Alors que la relance des ouvrages hydrauliques anciens pourrait contribuer à la transition écologique, à la résilience des territoires et à la souveraineté énergétique, ces projets se heurtent encore et toujours à une multitude de blocages administratifs. L’association Hydrauxois dénonce un excès de complexité, une culture du soupçon, un antagonisme organisé entre protection de la nature et usages de l’eau. Le gouvernement comme le législateur doivent faire cesser ces troubles qui viennent au premier chef des dérives des services publics concernés.
En France, de nombreux ouvrages hydrauliques anciens — moulins, forges, étangs piscicoles, plans d’eau, petits barrages, usines hydroélectriques — ont été construits bien avant la loi sur l’eau de 1992. pour beaucoup avant le 20e siècle et même avant la Révolution. Ces ouvrages, déjà autorisés, sont souvent fondés en titre ou disposent d’une reconnaissance antérieure de leur existence et de leur usage. Pourtant, leur relance, notamment à des fins de production hydroélectrique, piscicole ou d’agrément, est aujourd’hui entravée par une multitude de contraintes administratives.
Le harcèlement réglementaire des ouvrages hydrauliques déjà autorisés
Les services de l’État en charge de l’eau et de la biodiversité — DREAL, DDT-M, Office français de la biodiversité (OFB), Agences de l’eau — comme souvent ceux des syndicats de rivière multiplient les obstacles qui rendent les démarches longues, coûteuses et incertaines. Alors même que ces ouvrages sont en place, légalement fondés et potentiellement utiles dans le contexte de la transition énergétique, de l'adaptation au changement climatique ou de la préservation des usages ruraux, les procédures deviennent un véritable parcours du combattant.
Parmi les problèmes fréquemment rencontrés :
- des contestations sur la reconnaissance du droit fondé en titre ;
- des remises en question de la consistance légale de l’ouvrage (hauteur, débit dérivé, puissance exploitable) ;
- des exigences exagérées sur les débits réservés, souvent supérieurs au seuil de 10 % prévu par la loi ;
- des demandes de justification disproportionnées, parfois sur des données anciennes ou impossibles à reconstituer ;
- des délais d’instruction excessifs, souvent suivis de demandes de compléments sans fin ;
- des avis techniques défavorables sans prise en compte des réalités historiques, juridiques et locales ;
- des objectifs maximalistes d'absence d'impact impossibles à tenir car ils signifieraient l'absence d'ouvrage ;
- des qualifications de certaines rivières comme "réservoirs biologiques" sans preuve et sans démonstration que l'ouvrage aurait mis en péril cette fonction de réservoir ;
- un manque de coordination entre services, chacun pouvant bloquer à son niveau la relance d’un ouvrage.
La situation n'est pas la même partout. Parfois, des services administratifs font preuve de bon sens et de rapidité dans la relance de sites anciens. Mais cette disparité est encore plus pénible à vivre car cela signifie que l'arbitraire d'un service instructeur local peut rendre une situation invivable alors qu'elle est tout à fait paisible ailleurs. L'égalité devant le charges publiques est pourtant inscrite dans la mentalité française de longue date... L'attitude négative de certains agents publics s'apparentent davantage à un militantisme au service d'une vision radicale de l'écologie qu'à la gestion "durable et équilibrée" de l'eau telle que la loi l'avait prévue. Cela décrédibilise l'action publique, déjà perçue comme coupée des réalités vécues.
Cette situation engendre une insécurité juridique permanente pour les maîtres d'ouvrage (particuliers, entreprises ou communes), avec une accumulation de coûts et de procédures rendant quasi-impossible la relance de nombreux sites. Elle contribue à décourager les porteurs de projets, à freiner des initiatives locales vertueuses, à entretenir une forme de harcèlement administratif vis-à-vis d’ouvrages pourtant inscrits de longue date dans le paysage urbain comme rural.
Pour une réforme législative et administrative des usages hydrauliques
Face aux blocages répétés auxquels sont confrontés les porteurs de projets de relance d’ouvrages hydrauliques déjà autorisés, il devient indispensable d’engager une double réforme : au niveau législatif d’une part, au niveau réglementaire et administratif d’autre part. Le retour d’expérience des dernières décennies montre que la complexité actuelle n’est plus tenable et que, malgré les efforts affihés d'apaisement, le gouvernement n'est pas apable d'une direction politique de son administration eau & biodiversité.
1. Réviser les lois sur l’eau en renouant avec la culture des usages hydrauliques
Le cadre législatif européen (Directive cadre sur l’eau, règlement sur la restauration de la nature) comme le cadre national (loi sur l’eau de 1992, loi sur l’eau et les milieux aquatiques de 2006, etc.) ont accumulé, au fil des années, une série de dispositions protectrices de l’environnement qui, bien que justifiées par leur intention, ont fini par engendrer une surcouche normative difficilement applicable sur le terrain. Elles sont aussi multiplié des couches administratives complexes, avec découragement des acteurs locaux à participer tant les normes et les financements sont enchevêtrés.
