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20/06/2017

Parc du Morvan: un joli petit film, de vilains petits oublis...

Le Parc du Morvan et le Parc des Ballons des Vosges ont profité du financement du programme Life+ Continuité écologique pour produire un film sur les travaux de restauration des milieux aquatiques sur leurs territoires. On y trouve de belles images, des points d'accord sur la nécessité de préserver les patrimoines naturels et culturels, mais aussi une dissimulation peu glorieuse de ce qui se passe sur le terrain et l'entretien de certaines idées fausses. L'écologie des rivières et milieux humides ne pourra pas progresser sur la négation des réalités et sans l'ouverture d'un véritable dialogue environnemental. 



Précisons tout d'abord nos points de convergence :

  • le Morvan et les Vosges disposent de territoires d'exception pour leurs patrimoines naturels, culturels et paysagers, dont la préservation est d'intérêt général;
  • les têtes de bassin sont des milieux écologiquement riches, et la préservation de certaines espèces menacées (comme la moule perlière) comme de certains biotopes fragiles est un enjeu légitime de mobilisation;
  • nous apprécions la volonté affichée dans cette vidéo de conciliation entre les activités humaines (dont leurs héritages) et la conservation des espaces naturels;
  • nous considérons le Parc du Morvan comme un animateur territorial tout à fait légitime, avec de beaux enjeux à faire valoir pour les générations présentes et futures.

En revanche, le film est trompeur pour le public car il évacue tous les problèmes concrets de gouvernance observés depuis plusieurs années dans le cas particulier et conflictuel de la continuité écologique (nous parlons ici du Morvan, notre territoire d'implantation, et non des Vosges).

En voici quelques rappels dans le domaine de la gouvernance :
  • la plupart des propriétaires de moulins et étangs subissent depuis 5 ans une pression constante en vue de détruire (araser, déraser) leurs ouvrages, seule solution qui est aujourd'hui financée par l'Agence de l'eau Seine-Normandie dans la plupart des cas. Le déni de ce chantage économique et de l'attitude brutale de l'administration a abouti à une rupture catastrophique de la concertation, qui est toujours impossible aujourd'hui faute d'une reconnaissance claire des problèmes et d'une proposition de solutions viables;
  • lors du programme Life + sur la zone Nature 2000 d'Avallon, plusieurs propriétaires étaient volontaires pour des passes à poissons, mais cette solution leur a été refusée alors qu'elle a été acceptée pour d'autres. Beaucoup perçoivent cela comme un arbitraire pur et simple des agents instructeurs;
  • malgré l'abondant financement public pour les trois passes à poissons finalement réalisées (plusieurs bureaux d'études!), l'une s'est révélée défaillante dès la première année (moulin Cayenne) et l'autre se trouve être un piège à embâcles dont le choix (passe à plots) et la conception sont peu adaptés à l'hydrologie du site (moulin Cadoux);
  • les représentants du Parc du Morvan, de la DDT, de l'Agence de l'eau, de l'AFB ont toléré ou engagé diverses dérives sur le bassin Yonne-Cure-Cousin au cours des années passées: refus de reconnaître qu'un moulin non connecté au réseau et en autoconsommation a un intérêt à garder son ouvrage (Cussy-les-Forges), refus d'admettre qu'une retenue très appréciée des riverains et inscrite au patrimoine communal a un intérêt de conservation (Bessy-sur-Cure); acharnement à essayer de casser des droits d'eau sans enjeu écologique ni riverain (Chastellux-sur-Cure), information insuffisante d'un propriétaire l'ayant conduit  à perdre l'essentiel de son droit d'eau et à échouer dans la vente de son moulin à des acquéreurs qui voulaient avant tout produire de l'énergie verte (Avallon), etc.

Par ailleurs, le film donne une image imprécise et partielle des enjeux écologiques :
  • on présente les étangs, les lacs, les retenues et les biefs comme des hydrosystèmes que l'on peut éventuellement tolérer en tant qu'héritages culturels ou lieux d'usages particuliers, mais qui en soi ont des impacts forcément négatifs sur le plan écologique. Or, c'est inexact. Des plans d'eau artificiels comme les étangs de Marrault, l'étang Taureau de Saint-Brisson (où est la Maison du Parc), les lacs de Saint-Agnan, de Chaumeçon, de Pannecière ont aussi un intérêt propre comme milieux récepteurs de certaines espèces (même s'ils ont un effet adverse sur d'autres espèces). Certains font d'ailleurs l'objet d'un classement pour leur intérêt faunistique et floristique; 
  • la biodiversité n'est pas un musée figé où chaque population de chaque espèce patrimoniale doit se répéter à l'identique dans le temps, c'est une réalité qui évolue, et qui évolue en particulier sous l'influence des activités humaines depuis plusieurs millénaires (par exemple les phases de boisement, déboisement, reboisement du Morvan, la construction des systèmes d'énergie et de flottage, etc.), dans une logique de "rivières hybrides", comme les a joliment appelées une équipe de chercheurs français;
  • il manque à la démarche du Parc du Morvan des éléments essentiels sur l'histoire et l'avenir de la diversité biologique. Multiplier des monographies descriptives de certains tronçons des milieux aquatiques actuels est une démarche d'observation intéressante, mais insuffisante pour ce qu'on attend en premier lieu de la science, à savoir des modèles explicatifs et prédictifs qui correspondent aux données observées et permettent d'anticiper avec un degré raisonnable de certitude l'effet des actions envisagées. Par exemple, sur la population repère de truite (indispensable au cycle de vie de la moule perlière), nous n'avons à notre connaissance aucune donnée fiabilisée sur les abondances passées, sur la variabilité interannuelle et interdécennale des peuplements, sur la pondération des nombreux facteurs pouvant expliquer une (éventuelle) tendance, sur le potentiel truiticole total des masses d'eau, sur l'évolution de ce potentiel en situation de réchauffement climatique, sur le coût et l'efficacité relative des différentes actions envisageables (dont les moulins et étangs, mais pas seulement : les ripisylves, les pollutions, les charges sédimentaires venant des versants et apportant ou non la bonne granulométrie de frayères, les connexions de ruisseaux pépinières, les pratiques de pêche, la dynamique des espèces prédatrices ou concurrentes, etc.). 

Enfin, le Parc du Morvan doit répondre avec davantage de précision de ses actions. Ainsi, le 15 octobre 2016, un responsable du PNR avait affirmé à la presse (Yonne républiciane) :
Sur le plan écologique, « normalement, c'est plutôt long d'obtenir des résultats. Mais on a déjà mesuré les impacts des travaux menés en 2013 et 2014 ( N.D.L.R. : sur des ouvrages privés). Le milieu s'est considérablement amélioré en une année. Au niveau de l'ouvrage Michaud, en amont du camping, où il y a eu un arasement partiel, on constate le retour des perlas, une espèce bioindicatrice. Les truites sont aussi revenues au moulin des Templiers ».
Depuis cette date, nous demandons sans succès la transmission des études démontrant le résultat avancé (et son caractère significatif). Après 8 mois de tergiversation (et toujours pas de document disponible), le responsable du Parc nous dit que ces analyses ne concernent finalement pas la truite… alors que la déclaration aux médias affirmait le contraire (et que la truite fait l'objet d'empoissonnement par les pêcheurs, ce qui pose de toute façon la question du sens de ces observations par rapport à une "naturalité" pisciaire). Ce n'est certainement pas en procédant ainsi que l'on va instaurer des rapports de confiance avec les riverains ni démontrer de bonne foi que les dépenses écologiques sur les ouvrages hydrauliques correspondent à des gains proportionnés pour les milieux aquatiques.

16/01/2017

Etangs de Marrault: quand le patrimoine historique enrichit la biodiversité

Les étangs de Marrault, non loin d'Avallon, sont aujourd'hui gérés par une association de pêche en réserve de deuxième catégorie piscicole. Créés à des fins alimentaires sous l'Ancien Régime, les plans d'eau fragmentent un petit affluent du Cousin et sont donc défavorables à la truite fario, espèce élective des cours d'eau de la tête de bassin morvandelle. Et pourtant, les étangs sont classés en ZNIEFF (zone nationale d'intérêt écologique, faunistique et floristique) en raison de leur biodiversité. Le patrimoine hydraulique produit aussi des habitats accueillants pour le vivant. 

Les étangs de Marrault, vue aérienne actuelle et carte d'état-major du XIXe siècle (IGN)

La commune de Magny, à laquelle Marrault est rattaché, est citée dès 864 (Magniacus). Marrault est à l'origine un domaine rural formé aux dépens de la forêt, sans doute par un nommé Marrault, nom ancien et commun dans l'Avallonnais. Le lieudit est cité dès 1275 (Marraulx à cette époque, Marraux en 1335 et Marrault en 1521, parfois Mareau plus tard, comme sur la carte d'état-major du XIXe siècle ci-dessus). Les Jaucourt de Villarnoux bâtissent un château-fort sur un rocher dominant le vallon, ouvrage cité en 1372. Le château est attaqué six fois et pris quatre fois pendant la guerre de Cent-Ans. Il est ruiné par Louis XI en 1478, hors le donjon qui sera démoli en 1782. Le château actuel a été bâti par de Ganay, 1720.

Au XVIIIe siècle, brochets, tanches et perches aux marchés de la région
Concernant les étangs, l'Abbé Alexandre Parat note dans la région de Marrault : "étang de la côte des Granges, étang des Chicard, étang du Château servant au moulin du Gros-Fort; quatre petits étangs sur le ru de la Lie, dit des Fiottes, pour l'alevin. Tous disparus, restent deux grands étangs récents, dits de Marrault, qui seraient du XVIIe siècle, élevage du poisson, jadis fournissaient des sangsues." (in Nouveau répertoire archéologique de l'Avallonnais, Bulletin de la société des sciences historique et naturelle de l'Yonne, 1920, 74, 126). Le fait est que l'examen des cartes d'Ancien Régime montre une multitude de mares et étangs dans les vallées du Morvan, chaque rû ou presque nourrissant sa succession de plans d'eau (à fin piscicole souvent, parfois aussi pour le flottage du bois).

