21/11/2022
Pour que les rivières vivent et nous fassent vivre
07/09/2020
Lettre à Jean Castex et Barbara Pompili pour cesser la destruction des patrimoines de l'eau
La coordination Eaux & rivières humaines, dont Hydrauxois est membre, demande au Premier Ministre et à la ministre de la Transition écologique d'engager une réforme réelle et non déclarative de la politique de continuité dite "écologique". Les arbitrages n'ont pas changé, les destructions de site restent priorisées, des services de l'Etat, des établissements publics (OFB, agence de l'eau) comme des syndicats de rivière continuent de voir les ouvrages hydrauliques et leurs milieux comme des anomalies devant disparaître, et non comme des partenaires de la gestion écologique de la rivière. Cette forme d'écologie punitive et sectaire, selon les termes de M. Castex, se cogne dans le mur du réel. Nous serons condamnés au conflit et nous ne pourrons rien bâtir sans une position claire du ministère à destination de ses administrations de l'eau et de la biodiversité. La gestion équilibrée et durable de l'eau formant la doctrine publique des lois de notre pays n'a jamais été une prime de principe à la destruction des écosystèmes créés par les humains, à la mise à sec des canaux et plans d'eau, à la condamnation des usages locaux de l'eau, dont ceux qui contribuent à la transition écologique. Le gouvernement, déjà assailli de protestations parlementaires et de plaintes judiciaires sur la mise en oeuvre de continuité dite "écologique", va devoir trancher.
Lettre à télécharger (pdf) et à envoyer en copie à votre parlementaire, avec mot d'accompagnement sur le contexte local et demande de saisine de Mme Pompili. Chacun doit se mobiliser pour défendre les patrimoines menacés des rivières et bassins versants.
Monsieur le Premier Ministre,
Madame la ministre de la Transition écologique et solidaire,
La Coordination nationale Eaux & rivières humaines est née de la volonté commune de plusieurs dizaines d’associations, collectifs, syndicats, d’être mieux représentés auprès des pouvoirs publics afin de protéger tous les patrimoines menacés de l’eau. En effet, des acteurs importants de la vie des cours d’eau et des bassins versants – les riverains déjà, mais aussi les moulins, les étangs, les défenseurs du patrimoine historique et paysager, les protecteurs de la biodiversité des milieux lentiques, les gestionnaires privés de plan d’eau et de canaux —, sont actuellement peu représentés, voire exclus pour certains, des instances de concertation comme le comité national de l’eau (CNE) ou les comités de bassins des agences de l’eau.
Il résulte un déficit démocratique majeur concernant la co-construction des politiques de l’eau. La façon dont est mise en œuvre la continuité écologique des cours d’eau l’illustre : c’est une des réformes environnementales les plus problématiques en France, comme l’a reconnu le rapport du CGEDD de 2016 commandité par Mme Ségolène ROYAL. Les modalités déplorables d’exécution de cette réforme ont engendré la perte de confiance qu’avaient les citoyens des sites concernés envers l’administration en charge de l’eau.
Les services de l’Etat (DDT-M et DREAL), les agences de l’eau, l’office français de la biodiversité (OFB), la direction eau & biodiversité du ministère ont exprimé depuis 10 ans un parti-pris permanent (et démontrable) en faveur de la destruction des ouvrages hydrauliques, alors que la loi demande expressément qu’ils soient « gérés, entretenus et équipés » (art L.214-17 CE). Les parlementaires et les élus de terrain ont, à maintes reprises, rappelé au ministère ce qui avait été décidé en 2006 dans la loi sur l’eau comme en 2009 dans la loi créant la Trame verte et bleue, à savoir aménager et non effacer les ouvrages.
