28/11/2022
Pluies et sécheresses en France, ce que les modèles climatiques prévoient pour ce siècle
25/07/2022
Probable augmentation des rivières à sec en France au cours du siècle (Sauquet et al 2021)
« À mesure que le climat change, les cours d'eau d'amont pérennes pourraient devenir intermittents et les rivières intermittentes pourraient s'assécher plus souvent en raison de sécheresses plus graves.Un schéma de modélisation soutenu par des observations sur le terrain a été appliqué pour évaluer la probabilité d'assèchement dans les eaux d'amont à l'échelle régionale (Pd) sous condition de changement climatique. Les relations empiriques entre la gravité des faibles débits et les proportions observées d'états sans débit ont été calibrées pour 22 hydro-écorégions dans les conditions actuelles. Ces relations ont été appliquées à l'aide de données de débit journalier sur un large ensemble de stations de jaugeage simulées par le modèle hydrologique Modèle du Génie Rural à 6 paramètres Journalier (GR6J) sous les scénarios d'émission RCP2.6 et RCP8.5.Les résultats suggèrent un modèle spatial plus contrasté à l'avenir que dans les conditions actuelles. Les changements notables incluent l'augmentation de l'étendue et de la durée de l'assèchement, en particulier dans les régions où les probabilités d'assèchement sont historiquement élevées et les changements de saisonnalité dans les régions alpines. Les écosystèmes aquatiques connaîtront des conditions hydrologiques sans précédent, qui pourraient entraîner des pertes de fonctions écosystémiques. »
22/02/2022
Quels poissons reviennent après suppression d'ouvrages en rivières intermittentes? (Kukuła et Bylak 2022)
24/06/2021
La moitié des rivières connaît des assecs dans le monde, une discontinuité qui devrait s'amplifier (Messager et al 2021)
"Les eaux vives ont un rôle unique dans le soutien de la biodiversité mondiale, des cycles biogéochimiques et des sociétés humaines. Bien que l'importance des cours d'eau permanents soit bien reconnue, la prévalence, la valeur et le devenir des rivières et des ruisseaux non pérennes qui cessent périodiquement de couler ont tendance à être négligés, voire ignorés. Cet oubli contribue à la dégradation de la principale source d'eau et des moyens de subsistance de millions de personnes. Ici, nous prédisons que l'eau cessera de couler pendant au moins un jour par an le long de 51 à 60 % des rivières du monde en longueur, démontrant que les rivières et les ruisseaux non pérennes sont la règle plutôt que l'exception sur Terre. En tirant parti des données mondiales sur l'hydrologie, le climat, la géologie et la couverture terrestre environnante du réseau fluvial de la Terre, nous montrons que les rivières non pérennes se produisent dans tous les climats et biomes, et sur tous les continents. Nos résultats remettent en question les hypothèses qui sous-tendent les concepts fondamentaux des rivières dans toutes les disciplines scientifiques. Pour comprendre et gérer adéquatement les eaux courantes du monde, leur biodiversité et leur intégrité fonctionnelle, un changement de paradigme est nécessaire vers un nouveau modèle conceptuel des rivières qui inclut l'intermittence des débits. En cartographiant la répartition des rivières et des ruisseaux non pérennes, nous fournissons un tremplin pour relever ce grand défi de la science de l'eau douce."
23/12/2020
Les fragmentations des rivières par assecs baissent la biodiversité aquatique (Gauthier et al 2020)
11/09/2020
Assèchement de la petite Seine à Pothières, du jamais vu de mémoire d'habitants
Pierre Potherat, lanceur d'alerte de la dégradation des têtes de bassin en Nord Bourgogne, nous fait parvenir un témoignage et une analyse sur la disparition d'un bras de Seine dans le Châtillonnais. Outre la sécheresse sévère, la cause en est une brèche dans un ouvrage répartiteur ancien, que les services de l'Etat et du syndicat de rivière n'ont pas accepté de réparer de manière simple, posant des exigences à coût exorbitant. Qui ont, comme partout, produit l'inertie. Et au final l'assec de milieux aquatiques et humides soit une discontinuité écologique tout à fait radicale pour les espèces locales éradiquées. Quand va-t-on sortir des vues dogmatiques où tout aménagement humain est instruit comme un problème a priori, au lieu d'en faire des outils de gestion écologique, sociale et paysagère au service des territoires et du vivant?