Le même Abbé Parat rappelle l'importance des étangs piscicoles dans les sociétés anciennes: "A l'existence des étangs se rattache la question de l'alimentation par le poisson au temps passé. On constate par mille traits des archives quelle grande place tenait le poisson dans la nourriture du peuple, et quel profit le commerce en retirait. Alors que le carême se faisait sévère pour l'abstinence de la viande et que les jours maigres, comme on disait, étaient nombreux dans le courant de l'année, le poisson devenait une des principales ressources pour l'artisan comme pour le bourgeois. (…) Deux échevins (1724) assistent à la pêche de l'étang de Marrault, afin de 'voir et examiner la qualité du poisson, en faire un essai, compter le nombre des brochets, tanches et perches qui se sont trouvés dans le dit étang, afin de pouvoir donner aux bouchers un taux proportionné à la dite qualité du poisson'. On voit en 1704 et 1725 que la marchandise est taxée avant l'achat : 'Carpe ovée (avec des oeufs) 6 sous la livre, laitée (avec du lait) 7 sous, la tanche 7 sous, le brochet ové 9 sous, laite 10 sous, de une livre à quatre livres.' Une fois, les bouchers refusent de vendre à ce prix, et un homme de Saulieu s'oblige à fournir tout le poisson nécessaire jusqu'à Pâques au prix fixé.Les produits de ces nombreux étangs se vendaient frais et même salés, comme il en est fait mention pour les marchés d'Avallon et de Montréal où 'le poisson d'eau douce salé et non salé' était offert. Sans être raisonnée comme aujourd'hui, la pisciculture était suffisamment pratiquée pour le but à atteindre." (in Notices archéologiques villageoises de l'Avallonnais, Bulletin de la Société d'études d'Avallon, 1919, 76).

Les digues des étangs de Marrault (étang du haut), le moulin en pied de l'étang du bas.

Des étangs classés en raison de leur intérêt pour la biodiversité
S'ils ont perdu leur vocation alimentaire, les étangs de Marrault et leurs abords sont aujourd'hui classés en zone nationale d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF continentale de type 1, identifiant 260014889). Voici ce que dit la fiche du Museum à ce sujet :

"Ce site est d'intérêt régional pour ses zones humides, avec leur faune et leur flore. L'étang de Marrault et l'étang du Haut sont des étangs de pêche au niveau d'eau faiblement variable. Il présentent des berges marécageuses, elles-mêmes en contact avec des prairies et des bois humides. Au niveau des étangs, des boisements, des prairies et des cours d'eau, une grande diversité d'habitats a été observée :
- herbiers aquatiques des cours d'eau, d'intérêt européen,
- divers herbiers aquatiques des plans d'eau, d'intérêt régional à européen,
- végétations amphibies vivaces des grèves sableuses exondées, d'intérêt européen,
- ourlets humides à hautes herbes, d'intérêt européen,
- prairies de fauche à Fromental (Arrhenatherum elatius), d'intérêt européen,
- prairies paratourbeuses, localisées en amont de l'étang du Haut, d'intérêt européen,
- végétations amphibies annuelles à bidents (Bidens sp.) des vases exondées, d'intérêt régional,
- végétations amphibies des berges de cours d'eau, d'intérêt régional,
- sources d'eau acides, d'intérêt régional,
- caricaies à Laîche vésiculeuse (Carex vesicaria), d'intérêt régional,
- prairies humides Jonc acutiflore (Juncus acutiflorus), d'intérêt régional,
- chênaies-frênaies sur terrains argileux humides, d'intérêt régional,
- différents types de roselières,
- saulaies marécageuses à Saule cendré (Salix cinerea).

Ces différents milieux abritent les espèces déterminantes pour l'inventaire ZNIEFF suivantes :
- nénuphar blanc (Nymphea alba),
- bident radié (Bidens radiata),
- pâturin de chaix (Poa chaixii).

D'autres espèces déterminantes pour l'inventaire ZNIEFF, observées avant 1991, mériteraient d'être recherchées sur le site : utriculaire citrine (Utricularia australis), littorelle à une fleur (Littorella uniflora) et pavot du pays de Galle (Meconopsis cambrica). La guifette noire (Chlidonias niger), oiseau inféodé aux milieux d'eau douce et migrateur rare en Bourgogne, a été observé ponctuellement sur ce site.

Des mares prairiales bocagères, présentes en périphérie des étangs, accueillent également la Rainette verte (Hyla arborea). Cet amphibien est en régression dans plusieurs régions de Bourgogne du fait de la conversion des prairies en cultures, ainsi que de la destruction des mares et autres zones humides."

Guifette noire (Andrej Chudý, CC BY-SA 2.0)

Dans les mammifères, on note également le campagnol amphibie (Arvicola sapidus) et le putois d'Europe (Mustela putorius). Pour les oiseaux la grande aigrette (Ardea alba), le martin-pêcheur (Alcedo atthis) ou encore la huppe fasciée (Upupa epops) peuplent les rives des plans d'eau. Et cet inventaire est loin d'être complet ! Les promeneurs observent par exemple, lors des chaudes soirées estivales, un ballet incessant de nombreux Chiroptères se régalant des insectes de chaque retenue.

Sortir des idées reçues sur les continuités et discontinuités écologiques
Les étangs de Marrault sont créés par des digues qui barrent un modeste cours d'eau typique de la tête de bassin morvandelle. Ce rû naît près de Charmolin (où il alimente déjà un petit étang), passe au moulin Jaillard (qui menace ruine), prend les noms de ruisseau des Prés du Meix, ruisseau des Etangs, et enfin ruisseau de la Forêt (avant sa confluence avec la rivière Cousin).

On peut voir dans les photographies ci-dessous le profil naturel d'écoulement de ces ruisseaux, assez typique du Morvan : rives boisées et faible lumière, pente prononcée, lit étroit, alternance de petits plats, de radiers et de seuils formant des cascades, eau vive et froide. C'est un habitat à truites et espèces d'accompagnement au plan icthyologique.

Le ruisseau de la forêt entre Marrault et la confluence avec le Cousin. 

Si l'on devait en croire la doxa actuelle de la continuité écologique, les retenues d'eau (comme les étangs de Marrault) sur des cours lotiques de tête de bassin n'auraient que des effets négatifs: fragmentation et banalisation des habitats, réchauffement de l'eau, isolement génétique, infranchissabilité piscicole et sédimetaire, etc. Il faudrait revenir au "niveau typologique théorique" (voir cette critique) de chaque écoulement, cette "renaturation" étant posée comme le sens véritable de la biodiversité ou de "l'intégrité biotique" des milieux aquatiques.

Les étangs de Marrault racontent une toute autre histoire. Certes, ils sont incontestablement défavorables à l'optimum de la truite fario, dont les habitats sont fragmentés et dont l'eau est réchauffée. Mais pour autant, ce patrimoine hydraulique abrite une importante biodiversité acquise au fil du temps, une biodiversité probablement plus importante que ne le serait celle de la rivière laissée à son écoulement naturel (un petit ruisseau en tête de bassin oligotrophe est assez pauvre en vivant, même s'il héberge des espèces spécialisées en eaux froides). Le débat s'impose donc pour les aménagements d'autres rivières de la région. La Fédération de pêche de l'Yonne et le Parc du Morvan ont par exemple annoncé la destruction de l'étang de Bussières sur la Romanée, alors que ce plan d'eau possède des zones humides d'intérêt et n'a pas fait l'objet d'un inventaire complet de biodiversité à notre connaissance. Ce projet risque de conduire à un appauvrissement local de la diversité du vivant au bénéfice d'un objectif centré sur quelques espèces pisciaires déjà présentes dans le bassin du Cousin (voir cet article), ce qui pose la question des finalités réelles de nos actions écologiques en rivière.

Sortons un peu des oeillères de la continuité, de la "renaturation" et de la "rivière sauvage" qui désignent l'ouvrage hydraulique comme ennemi du vivant, tout en ignorant la valeur patrimoniale et paysagère de nos héritages historiques. Avant de faire disparaître des plans d'eau présents depuis plusieurs siècles au nom d'une mode très récente, la prudence, la concertation, l'examen attentif des réalités biologiques et des valeurs patrimoniales de chaque site s'imposent.

14/11/2016

Quelle densité de truite à l'hectare définit un intérêt général? (Et autres questions sans réponses)

Les relevés piscicoles de densité de truite à l'hectare dans le Cousin et ses affluents nous inspirent quelques questions sur les finalités et les performances de la restauration de rivière.  

Le Cousin est une rivière du Nord-Morvan modifiée depuis longtemps sur son lit et dans son bassin, d'abord par l'agriculture, le flottage, les moulins et étangs, plus récemment par des rectifications, drainages, pollutions, productions hydro-électriques et activités sylvicoles. Le changement climatique modifie progressivement les conditions générales d'hydrologie et de température, passant de la période froide du petit âge glaciaire (jusqu'au XVIIIe siècle) à la période chaude moderne. Des facteurs locaux (baisse démographique, faible emprise agricole, socle granitique, forte pente) font que le bassin du Cousin paraît moins "anthropisé" que d'autres, même si en réalité il a connu des influences durables liées à l'histoire.

Comme d'autres, la rivière fait l'objet de travaux d'étude et restauration par le Parc naturel régional du Morvan, qui en est le gestionnaire principal. L'objectif écologique prioritaire du Cousin est l'entretien d'une population relique de moules perlières, dont le cycle de vie dépend de la truite (les larves des moules colonisent les branchies du poisson pour croître et se diffuser).

Le tableau ci-dessous reproduit quelques mesures de densité de truite fario (Salmo trutta fario), telles qu'elles ont été relevées depuis 10 ans sur le Cousin et ses affluents (d'autres relevés existent, mais nous ne les avons pas trouvé en libre accès ou ils n'avaient pas calculé une densité à l'hectare).



Quelques remarques sur ces données :
  • il y a des truites dans le Cousin (au cas où l'on aurait fini par l'oublier à force d'entendre des propos catastrophistes!);
  • certaines zones n'ont pas fait l'objet de mesure (ou nous ne les avons pas retrouvées), par exemple le Trinquelin de Saint-Agnan à Cussy, le cours aval de la rivière après Avallon;
  • les stations ont des densités très variables;
  • le cours principal du Cousin présente des densités plutôt faibles, sauf à l'amont, parfois nulles dans les habitats non favorables;
  • les affluents du Cousin présentent pour certains des densités fortes à très fortes;
  • les résultats sont variables d'un relevé l'autre, comme le montrent les stations ayant 3 mesures (Les Cordins prairie : 0, 284, 2901) et d'autres où l'on a un facteur 10 de variation;
  • sur les stations sans truite, il y a d'autres poissons mieux adaptés aux habitats concernés.

A partir de ce tableau, on peut se poser diverses questions :
  • Connaît-on la variabilité des populations de truite?
  • Connaît-on la fourchette de population totale de la truite (et de la moule perlière) sur le Cousin?
  • Quelle densité de truite à l'hectare est considérée comme un objectif raisonnable?
  • En quoi cette densité de truite à l'hectare correspond-elle à l'intérêt général des citoyens?
  • Juge-t-on utile de consulter les citoyens pour savoir ce qu'ils en pensent?
  • Quelle a été la somme totale dépensée pour la restauration du Cousin et affluents depuis 20 ans?
  • Quelle a été l'évolution globale des populations de truites / moules perlières depuis 20 ans?
  • Quelles dépenses et quels délais seront encore nécessaires pour atteindre l'objectif posé (s'il existe)?
  • Avec quel degré de certitude sur le résultat?
  • Pense-t-on que les truites (et les moules) seront toujours présentes au XXIIe siècle en situation de réchauffement climatique?

