Sur le Thouet, on a détruit des ouvrages hydrauliques mais la rivière ne fait pas ensuite ce qu'on attendait d'elle. Donc on remet près de 370 000 € de dépenses publiques au pot afin que les pelleteuses expliquent à la nature comment elle doit se comporter. Le tout avec des commentaires très autosatisfaits des responsables et techniciens du syndicat, mais sans aucun engagement clair pour les gains apportés à la société et aux riverains.
Les pelleteuses s'activent à nouveau sur la rivière Thouet, au niveau de la commune de Saint-Martin-de-Sanzay (Deux-Sèvres). S'agit-il d'une nouvelle destruction de chaussée de moulin ou de barrage de plan d'eau? Non, cette fois il s'agit de gérer les conséquences de ces travaux de démolition déjà effectués voici quelques années.
Problème : le profil de la rivière après la destruction des ouvrages et la disparition de leurs remous hydrauliques ne plaît pas à nos représentants officiels de la nature. Alors on reconvoque le BTP et ses pelleteuses pour créer le profil souhaité. "L'idée, c'est d'accompagner ce qu'aurait fait la nature sur plusieurs siècles", explique à la Nouvelle République le technicien de rivière. C'est formidable : on dit d'abord qu'il faut "renaturer", puis on constate que la "nature" ne fait pas ce qu'on espère, donc on change à nouveau le lit fluvial avec des engins mécaniques.
Coût de ces travaux : une bagatelle de 368 800 €, payés par le contribuable. Une somme s'ajoutant aux destructions des ouvrages, de leurs usages et de leurs plans d'eau.
L'argument entendu dans la décennie 2010 selon lequel un effacement d'ouvrage coûte moins cher qu'un aménagement de continuité avec respect de l'ouvrage est donc mensonger : faire disparaître l'ouvrage implique des interventions lourdes en amont et aval pour éviter les effets d'incision, maîtriser les nouveaux écoulements pour éviter des dommages aux tiers, parfois rehausser en urgence car l'eau manque l'été, etc.
Par ailleurs ces travaux sont le plus souvent faits sur la base d'hypothèses théoriques d'évolution des écoulements et des sédiments, sans modélisation dynamique du bassin versant, alors que ces paramètres dépendant d'autres choses que les ouvrages (l'évolution du climat, des usages des sols, des pompages de l'eau, etc.).
Quelques questions non posées par les journalistes :
- comment ces anciens et nouveaux travaux vont réagir aux sécheresses et aux crues de la "nature" qui est, faut-il le rappeler, un tout petit peu transformée par le changement hydroclimatique?
- les services écosystémiques du Thouet avec et sans ouvrage ont-ils été estimés de manière objective (sans oublier des services dans un cas et sans les exagérer dans d'autres) ?
- le suivi de biodiversité va-t-il concerner le lit mineur et majeur, toutes les espèces et non pas seulement quelques poissons et insectes d'eaux courantes?
- les citoyens ont-ils donné leur avis sur la rivière qu'ils souhaitaient, en étant correctement informés des différents enjeux, en se voyant proposer des alternatives, sans a priori?
- l'agence de l'eau respectait-elle l'avis des citoyens ou exerçait-elle un chantage financier en prévenant qu'elle ne paierait le taux maximum de subvention qu'en faveur de certains travaux et pas d'autres?
- quels sont les critères objectifs de succès que ces gestionnaires de l'eau s'engagent à suivre dans le temps, en prenant leur responsabilité face aux citoyens si les critères ne sont pas remplis?
- ces critères de succès correspondent-ils à un intérêt général conforme à la gestion équilibrée et durable de l'eau telle que définie par la loi, ou plutôt à une passion naturaliste sans base juridique claire?
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