Dans la deuxième quinzaine d’aout 2020, la petite Seine qui passe à Pothières et rejoint la Seine à l’Enfourchure de Charrey a été asséchée (fig.1). Je n’avais jamais vu un tel phénomène et de mémoire d’habitants rien de tel ne s’était jusqu’alors produit, ni n’avait été relaté dans les annales régionales.
Figure 1. .Vue de la petite Seine desservant Pothières asséchée. Le moulin est visible dans l’axe de la rivière.(photo du 7 septembre 200)
Les précipitations à Chatillon, bien que très faibles en juillet/août (40 mm cumulés relevés à Thoires), ont été largement excédentaires lors du premier semestre 2020 : 523 mm à Chatillon. Mieux encore, si nous ajoutons à ces chiffres les précipitations de l’automne 2019 (433 mm) nous obtenons 956 mm en neuf mois soit largement plus que la moyenne annuelle.
A titre de comparaison, lors de la sécheresse de 1976, il n’était tombé que 150 mm de pluie lors des six premiers mois et pourtant les pêcheurs ont continué de fréquenter la petite Seine pendant l’été.
En raison de la position de la Seine sur les marnes de l’Oxfordien supérieur imperméable à partir de de Chatillon, il ne s’agit probablement pas d’un manque d’eau dû à la sécheresse qui sévit depuis deux mois car les eaux de l’aquifère karstique en charge sous les marnes fournissent des apports à la rivière. Une vérification de terrain et une enquête s’imposait.
Nous avons vu précédemment que le cours de la Seine a subi des modifications importantes après la révolution. Modifications révélées par la comparaison des cartes de Cassini (feuille de Dijon datant de 1758) et de l’État-major, publiée vers le milieu du XIXème siècle (fig. 2, 3 et 4).
Figure 2. Position de la zone de divergence des deux Seines. Extrait de la carte IGN de 1950
Figure 3. Extrait de la carte de Cassini (XVIIIe siècle), feuille de Dijon, 1958. L’unique bras de Seine passe à Pothières.
Figure 4. Extrait de la carte de l’Etat major du milieu du XIXème siècle. Le bras de raccordement au ru de Courcelles est entouré de rouge
La figure 3 est sans équivoque : la Seine passait à Pothières au XVIIIème siècle et le ru de Courcelles la rejoignait peu avant le moulin de Charrey.
La figure 4 montre en revanche que le raccordement de la Seine au ru de Courcelles existait au moment de la publication de la carte de l’Etat-major.
Les travaux, effectués entre la publication de ces deux cartes, ont consisté en la création d’un bras de raccordement de la Seine en direction du ru de Courcelles. Le but de ces travaux a été vraisemblablement d’augmenter le débit du ru de Courcelles juste à l’amont du moulin de Villers-Patras (le moulin Cholet) afin d’accroître la puissance de ce dernier.
Figure 5. Les nouveaux et anciens tracés de la Seine à Pothières sur extrait de la carte IGN. Les modifications du XIXème figurent en pointillés rouges (nouveaux tracés) et bleus (tracé supprimé)
Au début du XIXème siècle, la Seine à Pothières est donc devenue la petite Seine qui n’est donc pas un bief d’accès au moulin de Pothières mais le tracé primitif et historique du fleuve qu’elle rejoint quelques 3 km plus bas, à l’approche de Charrey.
Un seuil équipé de deux vannages permettait de répartir de façon probablement équitable l’eau en direction du moulin Cholet et du moulin de Pothières.
Cet état de fait a perduré pendant deux cent ans à la satisfaction générale jusqu’à ce que, le vannage étant fortement dégradé aujourd’hui, une brèche se produise dans le seuil, laissant passer toute l’eau dans le cours principal de la Seine (fig. 5)
Figure 6. Vue de la brèche dans le seuil de répartition de l’eau de la seine à Pothières (Photo du 7 septembre 2020)
Une rapide enquête réalisée auprès de la population m’a informé que devant ce problème une tentative de colmatage de la brèche, avant travaux de réfection du seuil, a été effectuée par un habitant de Pothières en posant des blocs béton (fig. 6). Cette tentative a été stoppée par des agents de l’EPAGE Sequana qui a proposé des travaux de reconstruction ainsi que la création d’une passe à poissons pour une somme astronomique à la charge de la commune.