Ces questions restent généralement sans réponse, et l'on a droit à deux types d'évitement:
  • le propos généraliste (exemple : "l'enjeu est de restaurer la fonctionnalité des milieux aquatiques afin d'accroître leur résilience et de viser un bon état de la masse d'eau") dont le caractère passe-partout ne satisfait pas les informations demandées;
  • le propos spécialiste (exemple : "le colmatage des substrats et de la zone hyporhéique induit des déficits bien réels dans le cycle de vie de nombreux assemblages des biocénotypes attendus sur une rivière comme le Cousin") dont la complexité formelle noie le débat de fond dans un jargon peu accessible aux citoyens et évite, lui aussi, de répondre à des questions assez simples sur le diagnostic et le bilan global.

Cette esquive n'est pas durable. Depuis que les Agences de l'eau ont basculé vers un paradigme de gestion écologique de bassin, des sommes croissantes d'argent public sont engagées. L'environnement aquatique n'est plus le combat isolé de quelques associations lançeuses d'alerte ou l'apanage de certains usagers (pêcheurs), mais une politique publique qui crée des contraintes, engage des coûts, modifie des pratiques. La contrepartie est nécessaire: il faut répondre de l'intérêt général et de l'efficacité (écologique) des actions menées. Cette demande est de plus en plus forte sur les décideurs, tant dans les échanges avec l'Union européenne concernant la mise en place de la directive cadre sur l'eau et ses garanties d'efficience que dans la littérature scientifique d'évaluation de l'écologie de la restauration, où de trop nombreux retours d'expérience négatifs conduisent les chercheurs à se poser des questions (voir cette synthèse).

La demande d'explication sur l'intérêt, la portée et le succès de la restauration écologique devient également plus pressante de la part des citoyens quand leur cadre de vie se trouve modifié – ce qui est inévitable si la restauration de milieux doit réellement primer sur d'autres considérations. Il y a par exemple une soixantaine de moulins et étangs sur le bassin du Cousin, leur effacement et leur aménagement représentent un coût conséquent, un changement du paysage historique des vallées et la modification de biotopes qui peuvent avoir leur intérêt, même s'ils n'hébergent pas des salmonidés. Cette évolution ne s'obtiendra pas sans qu'on en explique et justifie l'intérêt général. Et faire simplement varier des densités de truite risque de ne pas suffire à cela...

A lire sur ce thème
Les moulins ont-ils fait disparaître les truites du Cousin?
Les moulins ont-ils fait disparaître les moules du Cousin?

22/09/2016

Avallon: le chantier "exemplaire" Life+ / Parc du Morvan commence mal

La pelleteuse s'active déjà en berge de la rivière Cousin, face au seuil du moulin Nageotte qui vit ses derniers jours, mais l'arrêté préfectoral autorisant les travaux est introuvable sur le site ou en mairie.  Pas vraiment l'idéal pour permettre aux citoyens de vérifier le bien-fondé et le bon déroulé du chantier.


Des berges défoncées par les engins mécaniques, des arbres coupés, c'est le lot commun des chantiers si "écologiques" de destruction de seuils en rivière. Nous verrons dans quelques années s'ils ont permis le retour de la truite et de la moule perlière dans les eaux polluées* du Cousin avallonnais. Pour l'instant, ils font surtout la joie des bureaux d'études et entreprises de BTP.

Mais ce 21 septembre 2016, à Cousin-le-Pont dans la commune d'Avallon, tout le monde est néanmoins surpris par la précipitation dans la mise en oeuvre: aucune signalétique de chantier, aucune publication de l'arrêté préfectoral autorisant les travaux sur le lieu où s'active déjà la pelleteuse. Les riverains ont bien cherché, mais aucun panneau n'est présent en berge, sur le parking attenant ou devant le lieu d'installation des engins et matériaux. Nous n'avons pas eu plus de chance en mairie : aucun affichage extérieur ni aucune copie de l'arrêté au service urbanisme (qui n'était pas au courant). Des propriétaires d'un moulin voisin se disent surpris vu la vigilance dont ils font l'objet pour de modestes curages d'entretien sans engin mécanique, alors que les travaux sont ici autrement impactants et ne concernent pas un canal privé, mais bien le lit et ses berges.


La DDT de l'Yonne, contactée par notre association, est elle aussi étonnée et préoccupée de cette absence de publicité de la décision préfectorale. Le Parc du Morvan, maître d'ouvrage par délégation, est responsable de la bonne tenue du chantier et de la bonne information du public. Les citoyens ne peuvent pas contrôler si le chantier respecte les pratiques fixées par l'arrêté préfectoral tant que ce dernier est enfermé dans un tiroir. Ou s'il est affiché dans un endroit très éloigné des travaux.

En berge, un pêcheur s'inquiète pour sa part de l'absence de pêche de sauvegarde, dont on lui aurait dit qu'elle ne "servait à rien". La DDT nous assure pourtant qu'elle est prévue pour bientôt… mais sur place, d'aucuns affirment que le démantèlement des seuils commencera dès le lendemain. Ce qui paraît un agenda compliqué à respecter.

Bref, une certaine confusion règne. On y mettra vite de la clarté, puisque si le chantier continue dans un telle opacité sur son fondement réglementaire et sur les prescriptions relatives aux travaux, plainte sera déposée en gendarmerie.


Pour rappel, Hydrauxois avait demandé dix jours plus tôt au Préfet une assurance que le chantier respecte les obligations d'urbanisme et de protection du patrimoine propres à la démolition d'un site en zone classée ZPPAUP et au nouvel alinéa IV de l'article L 214-17 CE. Aucune réponse à ce jour (fut-ce pour assurer que la démarche avait été faite), ni évidemment aucune transmission de l'introuvable arrêté d'effacement. Que la destruction ait lieu ou non, la copie de la saisine de l'ABF sera de nouveau demandée, ainsi que la réponse du service, puisque cet élément était une étape nécessaire à la légalité du chantier. A suivre.

(*) Sur la pollution, voici ce que dit l'état des lieux du contrat global Yonne-Cure-Cousin 2015-2020: "Les ruisseaux de Minimes et de Potots qui traversent le bourg d’Avallon sont fortement chargés en HAP, métaux lourds [arsenic, plomb], un insecticide et un phtalate. Leur état physico-chimique est mauvais. Des rejets domestiques arrivent directement sur ces cours d’eau." Il se trouve que le ruisseau des Minimes se jette dans la retenue du seuil Nageotte en voie de destruction. Ces pollutions pourront donc se diffuser plus librement dans le Cousin aval (on appelle cela la libre-circulation du poison). Les espèces-cibles de ces opérations de destruction du patrimoine hydraulique (truites, moules) sont connues pour être très polluosensibles. Pas grave, on fera des lâchers de surdensitaires pour soutenir la vente de cartes de pêche et entretenir l'illusion de la sauvage rivière morvandelle.

28/08/2016

Contre la destruction des seuils d'Avallon: réponse au Parc du Morvan

A l'issue de l'enquête publique sur l'effacement des 3 ouvrages communaux du Cousin à Avallon, le commissaire-enquêteur a donné un avis favorable au projet d'effacement, contrairement à son confrère ayant donné un avis défavorable pour les opérations sur Perrigny-sur-Armançon et Tonnerre. Notre association répond point à point aux arguments du Parc du Morvan. Il ressort de ce nouvel échange que le dossier ne respecte toujours pas certaines règles: justification d'un objectif concret de résultat pour les truites et les moules perlières, inventaire de biodiversité garantissant qu'il n'y aura pas de perte nette d'espèces présentes sur le tronçon, garantie que l'état chimique déjà dégradé du cours d'eau sera amélioré et non pas davantage altéré vers l'aval, motivation par l'autorité administrative compétente de la nécessité d'une démolition d'un patrimoine protégé en ZPPAUP. Le Parc du Morvan ne répond pas à sa vocation en envisageant ainsi la destruction des ouvrages hydrauliques du territoire qu'il a mission de valoriser. Un choix d'aménagement doux serait plus consensuel et plus intégrateur des différentes dimensions que le Morvan veut promouvoir : qualité des milieux bien sûr, mais aussi richesse culturelle, autonomie énergétique, diversité des paysages.

Le commissaire enquêteur en charge de l'enquête publique d'Avallon se livre à une intéressante et militante charge contre notre association, que l'on peut lire dans son avis. Il en ressort (par exemple) que promouvoir la vocation récréative des biefs et retenues provoquerait des catastrophes comme celle-ci : "Les enfants qui chassent les alevins à l'épuisette, qui retournent les pierres en détruisant des habitats, qui capturent de petits animaux pour les observer dans un seau n'ont pas franchement d'effet positif sur les écosystèmes, surtout en période de chaleur, au moment où le niveau d'eau est le plus bas. En outre l'agitation des sédiments modifie la turbidité de l'eau et ses caractéristiques physico-chimiques." Dont acte, les enfants seront à l'avenir formellement interdits d'approcher la "rivière renaturée" et transformée en musée intouchable de la biodiversité. Nous préférons pour notre part des rivières humaines et propres.

Pour l'essentiel et sur le fond, le commissaire-enquêteur ayant travaillé sur les effacements d'Avallon s'est appuyé sur le mémoire en réponse du Parc naturel régional du Morvan (PNRM). Nous y répliquons point à point ci-dessous.

A date, l'association Hydrauxois n'a toujours pas reçu de réponse de la Ministre de l'Environnement sur le respect de son instruction aux préfets et se trouve donc dans l'ignorance de la position de l'administration. Une réunion de notre conseil d'administration décidera de l'opportunité d'organiser des contentieux judiciaires et des actions de terrain sur les effacements qui viendraient à être engagés malgré tout. Comme le montrent les points détaillés ci-dessous et dans le cas d'Avallon, il y a largement matière à saisir le juge pour clarifier de nombreux points de droit nous paraissant problématiques.

Nota : les réponses du Parc (ou PNRM dans les paragraphes ci-dessous) renvoient dans l'ordre à chaque attendu de notre avis négatif, consultable à cette page si l'on veut se rafraîchir la mémoire.



1. La mission confiée au CGEDD (Conseil Général de l'Environnement et du Développement Durable) par la Ministre de l'Environnement a été reçue par le Parc naturel régional du Morvan du 20 au 22 juin 2016. Un grand nombre d'acteurs a été rencontré. Le cas des travaux réalisés sur le secteur d'Avallon les a particulièrement intéressés. L'approche, concernant ces ouvrages, a été étudiée au cas par cas. Une concertation permanente avec les propriétaires a été faite et nous avons privilégié la recherche du compromis optimum pour rendre les ouvrages compatibles avec la réglementation et répondre aux difficultés de gestion régulière des ouvrages par les propriétaires. Cela va dans le sens souhaité par la Ministre. En aucun cas le CGEDD n'a souhaité l'arrêt de nos actions, programmées de longue date par le LIFE.

