22/04/2020

Pour une relance économique cohérente avec les enjeux climatiques et énergétiques

Le Haut Conseil pour le climat demande au gouvernement de prioriser la dépense publique afin que la relance économique soit orientée partout où c'est possible en direction de la transition bas-carbone et de l'atténuation du changement climatique. Une telle orientation exige de notre point de vue la révision immédiate de certaines politiques publiques des rivières, avec en particulier le soutien clair à l'énergie hydro-électrique, la préservation de tous le milieux aquatiques et humides, y compris d'origine humaine, qui sont appelés à atténuer les effets attendus du changement climatique (canicules, sécheresses, crues). Les associations devront exiger que ces principes s'appliquent dans les SAGE et les SDAGE, mais également protéger des sites menacés par des chantiers de destructions qui dilapident l'argent public et nuisent à la résilience des territoires au cours de ce siècle. 



Le Haut Conseil pour le climat est une instance scientifique et technique créée par le gouvernement afin d'orienter les choix de la France pour la transition bas-carbone. Le dernier rapport du Haut Conseil, publié à l'occasion de la crise du covid-19 et de ses suites économiques, énonce des "principes pour une transition" (p. 13):

"A l’inverse des mesures prises dans le sillage de la crise de 2008, une « relance » qui prend sérieusement en compte les facteurs profonds de la situation actuelle sera plus un renouveau qu’une reprise et orientera vers une rupture plutôt qu’un rebond. Elle évitera les effets de verrouillage carbone pour les prochaines décennies. Elle renforcera le signal de la transition vers une économie décarbonée compatible avec les réponses aux enjeux de la santé et de l’emploi, qui seront légitimement, au quotidien, les préoccupations premières. La transition bas-carbone doit être accélérée pour que la France parvienne enfin au rythme de ses engagements : « le rythme de cette transformation est actuellement insu ffisant, car les politiques de transition, d'efficacité et de sobriété énergétiques ne sont pas au cœur de l’action publique ». Les demandes de certains acteurs économiques d’alléger les contraintes liées au climat ne sont pas une réponse, ni de court ni de long terme, aux enjeux. 

Quelques principes simples peuvent aider à prioriser la dépense publique d’un plan d’urgence : 

  • elle doit contribuer directement à une transition bas-carbone juste – atténuation, adaptation, réduction des vulnérabilités et renforcement des capacités de résilience ;
  • si elle est principalement affectée à un autre objet de dépense (notamment santé ou biodiversité), elle a un co-bénéfice climat en faveur de l’atténuation ou de l’adaptation ;
  • elle ne doit pas nuire et ne pas être incompatible avec les objectifs de l’accord de Paris, en écartant notamment tout effet de verrouillage carbone.

Par ailleurs, le besoin d’évaluation continue, qui aide à la redevabilité, doit être rappelé. Les recommandations du rapport du HCC sur l’évaluation des politiques climatiques demeurent valables alors que les outils – comme le budget vert, déjà mentionné – se développent et se perfectionnent. En outre, un usage plus opérationnel des indicateurs de bien-être (nouveaux indicateurs de richesse, indicateurs des objectifs de développement durable) permettra de mieux éclairer cette transition."

Les associations de défense des patrimoines des rivières et plans d'eau doivent demander aux préfets, aux parlementaires, aux élus locaux et aux gestionnaires de l'eau que ces principes soient pris en compte dans toute la programmation publique.

Cela exige notamment :
Référence citée : Haut Conseil pour le climat (2020), Climat, Santé, mieux prévenir, mieux guérir. Accélérer la transition juste pour renforcer notre résilience aux risques sanitaires et climatiques, 24 p.

A lire également
Pour un bilan carbone de la loi sur l'eau
Les moulins au service de la transition énergétique
Eau, climat, vivant, paysage : s'engager pour les biens communs

6 commentaires:

  1. Vous n'êtes visiblement pas bien au courant du fait que toute augmentation de production d'électricité d'origine renouvelable n'a, en France, pratiquement aucun effet sur le bilan carbone de notre pays puisqu'elle ne remplace une production déjà décarbonnée à 92 % ... On attend donc avec impatience le bilan carbonne que vous appelez de vos voeux.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ce sophisme a été maintes répété, en général par des lobbies voulant défendre leurs positions acquises.

      En France, 70% de l'énergie primaire consommée est carbonée, venant essentiellement du pétrole et du gaz. S'y ajoute l'énergie "grise" des biens importés, par exemple des produits chinois fabriqués grâce à leur électricité au charbon. L'idée que nous sommes très vertueux est fausse : nous représentons environ 1% de émissions de CO2 pour environ 1% de la population mondiale. C'est mieux que les USA (qui ont un facteur 3 de surconsommation rapportée à la population), mais très loin de l'objectif climat.

      Nous devons donc remplacer le pétrole et le gaz dans leur usages actuels. Par exemple par l'électricité et l'hydrogène dans les systèmes de transport, de chauffage, de process industriels. L'hydrogène est un vecteur qui demande aussi de passer par l'électricité (pour l'électrolyse de l'eau plus durable que le craquage du méthane). C'est la raison pour laquelle nous développons des énergies électriques renouvelables, dont l'hydro, et que nous continuerons de le faire pour contribuer à remplacer les 70% d'énergie carbonée tout en répondant aux besoins des ménages, des entreprises, des collectivités.

      Enfin, l'avenir nucléaire (en France 75% de l'électricité, 20% de l'énergie) est incertain. C'est un sujet qui divise socialement et politiquement, aussi une énergie qui a montré au Japon le problème des conséquences lourdes des imprévus. Certes, la France a un très haut niveau de sûreté et de compétence, mais difficile de garantir un niveau dans la durée et difficile de prétendre que l'on a pensé à tous les problèmes possibles (péché d'optimisme maintes fois démenti dans l'histoire des technologies).

      Supprimer
  2. "Rendre obligatoire sur chaque barrage en France un passage pour les poissons ;"
    C'est dans la convention citoyenne pour le climat ... cela ne ressemble-t-il pas à la politique de restauration de la continuité ... apaisée ou non ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Certes, mais la convention ignore probablement que cette idée, déjà présente dans les lois de 1865, 1919, 1984 et 2006, a toujours rencontré le problème de ses coûts d'exécution (notamment rapporté au bénéfice réellement obtenu pour l'écologie aquatique). Cela ne s'arrange pas aujourd'hui où il y a quasiment autant de frais d'études préparatoires que d'exécution, notamment sur les petits ouvrages.

      Supprimer
  3. L'essentiel n'est pas le cout ni le fait que l'on n'y soit jamais arrivé, d'ailleurs l'époque est propice aux premières : qui pensait être confiné il y a encore quelques mois, l'essentiel reste que la politique de restauration de la continuité semble réunir de plus en plus de nos concitoyens ...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. La convention citoyenne représente 150 citoyens qui souhaitent des passages pour les poissons, toutefois les propositions sorties dans les médias étaient provisoires et avant assemblée plénière devant notamment examiner les coûts. Ensuite, il revient de toute façon aux riverains des 100.000 obstacles du ROE d'aviser. En tout cas, la convention ne demande nullement de détruire les barrages, il faut sûrement analyser cela comme un désaveu supplémentaire des casseurs, bien peu soutenus dans leur gabegie publique hier, et sans doute encore moins demain. Dépenser de l'argent public va être sacrément exigeant avec la crise sociale, économique et climatique en cours, et l'intérêt général de casser des moulins ou étangs, personne n'y croyait déjà avant...

      Supprimer