Signalons que cet aménagement très ancien est situé à cheval sur les communes de Pothières et de Vix. Est-ce aux communes de financer ces travaux pour un ouvrage vieux de 200 ans ?
L’état ne doit-il pas garantir la circulation de l’eau simultanément dans les deux bras de Seine ?
Figure 7. Vue de la brèche et des travaux de colmatage tentés par les habitants de Pothières (photo du 7 septembre 2020)
Quoiqu’il en soit la petite Seine, haut lieu de la pêche à la truite dans le secteur, qui possédait de belles frayères encore fréquentées, a été asséchée, provoquant une catastrophe écologique sans précèdent dans ce secteur, sans que les services de l’état bougent le petit doigt.
Tous les organismes vivants, notamment de nombreuses truitelles, ont péri sur un linéaire de 3 km au nom de la continuité écologique qui prétend faire revenir les poissons dans nos rivières.
Cet épisode, qui s’ajoute à bien d’autres, notamment celui de l’Ource quasiment à sec de Brion à Leuglay et bientôt Recey rend compte que pour l’instant nous faisons un constat très négatif de la politique de gestion de l’eau dans notre région, politique qu’il faudra bien un jour reconsidérer sous peine d’avoir à très court terme, quatre à cinq mois de l’année, des oueds à la place de nos rivières et, malgré de belles passes à poissons, plus de poissons du tout.
Thoires, le 10 septembre 2020, Pierre Potherat (ICTPE retraité)
04/09/2020
Rivière à sec, déchets dangereux, suspicion d'amiante dans le lit... la casse bâclée du moulin Maître à Châtillon-sur-Seine
La destruction du moulin Maître à Châtillon-sur-Seine a été bâclée : une grenade à main retrouvée en bord de l'eau, des déchets de fibro-ciments dans le lit fortement suspectés de contenir de l'amiante. Par ailleurs, la réserve de pêche en amont est à sec. Les associations Arpohc et Hydrauxois ont saisi l'OFB et la DREAL afin de demander une enquête sur les sédiments probablement dangereux qui risquent d'être dispersés dans la rivière. Une plainte sera déposée si les services de l'Etat ne gèrent pas le suivi de ce dossier. La continuité écologique est bâclée, et elle est surtout une immense erreur à l'heure où un nombre croissant de rivières sont à sec sur les têtes de bassin. L'urgence est de mieux gérer l'eau : les ouvrages anciens doivent être conservés et restaurés à cette fin, ce qui n'exclut pas de les rendre franchissables lors de migrations de poissons. Nous avons besoin de syndicats et d'élus au service des territoires, des milieux et des habitants, pas des exécutants de dogmes absurdes à la mode dans la haute administration hors-sol du ministère de l'écologie.
L'ouvrage du moulin Maître à Châtillon-sur-Seine a été détruit au cours du printemps 2020 par le syndicat mixte Sequana. Ce moulin n'avait plus de maître d'ouvrage et avait perdu son droit d'eau. Les associations Hydrauxois et Arpohc, constatant la perte non réversible du droit d'eau, avait demandé aux services de l'Etat et au pétitionnaire Sequana de prendre en compte la problématique locale de l'eau et de la biodiversité, notamment de faire un choix d'aménagement permettant de conserver si possible un effet de retenue dans le lit ainsi que dans les biefs et sous-biefs formant des zones intéressantes pour la biodiversité ou pour l'expansion de crue.
Hélas, le chantier a été bâclé.
Christian Jacquemin de l'Arpohc a trouvé sur les lieux du chantier des déchets dangereux : une ancienne grenade allemande "Tourterelle" de 1914, posée au bord de la rivière, et surtout de nombreux gravats issus du moulin et suspectés d'être des anciennes plaques de fibres-ciments contenant de l’amiante. Les éléments restant de la toiture sont étalés ou enfouis sous un enrochement superficiel dans le lit de la rivière. Un signalement a été fait en gendarmerie, puis déposé à l'OFB et à la DREAL Bourgogne Franche-Comté. Les associations sont dans l'attente de la réponse des services de l'Etat avant le retour des hautes eaux. Si rien n'est fait, une plainte contre X sera déposée.
