Les ouvrages hydrauliques anciens de nos rivières (moulins, forges, étangs) ont été bâtis par dizaines de milliers au fil des deux derniers millénaires. Ils ont fait l’objet en France d’une campagne de harcèlement, dénigrement et destruction fondée sur des arguments trompeurs ou mensongers. Voici les 10 manipulations les plus fréquentes auxquelles les propriétaires, riverains et leurs associations doivent répondre systématiquement. Loin d’être nuisibles à l’intérêt général et la transition écologique, les ouvrages des rivières en sont un outil.
Les moulins et étangs sont la principale cause de disparition des poissons migrateurs.
Faux. La recherche scientifique a montré que les poissons migrateurs comme le saumon et l’anguille étaient encore présents dans les têtes de bassin au début du 19e siècle, alors qu’il y avait déjà des centaines de milliers d’ouvrages en rivière sous l’Ancien régime. Le déclin des migrateurs depuis 150 ans est d’abord associé à la construction de grands barrages, à la pollution de l’eau, du sédiment et des estuaires, au changement climatique.
Les moulins et étangs sont les premières causes de mauvais état écologique des rivières.
Faux. Tous les travaux de recherche montrent que les deux premières causes d’un mauvais état écologique d’une rivière (au sens de la directive cadre européenne) sont les pollutions chimiques et l’occupation humaine du lit majeur du bassin versant. La morphologie (forme de la rivière) ne vient qu’ensuite et, au sein de la morphologie, ce ne sont pas les ouvrages hydrauliques qui ont le plus d’impact.
Les moulins et étangs sont nuisibles à la biodiversité.
Faux. Les ouvrages hydrauliques créent des milieux en eau (retenues, biefs, zones humides attenantes) qui accueillent des peuplements de faune et de flore. Les populations d’invertébrés et de poissons ne sont pas les mêmes dans une rivière avec ou sans ouvrage, mais cela n’implique pas en soi une disparition du vivant. De nombreux sites hydrauliques créés par les humains jadis sont classés ZNIEFF, Natura2000, Ramsar.
Les moulins et étangs aggravent les sécheresses.
Faux. C’est le contraire : tout ce qui favorise la rétention et la diversion de l’eau entre la source et la mer permet de nourrir en eau les sols, les aquifères, la végétation proche. Détruire des ouvrages en rivière incise les lits, baisse les nappes, renvoie plus vite l’eau à la mer comme si la rivière était un tuyau devant tout chasser très vite. De plus, un plan d'eau n'évapore pas davantage l'eau qu'une zone humide naturelle.
Les moulins et étangs aggravent les crues.
Faux. C’est là encore le contraire : le fait de retenir l’eau dans des dizaines de milliers de petits réservoirs et de la divertir vers des canaux latéraux tend à ralentir les ondes de crues, à réduire le risque d’inondation éclair à l’aval, à mieux gérer les épisodes de crues.
Les moulins et étangs polluent l’eau.
Faux. Loin de nuire à l’autoépuration comme l’ont indûment prétendu des autorités, les ralentissements d’écoulement liés aux ouvrages (des humains, des castors, des embâcles) sont favorables à la dépollution locale par minéralisation et bioaccumulation. En outre, les propriétaires d’ouvrages gèrent les déchets flottants envoyés dans l’eau par les riverains et usagers indélicats.
Les moulins et étangs nuisent à l’environnement.
Faux. La recherche scientifique a montré que les plans d’eau peu profonds peuvent rendre jusqu’à 39 services écosystémiques à la société. Il y a donc des bénéfices socio-environnementaux à ces ouvrages, l’important est de les gérer de manière informée et responsable, avec une bonne compréhension des enjeux écologiques, hydrologiques et sociétaux.
Les moulins et étangs représentent un potentiel d’énergie bas-carbone négligeable.
Faux. Une étude scientifique commandée par l’Europe a montré que la mobilisation de 25000 moulins français pourrait produire 4 TWh, soit la consommation électrique hors chauffage d’un million de foyers. Cette énergie hydraulique sur site déjà existant a le meilleur bilan carbone et matières premières. Et au moins deux fois plus d’ouvrages pourraient produire.
Les moulins et étangs sont sans usage.
Faux. Il existe un usage d’agrément massif par les propriétaires et les riverains des ouvrages hydrauliques et de leurs annexes, un engagement pour le petit patrimoine culturel, technique et paysager, une relance énergétique croissante de sites, une production alimentaire locale (farines traditionnelles, huiles, piscicultures). Il s’agit d’encourager et non décourager cette réappropriation utile et active du patrimoine.
Les moulins et étangs sont d’intérêt particulier, pas d’intérêt général.
