Après 6 années de procédure, l’association Hydrauxois obtient enfin la condamnation par la justice de l’opération de destruction et assèchement de l’étang de Bussières : ce magnifique patrimoine hydraulique et écologique des marges du Morvan avait été détruit dans des conditions opaques, en absence de toute étude environnementale et de toute enquête publique. Il va sans dire que cette décision légitime la défiance que l’on peut avoir envers une administration eau & biodiversité qui a engagé depuis la décennie 2010 une longue dérive sur le dossier de la continuité écologique des cours d’eau. Nous attendons des préfets un rappel à l’ordre de leurs agents comme des fédérations de pêche à agrément public.
Rappelons les faits : la fédération de l’Yonne pour la pêche et la protection du milieu aquatique (FYPPMA) a acquis en 2015 de l’étang de Bussières, situé sur le passage de la rivière la Romanée, sur le territoire de la commune de Bussières (Yonne). Ce site était dans une zone nationale d’intérêt écologique faunistique et floristique (ZNIEFF) de type 2, notamment classée en raison des habitats des marges et queues d’étang. Outre sa belle biodiversité, l’étang de Bussières apportait une précieuse réserve d’eau sur un bassin où la rivière est souvent à sec en été. Déjà présent sous l’Ancien Régime, c’était aussi un beau patrimoine hydraulique et paysager.
Devenue propriétaire, la fédération de pêche de l’Yonne a informé le directeur départemental des territoires de l’Yonne de son intention de réaliser une vidange complète de l’étang à la fin du mois d’octobre 2017, en vue de son effacement ultérieur. A la suite de la vidange de l’étang, la FYPPMA a sollicité, le 27 novembre 2017, l’autorisation de réaliser des travaux présentant un caractère d’urgence sur la Romanée : la préfecture a accepté sans même que soit déposé un dossier de déclaration au titre de la loi sur l’eau, conformément aux dispositions de l’article R. 214-44 du code de l’environnement. Enfin, par un courrier du 13 mars 2018, le directeur départemental des territoires a indiqué à la fédération qu’il ne comptait pas faire opposition à la déclaration déposée le 10 janvier 2018 aux fins de détruire la digue de l’étang de Bussières.
Par ce subterfuge d’une série d’actes pris isolément, alors même que le but de la destruction de ce magnifique étang était établi dès le départ et avait fait l’objet d’une subvention publique de l’agence de l’eau, la fédération de pêche de l’Yonne et la préfecture ont sciemment contourné l’article R. 214-42 du code de l’environnement, dont les termes comme le rappelle le conseil d’Etat «impliquent que le pétitionnaire saisisse l’administration d’une demande unique pour les projets qui forment ensemble une même opération lorsque cette dernière, prise dans son ensemble, dépasse le seuil fixé par la nomenclature des opérations ou activités soumises à autorisation ou à déclaration et dès lors que ces projets dépendent de la même personne, exploitation ou établissement et concernent le même milieu aquatique, y compris lorsqu’il est prévu de les réaliser successivement.»
Le tribunal administratif de Dijon puis la cour administrative d’appel de Lyon n’avaient pas retenu cette interprétation. Ces jugements sont censurés par le conseil d’Etat : «En statuant ainsi, alors qu’il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis, et notamment de la demande adressée le 5 octobre 2017 par la fédération départementale de pêche au directeur départemental des territoires, que la vidange de l’étang était d’emblée envisagée en vue de l’effacement du plan d’eau et que les travaux de vidange et de curage des sédiments et la destruction de la digue avaient pour finalité la suppression définitive de cet étang, afin de permettre à la rivière La Romanée de s’écouler sans retenue, la cour administrative d’appel a inexactement qualifié les faits de l’espèce.»
L’Etat est donc condamné dans cette triste affaire, qui est renvoyée à la cour administrative d’appel de Lyon.
Quelques observations
L’association Hydrauxois est satisfaite que justice soit rendue. Elle déplore que les services de l’Etat et la fédération de pêche de l’Yonne, cette dernière disposant d’un agrément public, se soient comportés en se croyant au-dessus des lois sous prétexte qu’il était question de supposé rétablissement de la continuité écologique ou de "renaturation". Nous avions saisi en urgence la DDT de l'Yonne sur les anomalies de ce dossier, sans succès, comme nous avions alerté l'OFB de Bourgogne Franche-Comté, également sans effet. Nous avions pourtant raison.
Le fait d’avoir perdu aux deux premières instances mais gagné au conseil d’Etat rappelle à tous les plaignants de ce genre d’affaire (nombreux en France) qu’il faut s’engager en justice en prévoyant d'aller jusqu’au terme de la procédure : ce n’est pas la première fois que le conseil d’Etat donne raison à des riverains, collectivités et propriétaires d’ouvrages hydrauliques malgré des avis contraires des cours inférieures.