Car cette destruction des moulins, étangs, lacs, plans d’eau et canaux pose de nombreux problèmes dont nous sommes témoins sur nos territoires :
- assecs plus sévères, crues plus violentes,
- baisse des nappes, des réserves d’eau potable, des réserves de sécurité incendie,
- suppression d’un potentiel hydro-électrique pourtant facile à relancer,
- élimination de plans d’eau et zones humides avec leurs écosystèmes inféodés,
- déséquilibre et déclin de la biodiversité acquise dans les milieux lentiques,
- destruction du cadre de vie et du paysage appréciés des riverains,
- dépossession des territoires qui subissent des choix arbitrés ailleurs.
Conscient de ces très vives controverses, le ministre de l’écologie a proposé un « plan pour une politique apaisée de continuité écologique » en 2018.
Mais ce plan n’est suivi d’aucun effet, ce qui aggrave la crise de confiance. Ainsi en ce moment même, dans le cadre des SDAGE en cours d’élaboration, les services de l’Etat au sein des agences de l’eau ont proposé de reconduire la prime financière à l’effacement des ouvrages tout en refusant la moindre étude des services écosystémiques attachés aux ouvrages. Pourquoi prétendre à l’apaisement quand les personnels publics sous la tutelle du ministère, en charge de la primo-rédaction des SDAGE, reconduisent volontairement les conditions de la division, alors même qu’ils ont été maintes fois saisis du problème ?
Plus généralement,
- nos adhérents qui optent pour ces solutions douces de mise en conformité au titre de la continuité écologique (construction de passe à poissons ou de rivières de contournement), conformes à l’intérêt général d’une gestion équilibrée de l’eau, se voient opposer un taux de financement public tellement modique qu’il en devient volontairement dissuasif, vu le coût exorbitant des travaux devenant inaccessibles,
- nos adhérents souhaitant relancer l’énergie hydro-électrique au droit de leur site découvrent des exigences administratives dont le coût représente plusieurs dizaines d’années de revenu de micro-exploitation.
Dans un entretien à Ouest-France vous avez dit, monsieur le Premier Ministre : « l’écologie est-elle une priorité ? La réponse est clairement oui. Dans mon esprit, la netteté de cette réponse a sans doute été retardée par les tenants d’une écologie punitive et décroissante, d’une écologie moralisatrice voire sectaire qui, sans doute de parfaite bonne foi, ont beaucoup nui et continuent de desservir la cause. Mais mes années en tant que maire, mon vécu en tant que père, m’ont convaincu de l’urgence de ce combat. »
Nous sommes entièrement en phase avec ce constat.
Nous estimons que :
- détruire le riche patrimoine français des moulins, des étangs, des lacs, des canaux, des barrages, c’est de l’écologie punitive et sectaire,
- méconnaître les dynamiques réelles des rivières déjà fragmentées par les barrages de castors et d’embâcles bien avant que l’homme n’y installe ses propres ouvrages et plans d’eau voici plus de mille ans, c’est de l’écologie punitive et sectaire,
- exercer une forte pression sur les propriétaires en finançant à 95-100% la seule solution de destruction de leur propriété et de ses usages, c’est de l’écologie punitive et sectaire,
- refuser de considérer et d’étudier la biodiversité des milieux aquatiques créés de la main de l’homme au seul motif qu’ils ne sont pas naturels, c’est de l’écologie punitive et sectaire,
- désinformer les élus locaux en affirmant que tout aurait déjà été dicté par l’Europe, qu’il n’existe aucune alternative ni co-construction possible, que le financement public des solutions douces et consensuelles doit forcément être dérisoire, c’est de l’écologie punitive et sectaire.
Une écologie inclusive, réaliste et pragmatique consiste à protéger des rivières sauvages quand elles existent encore, mais aussi à accepter les rivières aménagées par l’homme pour ses besoins et à proposer des améliorations de ces aménagements. Les racines du problème de la continuité écologique sont là, et nulle part ailleurs : au lieu d’améliorer le sort des poissons migrateurs par des solutions de compromis respectant les usages et les biotopes, au lieu de profiter des ouvrages pour atténuer l’impact des sécheresses et pour augmenter l’équipement bas-carbone du pays, certains ont développé une écologie radicale de « retour à la nature » par négation des réalités humaines, historiques, sociales, paysagères. Ce n’est pas dans cette logique de confrontation et d’exclusion que l’on doit concevoir la conservation de la biodiversité au 21e siècle. Car cette biodiversité est bien notre affaire à tous, comme le climat.
