Des associations de naturalistes et pêcheurs avaient saisi le Conseil constitutionnel en vue de lui faire déclarer comme contraire à la Charte de l'environnement et à la Constitution l'exemption de continuité écologique de moulins producteurs d'électricité. Notre association et ses consoeurs avaient mandaté leur conseil juridique pour défendre la conformité de la loi à la Constitution. Nous remportons ce jour une victoire juridique importante, car le Conseil constitutionnel reconnaît que la protection du patrimoine hydraulique et la production d'hydro-électivité sont d'"intérêt général" et inscrites dans la recherche d'un "environnement équilibré" tel que stipulé dans l'article 1 de la Charte de l'environnement. Après leur série de défaites au Conseil d'Etat entre 2019 et 2021, les ennemis des moulins et autres patrimoines des rivières n'ont plus de base juridique à leurs dérives. Le mouvement des ouvrages hydrauliques doit poursuivre sa mobilisation au service des intérêts du pays et de l'environnement.
Les associations France Nature Environnement et Anper-Tos, rejointes par la Fédération nationale de la pêche, avaient demandé au Conseil constitutionnel de statuer sur le caractère constitutionnel de l'article L 214-18-1 du code de l'environnement.
Cet article permet d'exempter de continuité écologique des moulins à eau quand ceux-ci sont équipés pour produire de l'électricité. Le Conseil d'Etat avait confirmé le caractère opposable de cet article en 2021, alors que l'administration de l'eau refusait de le mettre en oeuvre pour des motifs dilatoires. C'est cette décision du Conseil d'Etat qui a poussé les associations de défenseurs de la nature sauvage et le lobby des pêcheurs à saisir le Conseil constitutionnel. Leur but était d'obtenir l'annulation de l'exemption de continuité écologique en ce qu'elle serait contraire à la constitution française.
L'association Hydrauxois et ses consoeurs avaient demandé à Me Remy et Goudemez de défendre la validité de l'article incriminé au regard du droit. Le Conseil constitutionnel a validé notre interprétation. Nous nous en félicitons.
Intérêt général des moulins et de l'énergie hydraulique
La décision du Conseil constitutionnel est importante au plan de la doctrine. Le point le plus décisif est la reconnaissance du caractère d'intérêt général du patrimoine hydraulique et de la production hydro-électrique :
"il ressort des travaux parlementaires que le législateur a entendu non seulement préserver le patrimoine hydraulique mais également favoriser la production d'énergie hydroélectrique qui contribue au développement des énergies renouvelables. Il a, ce faisant, poursuivi des motifs d'intérêt général."
Posant cela, le Conseil constitutionnel considère que les moulins produisant de l'électricité sont conformes à la lettre et à l'esprit de l'article premier de la Charte de l'environnement (rattachée à la Constitution), disposant que "chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé".
Cette interprétation entraîne l'abandon des griefs secondaires :
"Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance de l'article 1er de la Charte de l'environnement doit être écarté. Par conséquent, les dispositions contestées, qui ne méconnaissent pas non plus les articles 2, 3 et 4 de la Charte de l'environnement, ni le principe d'égalité, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution."
Nous commenterons dans de prochains articles les conséquences politiques et administratives de cette décision.
Référence : Conseil constitutionnel, décision n° 2022-991, QPC du 13 mai 2022
"10. En deuxième lieu, d'une part, cette exemption ne concerne que les moulins à eau équipés pour produire de l'électricité et qui existent à la date de publication de la loi du 24 février 2017. D'autre part, elle ne s'applique pas aux ouvrages installés sur les cours d'eau en très bon état écologique, qui jouent le rôle de réservoir biologique ou dans lesquels une protection complète des poissons est nécessaire."
RépondreSupprimerLe conseil constitutionnel indique donc que l'exemption ne s'applique pas au cours d'eau classés en liste 1. Bonne nouvelle, notamment quand on sait que beaucoup de cours d'eau sont à la fois classés en liste 1 et en liste 2!
La loi ne prévoit pas d'obligation de continuité écologique pour les ouvrages déjà installés et autorisés en liste 1. La loi dit : "aucune autorisation ou concession ne peut être accordée pour la construction de nouveaux ouvrages s'ils constituent un obstacle à la continuité écologique" (en liste 1). Cela ne permet évidemment pas un préfet à prendre des mesures rétroactives et à exiger quoique ce soit à partir du moment où l'autorisation du site est toujours valide en l'état du site (cas par exemple des moulins fondés en titre). C'est en liste 2 que le préfet peut demander une mise aux normes de l'ouvrage autorisé, pas en liste 1.
SupprimerPS : soyez sages, il paraît qu'Elisabeth Borne n'aime pas du tout les administrations qui dérivent. En 2015 alors directrice de cabinet de Ségolène Royal, elle avait dû demander aux préfets d'arrêter le n'importe quoi de la destruction. Vous vous souvenez ?