Faux. Les ouvrages hydrauliques sont conformes à la gestion équilibrée et durable de l’eau telle que définie par la loi, expression de la volonté générale. Le Conseil constitutionnel a posé en 2022 que le patrimoine hydraulique et l’énergie hydro-électrique relèvent de l’intérêt général.
Pourquoi les moulins, forges, étangs ont-ils été diabolisés en France depuis 20 ans, au point qu’il y a eu une tentative pour les détruire systématiquement ? Parce que deux publics particuliers ont développé dans notre pays une idéologie simpliste et un harcèlement anti-ouvrages : certains pêcheurs de salmonidés qui ne supportent aucune entrave (supposée) à la maximisation des poissons liés à leur loisir (truite, saumon) ; les partisans intégristes du retour à la nature sauvage qui critiquent par principe toute présence humaine dans un milieu (cette approche militante pouvant inspirer des paradigmes scientifiques ou des expertises, ce qui n'ôte rien à son biais initial de militantisme). Hélas, les administrations liées au ministère de l’écologie (direction eau et biodiversité du ministère, agences de l’eau, office français de la biodiversité, direction régionale environnement, aménagement et logement, direction départementale des territoires et de la mer) ont repris les éléments de langage de ces publics pourtant très minoritaires et ont développé elles aussi une vision manichéenne, incomplète voire trompeuse sur les ouvrages hydrauliques. Un aspect non-dit de cette propagande : la France prend du retard dans la lutte contre la pollution de l’eau et pour la maîtrise de ses usages quantitatifs, donc faute d’avoir le courage d’affronter ces problèmes de fond, on détourne l’attention sur des sujets totalement secondaires, voire on désigne des boucs émissaires.
Ces pratiques de l’Etat et de ses administrations doivent non seulement cesser – d’autant qu’elles ont été condamnées à plusieurs reprises par les cours suprêmes de justice –, mais il convient que les politiques publiques à échelle nationale et territoriale s’engagent dans une vision positive des ouvrages hydrauliques au service de la transition écologique, énergétique et climatique. Les rivières du 21e siècle auront toujours des ouvrages hydrauliques de moulins, d'étangs mais aussi de barrages à divers usages. Et ceux-ci représentent un formidable atout pour baisser les émissions carbone, gérer le cycle de l’eau, relocaliser l’économie et les loisirs, assurer des habitats au vivant des zones aquatiques et humides.
Vos arguments sont très tranchés mais pour chaque question, il faut répondre vrai et faux et pas uniquement faux. Par exemple, sur l'aggravation de la sécheresse, il est quand même régulièrement constaté qu'en aval des plans d'eu sur cours d'eau les cours d'eau sont asséchés alors qu'ils coulent en amont. Avoir une surface en eau plus importante augmente le taux d'évaporation et à ce titre a une forte incidence sur la sécheresse des cours d'eau. Juste un constat facilement observable ces derniers jours sur les étangs notamment ceux ui n'ont plus d'alimentation en eau. Avec les fortes chaleurs la baisse était de 1 à 2 cm par jour
RépondreSupprimerNon, ce sont les arguments des fonctionnaires de syndicats, agences de l'eau, OFB, DREAL et DDT (on ne parle pas des lobbies) qui sont "très tranchés" : comme tels, ils sont faux dans leur généralité et dans leur prétendue autorité.
SupprimerAinsi, même dans votre exemple, le bilan d'évaporation d'un étang est moins élevé que le bilan d'évaporation d'une zone humide "naturelle" à échelle annuelle. Par ailleurs, des opérations très à la mode comme les reméandrages ont aussi un "mauvais" bilan d'évaporation puisque comme vous le savez, cela implique un écoulement plus lent, davantage de surface exposé à l'air / au rayonnement, une moindre profondeur.
Le problème est qu'un dogme a été posé (le moulin / l'étang est mauvais) et que certains se contentent de cumuler des arguments négatifs sans mentionner les arguments positifs, sans rappeler que le "négatif" existe en réalité aussi dans d'autres cas tout à faire "naturels", et surtout sans aucune hiérarchie des problèmes. Quand vous avez des rivières pompées, recalibrées, incisées, sans ripisylves, avec pollution agricole et domestique, faut arrêter la blague "mon dieu ce sont les ouvrages qui ont détruit la faune et la flore depuis les 30 glorieuses", absolument rien ne soutient cela, et tout démontre le contraire. C'est indigne d'avoir une telle attitude quand on parle au nom d'une autorité publique (les lobbies, on sait que ce sont des radicaux ayant une idéologie de la nature, c'est leur problème d'être dans l'excès et la propagande. Mais le service public, c'est censé être l'intérêt général et la prise en compte de tous les critères sociaux / environnementaux, pas l'extrémisme de la seule nature sauvage...)