Vous visitiez voici peu ensemble, monsieur le Premier Ministre, madame la Ministre, la réserve naturelle de l'étang Saint-Ladre à Boves : cette co-construction de l’homme et de la nature, permettant des usages humains et des épanouissements d’espèces, n’est-elle pas la preuve vivante de l’absurdité à démanteler partout sur argent public des plans d’eau, des biefs et tant de milieux hérités de l’histoire ?
Nous vous posons donc une question simple : le gouvernement français entend-il aujourd’hui engager toute son administration, sans exception, à reconnaître et respecter les ouvrages hydrauliques existants, à encourager leur équipement hydro-électrique, à proposer des solutions de gestion écologique qui ne passent plus par la priorisation de la destruction des sites et de leurs écosystèmes ?
Nous vous remercions par avance de la sincérité et de la clarté de votre réponse.
22/07/2020
Un dossier de 100 références scientifiques pour faire connaître et protéger les ouvrages hydrauliques et leurs milieux
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Extrait de l'introduction.
On entend ici par ouvrage hydraulique les seuils, déversoirs, vannages, barrages, digues qui modifient l’écoulement et la rétention de l’eau. Ces ouvrages définissent des milieux en eau : mares, étangs, petits plans d’eau, retenues, lacs, rigoles, biefs, canaux. Ils peuvent être associés à des zones humides annexes, notamment en raison des remontées locales de nappes ou des débordements intermittents.
La recherche scientifique française et européenne est active sur ces ouvrages, même si les petits ouvrages (privilégiés dans cette revue) sont encore peu analysés par rapport aux grands barrages. Cette recherche concerne l’hydrologie, l’écologie, la limnologie, la biologie. Mais aussi les sciences sociales et humaines de l’eau et de la restauration écologique. Les chercheurs comme les experts ne se fondent pas forcément sur les mêmes paradigmes pour juger des rivières et de leurs aménagements: l’enjeu est multidisciplinaire.
Les conclusions de cette recherche montrent la diversité et la complexité des analyses de la rivière aménagée. Nous l’exposons par une sélection d’une centaine de publications scientifiques parues dans la décennie écoulée.
Les travaux de recherche recensés dans ce dossier démontrent les points suivants :
- Les milieux créés par les ouvrages hébergent de la biodiversité.
- La biodiversité des bassins versants évolue depuis des millénaires sous influence humaine, dans le cadre d’une « socio-nature », rendant illusoire la définition administrative d’un « état de référence ».
- Les ouvrages anciens et de petites dimensions ont souvent des impacts faibles à nuls sur le transit des sédiments ou la circulation des poissons grands migrateurs.
- Les ouvrages, en particulier les chaines d’ouvrages de type moulins et étangs, assurent une retenue d’eau sur les bassins (surface, nappe), leur disparition altérant ce service environnemental.
- Les pollutions et les usages des sols du bassin versant ont des effets beaucoup plus marqués sur la dégradation de l’eau que la morphologie du lit.
- Au sein de la morphologie, les densités de barrages ont des effets faibles à nuls sur la qualité de l’eau et des milieux, voire un certain nombre d’effets positifs mesurés dans divers travaux (dépollution et hausse de biodiversité bêta du bassin en particulier).
- La restauration écologique, et en particulier morphologique, des rivières est confrontée à des résultats incertains, parfois des échecs.
- Les effacements d’ouvrages hydrauliques ont parfois des effets négatifs avérés : incision des lits, pertes de milieux (zones humides, ripisylves), pollutions, disparition d’aménités culturelles.
- Les politiques de rivières sont en déficit de reconnaissance des aspirations des citoyens et des dimensions multiples de l’eau, avec certaines expertises qui ont des biais manifestes mais sont mises en avant sans débat par les gestionnaires.
