11/04/2025

Entre promesses politiques et réalités de terrain, le grand écart des choix publics sur l'hydro-électricité

L'État français veut officiellement relancer l'hydroélectricité dans sa programmation pluriannuelle de l'énergie 2025-2035, socle de la stratégie climat et énergie du pays. Mais sur le terrain, la lourdeur réglementaire et l'attitude des administrations chargées de l'eau et de la biodiversité entravent les projets. Un double langage qui met en doute la cohérence intellectuelle et la sincérité politique de la parole publique sur cet enjeu hydro-électrique. 


Prise d'eau d'une petite centrale hydro-électrique (source Guilhem Vellut CC)

La Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) pour 2025-2035 affiche clairement son soutien à l'hydroélectricité, avec l'objectif ambitieux d'accroître les capacités de production de près de 2,8 GW d'ici 2035, principalement par l'optimisation des installations existantes, notamment celles de petite et moyenne puissance. Le texte officiel de la PPE insiste même sur la nécessité de privilégier des projets à faible impact environnemental et souligne l'importance stratégique des stations de transfert d'énergie par pompage (STEP) pour la flexibilité et la résilience énergétique du pays. Vous pouvez lire en fin d'article l'extrait concerné. 

Toutefois, sur le terrain, la réalité est bien différente. 

Alors que l'État français affirme vouloir relancer l'hydroélectricité, en particulier les petites installations issues de barrages historiques, d'anciens moulins et petites usines hydrauliques, l'administration concrète de ces projets rencontre de sérieuses difficultés. En effet, l'instruction des dossiers hydroélectriques ne relève plus, comme auparavant, des services spécialisés du ministère de l'Industrie, mais dépend désormais des services eau et biodiversité du ministère de l'Écologie, principalement les directions départementales des territoires et de la mer (DDT-M), l'Office français de la biodiversité (OFB) ainsi que les Agences de l'eau.

Ces administrations, dont les agents ne sont souvent pas formés aux enjeux spécifiques de l'hydroélectricité, manifestent en général un certain désintérêt envers les petits ouvrages hydroélectriques. Quand ce n'est pas une franche hostilité, car tout barrage est lu comme "obstacle à l'écoulement" avant d'être analysé pour son usage. Trop influencés par leur spécialisation sur les questions écologiques, hydrologiques et biologiques, ces services adoptent fréquemment une attitude restrictive, multipliant les demandes réglementaires complexes, les contrôles excessifs, les exigences dénuées de réalisme économique et les procédures chronophages. 

Résultat : des projets pourtant essentiels à la transition énergétique et au respect des objectifs climatiques fixés par l'État sont systématiquement ralentis ou entravés.

Pour que l'ambition affichée par la PPE se traduise concrètement sur le terrain, il est indispensable de restaurer une cohérence administrative forte. Les services instructeurs de l'eau doivent désormais adopter une posture de soutien actif, simplifier les procédures réglementaires, former leurs agents spécifiquement aux enjeux techniques et économiques liés à l'hydroélectricité. Les schémas d'aménagement de l'eau (SDAGE pour les grands bassins et SAGE pour les petits) ont vocation à refléter un soutien actif à cette filière, qui est un usage légitime de l'eau, reconnu par la loi comme d'intérêt public et écologique. Avec un réel potentiel de développement, contrairement à ce que dit une légende forgée dans le années 1980 par des lobbies hostiles

À défaut d'une telle réorientation, le soutien officiel du gouvernement restera lettre morte, mettant en péril non seulement la réussite des objectifs énergétiques nationaux, mais aussi la crédibilité des politiques publiques françaises en matière de transition écologique.

Extrait du texte de la PPE 2025-2035 soumis à consultation publique

"L’hydroélectricité constitue aujourd’hui la première source d’électricité renouvelable de l’Hexagone  (plus de 40 % de la production électrique renouvelable et une puissance totale de 25,9 GW en 2023), l’objectif sera d’augmenter les capacités installées de 2,8 GW à horizon 2035, en grande partie sur des installations existantes. Ces 2,8 GW incluront environ 1 700 MW de stations de transfert d’énergie par pompage - essentielles pour accroître notre capacité de stockage d'électricité - et à titre indicatif, de l’ordre de 610 MW sur des installations de plus de 4,5 MW et 440 MW sur des installations de moins de 4,5 MW.

Le troisième plan national d’adaptation au changement climatique prévoit plusieurs actions permettant d’assurer la résilience des installations de production d’hydroélectricité tout en maintenant un haut niveau de production sont envisagées dans le cadre d’une gestion du parc rassemblant des ouvrages d’âges variés : 
i. Poursuivre l’intégration par les exploitants des études pour estimer les conséquences du changement climatique sur l’hydrologie (Explore2 et ses dérivées). 
ii. Poursuivre la prise en compte des effets du changement climatique, au titre de la sureté des ouvrages, notamment au travers des mises à jour régulières des études de dangers et de la mise en conformité des ouvrages hydrauliques. 
iii. Intégrer les autres enjeux autour de la ressource en eau au sein des retenues hydroélectriques, avec des études sur le sujet des STEP à vocation multi-usage.

AUGMENTER LES CAPACITES HYDROELECTRIQUES ET LA FLEXIBILITE DU PARC CONCEDE (Y COMPRIS STEP)

Augmenter les capacités de grande hydroélectricité (au-delà de 4.5 MW – et incluant le développement des STEP) de près de 2 300 MW d’ici 2035, notamment par l’optimisation et le suréquipement d’aménagements existants à travers, par exemple, l’adaptation du cadre règlementaire et économique existant et la résolution des précontentieux autour du renouvellement des concessions hydroélectriques.

Poursuivre les appels d’offres ou les arrêtés tarifaires pour accompagner le développement de la petite hydroélectricité et mettre en place un dispositif de soutien à la rénovation des installations hydroélectriques autorisées en fonctionnement, pour augmenter les capacités de près de 440 MW d’ici 2035, en maintenant un haut niveau de protection de la biodiversité et de fonctionnalités naturelles des cours d’eau, en privilégiant les projets avec le moins d’impacts sur les milieux aquatiques et la qualité des eaux, en cohérence avec les engagements européens de la France." 

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