosystème intégré.
Les mesures de conservation et de restauration devraient donc s'étendre pour inclure toute la zone de la plaine inondable et le spectre complet des masses d'eau du lit majeur connectés différemment, en plus du chenal principal de la rivière."
Discussion
La rivière encaissée dans son lit, comme on la voit familièrement, est largement une construction humaine. Comme l'ont montré les travaux en archéologie et histoire de l'environnement (par exemple Lespez et al 2015 en France), cette représentation de la rivière comme un lit à chenal unique et méandriforme correspond à un style fluvial tardif, consolidé après le Moyen Age en Europe, sans rapport avec ce que serait une rivière sans usage humain des bassins versants. La suppression des forêts, l'élévation de berges au fil des levées et des usages agricoles du lit majeur (cultures en plaines drainés et terrasses du lit majeur), les endiguements de protection urbaine, l'encaissement du lit par érosion jusqu'à la roche-mère d'un flot accéléré dans son chenal contraint sont des héritages de l'histoire.
La rivière ne déborde plus, ou de moins en moins, elle ne dessine plus des bras secondaires ni des tresses, elle perd ses annexes en lit majeur. Il résulte de cette évolution historique une discontinuité latérale avec une baisse de la biodiversité aquatique et humide des milieux adjacents du lit mineur. Les travaux de chercheurs avaient déjà montré que ces ruptures de continuité latérale ont des effets délétères sur la biodiversité beaucoup plus marqués que les ruptures de continuité longitudinale (voir Moog et al 1995 ; Ward et al 1999). Ce point a hélas été étudié dans peu de bassins.
Concernant la question des ouvrages hydrauliques sur laquelle travaille notre association, il convient de noter que de nombreux moulins présentent des annexes latérales (biefs) qui sont des équivalent fonctionnels à des bras de rivière, avec généralement un canal d'amenée lentique et un canal de fuite lotique, parfois des écoulements annexes (déversoirs) et des zones humides attenantes. En voici un schéma de principe :
Les écoulements des moulins vus comme annexes latérales du lit mineur de la rivière.
Référence : Manfrin M et al (2020), The effect of lateral connectedness on the taxonomic and functional structure of fish communities in a lowland river floodplain, Science of the Total Environment 719, 137169
Tout cela est très connu depuis cinquante ans au moins. Demandez conseil à votre ami JP Bravard, il saura vous répondre de son refuge en Ardèche : tout cela est dans sa thèse sur le Haut-Rhône et complétement intégré dans les programmes d'intervention des agences de l'eau rassurez vous ... et retournez plutôt à vos moulins arrières ....
RépondreSupprimerL'agence de l'eau RMC est un peu moins dogmatique que d'autres, notez bien. Par exemple, elle est celle qui efface le moins les ouvrages. Exemple à suivre chez les catastrophiques AESN, AELB et AEAP.
SupprimerVoyez cependant ses enfumages résiduels :
http://www.hydrauxois.org/2016/12/de-la-politique-elaboree-sur-les.html
Pas joli joli quand des bureaucraties publiques éliminent des recherches qui déplaisent ou citent à mauvais escient d'autres.
PS : évitez le "name dropping" quand vous intervenez vous-même en anonyme, surtout pour propager des enfumages. Merci.