24/08/2021

La destruction d'ouvrages en rivières classées continuité écologique est désormais illégale

La loi Climat et résilience vient de paraître au journal officiel. Elle est opposable dès le lendemain de sa parution. Sur les rivières classées "continuité écologique" au titre de l'article L 214-17 du code de l'environnement, cette loi proscrit désormais la destruction des ouvrages de moulin et, plus généralement, la remise en cause d'un usage actuel ou potentiel d'ouvrage hydraulique. Les acteurs publics ou privés qui persisteraient à inciter, planifier ou exécuter la destruction d'ouvrage hydraulique dans ce contexte sont donc dans l'illégalité et susceptibles d'être dénoncés à la justice. Les préfets doivent acter cette évolution de la loi et en informer au plus vite les acteurs, afin de trouver des solutions positives et constructives pour la continuité écologique, plus généralement pour la bonne gestion des ouvrages au service des objectifs d'intérêt général. 



La loi dite "Climat et résilience" (n°2021-1104 du 22 août 2021) vient de paraître au Journal officiel de la République française. Elle entre donc en vigueur dès le lendemain de sa publication et est alors opposable.

Par son article 49, la loi modifie l'article L 214-17 du code de l'environnement précisant la mise en oeuvre de la continuité écologique sur les rivières classées à cette fin. Elle interdit expressément des destructions d'ouvrages de moulin, mais aussi de manière plus générale la remise en cause dans les solutions de continuité de l'usage actuel ou potentiel d'un site hydraulique.

Voici comment s'énonce désormais l'obligation de continuité écologique :

I. Après avis des conseils départementaux intéressés, des établissements publics territoriaux de bassin concernés, des comités de bassins et, en Corse, de l'Assemblée de Corse, l'autorité administrative établit, pour chaque bassin ou sous-bassin :
2) Une liste de cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux dans lesquels il est nécessaire d'assurer le transport suffisant des sédiments et la circulation des poissons migrateurs. Tout ouvrage doit y être géré, entretenu et équipé selon des règles définies par l'autorité administrative, en concertation avec le propriétaire ou, à défaut, l'exploitant, sans que puisse être remis en cause son usage actuel ou potentiel, en particulier aux fins de production d’énergie. S’agissant plus particulièrement des moulins à eau, l’entretien, la gestion et l’équipement des ouvrages de retenue sont les seules modalités prévues pour l’accomplissement des obligations relatives au franchissement par les poissons migrateurs et au transport suffisant des sédiments, à l’exclusion de toute autre, notamment de celles portant sur la destruction de ces ouvrages.

Les services d'un syndicat de rivière, d'une préfecture, d'une agence de l'eau, de l'office français de la biodiversité, des collectivités territoriales sont donc désormais dans l'illégalité si, au titre de l'article L 214-17 du code de l'environnement, ils incitent, planifient ou exécutent la destruction d'ouvrage hydraulique. Il en va de même pour les acteurs privés (bureaux d'études, entreprises de BTP) en cas d'informations trompeuses aux maîtres d'ouvrage ou de chantiers illégaux. 

Les solutions envisageables pour la continuité écologique sont les gestions de vanne, les passes rustiques ou techniques, les rivières de contournement, le maintien en l'état s'il n'existe pas d'espèces migratrices sur la rivière, si l'ouvrage est partiellement franchissable ou s'il ne pose pas de problème à la continuité sédimentaire, ce qui est le cas général pour les sites les plus modestes et anciens. Ces solutions doivent en tout état de cause respecter la consistance légale autorisée par le droit d'eau ou le règlement d'eau, c'est-à-dire les conditions de hauteur et de débit de la chute et du bief en l'état du génie civil hydraulique. Cela proscrit par exemple des assèchements quasi complets de sites et de retenues par ouverture quasi-permanente de vannes, ou par rivière de contournement qui prendrait davantage que le débit réservé, ou débit minimum biologique. 