Enfin, un seul moyen juridique suffisant à casser en droit un jugement ou à annuler un texte attaqué, le conseil d'Etat n'a malheureusement pas apprécié nos autres arguments sur la valeur intrinsèque de l'étang comme zone humide et comme milieu d'intérêt écologique. Mais d'autres contentieux sont en cours qui, espérons-le, nous permettront d'obtenir un arrêt sur ce point. Car le fond du problème est là: on dilapide l'argent public à détruire des milieux aquatiques utiles et appréciés, au bénéfice d'une vision marginale du retour à la nature sauvage n'ayant jamais été inscrite comme telle dans le droit français, et au détriment de l'investissement pour réduire les vrais impacts dégradant l'eau.
Pour la suite sur l'étang de Bussières, nous demanderons à la cour d’appel de Lyon d’ordonner la remise en état du site illégalement détruit.
Source : Conseil d’Etat, arrêt n°460964, 8 mars 2024
Engageons-nous pour le retour en eau de ce magnifique site!
Une bête question de forme: on va droit à une régularisation puisque le CE semble admettre qu'aucun seuil n'est dépassé et qu'il s'agissait bien d'une pisciculture ... a moins que l'administration face jouer la nouvelle rubrique 3.3.5.0 dans sa formulation excluant le risque inondation ?
RépondreSupprimerCela étant, c'est une excellente jurisprudence qui évitera toute tentative de saucissonnage de ceux qui se risqueraient à remettre en état un seuil en rivière ....
La CCA Lyon jugera sur le fond. Ensuite la Fédé pêche et la préfecture tenteront de régulariser après coup. Mais nous pourrons redéposer notre plainte pénale qui avait été classée sans suite, position que le procureur aura davantage de mal à tenir avec l'élément nouveau de l'illégalité des travaux. Car des gens ont sciemment détruit un site et organisé des travaux de manière illégale pour ne pas avoir à justifier leur destruction, à informer le public, à étudier l'écosystème local, nous voulons que tout cela soit sanctionné.
SupprimerBonjour,
Supprimerle sujet de fond est que les dossiers de destructions d'ouvrages par les collectivités et Fédérations de pêches résultent de dossiers instruits avec grande complaisance et sont financés; les dossiers présentés par des particuliers sont instruits à charge, à la loupe, et rien ne trouve grâce à l'administration qui fait tout pour dissuader le porteur de projet.
Ainsi, l'instruction des les milliers de dossiers édulcorés de destructions d'ouvrages, sans aucune analyse multicritère exhaustive, sans étude environnementale laisse un goût très amer au titre de cette iniquité face à la loi.
Les éléments à apprécier sont toujours identiques, mais à géométrie variable : inaceptables un jour pour l'un, très favorables le lendemain pour l'autre. C'est insupportable et le principe biaisé de la mise en oeuvre de la continuité écologique a provoqué un recul de 30 ans de la confiance que les propriétaires d'ouvrages avaient en leur administration.
C'est pour permettre ce type d'enjambement du code de l'environnement que la nomenclature a été modifiée, pour alléger les instructions de dossiers "destruction" ...alors que les dossiers "déclaration de travaux" d'aménagements sont plombés de prescriptions spéciales très lourdes et dissuasives sous couvert de la "gestion équilibrée de la ressource en eau".
SupprimerC'est truculent de voir ainsi les partisans de la continuité écologique destructrice présenter comme une décision intéressante pour leurs intérêts, ce qui en réalité est une fessée... sanction de leurs illégalités
RépondreSupprimerY a une chose que je ne comprends pas pourquoi un étang sans marnage permet d'avoir des zones humides. Les surfaces permanentes en eau ne sont pas des zones humides...
RépondreSupprimerLe marnage n'est nullement un critère de définition de la zone humide, ni en écologie ni en droit.
SupprimerAccessoirement, les queues, berges et annexes d'étang sont soumis à des effets de marnage puisque le niveau n'est pas le même en saison sèche et pluvieuse. Ces zones étaient photographiquement documentées puis localement inventoriées.
Si le niveau n'est pas le même en saison sèche et pluvieuse ça veut forcément dire en saison sèche qu'il y n'y avait plus d'arrivé d'eau (ou très peu) et/ou de départ d'eau à l'aval de l'étang ; sauf si une personne baissait le niveau volontairement par un mécanisme. Mais en temps normal il n'y a pas de marnage. Effectivement le critère de marnage n'est pas la définition de zone humide, mais une surface submergée ne peut pas être considérée comme une zone humide. D'ailleurs la création d'un étang dans une zone humide détruit de la zone humide.
Supprimera) Le marnage n'est donc pas une définition d'une zone humide.