En 2017 la Co Présidente de la Commission Mixte Paritaire du Parlement qui avait élaboré la rédaction définitive de l’article L 214-18-1 avait commenté cette dernière par la phrase : « … cette proposition de rédaction limite l'application du texte voté par le Sénat aux moulins situés sur des cours d'eau classés en « liste 2 ». Il est, en effet, nécessaire de continuer à imposer un certain nombre de règles administratives aux moulins situés sur les cours d'eau classés en « liste 1 » pour le maintien de la continuité écologique et la défense de la biodiversité puisque ces cours d'eau sont ceux qui ont une qualité écologique et une richesse biologique particulièrement importante. »
SupprimerLe Conseil Constitutionnel dans sa décision du 13 mai dernier n’a, au final, fait que rappeler (au point 10) l’intention du législateur telle qu’exprimée ci-dessus et qui est d’ailleurs fort mal traduite dans la rédaction finale proposée. Cette mauvaise rédaction est due à l’incompréhension de nos parlementaires de la finalité des 2 listes. En pensant à tort que les cours d’eau classés en liste 2 étaient des cours d’eau « de seconde zone » par rapport à ceux classés en liste 1, ils ignoraient qu’une très grande partie des cours d’eau classés en liste 2 le sont aussi en liste 1 ! Le Conseil d’Etat dans l’arrêt « Paumelle » est revenu lui aussi à l'intention du législateur et cette interprétation a été confirmée et même étendue par le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 13 mai, prenant soin d’exempter de l’application de l’article L 214-18-1 non pas les cours d’eau en liste 1, mais bien tous ceux dont les caractéristiques rendaient éligibles à y figurer et même légèrement au delà (la décision du 13 mai élargi à tous les poissons ce que la loi réservait aux seuls migrateurs amphihalins. L’absurde article L 214-18-1 est donc conforme à la Constitution mais se voit vider en contrepartie d’une bonne partie de son pouvoir de nuisance. Sans doute la prochaine note d’application de cet article à destination des DDT en tiendra-t-elle compte ?
Pourquoi compliquez-vous les choses? Le classement en liste 1 interdit la construction d'un nouvel obstacle à la continuité écologique. Cela n'a rien à voir avec les ouvrages existants. Le législateur et la jurisprudence rappellent simplement qu'exempter un moulin producteur en liste 2 ne signifie pas exempter un projet hydro-électrique de construction de barrage en liste 1 (même sur un site d'ancien moulin).
SupprimerLa liste 1 n'a jamais donné d'obligation aux ouvrages existants, on ne voit pas par quel tour de magie le ministère de l'écologie essaierait d'inventer une obligation réglementaire écartée par la loi. Bien sûr, si la direction eau et biodiversité n'a pas encore compris où mène son obstination nuisible à la parole publique, elle peut faire une circulaire en forme d'abus de pouvoir et on demandera son annulation au conseil d'Etat. En attendant, que le fonctionnaire de terrain n'imagine pas qu'il sera couvert par sa hiérarchie et qu'il retrouvera un contexte plaisant de travail, c'est lui qui se prendra les mauvais rapports humains, l'impossibilité de bosser en bonne entente avec les ouvrages, les critiques de son action dans les médias et les contentieux en justice s'il veut inciter à détruire / désinciter à équiper en énergie alors que la loi et la jurisprudence dit le contraire.
Ce qui est assez clair, c'est que le droit futur doit remettre les approches intégristes de la rivière sauvage à leur place marginale. Il y a eu un malentendu dans les années 1990-2000, un certain nombre de visées radicales et conflictuelles mal perçues par les parlementaires ont jugé que la rédaction de la loi de 1992 et celle de la loi de 2006 valaient blanc-seing pour un programme public déséquilibré qui, après des excès vers le productivisme, s'engageait dans des excès vers le naturalisme. L'expérience montre que cela fonctionne mal, pas uniquement pour les moulins et étangs, mais partout où des intégristes de la nature sauvage pensent qu'ils peuvent persécuter des usages humains alors que ce n'est pas l'esprit des lois ni la volonté des citoyens. Nous allons continuer à expliquer tout cela aux parlementaires afin que la loi évolue dans un sens beaucoup plus clair. Cela n'exclura pas des destructions d'ouvrages dans les conditions normales de cette destruction : accord du propriétaire, accord des tiers impactés, absence d'effets indésirables non compensés par le maître d'ouvrage, subvention publique non préférentielle à ce choix.
Il faut vraiment relire la définition du mot intégrisme, et arrêter de le mettre à toutes les sauces dès que l'on est pas d'accord avec vous. Cela vous rendra (peut-être) un peu plus crédibles.
SupprimerIntégriste (CNRTL) : "Celui qui s'attache à maintenir l'essentiel et l'accessoire d'une doctrine, d'un mouvement, en refusant toute concession, toute évolution dans l'essentiel comme dans l'accessoire." Cela correspond assez bien à l'état d'esprit d'une partie de nos interlocuteurs.
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