Par ailleurs, les travaux ont aggravé et non corrigé les assecs locaux de la Seine, notamment la mise hors d'eau d'une réserve de pêche à l'amont, situé derrière le jardin de la mairie. Il aurait possible de choisir des voies d'alimentation de cette réserve (par exemple, l'eau de la Douix aurait pu être stockée dans le bras de la Seine grâce à la source de la Douix).
Un adhérent de l'Arpohc a réalisé cette infographie montrant l'évolution des assecs et écoulements faibles en Côte d'Or sur la base de mesure Onde. Le graphique parle de lui même. Nul ne sait si les années de sécheresse vont continuer, mais les modèles climatiques disent que c'est une issue probable, des périodes de plusieurs années où il y aura trop d'eau, d'autres où il en manquera.
Dans ces conditions, il est dangereux et irresponsable de promouvoir la destruction des retenues, des biefs, des plans d'eau, ce qui a pour effet de faire circuler plus rapidement les eaux des saisons pluvieuses vers l'océan, au lieu au contraire de retenir l'eau partout sur les bassins versants. Cela non seulement en conservant les ouvrages anciens, mais en ajoutant d'autres solutions fondées sur le stockage en nappe, les zones humides, la végétalisation, les usages intelligents et modérés de l'eau.
La destruction des ouvrages au nom de la continuité écologique est devenue un dogme qui n'a plus rien à voir avec l'intérêt général des riverains et la protection des milieux aquatiques. Ce dogme qui a été formalisé au 20e siècle est désormais décalé par rapport à l'évolution des connaissances et aux enjeux à venir, notamment le risque catastrophique d'intensification des sécheresses au cours de ce siècle. Ces dérives doivent cesser.
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30/08/2020
Les experts inventent les retenues d'eau qui ne retiennent pas l'eau
Dans le journal Le Monde (29 août 2020), Christian Amblard (directeur de recherche honoraire au CNRS, vice-président Groupe scientifique de réflexion et d’information pour un développement durable) se livre à une charge violente contre les retenues d'eau.
Il affirme :
"Les barrages sur un cours d’eau assèchent les secteurs situés à leur aval et détruisent ainsi tous les écosystèmes, notamment les agroécosystèmes. Ils brisent la continuité écologique et constituent un obstacle pour beaucoup d’espèces comme les poissons migrateurs. Ils détruisent aussi, en les noyant, les zones humides situées en amont qui jouent un rôle très utile d’éponge, en stockant l’eau en période humide et en la restituant en période sèche.
Alors que les réserves souterraines ne sont pas sujettes à l’évaporation, les retenues d’eau superficielles subissent une très forte évaporation en période de grosses chaleurs et conduisent ainsi à une perte importante de la ressource en eau. Des études récentes (publiées notamment, en 2018, par Katja Friedrich, de l’université du Colorado Boulder, et par Florence Habets et Jérôme Molenat, de Sorbonne Université) montrent que les pertes par évaporation sur les lacs de l’Ouest américain varient de 20 à 60 % des flux entrants. C’est donc une hérésie totale de faire passer en surface les ressources en eaux souterraines, qui assurent une humidification généralisée des sols, pour en perdre une part considérable par évaporation."
Il faut certainement être membre du CNRS pour découvrir qu'une retenue d'eau ne retient pas l'eau, après 5000 ans d'usage des barrages et des digues par les sociétés humaines.
La publication citée de Katja Friedrich et al 2018 est un constat que les services états-uniens de gestion ne disposent pas de mesures correctes des évaporations des grands réservoirs. En rien cette publication n'est une condamnation des retenues, elle vise à optimiser leur gestion en situation de changement climatique : "Une meilleure compréhension, estimation et prévision des taux d'évaporation aidera à gérer cette perte d'eau plus efficacement, en particulier lorsque l'eau est rare", disent les auteurs. Une raison évidente est que si une retenue a accumulé 1 million de m3 en hiver et en évapore 50% en été, cela signifie qu'il reste 500.000 m3 pour des usages humains et pour le vivant. Outre que l'eau évaporée se recondense dans le cycle de l'eau. Que la retenue ne soit pas optimale ne signifie pas qu'elle soit inutile. Mais cela semble échapper à Christian Amblard. Ou alors cela ne lui échappe pas, mais il préfère ne pas l'expliquer aux lecteurs.