Le point de l'association Hydrauxois n'est pas que le CGEDD serait pour ou contre l'arasement des seuils d'Avallon (les inspecteurs n'ont pas étudié le détail du dossier à notre connaissance, ni formulé d'avis, donc on évitera de parler à leur place), mais que la Ministre de l'Environnement Ségolène Royal a demandé formellement aux préfets de faire une pause dans les destructions. Le Parc ne répond pas à cela, nous continuerons de le rappeler au préfet de l'Yonne.

2. Le constat d'impossibilité de gestion et d'entretien est fréquent. Les solutions d'aménagement pour rétablir durablement la continuité écologique sont souvent la seule réponse possible sur les ouvrages n'ayant plus d'utilisation économique.

Même observation : notre point est que la loi de 2006 instituant la continuité écologique en rivière classée liste 2 ne prévoit pas la destruction. Cette dernière se révèle plus coûteuse que des solutions de franchissement (plus de 100 k€ par ouvrage en moyenne pour les effacements ici considérés, moins de 100 k€ pour les 3 passes construites en 2015). La commune d'Avallon a les moyens d'entretenir les passes à poissons ou autres dispositifs de franchissement, ce qui n'est pas un très gros travail si ces dispositifs sont bien conçus.

3. Les seuils liés aux Moulins Poichot et Nageotte sont bel et bien des «ouvrages Grenelle». Le seuil du Moulin Mathey n'a pas été classé «Grenelle», mais fait partie du ROE (Référentiel des Obstacles à l'Ecoulement).

Même point que précédemment, le PNRM répond à côté de notre argument: lors du vote de la loi Grenelle de 2009, article 26, la commission mixte paritaire Assemblée nationale-Sénat a explicitement retiré le mot "effacement" au profit du mot "aménagement" pour les ouvrages de la trame bleue. Le Parc ignore le texte et l'esprit de la loi en portant des projets de destruction (à sa décharge, cette dérive administrative s'est généralisée, elle n'en reste pas moins une dérive sur laquelle il serait utile que le juge statue à l'occasion d'un contentieux).

4. Une des problématiques connues depuis longtemps (et pas seulement depuis les derniers relevés du bureau d'étude ARTELIA) est l'assainissement de la zone agglomérée d'Avallon. Parmi d'autres actions, et notamment l'amélioration de la continuité écologique sur le Cousin. l'enjeu d'amélioration de la gestion des eaux usées est une priorité. Depuis plusieurs années, la collectivité aidée par l'Agence de l'Eau et le Parc dans le cadre de son Contrat Global, améliore sa gestion. La station d'épuration a été refaite à neuf en 2008, une étude diagnostique faite en 2009, la mise en séparatif de 1500 ml en 2009, le remplacement de 1000 ml de réseau en 2009, la création de 650 ml de réseau et la réhabilitation de 200 ml en 2010. Le Contrat Global Cure-Yonne a prévu, en actions prioritaires. les travaux de réhabilitation des réseaux d'assainissement du bourg d'Avallon ainsi que la réhabilitation totale de l'assainissement du hameau de Chassigny. Des études et des consultations sont actuellement en cours pour réaliser des travaux prochainement.  Cette  problématique  n'est  donc  pas  oubliée. Les plans d'eau créés en amont des seuils (le remous), ne sont pas des lagunes d'épuration! La communauté scientifique en hydro-écologie ne reconnait pas cette fonction dans le cas de rivières vivantes et rapides comme l'est le Cousin.

Le fractionnement du cours d'eau et les successions de plan d'eau créés par les seuils diminueront, au contraire, la capacité d'auto-épuratoire du cours d'eau par modification des biocénoses naturelles, altération du taux d'oxygénation de l'eau et des échanges chimiques. Parmi les grandes références de l'hydrobiogie française, Jean Verneaux décrivait déjà dans les années 70 l'effet que peut avoir l'altération des conditions hydro-morphologiques sur la biocénose et les capacités de l'écosystème à réagir à une pollution. C'est particulièrement vrai en tête de bassin (cas du Cousin) car l'écart hydro-morphologique et biologique entre milieu naturel et milieu modifié par le seuil est grand. Un des derniers ouvrages de l'ONEMA (Les Poissons d'eau douce à l'heure du changement climatique 2074, page 708) fait état de cette évidence hydro­-écologique. Il précise, entre autres, qu'une des solutions les plus intégratrices pour retrouver ou conserver une qualité de l'eau compatible avec les enjeux biodiversité, et pour faire face au changement climatique, est probablement la restauration hydro morphologique des cours d'eau.

L'association Hydrauxois n'affirme pas que la problématique de la pollution est "oubliée", elle reprend simplement les conclusions du BE Artelia sur la dégradation du bon état chimique et physico-chimique par ce compartiment sur le Cousin avallonnais. Inversement, il n'est pas indiqué que le Cousin est dégradé (au point de vue des obligations françaises liées à la directive cadre européenne) sur le plan piscicole.

Nous demandons au gestionnaire de traiter d'abord la pollution (risquant de dégrader la rivière pour le bilan DCE), y compris les nouvelles substances ajoutées dans le contrôle obligatoire DCE et les micropolluants émergents, ensuite seulement de modifier la morphologie là où cela est nécessaire pour des gains écologiques significatifs et à coût raisonnable.

La "communauté scientifique" en hydro-écologie s'exprime par définition dans des publications scientifiques. Un rapport de l'Onema n'est pas une publication scientifique mais une "littérature grise" d'experts n'ayant pas franchi l'épreuve de l'examen par les pairs, n'apportant pas de résultats de recherche propres et n'échappant pas aux biais de spécialité de ses auteurs, même si certains sont chercheurs. Jean Verneaux, dont les principales publications datent d'il y a 40 à 60 ans, n'est pas chercheur en éco-toxicologie à notre connaissance et son principal apport concerne d'autres domaines. La capacité d'épuration emprunte des voies biologiques, physiques et chimiques qui n'ont rien à voir avec la problématique des "biocénoses naturelles" ou "l'écart morphologique" à une référence, cités dans la réponse du Parc. Il ne faut pas mélanger les sujets, on parle ici du cycle chimique des nutriments et des polluants. Nombre de travaux scientifiques parus depuis 30 ans ont montré le rôle d'épuration des ouvrages pour certaines substances (voir synthèse ici, voir l'expertise collective récente sur l'effet des retenues, voir le travail récent de Gaillard 2016 sur l'épuration des pesticides, etc.).

Nous demandons au PNRM de prévoir sur tout chantier des analyses avant / après pour contrôler la physico-chimie de la rivière avec et sans seuil : de tels résultats de mesure seront plus probants que des discours abstraits sans aucun élément de quantification ni de vérification.



5. Pas de réponses supplémentaires à apporter car l'argument épuratoire des plans d'eau créés par les seuils va à l'encontre des connaissances des hydro­-écologues en matière de capacités d'autoépuration des rivières. La retenue entraîne une modification de la granulométrie du fond (accumulation de fine empêchant le rôle de « filtre biologique » que peut jouer le sédiment s'il n'est pas colmaté), modification des conditions physico­ chimiques naturelles, baisse de l'oxygène dissous, augmentation de la température, et modification considérable des biocénoses naturelles. Ces ouvrages contribuent au contraire à modifier la capacité épuratoire naturelle du cours d'eau.

Il serait très inquiétant que la communauté des hydro-écologues définisse l'épuration comme un "filtre" par des sédiments non colmatés! Rappelons que l'épuration désigne des processus de métabolisation (voie biologique) ou de minéralisation (voie physique) de certains composés. Le PNRM confond là encore différents sujets et n'approfondit pas ses arguments, assénés sans preuve, sans référence et sans logique.

6. Effectivement, les monographies anciennes effectuées sur le Cousin, mais aussi sur beaucoup d'autres cours d'eau moins aménagés, décrivent souvent des situations d'abondance. Pour autant, ces données sont intéressantes sur le plan qualitatif, mais ne sont absolument pas reprises par les scientifiques pour suivre l'évolution des peuplements piscicoles sur le plan quantitatif (absence de protocole d'inventaires, pas de données sérieusement quantifiables). Dès lors, la tentation est grande de faire dire «n'importe quoi» à ces données anciennes. Le contexte de l'époque était d'ailleurs très différent : les moulins étaient gérés (ce qui n'est plus le cas pour la plupart), les polluants étalent différents (peu de pollution atmosphérique, pas de pollution chimique agricole, pas de molécules toxiques...), les températures globalement plus fraîches, etc... L'ensemble de ces facteurs fait que les situations passées et actuelles sont incomparables. Cependant, l'effet du fractionnement des rivières par des obstacles, de toute nature confondue, est plus qu'évident sur la dynamique des populations, l'accès aux frayères, le brassage génétique. L'effet positif de travaux de renaturation a été plusieurs fois démontré en France par des suivis sérieux de l'ONEMA.

Cette réponse du PNRM concerne la référence aux travaux de Moreau à la fin du XIXe siècle sur le peuplement ichtyologique du bassin de l'Yonne. Contrairement à ce qu'affirme le Parc du Morvan, les données piscicoles anciennes citées par Hydrauxois sont bel et bien reprises par les scientifiques pour définir des trajectoires de peuplement (cf Belliard et al 2016, publication récente qui inclut le Cousin à Avallon). Plutôt que d'ironiser sur le manque de sérieux de notre association, il serait bon que les gestionnaires de rivières fassent l'effort élémentaire d'une bibliographie scientifique et historique complète de la masse d'eau dont ils ont la charge, afin de mieux la connaître et de mieux informer les citoyens sur l'histoire de leur environnement.

Par ailleurs, le PNRM reconnaît lui-même dans sa réponse que la rivière Cousin s'est dégradée pour toutes sortes de motifs (pollutions, réchauffement) n'incluant pas les moulins (moins nombreux aujourd'hui qu'hier, et moins polluants aussi puisque certains avaient des productions industrielles connues pour dégrader les eaux, surtout avec les normes environnementales inexistantes du XIXe siècle). Par exemple, les moulins Poichot et Mathey ont été propriété de tanneurs aux XIXe et XXe siècles, le moulin Nageotte a été une usine à tan et écorces: ces activités sont connues pour modifier localement la chimie de la rivière. Il est inexact d'affirmer que les moulins en activité du temps passé étaient forcément plus favorables aux milieux aquatiques que les moulins sans activité d'aujourd'hui. Malgré cette production proto-industrielle dans la vallée du Cousin, les truites ne semblaient pas souffrir des activités des moulins.

7. Dans le cas des trois ouvrages (Poichot, Nageotte et Mathey), le franchissement de la truite n'est possible que de façon très exceptionnelle (forte hauteur d'eau: le dénivelé est trop important). Il n'y a  pas de fosses d'appel nécessaires au saut du poisson et la rugosité n'est pas favorable. Si les ouvrages étalent transparents et reconnus comme tel par les services de I'ONEMA, il ne serait pas utile d'Intervenir. De plus, la truite n'est pas la seule espèce repère même si les évaluations et calculs se font à partir des capacités de nage et de franchissement de cette espèce, bien connues à présent. Le chabot et la lamproie de planer, deux espèces d'intérêt communautaire (Directive habitats faunes flores, 1992) et dont les capacités de nages sont certainement inférieures à celles de la truite, bénéficieront des aménagements.