Supprimerb) Les étangs (naturels ou artificiels) sont couramment définis comme zones humides dans la littérature spécialisée, voir par exemple la classification Ramsar (classe : human-made inland systems).
c) les arguties pour essayer d'exclure tout ce qui est d'origine humaine des milieux d'intérêt sont fatigantes et inutiles. Ceux qui y ont recours devraient plutôt se poser des questions sur leur représentation faussée de "la nature".
Avec plus d'1 mètres de profondeur les plantes hygrophyle ne poussent pas et même rien ne pousse. Je m'en contrefiche de l'aspect naturel ou artificiel. Aussi même titre que je n'irai pas dire que sauf les abords le lac d'Annecy, de Chalain ...ne sont pas des zones humides
SupprimerCertaines plantes ne poussent pas à certaines profondeurs... et alors? Arrêtons là cet échange absurde.
SupprimerRira bien qui rira le dernier... C'est un jugement sur la forme qui n'a absolument pas pour effet d'invalider sur le fond le principe d'effacement de l'étang. Vous menez un combat d'arrière-garde et de petits intérêts mesquins. Voyez comme les étangs se sont évaporés en 2022 ! Le changement climatique emportera tout et ce sera la fin des étangs et des barrages.
RépondreSupprimerIl ne s'agit pas de "rire" mais d'arrêter des méthodes de malfaisants voulant échapper aux contraintes de la loi, contraintes dont la Fédé Pêche 89, la DDT et l'OFB avaient été parfaitement informés.
SupprimerQuant au changement climatique, les rivières stupidement privées de réservoirs et retenues par les casseurs d'ouvrages sont en assec ou en filet d'eau chaude et polluée... bravo le résultat ! Cf le Vicoin, cf la Vire, etc. Et cf en l'espèce la Romanée qui n'échappe nullement aux assecs à l'aval de Bussières après effacement de l'étang, ce qui a été documenté.
Ce changement emporte aussi bien les gens qui rêvent dans un bureau au retour d'une nature idéalisée des siècles passés alors que justement, les hydrosystèmes changent beaucoup et vont encore beaucoup changer.
Bref, vos vues datées correspondent à des croyances et des normes de la période 1970-2000, il faut d'urgence qu'elles soient amendées dans les politiques publiques car les enjeux bougent, tout comme la compréhension et les aspirations des citoyens.
Je ne comprends pas c'est plutôt l'inverse. Les étangs réchauffent les eaux et permettent plus facilement l'évaporation de l'eau. Ainsi si vous avez un peu d'eau qui rentre dans l'etangs y a rien qui en ressort. Donc ça agrave les assecs. Les étangs ont un intérêt seulement si les propriétaires relâchent une partie de l'eau en période sèche via un moine hydraulique. Mais quasiment personne ne le fait. Il faut travailler d'abord sur la gestion des plans d'eau.
SupprimerLe bilan hydrologique d'un plan d'eau (de n'importe quel hydrosystème) ne se limite pas à la question de l'évaporation (ni à la saison estivale).
SupprimerQuelle magnifique rivière depuis l’effacement de l’étang. C’est étonnant les vairons, truitelles, goujons sont de retour et toutes la biodiversité qui était perdu à cause d’un étang plus que mal géré laissant la rivière asséchée les été. L’eau est aussi plus froide et bien oxygénée.
SupprimerMais ça, vous ne le mentionner pas puisque que ça ne vous arrange pas !
Vous publiez des photos d’un bel étang et d’une rivière asphyxiée. Moi j’ai l’inverse, des photos de l’étang asphyxié et maintenant de magnifiques photos d’une rivière qui ne retient plus le sable si précieux pour la vie aquatique.
Vous n’avez pas connu cette rivière avant, vous engager des procédures pour vos convictions mais c’est pas celle des locaux qui connaissent cette rivière.
On connaît bien la Romanée. la plupart de son cours est ce que vous appelez "magnifique rivière" car vous avez une préférence pour les milieux lotiques. Vous êtes comblé, cela représente sans doute 80% du cours de la Romanée de la source à la confluence avec le Cousin. Mais comme vus êtes un intégriste, il vous faut 100%, vous avez la haine viscérale des milieux aménagés par les humains. En attendant, vous menez des chantiers illégaux et la justice vous condamne. Changez d'attitude, la prochaine étape sera le pénal.
SupprimerBravo pour votre ténacité et cette victoire!
RépondreSupprimerje ne pourrais dire mieux.
SupprimerBravo pour le travail réalisé par cette association. Quand on sait que 5% de la population pense (encore) que la terre est plate, il ne faut pas s'étonner du haut niveau d'argumentation de ces ayatollah de l'écologie.... La main de l'homme : il faut effacer !
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