Des producteurs d'énergie ont engagé une première étude de la biodiversité faune-flore autour de 5 sites hydro-électriques. Une excellente initiative, qui permet de faire l'inventaire des gagnants et des perdants en faune et flore, ainsi que de nourrir des réflexions sur l'amélioration de la gestion du site tout en préservant son emploi utile. Une fois admis que l'idéal de la "rivière sauvage sans humain" ne concernera jamais qu'une petite fraction des cours d'eau en raison des évolutions démographiques, économiques et techniques de nos sociétés, il faut engager sur les autres rivières des propositions constructives où l'écologie se concilie avec les ouvrages hydrauliques et leurs usages.
Le syndicat France Hydro Electricité a mené une étude de biodiversité sur 5 sites de ses adhérents producteurs. Cette étude a notamment compilé :
- des inventaires faunistiques et floristiques, des données hydrauliques, hydrologiques, hydro-morphologiques et sédimentaires, parfois physico chimiques ainsi que de documents iconographiques et cartographiques
- des compte-rendus de prospection ou observations par tierce personne.
- une prospection et cartographie au niveau du milieu aquatique et terrestre,
- une analyse fonctionnelle de chaque site en croisant le descriptif des habitats aquatiques et terrestres avec leur utilisation observée ou présumée par les espèces inventoriées.
Le travail a été conclu par un débat a été engagé avec deux bureaux d’études spécialisés (Eaucea en hydraulique et Biotec sur la biodiversité) afin de dégager sur chaque site les impacts jugés à priori pénalisants pour la biodiversité, tout autant que la potentialité écologique des masses d'eau et terrains environnants.
Nous publions ci-dessous un extrait des principales conclusions de l'étude. Elles confirment ce qui est déjà observable dans la littérature spécialisée et dans l'analyse du terrain du patrimoine hydraulique : si les ouvrages modifient la physique, la chimie et la biologie de l'eau, en pénalisant certaines espèces spécialisées (migratrices, lotiques), ce ne sont nullement des déserts de biodiversité. En particulier quand on prend en compte l'ensemble de la faune et de la flore susceptible de profiter des habitats en eau et berge créés par les ouvrages. Au demeurant, les étangs et les moulins les plus anciens sont souvent devenus de nouveaux écosystèmes anthropiques. Il faut donc engager une autre écologie que des approches quelque peu simplistes où une nature sans humain serait la seule naturalité concevable ou désirable. Ce qui mène à des non-sens et des impasses dans le cas de l'eau, puisque les usages sociaux et économiques de l'eau sont permanents et ont, déjà de très longue date, fait évoluer les fonctionnalités et les peuplements des rivières.
Que retenir de cette étude préliminaire ?
Le fait le plus important est que ces milieux aménagés sont le support d’une biodiversité importante. Les nouveaux milieux créés fournissent les habitats et la nourriture nécessaires à une faune riche et diversifiée qui s’y maintient naturellement.
D’évidence, la morphologie est l’un des paramètres prépondérants pour la biodiversité, directement liée aux habitats disponibles dans et à proximité du cours d’eau (et l’occupation des berges pour les milieux terrestres).
Mais, le tronçon influencé possède un régime hydrologique artificialisé, il ne subit plus les mêmes fréquences et intensités des crues (modification des conditions hydrologiques) que le cours d’eau, et cela en modifie la dynamique naturelle, morphologique et biologique. A cet égard, adapter cette morphologie aux nouvelles conditions hydrologiques du tronçon influencé peut se révéler essentiel en vue de limiter l’impact des usages et favoriser la biodiversité.
Il ressort du débat avec les bureaux d’étude (sans que le présent travail n’ai développé cet aspect faute de temps) que :
• La dynamique d’évolution des milieux, entre deux épisodes de crue que la retenue n’arrive plus à contenir (donc avec surverse au barrage = débit du tronçon influencé plus élevé que le débit réservé), est favorable à l’installation d’une mosaïque d’habitats très diversifiés ; le fait de subir des débits différenciés (des crues) et les remaniements de substrats que ceux-ci entraînent sont moteurs de biodiversité puisque ceux-ci sont à l’origine réagencement des habitats lors de chaque événement vécu.