La publication citée de Florence Habets et al 2018 est consacrée à la difficulté de connaître et modéliser l'impact réel d'une succession de petits réservoirs sur un bassin versant. Les auteurs soulignent les diverses incertitudes, du fait de la rareté des travaux et de la diversité des indicateurs d'impacts. Concernant les données empiriques (les seules qui vaillent), il est dit dans cet article: "les impacts cumulatifs des petits réservoirs sur l'hydrologie sont le plus souvent estimés à partir du débit annuel, des débits minima et des crues. Il existe un consensus général sur le fait que des ensembles de petits réservoirs entraînent une réduction des pics de crue (Frickel, 1972; Galea et al., 2005; Nathan et Lowe, 2012; Thompson, 2012; Ayalew et al., 2017) allant jusqu'à 45%, d'autant plus que certains réservoirs sont construits comme bassins de rétention des eaux pluviales (Fennessey et al., 2001; Del Giudice et al., 2014). Cependant, une inondation excessive ou une rupture de barrage peut entraîner de grandes inondations (Ayalew et al., 2017), qui peuvent entraîner des victimes, y compris des morts (Tingey-Holyoak, 2014). Ces défaillances peuvent être plus fréquentes pour les petits barrages que pour les grands barrages en raison du manque de politiques adaptées, ce qui peut conduire à un manque d'entretien et à une tendance à stocker l'excès d'eau pour garantir la production (Pisaniello, 2010; Camnasio et Becciu, 2011; Tingey-Holyoak, 2014). On signale également fréquemment que les faibles débits diminuent lorsqu'un ensemble de petits réservoirs est présent dans un bassin (Neal et al., 2000; O'Connor, 2001; Hughes et Mantel, 2010; Nathan et Lowe, 2012; Thompson, 2012) avec une large dispersion (0,3 à 60%), bien que l'eau stockée peut parfois être utilisé pour maintenir un débit minimal (Thomas et al., 2011). La majorité des études se sont concentrées sur le débit annuel des cours d'eau, faisant état d'une diminution du débit annuel moyen allant de 0,2% (Hughes et Mantel, 2010) à 36% (Meigh, 1995). En moyenne, dans environ 30 références, la diminution du débit annuel moyen atteint 13,4% ± 8%".
Cette référence n'informe donc pas sur le volume et l'usage qui est fait de l'eau retenue, sur les échanges au fil de l'an avec les nappes et les sols, etc. Au demeurant, ce travail fait partie d'une expertise conjointe Irstea-Inra dont la principale conclusion était le manque de données robustes disponibles sur cette question. Quand un scientifique n'a pas de données fiables, il ne conclut pas autre chose que la nécessité d'acquérir des connaissances. Il est assez effarant de voir des scientifiques qui exigent des orientations publiques fortes sur des bases faibles. Mais dans le domaine de l'eau, nous sommes habitués à être effarés...
D'autres travaux existent que ceux cités par Christian Amblard (et d'ailleurs Florence Habets, qui prend elle aussi volontiers la parole de manière critique sur ce thème), nous en rappelons quelques-uns ci-dessous. Comme ces travaux sont ignorés, on est obligé de supposer que Christian Amblard s'exprime comme un militant davantage que comme un chercheur dans Le Monde. C'est tout à fait son droit, mais il importe de prévenir les citoyens que les expertises sur l'eau ne sont pas neutres et reflètent souvent l'idéologie de leurs auteurs.
Si les citoyens préfèrent détruire les retenues pour se retrouver avec des rivières à sec ou réduites à des filets d'eau en été, libre à eux. Mais qu'on leur présente les enjeux tels qu'ils sont. Ces enjeux sont par exemple les suivants :
- quelle eau veut-on sauvegarder, où et pour quels usages?