Notre association voit son interprétation de la loi de nouveau validée
Notre association avec d'autres affirmait depuis de nombreuses années que le texte et l'esprit de la loi sur l'eau de 2006 et de la loi de trame verte et bleue de 2009 ne prévoyaient nullement la destruction des ouvrages de moulins, d'étangs et de plans d'eau, de leurs usages et de leurs milieux. La chose est désormais précisée sans contestation possible par les députés et sénateurs. Elle l'a été aussi par plusieurs décisions récentes et importantes du conseil d'Etat qui ont censuré le ministère de l'écologie. La dérive d'un certain nombre de membres de l'administration ayant agi comme promoteurs dogmatiques et militants de la "rivière sauvage" doit désormais trouver son épilogue. Qu'il existe dans certains zones désertées par les humains de longue date des rivières à forte naturalité et qu'on souhaite les protéger comme telles est compréhensible ; mais que l'on dépense l'argent public et que l'on exerce des pressions inacceptables pour des chantiers de restauration forcée d'une soi-disant nature sauvage ne l'est plus. La loi et la jurisprudence sont désormais claires. 

Au-delà, il s'agit de projeter le rôle de l'ouvrage et de la rivière aménagée dans le 21 siècle. La France doit affronter de nombreux défis : éliminer le carbone de son mix énergétique (qui est à 70% fossile) et donc produire une énergie bas-carbone localement, gérer l'eau dans un contexte de sécheresses et crues risquant de devenir plus intenses, relocaliser son économie et revivifier ses territoires. Tout cela passe par une gestion intelligente des ouvrages hydrauliques en place. Les propriétaires privés comme les acteurs publics doivent en être convaincus, et travailler à concrétiser ces évolutions d'intérêt général

Nous allons publier un modèle de lettre aux préfets pour les associations : il est en effet indispensable que tous les acteurs relaient la loi et soient vigilants sur son application, afin que cessent partout les mauvaises pratiques.

10 commentaires:

  1. Bonjour, je ne comprends pas bien. Je crois comprendre que l'administration ne peut pas exiger une destruction de l'ouvrage pour obtenir une conformité au L. 214-17. Mais l'existence des seuils de moulin n'est pas protégée juridiquement par cet article? Rien n'empêche un propriétaire de supprimer son ouvrage s'il le souhaite? Et rien n'empêche l'agence de l'eau de subventionner davantage une suppression? J'avais l'impression que ses subventions étaient dictées par d'autres considérations (la DCE) et ne dépendaient pas directement du code de l'environnement. Pas simple de s'y retrouver... Point positif, a priori il n'y aura plus de pression insidieuse pour la suppression. Mais à mon sens, des ouvrages continueront d'être supprimés indépendamment de l'application de la loi sur la "continuité écologique"?

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    1. Les rivières françaises sont classées "continuité écologique" au titre du L 214-17 CE : c'est lui qui crée une obligation d'évaluation et action, pour la liste 2. Avant la loi de 2021, la destruction n'était déjà pas signalée comme issue dans le texte originel (loi de 2006). Mais l'administration tirait profit du flou pour prétendre que cette destruction était autorisée et même encouragée, ce qui marchait chez des propriétaires isolés et inquiets d'avoir des soucis avec la préfecture : ce mensonge a pris fin, les parlementaires ont rappelé le sens de la loi. Désormais en rivière liste 2, un ouvrage aménagé pour la continuité écologique ne doit pas perdre son usage actuel ou potentiel. Particulièrement s'il est moulin (souvent les 3/4 des ouvrages en tête de bassin), mais aussi les autres.

      Un ouvrage peut éventuellement être arasé ou dérasé si son propriétaire abandonne son droit d'eau (moulin ou étang) ou renonce à sa concession / son autorisation administrative (autres cas). Le chantier se fait alors dans le cadre de l'article L 214-3-1 CE, comme une remise en état du site après usage. Attention cependant : cet article renvoie lui-même au L 211-1 CE, donc la solution choisie ne doit pas impacter des éléments protégés par ce L 211-1 CE. Et il n'y a pas que la continuité, loin de là.