Le débit mensuel moyen du Cousin avallonnais en période de migration de la truite est de 6 à 8 m3/s, avec des débits maxima journaliers (QJ) et instantanés (QIX) de l'ordre de 30 m3/s. Dans de telles conditions, les seuils sont en partie noyés et (probablement) transparents au plan migratoire pour la truite adulte – éventuellement pour des espèces moins nageuses sur les zones latérales à vitesse plus faible. Par ailleurs, l'aménagement non destructif de voie de passage est possible et pourrait être réalisé à moindre coût. Enfin, la mise au norme des ouvrages demande le franchissement par les migrateurs, et non pas toutes les espèces y compris celles qui ont des moeurs sédentaires et ne sont pas morphologiquement adaptées à des migrations de longue distance.

Nous observons que ni Biotec 2013 ni Artelia 2016 n'ont procédé à une analyse ICE de la franchissabilité des ouvrages à différentes hypothèses de débit et d'ouverture des vannes. Or, le protocole ICE de l'Onema est censé être le référentiel d'instruction sur le volet piscicole de la continuité. Il est regrettable que de nombreux aspects du dossiers de l'effacement des seuils d'Avallon soient ainsi des assertions assez vagues sans mesures ni démonstrations, alors que les études préparatoires ont déjà un coût conséquent et devraient intégrer l'usage de tous les référentiels publics comme de toutes les mesures d'état écologique / chimique DCE.




8. On peut s'interroger sur cette référence scientifique et l'interprétation qui en est fait car elle manque sérieusement de précision. En effet les moules d'eau douces, selon les espèces, ont des biologies très différentes. Ici, il est probablement fait référence à des espèces appartenant au genre Anodonta ou à des Unio de milieux lentiques et non de la Moule Perlière qui est une espèce qui vit exclusivement dans des rivières à courant marqué. La référence à la fiche des cahiers d'habitats sur l'espèce, rédigée par Gilbert Cochet, relue avant validation par le Parc naturel régional du Morvan, est clairement sortie de son contexte. Certains biefs sont connus pour abriter des Moules Perlières qui y trouvent des conditions de vie acceptables pour les moules issues par dérive 'de l'amont des cours d'eau. Ces biefs sont caractérisés par des petites dimensions, un courant toujours bien présent et des fonds sableux bien nettoyés. Ce sont des exceptions tout à fait rares qui existent dans des conditions topographiques bien particulières, et dans le cas de populations très abondantes installées sur la rivière naturelle. Ce n'est pas le cas des biefs de la vallée du Cousin (ni ailleurs sur le bassin de la Seine). La fiche des cahiers d'habitats précise trois points essentiels à prendre en compte pour plus d'objectivité:
  • « Les tronçons sans courant sont inutilisables par l'espèce »,
  • « La Moule Perlière est très sensible à tout colmatage dû soit à une augmentation de la charges en matériaux fins, soit à une diminution du courant par la création de retenue.»,
  • « La préservation et la restauration des populations de salmonidés qui passent par une diminution de l'eutrophisation et une libre circulation des poissons permettrait d'assurer une meilleure reproduction de la Moule Perlière».

La citation extraite par notre association peut être consultée dans la fiche des cahiers d'habitats Natura 2000 de la moule perlière (Margaritifera margaritifera, et non pas une autre espèce). D'autres citations permettent de comprendre pourquoi les moulins n'ont pas d'impact majeur sur la moule perlière contrairement à certaines pressions présentes sur le Cousin :
  • "Au moins jusqu'au siècle dernier, la moule perlière était présente en grande quantité dans la quasi-totalité des rivières sur socle cristallin de France et d'Europe" (malgré la présence de moulins, donc, puisque tous ceux du Cousin et la grande majorité des sites du Morvan datent d'avant la Révolution française)
  • "Actuellement, la régression de l'espèce est due essentiellement à l'eutrophisation des cours d'eau"
  • "Les travaux forestiers avec débardages importants peuvent perturber le substrat des cours d'eau"
  • "Les plantations de résineux en bordure de cours d'eau sont à limiter fortement".
Au-delà de cette "guerre des citations", l'objectivité commande de reconnaître que la moule perlière n'est pas attestée sur Avallon (ni actuellement ni au siècle passé dans les monographies l'évoquant), que sa forte sensibilité aux pollutions rend peu probable son retour dans une rivière urbaine à court ou moyen terme, que l'argument de la restauration d'habitats pour la moule n'est donc pas fondé dans le cas des trois ouvrages traités.

9. Le Parc naturel régional du Morvan assure l'animation, pour le compte de l'Etat, du site Natura 2000 FR2600983 «Vallée de la Cure et du Cousin dans le nord Morvan». Il a également rédigé auparavant le DOCOB (Document d'Objectif), approuvé par le Préfet de région le 14 juin 2013. Les programmes européens LIFE sont des outils aux services de la politique Natura 2000. La compatibilité entre le DOCOB du site et le contenu du programme LIFE est le premier point examiné en détail par la Commission Européenne et conditionne son accord à ses financements. Ainsi, les données bibliographiques et les relevés effectués pour l'Inventaire des ZNIEFF (Zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique; dans notre cas ZNIEFF type 1 N°260014890), et pour l'établissement du DOCOB Natura 2000, n'ont pas mis en évidence d'enjeux sur le patrimoine naturel (faune, flore, habitat) dans l'emprise des travaux. En revanche, le DOCOB indique clairement que le rétablissement de la continuité sur la rivière est un enjeu majeur pour les espèces de la Directive Européenne. Il n'y avait donc nul besoin de relevés complémentaires couteux, et le gain écologique est largement justifié par les Inventaires régionaux et le DOCOB gérés par le Ministère de l'Environnement.

Le PNRM répond ici à l'argument selon lequel le dossier d'effacement ne démontre pas l'absence de perte nette de biodiversité, comme l'exige la loi. Dans un chantier ayant un impact sur l'environnement, il est normal de procéder à un inventaire des espèces et cet inventaire est forcément spécifique au site dont les conditions écologiques vont être modifiées. Si par exemple un propriétaire prétendait construire un ouvrage (et non le détruire) sur un site quelconque de la zone Natura 2000, il ne pourrait certainement pas se contenter d'une présumée absence d'espèces d'intérêt dans l'emprise de la future retenue. Le Parc du Morvan fait donc encore preuve d'un argument d'autorité: au prétexte qu'il gère la zone Natura 2000 et une ZNIEFF, il s'abstient d'un inventaire exigible pour un chantier ayant un impact conséquent sur des milieux. C'est d'autant plus vrai que le projet LIFE+ se veut exemplaire au plan écologique et se tient dans un triple zonage (Natura 2000, une ZNIEFF type 1 et une ZNIEFF type 2). Ce point mérite comme d'autres d'être soumis à l'interprétation du juge, afin de savoir si oui ou non les projets d'effacement de plans d'eau appellent un inventaire faune-flore.

D'autre part, les relevés piscicoles Onema 2012 cités par Artelia font état certes d'une absence de truites à l'aval de la commune d'Avallon (sans cause claire, les ouvrages n'empêchent pas la dévalaison et la pollution doit plutôt être recherchée comme premier facteur d'impact) mais aussi d'une diversité piscicole liée à la présence d'eaux plus calmes dans les retenues (dont le hotu, protégé lui aussi par la Convention de Berne).



10. Il s'agit là d'une interprétation abusive de la loi puisque dans l'article L 411-3 du code de l'environnement, il est question uniquement d'introduction, de transport, de colportage, de vente d'espèces non indigènes au territoire et non domestiques. De plus, l'article L 288-3 du code rural et de la pêche maritime traite, lui, du fait de faire naître ou de contribuer à une épizootie. Ce dernier point peut être sujet à discussion concernant les écrevisses d'origines nord­ américaines, seules espèces non indigènes sur le bassin du Cousin. Or, les barrages constitués par les seuils de moulins, ainsi que les barrages verticaux de plusieurs mètres, ne sont pas des obstacles aux déplacements pour ces espèces qui voyagent facilement par voie terrestre ou semi-aquatiques. Les plans d'eau créés par les seuils de moulins, génèrent des conditions très favorables au développement des populations d'écrevisses allochtones, ainsi qu'aux poissons limnophiles (brochets, perches, carpes, gardons...), non présents naturellement sur les rivières de première catégorie piscicole (ce qui est le cas du Cousin à Avallon). 

L'objectif de rétablissement de la circulation piscicole pour le maximum d'espèces, y compris celles qui ont de faibles capacités de nage et de saut, est forcément de nature à favoriser également des espèces dites "indésirables". Après l'avoir reproché (indûment) à Hydrauxois, le Parc du Morvan raisonne à son tour comme si nous étions encore dans des conditions historiques "naturelles" (voici quelques siècles ou millénaires) et que le tiers des espèces piscicoles du bassin de Seine n'était pas désormais constitué d'espèces non natives, dont certaines potentiellement dangereuses (Pseudorasbora parva par exemple).

Par ailleurs, le PNRM signale que les biefs et retenues créent des habitats plus favorables au brochet, une espèce elle aussi protégée (y compris désormais en première catégorie halieutique). Cela rejoint la nécessité de démontrer qu'il n'y a pas de perte nette de biodiversité sur les populations piscicoles du Cousin telles qu'elles sont établies au moins depuis 120 ans et telles qu'on peut les inventorier sur le tronçon en projet.

11. La restauration de l'hydro-morphologie naturelle des cours d'eau est probablement la solution la plus intégratrice pour retrouver ou conserver une bonne capacité épuratoire et donc une bonne qualité de l'eau. «La préservation de l'ensemble des fonctionnalités hydre-morphologiques naturelles des cours d'eau permettrait de limiter l'échauffement de l'eau, de maintenir un taux d'oxygène dissous optimal» (Les Poissons d'eau douce à l'heure du changement climatique 2014, page 110-111). Les plans d'eau créés par les seuils ont l'effet Inverse. Actuellement, il y a plusieurs conflits en Bourgogne sur la non restitution des débits réservés aux cours d'eau sur le tronçon court-circuité lié à l'alimentation du moulin. A l'avenir, en cas de diminution de la pluviométrie et donc des débits naturels des cours d'eau, ces conflits risquent d'augmenter encore, avec la tentation pour le propriétaire de privilégier le débit du bief.
De plus, la restauration hydro-morphologique des cours d'eau, à travers des effacements d'ouvrage, permet de lutter contre le changement climatique en supprimant les effets aggravants des seuils et retenues sur le réchauffement et l'évaporation des eaux. Les retenues génèrent une évaporation forte d'eau en période estivale car une eau stagnante se réchauffe beaucoup plus vite et plus fortement qu'une eau courante. Sur une longue durée d'ensoleillement, plus la surface d'eau exposée est Importante, plus les pertes par évaporation sont significatives. Ce phénomène est aggravé par le comblement progressif, parfois quasi-total, des retenues, par des sédiments, notamment dans le cas de seuils anciens qui ne sont plus gérés.

