18/10/2021

La destruction d'ouvrage hydraulique est interdite, signalez-nous les actions illégales

Afin d'accélérer la mise en oeuvre de la loi Climat et résilience, nous avons mis en place avec la CNERH un formulaire en ligne de signalement des destructions illégales d'ouvrage hydraulique. La justice doit faire son travail, aidez-nous à la saisir dans tous les cas litigieux.

Depuis 10 ans, la politique française de continuité écologique des rivières est contestée avec virulence dans tous les bassins versants. La raison en est que plusieurs acteurs de l'eau, y compris parfois des représentants d'administrations publiques, avaient choisi de privilégier sinon d'imposer par chantage financier la seule solution de la destruction des ouvrages hydrauliques (barrages, chaussées de moulins, digues d'étangs, gués, etc.). Or, il existe des moyens non-destructeurs d'assurer la continuité piscicole et sédimentaire là où elle est réellement utile. Et les ouvrages en rivière ont de nombreuses qualités et assurent de nombreux services que leur destruction fait disparaître (patrimoine historique et culturel, agrément paysager, production d'énergie bas-carbone, régulation de l'eau, etc.). 

Les parlementaires n'avaient jamais inscrit le principe de destruction des ouvrages dans la loi sur l'eau de 2006. C'est une interprétation administrative du ministère de l'écologie qui a essayé d'en faire une règle de principe. Constatant les problèmes liés aux destructions, les parlementaires avaient déjà signifié lors de plusieurs réformes qu'il fallait trouver d'autres options. Mais rien n'y faisait. La loi climat et résilience de 2021 a donc clarifié une fois pour toutes les choses : la destruction des ouvrages de moulin, et plus largement la destruction de l'usage actuel et potentiel de tout ouvrage hydraulique, est désormais prohibée dans le cadre de la mise en oeuvre de la continuité écologique.

Nous espérions que les choses seraient enfin claires. Mais divers cas d'actualité et les retours de terrain ont montré que ce n'est pas encore tout à fait le cas : certains élus voire certains représentants d'administrations ou d'associations à agrément public pensent pouvoir continuer le programme de casse des ouvrages en mépris affiché des lois. De tels actes sont passibles de la justice pénale et administrative: nous allons donc le faire savoir aux contrevenants. Avec la CNERH, nous avons créé un formulaire en ligne de signalement des chantiers illégaux ou d'incitation à engager des chantiers illégaux. Nous appelons tous nos lecteurs qui sont victimes ou témoins de ces agissements à nous en informer, afin que la justice fasse son travail si le trouble ne cesse pas. Signalons au demeurant que même si un chantier est exécuté, son illégalité au moment des faits peut être constatée ultérieurement par le juge, et le maître d'ouvrage alors condamné à la reconstruction et remise en état antérieur du site. 

Les gestionnaires publics et privés de l'eau doivent donc acter l'évidence : les ouvrages hydrauliques sont partie intégrante des rivières et des bassins versants, leur gestion intelligente doit désormais être mise au service de la transition écologique et de l'intérêt du pays. 

7 commentaires:

  1. Bonsoir
    Pour les ouvrages ayants perdu leur droit d'eau ou pour lesquels le propriétaire souhaite renoncer à son droit d'eau, le propriétaire peut il supprimer son ouvrage?
    De même comment cela se passe en cas d'abscence d'entretien et de rupture des vannes ou du seuil le propriétaire peut il supprimer son ouvrage?
    Je suis riverain d'un cours d'eau et l'ouvrage en aval est aujourd'hui hors service le propriétaire a choisi d'abandonner son droit d'eau pour ne plus avoir à réparer son ouvrage après la rupture des vannes lors d'une crue.
    Peut il supprimer son ouvrage même si le cours d'eau est en liste 2.

    Merci d'avance pour votre réponse.

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    1. Dans le cas d'un droit d'eau perdu, l'article L 214-17 ne s'applique pas directement puisque c'est un cas plus général sur le régime d'autorisation et de fin d'autorisation. Toutefois, la préfecture devra prendre en compte, dans son choix d'évolution du site, le fait que le législateur souhaite clairement protéger l'usage actuel et potentiel des ouvrages dans les options de continuité ou de remise en état" de rivière. Par exemple, si la vanne a lâché, laisser la vanne ouverte (ce qui permet du transit) mais ne pas détruire complètement l'ouvrage (de sorte qu'une repose de vanne le rendrait à nouveau fonctionnel).

      Il est regrettable qu'un propriétaire défaillant n'entretienne pas un ouvrage hydraulique, mais un autre sera peut-être plus responsable – ou plus fortuné si c'est uniquement une question de moyens (les moulins ont vu passer beaucoup de propriétaires dans leur longue existence, y compris avec des périodes de chômage sur une génération). L'important est de comprendre que la loi encourage les ouvrages et certains de leurs usages, donc que la continuité écologique doit se rendre compatible avec cette volonté du législateur, ainsi qu'avec d'autres enjeux (gestion des niveau d'eau en changement climatique, nécessité de la transition énergétique, etc.). Le conseil d'Etat a aussi pris diverses décisions indiquant que c'est son interprétation du droit, pas de retour à la rivière sauvage ou ce genre de choses absentes du code. Tant les syndicats de rivière que les préfectures devraient revenir de ce point de vue à certains modes de co-gestion qui ont pu fonctionner dans certains bassins dans les années 1970-1990 (une part de l'entretien des ouvrages peut être prise en charge par la collectivité GEMAPI s'il y a engagement à bonne gestion dans l'intérêt général et dans l'esprit du code l'environnement).