- quelles solutions ont montré la capacité à disposer d'eau localement?
- comment stocke-t-on une part plus importante des excès d'eau de l'automne au printemps, au lieu de les laisser filer à la mer?
- quelles connaissances a-t-on sur ce qui retient l'eau dans les sols, les nappes, la végétation riveraine, que ce soit par des moyens techniques ou naturels, les uns n'étant pas exclusifs des autres?
- quelle rivière veut-on pour ce siècle, "renaturée" quitte à avoir des assecs réguliers car la nature le veut ou préservant des retenues et plans d'eau qui existent souvent depuis le Moyen Age, voire plus tôt?
Une zone humide naturelle évapore davantage qu'un étang, contrairement aux idées reçues (Al Domany et al 2020)
Cette étude de quatre chercheurs de l'université d'Orléans sur un site à étang artificiel et zone humide naturelle du Limousin montre que le bilan hydrique d'un étang en terme d'évaporation est meilleur que celui de la zone humide. Les scientifiques soulignent que leur observation va à l'encontre des discours tenus par certains gestionnaires publics de l'eau, qui militent aujourd'hui pour la destruction des retenues et canaux au nom de la continuité écologique, de la renaturation ou du changement climatique. "En termes de politique française de l’eau et d’aménagement du territoire limousin, la préconisation d’effacer les étangs en arguant de leurs effets supposément négatifs dont la diminution de la ressource en eau mérite donc d’être fortement nuancée et de s’appuyer sur plus de données scientifiques rigoureuses."
Al Domany M et al (2020), Une zone humide perd-elle autant, moins ou davantage d’eau par évapotranspiration qu’un étang par évaporation ? Etude expérimentale en Limousin, Annales de géographie, 731, 83-112
Les moulins aident à retenir l'eau dans les bassins versants (Podgórski et Szatten 2020)
Deux chercheurs polonais ayant étudié l'effet morphologique, sédimentaire et hydrologique de moulins présents depuis 7 siècles sur une rivière notent que leur abandon s'est traduit par une perte de la capacité de rétention locale d'eau dans les nappes et de la rétention globale d'eau de surface dans le bassin versant. "Le déclassement des moulins à eau a entraîné un certain nombre de changements importants dans les ressources en eau. Les plus importants d'entre eux sont: la perte de capacité de rétention d'eau dans le bassin versant de la Struga Rychnowska et la baisse du niveau des eaux souterraines à proximité immédiate des anciens réservoirs d'eau. Actuellement, un intérêt renouvelé pour les anciens emplacements des moulins à eau existe, afin de restaurer la rétention d'eau et de les utiliser à des fins de petites centrales hydroélectriques modernes"
Podgórski Z et Szatten D (2020), Changes in the dynamics and nature of sedimentation in mill ponds as an indicator of environmental changes in a selected lake catchment (Chełmińskie Lake District, Poland), Water, 12, 1, 268
Donati F et al (2019), Do rivers upstream weirs have lotics or lentics characteristics?, Geographia Technica, 14, 2, 1-9
Supprimer les ouvrages des moulins à eau incise les rivières et assèche leurs lits majeurs (Maaß et Schüttrumpf 2019)
Deux chercheurs de l'université d'Aix-la-Chapelle montrent que l'implantation millénaire des moulins à eau a modifié progressivement la morphologie des lits mineurs et majeurs des rivières de plaine d'Europe occidentale. Dans ce type de cours d'eau, la suppression des ouvrages de moulin (chaussées, écluses, déversoirs) conduit à des incisions de lit mineur, à des moindres débordements en lit majeur d'inondation (donc des assèchements), à des transferts de sédiments plus fins (plutôt jugés néfastes en colmatage de fond). "Les lits majeurs autour des zones de retenue de l'eau sont plus souvent inondées pendant la période d'activité des moulins que ceux précédant leur construction en raison des niveaux d'eau plus élevés de la retenue au déversoir, ce qui entraîne une sédimentation relativement élevée dans les plaines inondables. Après l'élimination des moulins, les niveaux d'eau ne sont plus surélevés. Dans les chenaux, le débit ralenti en amont des seuils des moulins entraîne le dépôt de sédiments dans la zone de retenue. La période entre la construction et la destruction des moulins a été si longue que les taux d’inondation du lit majeur et, par conséquent, la sédimentation de ce lit majeur ont diminué en raison de l’augmentation de la hauteur des rives."
