13/06/2023

La justice condamne et annule le programme de casse des ouvrages hydrauliques de l’agence de l’eau Seine-Normandie

Nouvelle victoire en justice ! Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise vient de prononcer l'illégalité et l'annulation partielle conséquente du programme de casse des ouvrages hydrauliques de l'agence de l'eau Seine-Normandie. Des procédures similaires sont déjà engagées sur les autres bassins du pays. La continuité écologique avait été transformée en programme de retour dogmatique à la rivière sauvage et de négation totale de la valeur du patrimoine hydraulique : c'est une nouvelle sanction de cette aberration. L'incroyable dérive de l'administration eau & biodiversité consistant à détruire les ouvrages des rivières au lieu de les aménager écologiquement se trouve donc privée de son principal outil de financement sur argent public. 


Par décision du n° 1904387 – 2207014 du 9 juin 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise saisi par Hydrauxois, la FFAM et de nombreux autres requérants associatifs vient de prononcer l’annulation partielle du programme d’aide à la destruction des ouvrages hydrauliques en rivières classées continuité écologique de l’agence de l’eau Seine-Normandie. 

Alors que la loi de 2021, faisant suite à dix années de troubles et de contentieux, avait clairement exprimé que la continuité écologique ne visait pas à détruire l’usage actuel et potentiel des ouvrages hydrauliques, l’agence de l’eau Seine-Normandie (comme ses consœurs) a continué de financer cette solution, et plus encore de la financer à un taux nettement avantageux de 80% de subvention. Soit une forte incitation à détruire au lieu d'aménager. 

Le tribunal condamne l’agence de l’eau en ces termes :
Sur les conclusions à fin d’annulation partielle de la délibération du 16 novembre 2021 :
18. Aux termes de l’article L. 214-17 du code de l'environnement tel que modifié par la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets : « I. - Après avis des conseils départementaux intéressés, des établissements publics territoriaux de bassin concernés, des comités de bassins et, en Corse, de l'Assemblée de Corse, l'autorité administrative établit, pour chaque bassin ou sous- bassin : (…) / 2° Une liste de cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux dans lesquels il est nécessaire d'assurer le transport suffisant des sédiments et la circulation des poissons migrateurs. Tout ouvrage doit y être géré, entretenu et équipé selon des règles définies par l'autorité administrative, en concertation avec le propriétaire ou, à défaut, l'exploitant, sans que puisse être remis en cause son usage actuel ou potentiel, en particulier aux fins de production d'énergie. S'agissant plus particulièrement des moulins à eau, l'entretien, la gestion et l'équipement des ouvrages de retenue sont les seules modalités prévues pour l'accomplissement des obligations relatives au franchissement par les poissons migrateurs et au transport suffisant des sédiments, à l'exclusion de toute autre, notamment de celles portant sur la destruction de ces ouvrages (…) ».

19. Les associations requérantes soutiennent que la délibération du 16 novembre 2021 révisant le 11ème programme pluriannuel d’intervention de l’agence de l’eau Seine- Normandie est devenue illégale du fait de la modification par la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, du 2° du I de l’article L. 214-17 du code de l'environnement.

20. Il ressort des pièces du dossier que le 2° du I de l’article L. 214-17 du code de l’environnement oblige désormais, s’agissant uniquement des ouvrages implantés sur les cours d’eau, parties de cours d’eau ou canaux, dans lesquels il est nécessaire d’assurer le transport suffisant des sédiments et la circulation des poissons migrateurs, figurant sur une liste établie par l’autorité administrative, à les entretenir, les gérer et les équiper, sans remettre en cause leur usage actuel ou potentiel, en particulier aux fins de production d'énergie, de sorte que ces mesures sont les seules modalités autorisées pour l'accomplissement des obligations relatives au transport suffisant des sédiments et à la circulation des poissons migrateurs, à l’exclusion plus particulièrement pour les moulins à eau de la destruction des ouvrages de retenue. Or, il ressort du point E.1 du programme pluriannuel d’intervention en litige qu’il prévoit la possibilité de financer de tels travaux de destruction, lorsqu’ils sont nécessaires à la restauration de la continuité écologique.

