Installation d'une turbine à côté d'une roue, dans la chambre d'eau d'un moulin. Partout en France, particuliers et collectivités se déclarent intéressés par l'énergie de l'eau, un des atouts du pays dans la transition bas-carbone. Mais les dossiers doivent être facilités au plan réglementaire, et non bloqués par des complexités administratives sans fin dont notre pays a le secret.
Le gouvernement avait à l'époque donné un avis négatif à cette disposition, ce qui indique la puissance des lobbies travaillant près du cabinet du ministre de l'écologie (voir ce texte sur François de Rugy et ce texte sur Emmanuelle Wargon). Mais il n'a heureusement pas été suivi par sa propre majorité parlementaire. Nous connaissons la chanson : les lobbies de la destruction des moulins et barrages préfèrent échanger directement avec les administrations non élues, ce qui leur évite le débat parlementaire où ils sont systématiquement mis en minorité du fait du caractère radical et conflictuel de leurs vues. Car de l'avis de la plupart, c'est une idée absurde de dépenser un argent public rare à détruire des ouvrages hydrauliques pouvant avoir de nombreux intérêts.
Dans une question posée à Elisabeth Borne, ministre de l'écologie, la députée Marie-Ange Magne s'inquiète de la mise en oeuvre de cette nouvelle loi énergie et climat, en particulier la disposition sur la petite hydro-électricité. En voici le texte.
Question N° 30174 de Mme Marie-Ange Magne
Mme Marie-Ange Magne attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique et solidaire sur la mise en œuvre des dispositions de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 sur l'énergie et le climat relatives au développement de la production d'hydroélectricité. La loi a ainsi modifié l'article 100-4 du code de l'énergie qui dispose désormais que « pour répondre à l'urgence écologique et climatique », il est opportun que la politique nationale « encourage la production d'énergie hydraulique, notamment la petite hydroélectricité ». De nombreux propriétaires de moulins cherchent ainsi à valoriser leurs installations en déposant des dossiers pour des projets de petite hydroélectricité. Malheureusement, les délais d'instruction par les services compétents sont souvent très longs et les démarches administratives fastidieuses. De plus, les études demandées par l'administration sont parfois excessives en termes de coût pour l'exploitant, condamnant ainsi sa rentabilité. Pourtant, le développement de la petite hydroélectricité peut être un élément essentiel dans l'accroissement de la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique. Elle souhaiterait ainsi connaître les mesures envisagées par le Gouvernement afin de lever les freins administratifs et faciliter le développement de ces projets pour « encourager la petite hydroélectricité ».
Rappelons quelques points de droit :
- un ouvrage de moulin ou petite usine hydraulique autorisé (fondé en titre ou sur titre) n'a pas à déposer une nouvelle demande d'autorisation, la loi reconnaît son existence (article L 214-6 code environnement, précisé par jurisprudence constante du conseil d'Etat protégeant les droits d'eau),
- l'administration demande un "porté à connaissance" au préfet (article R 214-18-1 code environnement), qui peut être un simple courrier avec présentation des travaux prévus, et ne doit pas s'engager dans des frais inconsidérés de bureaux d'études (les complications dont parle la députée, lorsque des services instructeurs n'ayant aucune envie réelle d'instruire une relance font des demandes totalement disproportionnées sur des sites déjà en place, autorisés, alors qu'il n'y a impact hydrologique et morphologique par rapport à l'existant),
- le préfet ne peut exiger au seul motif d'une relance hydro-électrique la mise en oeuvre de la continuité écologique en montaison (il peut l'exiger si la rivière est par ailleurs classée au titre de l'article L 214-17 code environnement, ce qui induit cette obligation légale, mais la production d'électricité est normalement cause de dérogation telle que le stipule la loi dans l'article L 214-18-1 code environnement),
- la continuité en dévalaison doit être assurée, par le débit minimum biologique ou débit réservé (article L 214-8 code environnement) et par des protections ad hoc au niveau de l'entrée de la chambre d'eau si la relance concerne une turbine rapide (évitement de la mortalité des poissons par une grille et une goulotte de dévalaison si besoin).
L'un des motifs pour lesquels l'association Hydrauxois a requis au conseil d'Etat l'annulation de la note technique dite de "politique apaisée de continuité écologique" est le refus dans cette note de considérer que toute relance hydro-électrique d'ouvrage autorisé en rivière est recevable par l'administration, ce qui est contraire à la loi française sur la transition énergétique comme aux directives européennes sur ce thème.
Il ne peut y avoir d'apaisement avec le monde des petits ouvrages hydrauliques si l'administration est toujours dans une culture de déni de leur existence et de leurs vocations diverses, dont celle de produire de l'énergie. A l'heure où tout le monde clame la nécessité de baisser l'énergie fossile (encore 70% des usages finaux en France) pour la remplacer par des solutions électriques à source renouvelable (dont l'énergie de l'eau), c'est tout de même un comble d'avoir encore des fonctionnaires en charge de l'écologie qui freinent cette ambition nationale. Notre pays doit cesser de mettre des bâtons dans les roues de ses moulins!
A lire en complément
Dossier complet sur les moulins au service de la transition énergétique
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