      Si vous trouvez le droit complexe, nous aussi. Mais fallait pas commencer... le régime des droits d'eau durent depuis plus de 2 siècles sans tant de problèmes que cela, à la différence des lois modernes qui montrent souvent leurs défauts au bout de quelques années.

      La DCE 2000 n'a rien à voir là-dedans : la continuité est citée une fois en annexe et en condition d'un très bon état écologique, ce n'est pas la priorité d la directive (qui est la pollution). Par ailleurs, la continuité s'entend de 4 manières : longitudinale, latérale, verticale et temporelle. La continuité de la loi de 2006 a été adoptée sous inspiration de divers lobbies, sans lien direct à la DCE (transposée en droit français par une loi de 2004). La France est régulièrement condamnée pour son non-traitement des pollutions (directives plus anciennes que la DCE) et risque de l'être après 2027 (échéance DCE) car la moitié des masses d'eau ne sont pas dans les clous. Les agences de l'eau doivent financer les chantiers prioritaires, qui sont la pollution, mais aussi la gestion des crues et sécheresses, cf cet été encore les drames en Allemagne et Belgique.

      Pour ce qui est des choix de financement de ces agences de l'eau, nous sommes en contentieux avec deux d'entre elles, nous verrons le conseil d'Etat. Mais le prochain SDAGE (en l'état de projet) ne nous semble plus conforme à la loi, donc nous demanderons aux préfets de bassin de le modifier afin qu'il stipule l'obligation de conserver les usages actuels et potentiels des ouvrages en rivières classées continuité écologique.

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    2. Juste pour relever une inexactitude la plus manifeste du texte : les agences de l'eau ne financent ni "la gestion des crues" ne celle "des sécheresses". Elle peuvent intervenir dans de des opérations qui auraient ces finalités que dans la mesure où ces opérations concourent à l'atteinte du bon état des masses d'eau et dans la limite de cette contribution.

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    3. Les agences de l'eau ne sont pas uniquement dédiées à la DCE. Le code de l'environnement définit la gestion équilibrée et durable de l'eau qui a toujours inclus aussi la gestion quantitative de la ressource, dans les SDAGE il rappelle la nécessité d'atteindre et respecter "les objectifs de qualité et de quantité des eaux", pour la GEMPAI (en large partie financée par agences de l'eau) il précise les enjeux ouvrages et inondations, etc. Les agences de l'eau sont régulièrement les co-financeuses de projets en lien à la gestion des crues et sécheresses. Nous ne savons pas d'où vous sortez leur incompétence d'action en ce domaine (leur incompétence tout court, c'est un autre débat).

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    4. Lisez mieux : Je n'ai pas dit que les agences de l'eau n'intervenaient que dans le cadre de la DCE ni qu'elle n'intervenaient pas en matière de gestion de crues (qui, au passage, n'a rien à voir avec la gestion quantitative) je vous en ai simplement indiqué les limites. Pour donner un exemple les agences peuvent intervenir dans la création de casiers d'inondation (par exemple par une contribution financière à l'acquisition foncière) mais elles ne le font pas au titre de la lutte contre les inondations mais au titre de la protection des zones humides et de la restauration de la morphologie du cours d'eau. Par contre les agences ne financent pas des systèmes d'endiguement. Bien entendu il existe une zone grises entre ce qui ressort à l'atteinte du bon état et ce qu'impose la protection contre les inondations, les CA des Agences sont là pour décider en opportunité. Les responsables de la gestion des inondation sont les structures intercommunales ayant la compétence GEMAPI et qui peuvent d'ailleurs bénéficier du produit d'une taxe spécifique que peuvent instituer les EPCI à fiscalité propre. C'est d'ailleurs très heureux que les Agences de l'eau ne soient pas directement impliquées dans la protection des inondations car leur budget est loin d'être à la dimension des besoins en la matière et il vaut effectivement beaucoup mieux qu'il soit réservé à l'application de la DCE.