• A l’inverse, la stabilité hydraulique peut être bénéfique à certaines communautés biologiques (amphibiens, poissons, insectes…), par exemple, la faible variabilité hydrologique peut être bénéfique au recrutement de certaines espèces piscicoles comme le barbeau, le toxostome, le chevaine, l’apron, etc.
La potentialité écologique des terrains environnants : un élément essentiel
Les terrains naturels situés autour des bâtiments, le long des canaux... peuvent être des zones de biodiversité dont les potentialités peuvent ou non s’exprimer en fonction de l’aménagement ou/et la gestion qui en est faite. Le maintien de zones de prairies semi-naturelles, les plantations de variétés locales, l’aménagement des zones humides... sont autant de facteurs favorables à l’expression de la biodiversité.
Les bâtiments et les ouvrages peuvent aussi être des sites d’accueil pour la faune (hirondelles, chauves- souris, rapaces…) et la flore (mousses, fougères, flore rupestre…). En effet, de nombreuses espèces sont capables de profiter de supports particuliers et artificiels pour nicher. Les parois verticales d’une usine ou d’un barrage s’apparentent à des falaises et les espèces savent s’adapter à ces opportunités (tranquillité, refuge, habitat…). Cette biodiversité mérite d’être prise en compte et peut être maintenue voire développée.
Quelques recommandations à l’attention des producteurs qui souhaitent s’engager dans la démarche « biodiversité » et plus généralement disposer d’arguments pour débattre
Comme le montre notre méthode, pour pouvoir réaliser une analyse de la biodiversité d’un tronçon, il faut comprendre précisément et caractériser chaque cours d’eau et chaque tronçon influencé. Un certain nombre d’informations sont intéressantes à collecter :
• Suivre en continu les débits du cours d’eau (et si possible l’enregistrer) ;
• Mesurer régulièrement la température de l’eau dans le cours d’eau et le tronçon influencé (et si possible l’enregistrer) ;
• Compiler, et si possible positionner sur une carte, toutes les observations : descriptions du
tronçon, localisations d’obstacles, de rejets ou des zones d’activités, etc. …
• Photographier le cours d’eau et le tronçon influencé dans différentes conditions de débits et
à différentes saisons ;
• Compiler et conserver toutes les études disponibles sur le cours d’eau et le tronçon influencé (disposer de différentes dates de suivis est particulièrement utile) ;
• Rechercher en continu et stocker les informations faune et flore auprès des usagers (chasseurs, pêcheurs, cueilleurs, randonneurs, associations diverses qui connaissent ou utilisent le territoire, etc.) ;
• Conserver la trace et les coordonnées de toutes les personnes susceptibles de disposer d’une
expertise faune flore ou autre ;
• Rechercher et stocker les documents historiques concernant le site et le cours d’eau.
Source : La biodiversité dans et autour des tronçons influencés (les TCC) par la présence de centrales hydroélectriques. Synthèse de France Hydro Electricité. D’après le rapport d’ingénieure d’Axelle Euphrasie. 2021
Que des espèces y compris protégées trouvent leur compte dans l'emprise des centrales hydroélectriques n'est pas une surprise. Par contre que les usiniers s'y intéressent, voilà qui est nouveau et d'ailleurs inattendu. On se félicite par avance de voir FHE généraliser ce suivi à toutes les installations appartenant à ses membres. On est d'autant plus surpris que lors de l'instruction des autorisations préfectorales nécessaires à leurs activités, les usiniers n'avaient jusque-là de cesse que d'y échapper. Après la baisse de la virulence du COVID 19, voilà la deuxième bonne nouvelle de 2022 !
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