Le PNRM répond ici à l'argument selon lequel le réchauffement climatique doit augmenter la probabilité d'étiages sévères, ce qui pose la question de conserver la capacité de réguler les niveaux d'eau, tant à fin écologique que paysagère. La dimension paysagère est ignorée dans la réponse du Parc. La dimension écologique de cette réponse n'est guère convaincante.  L'étude Sialis 2013 a mis en lumière un éventuel signal de 0,4 °C de réchauffement des températures maxima lié aux ouvrages, mais ce signal n'est pas débruité des autres facteurs qui peuvent le provoquer (par exemple gradient adiabatique et échange avec l'atmosphère selon l'altitude du point de mesure, effet d'îlot de chaleur urbaine d'Avallon, effet de la ripisylve absente ou présente, etc.). Par ailleurs, comme l'association le démontrera si nécessaire, on peut mesurer aisément des variations locales de 1 à 2 °C dans la température de l'eau sur un même transect du Cousin, donc le protocole permettant de définir un effet thermique des seuils n'est pas assez rigoureux (le signal repéré est inférieur au bruit de la variabilité locale de la mesure).

Plus largement, le changement climatique crée une situation d'incertitude forte sur l'avenir de la rivière et le choix d'effacer le plus grand nombre possible d'ouvrages, inscrit dans la logique actuelle du PNRM, bouleverse sans retour les équilibres en place et les outils potentiels de gestion de l'eau. Cela ne répond pas aux critères élémentaires de précaution et nous le déplorons profondément. Le PNRM ne respecte pas sa mission fondatrice de valorisation du territoire et de préservation de sa capacité d'adaptation à toutes les évolutions possibles s'il persiste dans sa logique actuelle de prime à la disparition du patrimoine hydraulique du Morvan.




12. Les aspects paysagers en lien avec la ZPPAUP (Zone de Protection du Patrimoine Architectural, Urbain et Paysager) et les projets d'aménagements de la vallée réalisés ou en projet par la Commune d'Avallon, sont des points largement débattus avec les élus. Ces derniers ont donné leurs accords sur les projets de réaménagements des seuils. Des simulations paysagères ont pu être faites et montrent certes, un changement de paysage et de perception de la vallée, mals celle-cl retrouve une vie lié aux rythmes et aux bruits du cours d'eau selon les saisons. Redécouvrir la vie d'une rivière, même en contexte urbain n'a pas été jugé négativement, d'autant plus que les éléments liés au patrimoine historique encore présents sont conservés (bâtis, vannes, seuils en partie). Les biefs, eux, ont disparus et ont été urbanisés.

Selon le site du Ministère, on peut lire à propos des ZPPAUP:
"Les travaux de construction, de démolition (L 430-1 du code de l’urbanisme), de déboisement (R130-8 du code de l’urbanisme), de transformation et de modification de l’aspect extérieur des immeubles situés dans le périmètre d’une ZPPAUP et relevant des dispositions du Code de l’Urbanisme sont soumis à autorisation spéciale, délivrée par l’autorité compétente, après avis conforme de l’Architecte des Bâtiments de France (ABF) fondé sur les prescriptions et les recommandations de la ZPPAUP."

Notre association demande de consulter cet avis de l'architecte des bâtiments de France, exigible pour les travaux sur une ZPPAUP. Il ne figurait pas dans le dossier d'enquête publique, alors que les 3 ouvrages sont situés dans le périmètre, de sorte que l'information des citoyens n'a pas été complète.

De surcroît, les ZPPAUP sont annexées aux PLU et la nouvelle formulation de l'article L 214-17 CE oblige à vérifier la conformité entre continuité écologique et patrimoine, la première devant garantir le respect du second :
"IV.-Les mesures résultant de l'application du présent article sont mises en œuvre dans le respect des objectifs de protection, de conservation et de mise en valeur du patrimoine protégé soit au titre des monuments historiques, des abords ou des sites patrimoniaux remarquables en application du livre VI du code du patrimoine, soit en application de l'article L. 151-19 du code de l'urbanisme."

13. Les aménagements permettront enfin d'accéder à la rivière, puisqu'effectivement le lit sera légèrement rétréci à l'image des sections naturelles visibles à proximité des 3 moulins, alors qu'à l'heure actuelle, les eaux plus hautes en permanences et les berges raides ne permettent pas un accès à l'eau aisé. Actuellement, la fréquentation est limitée et la baignade quasi inexistante. Les lieux les plus fréquentés sur la vallée correspondent à des secteurs où la rivière coule librement, ce qui montre qu'il n'y a pas un engouement particulier pour les étendues d'eau plate en amont des seuils. Celles-ci existeront d'ailleurs toujours, mais réduites en surface. Les berges, qui deviendront accessibles, auront peut-être plus d'intérêt qu'à l'heure actuelle.

Divergence d'appréciation n'appelant pas commentaire. Notons qu'un des seuils avait été rénové en 2002… à l'époque la dépense avait paru justifiée pour l'intérêt des riverains. Détruire ce que l'on a rebâti 15 ans plus tôt n'est pas vraiment une démonstration de clairvoyance ni de bon usage des fonds publics.

14. Le Préfet de l'Yonne (via la DDT) a informé la Municipalité d'Avallon, par courrier en date du 30 mai 2014, que les droits d'eau attenants à ces trois seuils étalent caducs et que la remise en état des sites était par conséquent nécessaire. Trois projets d'abrogation des droits d'eau ont été rédigés. De plus, dans le cadre du nouveau classement des cours d'eau, le Cousin étant classé en «liste 1» et «liste 2», la Municipalité d'Avallon, en tant que propriétaire des seuils de moulins, a l'obligation d'ici à 2017 d'assurer la transparence écologique de ces ouvrages hydrauliques. (…)
La régularisation administrative concernant le droit d'eau sera établi par la DDT à la suite des travaux. Le propriétaire (ici la mairie d'Avallon) sera le seul destinataire de cet arrêté préfectoral de modification de l'utilisation du droit d'eau (ici modification car pas de suppression du seuil). Cependant un projet d'arrêté a d'ores et déjà été envoyé à la mairie d'Avallon.

Dont acte. Rappelons simplement que les arrêtés d'abrogation de droit d'eau peuvent être contestés, pas seulement par le propriétaire mais aussi bien par les citoyens ou associations. Par exemple, l'absence du bief n'est pas un motif de ruine complète de l'ouvrage, de changement définitif d'affection ni d'impossibilité d'user de la puissance de l'eau. La légalité interne des arrêtés d'abrogation devra être respectée.



15. Après vérification cadastrale effectuée par les services de la DDT, il s'avère que les Moulins Nageotte, Poichot et Mathey appartiennent bien à la Ville d'Avallon (voir les documents en annexe 2: analyses de propriété faites par la DDT89). Il nous a été demandé de joindre les titres de propriété des ouvrages : cependant il n'existe pas de titre lorsqu'il s'agit d'ouvrages.

Ces pièces ont été transmises pour avis à l'avocat de l'association. (Les ouvrages peuvent bien sûr faire l'objet de titre de propriété s'ils sont cadastrés).

16. Plusieurs points engagent la responsabilité du maître d'ouvrage. Cependant, cela ne peut couvrir en aucun cas l'ensemble des modifications que naturellement un cours d'eau est capable d'entraîner, y compris sur des ouvrages mal entretenus ou mal consolidés qui risquent de disparaître tous seuls. La situation de travaux dirigés et suivis par un maitre d'œuvre offre des garanties supérieures au cas précédent. Les travaux s'effectuent tout d'abord après accord et conventionnement avec le(s) propriétaire(s). Ils sont encadrés par des procédures réglementaires, et répondent aux exigences de la loi imposant au propriétaire des droits et des devoirs (gestion, équipement et l'entretien) dans le but d'assurer la continuité écologique. Dans ce cadre, le propriétaire reste toujours le seul responsable de son ouvrage (seuil, bief, vannes...) et de son entretien. De part et d'autre de la zone de travaux, des travaux connexes de reprise de fondations (murs, murets...) sont prévus dans les marchés publics. Sur les points prévus aux marchés, les entreprises engagent leur garantie décennale, ainsi que le Maître d'Œuvre. Dès lors, le Maître d'Ouvrage Interviendra pour corriger d'éventuelles malfaçons. Au-delà des 10 ans de garanties, c'est bien entendu aux propriétaires d'entretenir leurs biens. Concernant l'entretien de la végétation rivulaire, Le Parc naturel régional du Morvan interviendra dans le cadre de sa Compétence GEMAPI, qu'il s'agisse de conséquence de l'abaissement de la ligne d'eau (risque estimé très faible par les études préalables) ou non.

Notre point attirait l'attention sur la nécessité de clarifier le régime de responsabilité pour l'avenir entre la Commune, le PNRM et l'Etat. Par exemple, le projet vise à laisser des éléments d'ouvrage en place sur certains sites. Or, ce choix (assez absurde au plan patrimonial, le patrimoine n'est pas un résidu amputé de vieilles pierres) crée des risques puisque la rivière finira immanquablement par emporter le seuil déjà fragmenté. Si un accident survient dans ce contexte, dans 5, 10 ou 15 ans, qui est responsable ? De même, le Conseil départemental par la voix de Mme Patouret a demandé à être consulté pour la route riveraine, ce qui n'a pas été le cas. Si la berge affouille malgré les assurances verbales en sens contraire, qui devra payer les travaux?

17. Les actions relevant de la continuité écologique ne représentent qu'une faible part des sommes investies par l'Agence de l'Eau Seine-Normandie pour l'amélioration de la qualité des hydro-systèmes. Sur le Bassin du Cousin entre 2008 et 2015, les actions « Continuité» représentent 493 600 €, alors que les actions «assainissement» se montent à 3 204 100 €. Les mesures agro­-environnementales, affectant directement la qualité des bassins versant et des zones humides, représentent environ 13 millions d'euros sur le Morvan (la part relevant du bassin du Cousin n'est pas calculable à ce jour). Concernant le potentiel énergétique des trois seuils, à la suite de la disparition des biefs des moulins, il est difficile d'imaginer un équipement possible. Ce n'est pas le cas sur d'autres ouvrages où cette question a pu être prise en compte.