Maaß AL, H. Schüttrumpf (2019), Elevated floodplains and net channel incision as a result of the construction and removal of water mills, Geografiska Annaler: Series A, Physical Geography, DOI: 10.1080/04353676.2019.1574209
"La science est politique : effacer des barrages pour quoi? Qui parle?" (Dufour et al 2017)
Des chercheurs montrent les arbres déclinent dns zones amont de seuils effacés avec divers dysfonctionnements de la plaine alluviale, que des petits barrages dont l'examen démontre qu'ils ne forment pas d'entraves à la mobilité sédimentaire… ce qui les amènent à interroger le discours de justification de ces opérations. "Au cours de la dernière décennie, l'effacement des barrages et des seuils a été promu pour améliorer la continuité au long de nombreuses rivières. Cependant, de telles politiques soulèvent de nombreuses questions socio-écologiques telles que l'acceptabilité sociale, l'intégration des différents usages de la rivière, et l'impact réel sur les écosystèmes de cette rivière"
Dufour S et al (2017), On the political roles of freshwater science in studying dam and weir removal policies: A critical physical geography approach, Water Alternatives, 10, 3, 853-869
Les barrages comme refuges? Intégrer le changement climatique dans les choix sur les ouvrages hydrauliques (Beatty et al 2017)
Une dizaine de biologistes publie une perspective dans Biological Conservation soulignant que les réservoirs des grands barrages ont aussi des intérêts écologiques : ils servent de refuges face aux sécheresses, bloquent des espèces invasives, forment des écosystèmes lacustres ayant leur propre diversité. L'avenir à long terme du vivant après leur effacement n'est pas garanti si l'écosystème originel de la rivière a été très modifié. Et la valeur de l'eau stockée dans les retenues a par ailleurs toute chance de devenir plus forte en situation de réchauffement. "Dans des cours d'eau menacés de sécheresse où les refuges naturels seront perdus, l'implication des projections climatiques sur la valeur des barrages et les impacts de leur suppression doit être prise en compte par les chercheurs et les décideurs".
Beatty S et al (2017), Rethinking refuges: Implications of climate change for dam busting, Biological Conservation, 209, 188–195
Réponse négative de la végétation riveraine à la suppression d'ouvrages hydrauliques (Depoilly et Dufour 2015)
Une étude de long terme faite sur la végétation riveraine de deux fleuves côtiers bas-normands (Orne, Vire) montre que les arbres situés à l'amont de deux ouvrages de moulins effacés en 1997 ont connu une baisse significative de croissance, en particulier les aulnes. Pour les chercheurs, les écosystèmes aquatiques, les écosystèmes riverains, le bâti historique et les pratiques sociales doivent être davantage intégrés dans la programmation multidisciplinaire de la restauration de continuité écologique. "Les résultats de cette étude illustrent en partie la complexité des enjeux politiques et opérationnels qui s’articulent autour de la stratégie de restauration de la continuité écologiques des cours d’eau par suppression des ouvrages de type seuils ou petits barrages. En effet, cette stratégie soulève la question de notre capacité à combiner les effets de telles opérations sur des plans multiples, relevant des dimensions écologistes et socio-culturelles."
Depoilly D et Dufour S (2015), Influence de la suppression des petits barrages sur la végétation riveraine des cours d'eau du nord-ouest de la France, Norois, 237, 51-64
Par ailleurs, de très nombreux travaux scientifiques montrent que les plans d'eau hébergent de la biodiversité et rendent des services écosystémiques. Vous pouvez lire et surtout diffuser ce dossier de 100 références scientifiques produit par la coordination Eaux & rivières humaines. La négation des nouveaux écosystèmes créés au fil de l'histoire par les sociétés humaines relève souvent d'une vision intégriste de la "nature sauvage" comme seule référence possible de la réflexion écologique. Ces vues radicales et marginales n'a pas vocation à devenir la doctrine d'intérêt général de nos politiques publiques.