      Enfin, signalons qu'un certain nombre de droit d'eau ont été abandonnés non par volonté claire du maître d'ouvrage, mais par diverses pressions orales sur le risque de devoir payer très cher des travaux imposés. Ces pratiques ne sont pas acceptables. Il faut vraiment cesser ces harcèlements, ils n'ont produit que du conflit et de la mauvaise image pour l'écologie, des ruptures entre les acteurs locaux de l'eau. Personne n'en veut plus et ceux qui n'ont pas compris le nouvel état d'esprit de la loi s'exposent sans doute à diverses sanctions et problèmes professionnels. Il faut donc être raisonnable et responsable, en tournant la page de ce qui a raté et en ouvrant un nouveau chapitre de la continuité réellement apaisée.

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    2. Bonjour,

      Plusieurs points m'interpellent dans votre analyse juridique. Vous dite que le L214-17 ne s'applique pas dans le cadre de la perte d'un droit d'eau fondé en titre. Dans ce cas, la préservation d'une partie du seuil n'est donc pas une obligation, le propriétaire peut faire ce qu'il veut. De plus, il me semble qu'une fois le droit d'eau perdu, il est impossible de dériver de l'eau, sans droit d'eau un moulin n'est plus un moulin et du coup le L214-17 ne s'applique plus et on retourne comme vous le dites sur le cas de régime d'autorisation.

      On se retrouve dans le même cas de figure que les ouvrages hors liste 2, si le propriétaire souhaite abandonner son droit d'eau, il peut supprimer son seuil avec les précautions nécessaires.

      Au final, ce changement de loi permet de protéger les ouvrages bien entretenus et gérés, mais ne changera rien pour une grande partie des autres seuils qui sont fortement dégradée.

      Cordialement,

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    3. @Francis Gendron : au plan juridique, le conseil d'Etat est très restrictif sur la définition d'une perte de droit d'eau et de nombreux contentieux ont été gagnés à ce sujet par les associations, communes ou particuliers. Donc l'administration n'est en situation d'annuler des droits d'eau que dans les cas où la quasi-totalité des organes hydrauliques ont disparu, ce qui n'est pas très fréquent. Dans les autres cas, c'est l'occasion de procéder à un rénovation écologique et énergétique du site, ce que l'Etat doit encourager car c'est la loi.

      Cela ne sert vraiment à rien de jouer au chat et à la souris : désormais, les acteurs des ouvrages sont bien plus mobilisés qu'il ne l'était au début des années 2010, la loi et la jurisprudence ont évolué en leur faveur au cours de cette décennie, leurs avocats vont tomber sur ceux qui font mine de ne pas comprendre. Il faut gérer, équiper, entretenir les ouvrages (=la loi) et il faut que l'administration agisse en ce sens (=exécution de la loi). Le reste est littérature et pinaillage, peut-être qu'on ôtera les dernières pierres d'un ouvrage en ruine ici ou là mais c'est complètement secondaire. Et franchement, il y a autre chose à faire avec l'argent public à l'heure où l'Etat français (et les collectivités) ont des dossiers contentieux sur le manque d'action sur la transition énergétique et sur les polluants, en attendant les dossiers contentieux qui ne manqueront pas de venir en cas de crues et inondations, dont les chercheurs ont prévenu qu'elles seraient plus graves. Voilà où il faut agir, pas dans la "névrose" très minoritaire et très périphérique sur les moulins, étangs et autres ouvrages.

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    4. Bref, on retombe encore une fois sur la définition du moulin qui n'est pas claire et la loi n'a pas encore tranché ce point (si j'ai plus de droit d'eau je suis encore un moulin?), on devra encore attendre les jurisprudences pour connaître vraiment la limite d'application de cette loi.

      Personnellement je suis propriétaire d'un ancien moulin où j'ai supprimé en 2010 le seuil très dégradé pour faire un aménagement afin de mettre en valeur le batiment principal. Ce que je vois sur mon cours d'eau (très petit cours d'eau débit inférieur a 1m3/s) c'est des ouvrages en quasi-ruine invendables (plusieurs sont en ventes depuis plus de 10ans) et avec la mise ne place d'un PPRI ils sont encore moins vendables car cartographié en zone inondable.

      Je suis persuadé que l'on n'a pas fini d'entendre parler de ces histoires de moulins, car chez moi que cela se fasse avec des travaux ou par les crues un bon nombre d'ouvrages vont s'effondrer dans l'indifférence totale.

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  2. Merci pour la réponse c'est donc la fin du moulin sans vannes sans bief et sans bâtiment (plus de chambre à eau) le site ne sera jamais remis en état. De plus le seuil étant fissuré il ne tiendra pas encore très longtemps.

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    1. Si l'hydraulique du moulin a quasiment disparu (seuil, bief, vanne, coursier ou chambre eau), c'est mal parti en effet. Si les éléments essentiels pour user de la puissance de l'eau sont encore là, alors le potentiel énergétique est encore là, de même que le droit d'eau. L'important dans un moulin au plan du droit, de l'énergie et de la régulation de l'eau, ce sont les organes hydrauliques, pas les bâtiments. Et en particulier les organes durables (une pelle de vanne, cela se change régulièrement, cela prend 24 h, c'est un peu "secondaire").

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