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    5. Les interventions des agences de l'eau sont déterminées par une programmation, le SDAGE. Formellement, celle-ci est décidée par le comité de bassin, concrètement elle est déterminée par le staff administratif qui négocie le contenu du SDAGE dans des commissions. L'article L 212-1 de code de l'environnement qui fixe les contours des SDAGE est large et permet en soi d'insister sur tel ou tel axe dans le SDAGE pour redistribuer le env. 2 milliards € / an d'argent de l'eau destiné à l'eau (quoique le gouvernement essaie de le destiner à d'autres choses régulièrement). La gestion des crues et des sécheresses fait évidemment partie des problématiques de l'eau éligible à une place dans le SDAGE. La France ne doit pas seulement respecter la DCE 2000 sur la qualité de l'eau, mais l'ensemble des directives européennes en lieu à l'eau (par exemple, la directive 2007 inondation). A partir du moment où "l'eau paie l'eau", c'est-à-dire où les taxes sur l'eau paie les enjeux relatifs aux milieux aquatiques et humides en lien aux populations humaines, nous ne voyons aucun frein (autre que d'idéologie) à orienter les financements des SDAGE sur tel ou tel sujet (baisser des postes, augmenter d'autres, au sein de la même enveloppe). Les choses seront certainement plus claires quand la France aura fait un bilan critique de ses lois eau 1992 et 2006, ainsi qu'intégré ce que disent les chercheurs du climat. Idem pour la DCE 2000 après 2027. Nous aimerions que le choc d'événements climatiques extrêmes ne soit pas le dernier recours pour une prise de conscience, mais c'est hélas souvent ainsi que cela se passe.

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    6. Les interventions chaque Agence sont fixés par son programme d'intervention et non pas par le SDAGE. Une partie des aides des agences concerne effectivement le programme de mesures (PDM) du SDAGE mais aussi l'aide apportée à la mise aux normes environnementales d'un certain nombre d'équipements. C'est à ce titre, par exemple, que les Agences interviennent sur la restauration de la continuité sur les ouvrages transversaux placés en liste 2 dont la mise aux normes est parfois prescrites également par le PDM du SDAGE. Il appartient au CA des agence d'établir, sous réserve de l'approbation du Comité de Bassin, un programme d'intervention permettant d'aboutir à la réalisation des engagements que prend notre pays dans le PDM du SDAGE (y compris la mise au normes de la continuité des ouvrages qui y apparaissent du fait de la nécessité de cette mise aux normes pour l'atteinte des objectifs environnementaux). Les opérations liées à la protection des crues est à rechercher dans un autre document que le SDAGE qui est le PGRI dont une partie seulement est partagé avec le SDAGE, celle qui peut recouvrir des finalités environnementales. Les aides apportées par les agences de l'eau ne sont pas l'effet des lubies de leur directeur général mais répondent à des règles qui les encadre.

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    7. Soyez plus politique et moins technocratique : il y a les enjeux de l'eau, et il y a l'argent de l'eau qui est censé payer ces enjeux. Les politiques sont orientées sur certains choix de l'environnement, pas uniquement techniques. Demain vous changez de ministre de l'écologie, de direction centrale eau & biodiversité, de direction administrative des agences, vous changez la composition (la proportion des collèges) du comité national de l'eau et des comités de bassin, vous aurez une autre interprétation des mêmes textes légaux, européens et français. Le système français est ainsi fait.

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  2. Une question reste en suspend concernant les ouvrages sans propriétaire. Sont-ils dans un flou juridique ? Je n'arrive pas à trouver de réponse sur ce cas assez particulier qui concerne quand même de nombreux ouvrages.

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    1. Nombreux? Vous êtes dans quelle région? Ici en Bourgogne, nous n'avons eu que 2 ou 3 cas de ce genre sur quelques centaines de sites adhérents ou chantiers suivis en 10 ans.

      Il existe une procédure semble-t-il, si aucun maître d'ouvrage n'est identifiable, la préfecture peut procéder à un appel public à manifestation et s'il n'y a aucune réponse au terme de l'appel, l'ouvrage orphelin est pris en charge par le syndicat en charge de la GEMAPI. En ce cas, le syndicat peut faire ce qu'il veut dont un effacement au titre du L 214-3-1 CE.

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