21/11/2020

Le déclin de la faune sauvage est mal estimé par les indices globaux, qui cachent de fortes disparités (Leung et al 2020)

L'indice Planète vivante (Société zoologique de Londres ZSL, WWF) conclut que le monde a perdu 68% des vertébrés entre 1970 et 2016. Le chiffre est massif, alarmant. Mais le ré-examen des données par des chercheurs montre que 1% des vertébrés ont un déclin extrême, 0,4% une hausse extrême, et les 98,6% restants ne montreraient pas de tendance significative à la hausse ou à la baisse. En revanche, l'analyse plus fine des données par clusters cohérents suggère que des régions (comme l'indo-pacifique) et des règnes (reptile, amphibien) ont des stress plus importants. Les chercheurs appellent à des indices plus qualitatifs pour orienter nos choix en protection de la biodiversité et les rendre plus efficaces.

Dans la revue Nature, Brian Leung et quatre collègues suggèrent que le déclin catastrophique des populations mondiales de vertébrés est mal interprété et surestimé en raison des méthodes statistiques utilisées pour agréger les données.

Voici le résumé de leur recherche :

"Des analyses récentes ont signalé des déclins mondiaux catastrophiques des populations de vertébrés. Cependant, la distillation de nombreuses tendances en un indice moyen global masque la variation qui peut éclairer les mesures de conservation et peut être sensible aux décisions analytiques. 

Par exemple, des analyses antérieures ont estimé un déclin moyen des vertébrés de plus de 50% depuis 1970 (Living Planet Index). Ici, nous montrons cependant que cette estimation est déterminée par moins de 3% des populations de vertébrés; si l'on exclut ces populations extrêmement en déclin, la tendance mondiale passe à une augmentation. 

La sensibilité des tendances moyennes mondiales aux valeurs aberrantes suggère que des indices plus informatifs sont nécessaires. Nous proposons une approche alternative, qui identifie les grappes de déclin (ou d'augmentation) extrême qui diffèrent statistiquement de la majorité des tendances démographiques. Nous montrons que, parmi les systèmes taxonomiques-géographiques de l'Indice Planète Vivante, 16 systèmes contiennent des grappes de déclin extrême (comprenant environ 1% des populations; ces déclins extrêmes se produisent de manière disproportionnée chez les animaux plus grands) et 7 contiennent des augmentations extrêmes (environ 0,4% des populations). Les 98,6% restants de la population dans tous les systèmes n'ont montré aucune tendance mondiale moyenne. Cependant, analysés séparément, trois systèmes déclinaient fortement avec une certitude élevée (tous dans la région indo-pacifique) et sept étaient en déclin fortement mais avec moins de certitude (principalement des groupes de reptiles et d'amphibiens). 

La prise en compte des grappes extrêmes modifie fondamentalement l'interprétation des tendances mondiales des vertébrés et devrait être utilisée pour aider à hiérarchiser les efforts de conservation."

Cette carte montre par exemple les tendances des vertébrés d'eau douce dans le monde. 

Les astérisques rouges et bleus indiquent l'occurrence de grappes extrêmement décroissantes et de grappes croissantes, respectivement. Les distributions affichent le cluster principal de chaque système. Rouge, déclins significatifs; bleu, augmentations significatives; orange, fortes baisses non significatives; vert, fortes augmentations non significatives; jaune, changements faibles). Les cartes ont été créées à l'aide du logiciel ArcGIS par Esri (ArcGIS et ArcMap sont la propriété intellectuelle d'Esri et sont utilisés ici sous licence.

Discussion
Comme explique à l'AFP l'auteur principal Brian Leung, de l'université McGill à Montréal, "réunir toutes les courbes de population en un seul chiffre peut donner l'impression que tout décline partout, en se basant sur les maths plutôt que sur la réalité. Un tableau plus nuancé est plus précis: il y a des foyers de population en déclin extrême, dans des écosystèmes qui en dehors de ça ne sont ni en amélioration ni en déclin. Toutefois il y a aussi quelques zones géographiques où la plupart des populations examinées semblent en déclin. Il est important d'identifier celles-là".

L'écologie est désormais une politique publique fondée sur la science, et elle exige donc des métriques de qualité. Un discours trop flou sur le déclin global du vivant et la nécessité de "tout changer" risque de se traduire par l'impuissance, et surtout par des actions mal ciblées alors que les budgets de protection ou de restauration écologiques sont encore très limités. Dans le domaine du vivant aquatique et amphibie, nous souhaitons que les données soient utilisées de manière plus intelligente afin de hiérarchiser les zones et les espèces à problème. Il est nécessaire que les gestionnaires de l'environnement et décideurs disposent de telles approches plus discriminantes.

Référence : Leung B et al (2020), Clustered versus catastrophic global vertebrate declines, Nature, doi: 10.1038/s41586-020-2920-6

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