Il est temps de réinterroger cette législation à la lumière des enjeux contemporains : souveraineté énergétique, relocalisation alimentaire, gestion durable des ressources. Une meilleure hiérarchisation des objectifs est nécessaire : la protection de la biodiversité est légitime mais elle ne peut se faire au détriment systématique de tout usage humain de l’eau, notamment lorsqu’il s’agit de relancer des ouvrages existants, sans artificialisation nouvelle ni destruction d’habitat. La loi devrait consacrer cette hiérarchie et reconnaître explicitement la valeur patrimoniale, énergétique, agricole ou paysagère de ces infrastructures anciennes. Les normes doivent être hiérarchisées dans le code de l'environnement, et les priorités doivent être opposables à l'administration sans contradiction possible. Le flou de la loi est la première cause de l'arbitraire règlementaire.
2. Simplifier les procédures administratives de relance
Au-delà de la loi, c’est dans la pratique administrative que s’exerce le plus souvent le blocage. Les services déconcentrés de l’État (DDT-M, DREAL), l’OFB, les agences de l’eau imposent des procédures longues, complexes et souvent disproportionnées par rapport aux enjeux réels des projets et aux capacités des maîtres d'ouvrage. Chacun appuie sur un bouton pour exiger des études innombrables autour de chaque projet, come si un site déjà en place avait des impacts nouveaux conséquent et comme si l'argent magique pouvait payer ces exigences non fondées sur des enjeux écologiques de première importance. Il est urgent de rétablir un cadre plus fluide, plus cohérent, et plus réaliste.
Cela passe d’abord par la fixation de délais stricts et contraignants pour l’instruction des demandes. Un projet de relance d’un ouvrage déjà autorisé ne devrait pas faire l’objet de procédures étalées sur plusieurs années : l'absence de réponse au bout de deux mois doit valoir approbation et la préfecture doit s'engager à une liste initiale réduite de demandes, qui n'évolue plus de manière arbitraire au fil des échanges.
Ensuite, les agents en charge de ces dossiers doivent être formés à une lecture réaliste des territoires : il ne s’agit pas ici de restaurer des cours d’eau sauvages, mais de gérer intelligemment des milieux anthropisés de longue date, où coexistent des enjeux multiples. Les agents de l'OFB en particulier vivent trop souvent dans une tour d'ivoire naturaliste où l'histoire, la société, la culture, le paysage, l'économie ne sont pas des réalités au même tire que la faune et la flore.
Enfin, une culture du bon sens doit être restaurée au sein des services, là aussi par des instructions claires du gouvernement des formations des agents : ne pas exiger des études interminables pour des installations modestes, ne pas multiplier les demandes de compléments absurdes, reconnaître les spécificités des ouvrages anciens sans chercher à les faire entrer de force dans des cadres conçus pour des projets neufs, associer toute exigence de charge d'intérêt général à un financement prévu pour cela dans les contrats de rivière, les SAGE, les SDAGE.
Il y a, dans l’administration actuelle eau & biodiversité, une difficulté d’acceptation de la réalité des rivières transformées par l’histoire humaine : cette posture doit évoluer ar l'expérience montre qu'elle est incapable de garantir une gestion inclusive et apaisée des ouvrages des rivières.
Un appel à la mobilisation des acteurs de terrain
L’association Hydrauxois souhaite lancer un appel à l’ensemble du mouvement des ouvrages hydrauliques : moulins, forges, étangs piscicoles, plans d’eau d’agrément, canaux d’irrigation, petits barrages, et autres dispositifs traditionnels ou récents qui structurent encore nos vallées et nos territoires. Tous ces ouvrages sont aujourd’hui concernés par des pratiques administratives qui freinent, voire empêchent, leur relance, leur entretien ou leur modernisation.
Il est impératif que ce réseau d’acteurs se mobilise pour faire remonter, sans relâche, les réalités du terrain auprès des députés et sénateurs, afin qu’ils prennent pleinement conscience de l’ampleur des blocages, de leur caractère systémique et de leur coût humain, écologique et économique. Chaque situation concrète — chaque dossier ralenti, chaque projet abandonné, chaque propriétaire découragé — doit devenir un levier d’alerte.
Par ailleurs, les préfets doivent être saisis systématiquement lorsque les services placés sous leur autorité persévèrent dans une logique de blocage. Il en va de la crédibilité de l’État et de la confiance que peuvent accorder les citoyens aux institutions : le cadre réglementaire, même lorsqu’il est imparfait, doit être appliqué avec discernement, et non instrumentalisé pour freiner des projets légitimes.
La gestion de l’eau et des rivières ne peut rester un champ de conflits permanents. Elle doit redevenir un sujet de coopération intelligente, fondée sur la reconnaissance des usages anciens, la prise en compte des enjeux contemporains, le respect mutuel entre administrations, citoyens et territoires.
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