Notre association pointait le coût de 367.000 euros pour 3 ouvrages seulement, cela à fin de destruction d'un patrimoine protégé et alors qu'une quarantaine d'ouvrages sont situés dans le tronçon classé au titre de la continuité écologique. Il est aisé de constater que l'ensemble de la réforme (n'ayant de sens que si la "continuité" est effectivement rétablie) a un coût conséquent. Les 367 k€ du projet contesté sont sans apport clair aux riverains en terme de services rendus par les écosystèmes, d'agrément paysager ou de valorisation patrimoniale. L'équipement énergétique n'a jamais été étudié à notre connaissance, pas plus qu'un aménagement récréatif ou autre. Il n'est donc pas étonnant que le PNRM ait du mal à "imaginer" quoi que ce soit en ces domaines, écartés au profit du seul enjeu de "naturalité" de l'écoulement. Nous souhaitons d'autres arbitrages pour le Cousin comme pour toutes les rivières du Morvan.

06/07/2016

Avis négatif sur l'effacement des ouvrages d'Avallon, demande au préfet de surseoir

Après l'Armançon à Tonnerre et l'Ource à Belan, l'association Hydrauxois s'oppose à l'effacement de trois ouvrages hydrauliques communaux sur le Cousin à Avallon. Dernier jour pour l'enquête publique: demain 7 juillet, entre 14 h et 17 h, en mairie d'Avallon. 



Considérant que Mme la Ministre de l'Environnement, par lettre d'instruction du 9 décembre 2015 adressé aux Préfets, a écrit : "Dans l’immédiat, sans attendre les résultats de cette mission [confiée au CGEDD par la Ministre], je vous demande de ne plus concentrer vos efforts sur ces cas de moulins (ou d’ouvrages particuliers) où subsistent des difficultés ou des incompréhensions durables. Ces points de blocage ne trouveront de solution qu’au travers de solutions adaptées, partagées et construites le plus souvent au cas par cas";

Considérant que la loi française sur l'eau et les milieux aquatiques (article L 214-17 Code de l'environnement) demande que tout ouvrage hydraulique de rivière classée en liste 2 soit "géré, entretenu et équipé" selon des règles définies par l'autorité administrative, et non pas arasé ou dérasé;

Considérant que l'article 29 de la loi 2009-967 dite Grenelle évoque la notion d'un "aménagement" des ouvrages "les plus problématiques" dans le cadre de la Trame bleue, et non pas un effacement des ouvrages de dimensions très modestes comme le sont les trois seuils concernés;

Considérant que la masse d'eau du Cousin au droit d’Avallon possède selon le rapport du bureau d’études Artelia un état IBGN dégradé "à mettre en relation avec la présence de la commune d’Avallon en amont de cette station dont les rejets de la STEP impactent possiblement la qualité globale du Cousin", que la priorité du gestionnaire vis-à-vis de la directive cadre européenne sur l’eau est de trouver une solution à ce facteur dégradant de qualité et qu'aucune preuve n'est avancée que le projet d'effacement des ouvrages n'est pas de nature à aggraver cet état chimique, compte tenu du rôle épuratoire des retenues reconnu amplement par les travaux de la communauté scientifique;

Considérant, selon le même motif que précédemment et au plan du droit, qu’aucune mesure ni aucun modèle n’a été proposé dans le projet pour garantir l’absence de risque d’aggravation de l’état chimique à l’aval des ouvrages alors que la Cour de justice de l’Union européenne a établi (C461/13, arrêt 01/07/2015) : "l’article 4, paragraphe 1, sous a), i) à iii), de la directive 2000/60 doit être interprété en ce sens que les États membres sont tenus, sous réserve de l’octroi d’une dérogation, de refuser l’autorisation d’un projet particulier lorsqu’il est susceptible de provoquer une détérioration de l’état d’une masse d’eau de surface ou lorsqu’il compromet l’obtention d’un bon état des eaux de surface ou d’un bon potentiel écologique et d’un bon état chimique de telles eaux" ;

Considérant qu’il a été montré par la recherche scientifique en histoire de l’environnement que les travaux des premiers icthyologues sont des sources recevables pour évaluer les trajectoires historiques des assemblages biologiques (Beslagic 2013 et la base Chips), qu’en particulier la monographie d’Emile Moreau sur les peuplements du bassins de l’Yonne (Moreau 1897, 1898) est jugée recevable à cette fin par les chercheurs et que cette monographie atteste de truites «très abondantes» sur le Cousin quand tous les moulins étaient en activité, avec des impacts à cette époque plus importants que les seuils aujourd’hui résiduels, et donc qu’aucun rapport de cause à effet n’est démontré entre la densité piscicole des espèces d’intérêt et l’effacement des ouvrages des moulins ;

Considérant que la faible hauteur des ouvrages, la conformation en pente de leur parement, l'existence d'échancrures latérales et la possibilité d’actionner les vannes les rendent en particulier franchissables aux espèces migratrices (ici truites) qui sont la cible première du classement des rivières de Seine-Normandie par arrêté de décembre 2012, les truites étant attestées dans les pêches de contrôle à l'amont du bassin et n’étant donc pas affectées dans leur cycle de vie par les obstacles modestes à la continuité longitudinale, d’où il ressort que la solution non réversible du dérasement ou des échancrures est disproportionnée et doit être rejetée ;

Considérant que plusieurs travaux ont suggéré que les petits barrages peuvent avoir des effets bénéfiques sur les moules d’eau douces, notamment à l’aval du seuil de retenue (Gangloff 2011, Singer et Gangloff 2011), que dans le cas particulier de la moule perlière, ce point a été rappelé dans les Cahiers d’habitats Natura 2000, édités sous l’autorité du Museum d’histoire naturelle ("Les biefs de moulins constitue parfois des milieux de choix [comme habitats] grâce à la pérennité des conditions hydrologiques, à l’origine de grande concentration d’individus" Bensettiti et Gaudillat 2004), que l’effacement des ouvrages et de leur système hydraulique n’est donc pas de nature à favoriser cette espèce protégée d’intérêt communautaire ;

Considérant que les rapports des bureaux d'études et le dossier soumis à enquête publique n'ont procédé à aucun inventaire complet de biodiversité des zones à aménager, de sorte que la gain écologique n'est pas motivé et que le risque de mise en danger d'espèces menacées n'est pas vérifié, ce qui est contraire aux articles L 110-1, L 163-1 et L 411-1 du Code de l'environnement;

Considérant qu'un effacement d’ouvrage ne doit pas induire ni faciliter l’introduction d’une espèce indésirable ou d'une épizootie dans un milieu qui en est indemne (article L411-3 Code de l’environnement, article L 228-3 Code rural et de la pêche), et que ce point n'est pas sérieusement établi dans le projet dont l'objectif est de faciliter la circulation des espèces aquatiques à très faible capacité de nage et de saut, y compris des invasifs ou indésirables, et les pathogènes dont ils peuvent être porteurs;

Considérant que le changement climatique est regardé par les chercheurs comme la menace de premier ordre pour les milieux et les sociétés à l’échelle de ce siècle, que ce changement est  susceptible de produire une situation d'incertitude et de stress hydrologiques (étiages et crues plus sévères), que le VCN3 du Cousin au droit des ouvrages est déjà très faible (89 l/s en quinquennale sèche), que la conservation des outils de régulation de la rivière avec adaptation progressive aux nouveaux besoins est dans ces conditions une solution de sagesse et de prudence au lieu d’une destruction sur la base de connaissances scientifiques très lacunaires, ne répondant pas au principe de précaution ;

Considérant que le document d'accompagnement du ZPPAUP de la ville d’Avallon où sont situés les ouvrages en projet précise les points suivants "La vallée du Cousin est un secteur naturel qui est inclus dans le périmètre de la Z.P.P.A.U.P. en tant que ‘zone naturelle constituant un espace complémentaire aux zones bâties’ : rôle d’écrin, de toile de fond. Les relations visuelles entre le centre ancien d’Avallon et la vallée du Cousin sont particulièrement étroites, ce que soulignait déjà Victor Petit au siècle dernier : si ‘la vallée n’est belle que vue de la ville, [...] la ville n’est réellement belle que vue de la vallée’. Cette notion de réciprocité visuelle justifie pleinement l’intégration d’une partie de la vallée dans le périmètre de la Z.P.P.A.U.P. (..) On y trouve en outre des constructions pittoresques restées à l’abri de l’urbanisation de l’après-guerre : anciens moulins à eau, petites fabriques, etc. Ils sont généralement bien intégrés au paysage naturel et participent au caractère romantique des lieux", que la destruction de ce patrimoine historique et paysager inscrit en ZPPAUP n’est pas justifiée par des causes d’intérêt général supérieur, qu’elle est de nature à affecter l’identité et l’attractivité de la Commune d’Avallon, qu’elle n’a pas fait à notre connaissance l’objet d’un rapport d’expertise des autorités administratives en charge du patrimoine et de la culture;

Considérant que du point de vue paysager et social, la disparition des plans d’eau et leur remplacement par un lit mineur de section très amoindrie en situation de faibles débits estivaux du Cousin avalonnais sont de nature à nuire aux usages actuels, en particulier dans les zones qui ont été aménagées à fin récréative au bord desdits plans d’eau ;

Considérant que nous n'avons pas eu connaissance d'un arrêté préfectoral d'annulation ou de modification du droit d'eau ou du règlement d'eau des ouvrages concernés par le projet, de sorte que leur consistance légale doit être respectée tant qu'un tel arrêté n'est pas promulgué et son délai de contestation respecté;

Considérant qu'aucun titre de propriété des ouvrages hydrauliques par la ville d'Avallon n'a été reproduit dans le dossier du projet, qu'une délégation de maîtrise d'ouvrage est nulle et non avenue si ces titres ne sont pas établis, que la destruction partielle ou totale des ouvrages demande la vérification préalable de ce point de droit à peine d’irrecevabilité ;

Considérant qu'aucun régime de responsabilité juridique en cas de dommage différé aux tiers et aux milieux liés à l'arasement n'a été établi, alors que, dans l’intérêt des citoyens d’Avallon, il reviendrait au Parc naturel régional du Morvan ou à l'Etat de préciser qu'ils assument tous les risques futurs liés au changement des écoulements et qu'ils libèrent le propriétaire présumé des ouvrages de cette responsabilité;

Considérant que ce projet, sans réel enjeu écologique démontré au regard de ce qui précède, représente une dépense d'argent public inutile et considérable (367 000 euros), en particulier face à des priorités de premier ordre comme la prévention des inondations et la limitation des pollutions, induit une dégradation dommageable du patrimoine hydraulique d’Avallon et du paysage de vallée aménagée, implique la perte d'un potentiel énergétique qui pourrait être à l'avenir exploité pour améliorer le bilan carbone du territoire ;

l’Association Hydrauxois  demande :

  • à M. le Commissaire enquêteur de donner un avis négatif au projet d'effacement de trois ouvrages hydrauliques d’Avallon (moulin Nageotte, moulin Poichot, moulin Mathey);
  • à M. le Préfet de l'Yonne de suspendre ce projet dans l’attente de données complémentaires et dans le respect de l'instruction donnée par Mme la Ministre.

