Les saumons atlantiques connaissent une accélération de leur maturation et une réduction tendancielle de taille quand ils reviennent migrer en rivière, ce qui a des conséquences sur leur survie. Une étude norvégienne sur plus de 25 ans de suivi de dizaines de milliers de saumons suggère que cette évolution serait due au changement climatique affectant le plancton en zone arctique, où grossissent les saumons. Ce travail rappelle que la gestion des poissons migrateurs doit envisager l'avenir des populations en intégrant tous les facteurs causaux et les trajectoires probables des prochaines décennies.
Des études sur la croissance du saumon atlantique ont déjà révélé que sa taille selon l'âge a diminué dans de grandes parties de l'Atlantique Nord-Est, parallèlement à une réduction de la survie, affectant particulièrement les populations du sud de l'Europe. Plusieurs travaux ont suggéré que ces changements pourraient être liés au réchauffement des océans et aux changements du fonctionnement de l'écosystème marin. Knut Wiik Vollset ont compilé des données sur la croissance des poissons individuels au cours de leur première année en mer, qui correspond au stade de vie appelé post-smolt, soit le suivi de plus de 52 000 saumons atlantiques sur 180 rivières à travers la Norvège, entre 1989 et 2016.
Voici la conclusion à laquelle parvienne les chercheurs :
"Des données uniques sur la croissance de la longueur corporelle au cours des premiers mois en mer obtenues à partir de la lecture des écailles du saumon atlantique ont révélé une réduction brutale de la croissance en 2005 pour de nombreuses populations migrant à travers la mer de Norvège depuis le sud et le centre de la Norvège. Cette croissance réduite s'est accompagnée d'une baisse du nombre de saumons atlantiques qui sont retournés dans les rivières au cours de l'année suivante après avoir passé un an en mer (appelés saumons atlantiques à un seul hiver ou castillon).
Notre analyse a révélé une diminution océanographique coïncidente de l'étendue des eaux arctiques dans la mer de Norvège. Cette diminution des eaux arctiques a entraîné un réchauffement d'environ 1°C de la température, ce qui était corrélé à une réduction de près de 50 % de l'abondance du zooplancton avant l'émigration des smolts de saumon atlantique des rivières vers les régions de la mer de Norvège. Une réduction soudaine de la croissance corporelle a également été observée chez le maquereau bleu suite à cette réduction du plancton. Une croissance réduite du saumon atlantique vers 2005 a également été observée en France et en Écosse, suggérant que les facteurs affectant les populations du sud de la Norvège ont affecté les populations de saumon dans une vaste zone géographique.
Nous émettons l'hypothèse que le changement océanographique dans les eaux arctiques a provoqué un changement de régime synchrone entre les niveaux trophiques dans une vaste zone de l'océan Atlantique nord-est."
Ces graphiques montrent la simultanéité de divers phénomènes avec un changement apparent de régime autour de l'année 2005 : (A) Proportion de saumons atlantiques retournant sur les côtes norvégiennes pesant plus de 3 kg. (B) Proportion de saumons multi-mer-hiver (MSW) par rapport au nombre total de saumons revenant de l'océan Atlantique à différentes années vers l'Europe du Nord (en rouge) et du Sud (en bleu). (C) Proportion d'eau arctique dans la mer de Norvège en mai. (D) Température moyenne de la surface de la mer (SST) en mer de Norvège de janvier à mai. (E) Biomasse de zooplancton définie en grammes de poids sec par mètre carré. (F) Longueur du maquereau de 6 ans.
Référence : Vollset KW et al, Ecological regime shift in the Northeast Atlantic Ocean revealed from the unprecedented reduction in marine growth of Atlantic salmon , Science advances 8.9, eabk2542.
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