21. D’une part, si l’agence de l’eau Seine Normandie fait valoir en défense que les dispositions précitées de l’article L. 214-17 du code de l'environnement ne régissent pas directement l’attribution des aides encadrées par le 11ème programme révisé et que ce programme prévoit que les travaux financés doivent satisfaire aux obligations règlementaires, ces aides ne sauraient être attribuées en méconnaissance des dispositions législatives en vigueur à la date de l’adoption de la délibération attaquée et la seule réserve relative aux obligations règlementaires ne permet donc pas d’être interprétée comme ayant implicitement mais nécessairement exclu de son dispositif d’aides, les travaux ainsi prohibés par la loi.

22. D’autre part, l’agence de l’eau Seine-Normandie soulève en défense une exception d’inconventionnalité de la nouvelle rédaction de l’article L. 214-17 du code de l’environnement, qui serait contraire selon elle, au a) du 1 de l’article 4 de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau, qui fixe un objectif de prévention, de restauration et d’amélioration de l’état des masses d’eau de surface. Elle fait valoir que l’annexe V de cette directive fixe ainsi la continuité des rivières comme l’un des paramètres biologiques de la qualité de leur état écologique qui doit permettre une migration non perturbée des organismes aquatiques et le transport des sédiments. Cette nouvelle rédaction de la loi serait également, selon l’agence de l’eau, contraire, à l’article 2 du règlement (CE) n° 1100/2007 du Conseil du 18 septembre 2007 instituant des mesures de reconstitution du stock d’anguilles européennes et imposant notamment la mise en place de mesures structurelles visant à permettre le franchissement des rivières et le transport des anguilles argentées des eaux intérieures vers des eaux d’où elles peuvent migrer librement vers la mer des Sargasses. Il résulte toutefois des dispositions de l’article L. 214-17 que celles-ci limitent l’interdiction qu’elles instituent à la seule destruction des ouvrages ayant un usage actuel ou potentiel, en particulier aux fins de production d’énergie, comme modalité d’accomplissement des obligations environnementales relatives au franchissement par les poissons migrateurs et au transport suffisant des sédiments. Dans ces conditions, cette exception d’inconventionnalité, telle qu’elle est soulevée en défense, doit être écartée.

23. Dans ces conditions, le point E.1 du 11ème programme pluriannuel d’intervention, tel qu’approuvé par la délibération en litige, méconnait partiellement les dispositions du 2° du I de l’article L. 214-17 du code de l’environnement.

L’association Hydrauxois :
  • se félicite de la sanction des dérives de l’administration eau & biodiversité, qui a voulu persister dans un programme massif de destructions des ouvrages hydrauliques contraire à l’esprit et à la lettre de la loi française ;
  • observe que le mouvement des ouvrages hydrauliques et de leurs riverains avait raison de pointer ces dérives auprès des élus, des préfets, des médias, malgré les dénégations réflexes et mensongères du ministère de l'écologie quand il était interrogé à ce sujet;
  • appelle ses adhérents, les maîtres d’ouvrages, les collectifs et associations à demander immédiatement l’arrêt de toute destruction en cours d’ouvrage sur le bassin Seine-Normandie (rivières listes 2 ou listes 1- listes2), et en particulier à contester si nécessaire devant la justice son financement public ;
  • appelle les administrations de la république, et en particulier les préfets départementaux et préfets de bassin ainsi que la direction eau & biodiversité du ministère de l'écologie, à faire cesser les dérapages idéologiques internes et les prises de position des agents publics contraires aux lois du pays ;
  • appelle les élus de la république, et en particulier les parlementaires, à repenser et réviser la politique de l'eau et des rivières en incluant pleinement la valeur des ouvrages hydrauliques et leur contribution aux grands enjeux de notre temps : relocalisation économique, agrément social et paysager, gestion hydrologique des débits, production énergétique bas carbone, défense incendie, adaptation climatique, protection des biodiversités.
Des procédures similaires ont été engagées sur les 5 autres bassins hydrographiques de la France métropolitaine. 