Copie à Mme la Ministre de l'Environnement.

A nos consoeurs associatives : plusieurs des motivations de nos refus des effacements ont des arguments généraux que vous pouvez reprendre librement pour vous opposer à d'autres projets qui concernent vos territoires. Par ailleurs, chaque motivation diffère dans ses détails et donne des exemples de points à vérifier en cas d'effacement (IPR de la rivière, risque chimique de remobilisation des sédiments, protection patrimoniale, titre de propriété...). N'hésitez pas à agir sur vos rivières, en prenant la même procédure : dépôt d'avis en enquête publique, demande au Préfet de surseoir, copie à la Ministre de l'Environnement.

22/05/2016

Tonnerre, Avallon, Belan-sur-Ource... les effacements d'ouvrages continuent de plus belle

Le 9 décembre 2015, Ségolène Royal avait demandé aux Préfets de ne pas insister sur les effacements de seuils de moulin, en attendant les recommandations du CGEDD pour comprendre les meilleurs moyens de sortir des blocages. Peine perdue, les établissements de rivière ou de bassin (ici Sirtava, Sicec, Parc du Morvan) continuent leur programme méthodique de destruction du patrimoine hydraulique dans les rivières classées au titre de la continuité écologique. Un gâchis d'argent public, pas même capable de promettre un gain écologique concret, entretenant l'illusion abêtissante d'une "renaturation" de rivières anthropisées depuis des millénaires et chimiquement altérées depuis 50 ans. 



Nous avons exposé dans le cas de Tonnerre le caractère absurde de ces travaux au regard de la qualité IPR du cours d'eau et de son peuplement piscicole (voir l'ensemble des articles), nous avions longuement étudié le cas du Cousin, où les truites n'ont pas souffert historiquement des moulins et où le patrimoine de la ville d'Avallon est classé en ZPPAUP (voir l'ensemble des articles), nous avions évoqué à Belan-sur-Ource la diversité écologiquement intéressante des écoulements créés par les ouvrages répartiteurs (voir cet article). Les mêmes pratiques s'observent partout : étude préparatoire à charge, répétition du catéchisme sans analyse de biodiversité locale, absence d'objectif écologique précis, régime de responsabilité peu clair en cas de troubles liés au changement local des écoulements, prime à la casse du patrimoine et du paysage, acharnement sur des petits ouvrages sans impact réel, voire à effet positif, quand les grands barrages n'ont pas de projet. On jette l'argent public par les fenêtres pour des opérations cosmétiques décidées au nom de dogmes. Nous appelons évidement les riverains et les amoureux du patrimoine à participer aux trois enquêtes publiques.

Effacement de deux ouvrages à Tonnerre (Sirtava) - Enquête publique relative à l'effacement de deux ouvrages hydrauliques (services techniques et Bief Saint-Nicolas) du vendredi 3 juin 2016 au mardi 5 juillet 2016 inclus en mairie de Tonnerre. Le commissaire-enquêteur reçoit en mairie de Tonnerre, les 3 juin 2016 de 9 à 12 heures ; 18 juin 2016, de 9 à 12 heures ; 28 juin 2016, de 14 à 17 heures ; 5 juillet 2016, de 14 à 17 heures.

Effacement total ou partiel de trois ouvrages à Avallon (Parc du Morvan) - Enquête publique relative à l'aménagement de trois ouvrages hydrauliques (Moulins-Nageotte, Poichot et Mathey) du lundi 6 juin 2016 au jeudi 7 juillet 2016 inclus en mairie d'Avallon. Le commissaire-enquêteur reçoit en mairie d'Avallon, les  lundi 6 juin 2016, de 9 à 12 heures ; mardi 14 juin 2016, de 9 à 12 heures ; samedi 25 juin 2016, de 14 à 17 heures ; jeudi 7 juillet 2016, de 14 à 17 heures.

Effacement d'un ouvrage à Belan-sur-Ource (Sicec) - Enquête publique relative à l'effacement de l'ouvrage Massard à Belan-sur-Ource du 14 juin au 16 juillet inclus en mairie de Belan-sur-Ource. Le commissaire-enquêteur reçoit en mairie de Belan, les 16 juin de 09:30 à 12:30, 27 juin de 14 à 17 heures, 11 juillet de 09:30 à 12:30.

Illustration : moulin de Belan-sur-Ource.

07/11/2015

Visite des chantiers de passes à poissons du Cousin

Le vendredi 6 novembre était organisée par Hydrauxois et le Parc du Morvan une visite de trois chantiers de passes à poissons sur la rivière Cousin, dans la zone classée Natura 2000 autour d'Avallon. La vallée fait aussi l'objet d'une protection au titre patrimonial (ZPPAUP). Nous remercions le Parc d'avoir accompagné cette initiative, dont voici un compte-rendu.

Moulin Léger, passe à bassins successifs
Hauteur de chute au droit de l'ouvrage : env. 1,7 m
Coût env. 80 k€ hors étude



Le moulin a une activité hydro-électrique (turbine type Francis, injection EDF-OA), la solution retenue a donc respecté la consistance légale de production. Le choix s'est porté sur une passe à bassins successifs permettant de diviser la pente en chutes modestes. La passe est calculée de telle sorte que des espèces à faible capacité de saut puissent nager dans des échancrures entre les bassins. La conception est rustique (à blocs grossiers), ce qui a un intérêt paysager et se rapproche des conditions naturelles rencontrées sur des rivières (zones à radiers et rapides). On note à l'amont des blocs en rivière : ce sont des déflecteurs pare-embâcles, pour minimiser le risque d'obstruction de la passe. Une échancrure garantit que la passe reste en eau en étiage et absorbe alors 10% du module (débit minimum biologique).

Moulin Cayenne, rivière de contournement
Hauteur de chute au droit de l'ouvrage : env. 2,1 m
Coût env. 50 k€ hors étude



Le moulin a une roue fonctionnelle de type Sagebien et une autoproduction énergétique en cours d'installation. La solution retenue a donc respecté la consistance légale. Il s'agit d'une rivière de contournement, dispositif considéré comme le plus proche des conditions naturelles et le moins sélectif sur les espèces piscicoles en montaison. La rive gauche a été creusée jusqu'au lit (socle de la roche-mère) et des enrochements ont été posés sur les extrados pour limiter l'érosion. Des plantations sur géotextiles sont en cours, notamment pour garantir la stabilité des berges à terme.

Moulin Cadoux, rampe en enrochement
Hauteur de chute au droit de l'ouvrage : environ 1,8 m
Coût env. 90 k€ hors étude



Le moulin n'a pas d'usage énergétique, mais jouit d'une protection comme "patrimoine pittoresque de l'Yonne" en raison du caractère exceptionnel du site, de son ancienneté historique et de son reflet dans le miroir d'eau. La proximité des populations de moules perlières (espèce protégée de la vallée) a conduit à un projet plus ambitieux, avec une arase en pente sur la crête en rive gauche du seuil, baissant légèrement le niveau légal et limitant la longueur du remous liquide/solide amont. La surverse préférentielle à cet endroit doit aussi casser la vitesse du flot dévalant par la passe, qui est constituée d'une rampe en enrochement de fond (blocs grossiers cassant la puissance de l'eau et offrant des zones de repos).

Les observations faites lors de la visite
Tous les propriétaire présents (venant des quatre départements bourguignons) ont des problématiques d'aménagement de continuité écologique sur des rivières classées. Les trois chantiers leur ont été utiles pour comprendre les enjeux constructifs. Mais ils ont soulevé aussi bien des objections et des interrogations.
Coût des dispositifs : c'est évidemment le point noir. Les trois aménagements du Cousin bénéficient d'un financement exceptionnel à 100% (Life+ et Agence de l'eau Seine-Normandie). Or, la position de l'Agence en situation normale est un financement public nul si le moulin n'a pas d'usage structurant, et de 20 à 50% en cas d'usage. Les coûts des passes sont élevés, d'autant que s'y ajoute une conception par bureau d'étude de l'ordre de 20 k€ pour chaque ouvrage. Une analyse menée sur le tronçon classé de rivière Armançon a montré que le consentement à payer des propriétaires (comme des élus et parties prenantes) est nul dans ce domaine, c'est-à-dire que l'attente est un financement public intégral.
Dispositions constructives : des doutes ont été émis sur la capacité des ouvrages soit à résister à de fortes crues (cas de la passe à enrochements) soit à préserver leur profil (cas de la rivière de contournement). Un participant expert d'origine néerlandaise a fait observer que les bétons utilisés en France sont interdits en rivière aux Pays-Bas, en Allemagne et dans d'autres pays européens. Une autre visite sera sans doute organisée après la mise en eau, en 2016.
Efficacité écologique : au regard des coûts engagés, et du fait que les ouvrages sont assez modestes au départ (faibles hauteurs, versants aval en pente modérée), c'est une question centrale puisque l'objectif des aménagements est une amélioration de la qualité écologique, particulièrement du compartiment biologique. Le Parc du Morvan devra procéder à des mesures de qualité piscicole pour analyser l'évolution des populations de poisson et de moules.
L'Yonne républicaine a publié un compte-rendu intéressant de la visite (cliquer l'image ci-contre pour agrandir)

Et pour la suite sur la rivière Cousin ?
Le Cousin-Trinquelin (la rivière change localement de nom au niveau de Quarré-les-Tombes) compte 43 ouvrages. Certains sont équipés de passes, d'autres ne sont pas considérés comme des obstacles à la continuité écologique en raison des ruines de seuils ou de leurs très faibles hauteurs, d'autres encore ont accepté le principe d'un effacement.

Il n'en reste pas moins que la majorité des ouvrages doit encore faire l'objet d'une concertation en vue de l'application de la continuité écologique, puisque la rivière a été classée en liste 2 avec l'horizon 2017 comme délai légal d'aménagement. Au cours de l'année 2016, l'association Hydrauxois définira avec ses adhérents une stratégie sur chaque rivière, en particulier sur le Cousin où elle est déjà fortement implantée. Cette stratégie consistera notamment en :
  • une analyse du cours d'eau et de l'impact de ses moulins, notamment au regard des données historiques disponibles sur les peuplements halieutiques,
  • un point technique et scientifique sur les connaissances actuelles en continuité écologique appliquée aux petits ouvrages,
  • un rappel aux services instructeurs des exigences légales, notamment la limitation des aménagements aux migrateurs (non pas restauration des habitats pour toutes espèces y compris non migratrices) et l'obligation explicite faite à l'administration de proposer sur chaque ouvrage des règles de gestion ou d'équipement,
  • une demande à l'Agence de l'eau d'information exacte sur le niveau de subvention des dispositifs simples de franchissement et, si ce niveau est jugé insuffisant, une démarche en reconnaissance du caractère "spécial et exorbitant" de la dépense demandée, appelant indemnité compensatoire (comme le prévoit la loi).