- Les résultats en écologie aquatique sont contextes-dépendants (contingents) et cela interdit de faire des prescriptions généralistes sur les ouvrages et leurs milieux, le cas par cas (vue intégrée par site, par rivière, par bassin) étant une absolue nécessité pour ne pas engager des résultats négatifs.
Ces conclusions exigent donc une redéfinition de certains choix publics sur l’eau en France, en particulier ceux de la continuité écologique en long et de la politique préférentielle de destruction des ouvrages hydrauliques.
Certaines prescriptions de cette politique sur de grands bassins hydrographiques vont avoir des effets négatifs sur la biodiversité, sur la ressource en eau, sur l’adaptation au changement climatique. En outre, elles ignorent la dimension sociale et démocratique des choix sur les rivières aménagées, comme la nécessaire confrontation des expertises et des disciplines de recherche.
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A utiliser en complément
Voici quelques semaines, la CNERH a également édité un guide multi-critères d'instruction pour les opérations en rivière modifiant les ouvrages hydrauliques et leurs milieux. Ce guide, opposable aux préfectures, syndicats, fédérations de pêcheurs, bureaux d'études et autres acteurs, est complémentaire du dossier scientifique. La science a démontré divers intérêts écologiques, hydrologiques, culturels et sociétaux associés aux ouvrages hydrauliques, ainsi que divers problèmes pouvant faire suite à leur destruction: toute intervention sur ces ouvrages doit donc être étudiée sérieusement et complètement, non bâclée en copier-coller au profit d'une approche limitée à quelques enjeux. Outre les impératifs de connaissance non biaisée des milieux sur lesquels on intervient, il y a des enjeux de droit: les destructions de milieux, les dols par informations incomplètes ou les remises en cause des droits des tiers peuvent faire l'objet de plaintes. Allez à ce lien pour télécharger ce guide.
26/06/2020
Un guide multi-critères pour une continuité apaisée et informée au droit des moulins, étangs, plans d'eau
Télécharger :
Guide de bonnes pratiques en analyse d'ouvrages hydrauliques
Modèle de courrier au préfet
Notre constat est simple : il n’y aura aucune politique apaisée de continuité écologique si les expertises continuent à ignorer des informations essentielles sur les ouvrages, leurs milieux, leurs usages.
Aujourd'hui, quand on étudie un ouvrage hydraulique en cours d’eau classé au titre de la continuité écologique, on évacue en général un grand nombre de paramètres importants. L’analyse est faite par un bureau d’études privé (parfois une fédération de pêche) avec de nombreux biais. On choisit certains aspects (quelques poissons spécialisés en général), mais on ignore ou on traite sommairement des dimensions essentielles : le patrimoine culturel, le paysage, les usages dont l’énergie, la biodiversité hors poissons spécialisés, la ressource en eau, l’adaptation au changement climatique, les coûts et les risques.
Ce nouveau guide liste l’ensemble des informations que la CNERH souhaite voir apparaître désormais dans chaque étude de continuité écologique payée par l’argent public des agences de l’eau, des syndicats de rivière (EPTB, EPAGE) ou des collectivités.
Ce guide est aussi un élément de protection juridique de vos adhérents.
En l’envoyant au préfet avec une lettre d’accompagnement (cf modèle en lien ci-dessus), vous prévenez les autorités administratives qu’elles doivent respecter la loi en faisant des préconisations informées et proportionnées.
Si les administrations et les maîtres d’œuvre travaillant sur préconisation administrative ne respectent pas les demandes faites dans ce guide, le propriétaire de bonne foi pourra considérer qu’aucune solution conforme à l’ensemble des textes encadrant le droit de l’environnement et le droit civil ne lui a été proposée. Il est nécessaire de formaliser ces échanges, car en cas de mise en demeure de l’administration, ce sont des pièces que nous opposerons si besoin au juge pour démontrer qu’il y a eu carence de l’administration dans ses obligations de préconisation adaptée.