Source : Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, décision du n° 1904387 – 2207014, 9 juin 2023

14 commentaires:

  1. L'essentiel est que l'on puisse continuer à démolir en dehors des Liste 2. La solution la plus simple n'est-elle pas tout simplement de supprimer les listes 2 pour couper court à tout contentieux ? C'est justement ce que veut la "politique apaisée" avec la montée en visibilité des "ouvrages prioritaires" ?

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    1. En effet. Mais l'administration eau & biodiversité ment aux parlementaires en leur disant "seulement 11% des rivières sont classées". Encore le nouveau patron de l'OFB récemment, cf notre article de la semaine dernière. Votre commentaire exemplifie ce mensonge : les militants de la casse déguisés en fonctionnaires de la république veulent en réalité tout démolir, ils contournent volontiers le classement. Donc nous expliquons aux parlementaires a) qu'on les prend pour des idiots et que le vrai programme est de tout casser ; b) qu'il faut en conséquence continuer à corriger le code en spécifiant que la continuité concerne seulement les rivières classées à cette fin (que le L211-1 CE renvoie explicitement au L214-17 CE). Cela viendra, patience.

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    2. Apparemment la CAA de Versailles ne semble pas très convaincu par vos arguments. Vous semblez moins diserts à commenter les décisions qui ne vous sont pas favorable alors que les motifs retenus par le TA de Cergy Pontoise semblent de pure forme au point que la CAA de Versaille les enjambe sans autre forme de procès ...si l'on peut dire...

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    3. A quel arrêt faites-vous allusion?

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  2. Au final il suffit de remplacer "doivent satisfaire aux obligations réglementaires" par "doivent satisfaire aux obligations légales et réglementaires" ? Facile !

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    1. Il suffit, il suffit... les conseilleurs ne sont pas les payeurs. Tous les travaux programmés au nom de ce PI sont a priori illégaux dans leur plan de financement : vous ferez des chèques aux maîtres d'ouvrage qu'on va attaquer en justice avec ajout de cet angle aux autres?

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  3. Les moulins sont concernés par la modification de la L214-7 pas les autres ouvrages qui ne servent à rien à par mettre du désordre.

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  4. Quand je lis ça je pense…


    On doit rien d’autre à faire et être vraiment des égoïstes à penser qu’à son patrimoine personnel et pas le patrimoine commun…

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    1. Opposition vide de sens. Des biefs, des canaux, des retenues, des étangs, des lacs... tout cela fait partie des paysages partagés et communs du territoire, tout cela peut avoir des usages et rendre des services (ce doit être l'objectif de la politique publique). Un propriétaire de moulin préserve transmet un bien d'une génération l'autre, dans un fil qui dure parfois depuis des siècles ; il n'a pas à le négliger ni le détruire.

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    2. Aucun moulin n’a à être détruit le bâtiment et les annexe n’ont rien fait de mal ce sont les ouvrages un jour peut-être vous arriverez à faire la différence

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    3. Pour la n-ième fois, un moulin se définit par l'utilisation de la puissance de l'eau, ce qui suppose un ouvrage et un bief. Sinon cela s'appelle une maison en zone inondable. L'ouvrage et le bief sont ce qui motive l'intérêt des uns et des autres, il est incompatible de vouloir les détruite et les conserver, donc il faut trancher. Par ailleurs, la loi française est claire : elle parle de ce que l'on doit faire des ouvrages hydrauliques, pas des bâtiments annexes du moulin.

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    4. Alors il va falloir revoir les bases : un moulin est outils qui sert un moudre, par extension on entends par moulin le bâtiment qui abrite la meule. Quelque soit la source d’énergie utilisé ou qu’elle ne soit pas utilisée. Un moulin restera toujours un moulin même sans force hydraulique disponible.

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    5. Vous pouvez couper les cheveux en 8 pendant longtemps, mais tout le monde parle de la même chose : l'ouvrage en rivière, la retenue, la chute, le canal, le régime juridique attenant... c'est cela l'enjeu parce que c'est cela que veulent conserver les propriétaires et riverains, c'est cela que veulent détruire les autres.

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