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25/08/2024

Le futur cycle de l'eau dans une France réchauffée (Explore2)

Les dernières simulations des modèles couplés climat-hydrologie indiquent que la France métropolitaine va connaître dans les prochaines décennies des sécheresses plus prononcées en été, mais aussi des pluies se maintenant ou augmentant en hiver. Il est donc indispensable de préserver et renforcer les systèmes hydrauliques permettant de stocker l'eau, au lieu de la politique actuelle de destruction des retenues et réservoirs. 



La destruction des réservoirs d'eau, comme ici sur le fleuve Sélune dans la Manche, est un choix mal-adaptatif face aux défis hydro-climatiques du pays. Les lois sur l'eau doivent notamment restaurer l'impératif de gestion hydraulique des précipitations entre saison pluvieuse et saison sèche. (Source Archives Ouest-France, dr)


Le projet Explore2, mené par l'INRAE pour la partie scientifique et l'Office iternational de l'Eau pour le transfert des résultats, vise à actualiser les connaissances sur l'impact du changement climatique sur les ressources en eau en France. Inspiré par le GIEC, ce projet fédère une quarantaine de scientifiques pour exploiter les derniers scénarios climatiques du GIEC. Explore2 se distingue par son ampleur, analysant 4 000 bassins versants avec un maillage de 8 x 8 km, permettant ainsi une analyse territoriale fine. Les données harmonisées et les outils communs facilitent l'appropriation des résultats par les acteurs de l'eau grâce à des comités d'utilisateurs intégrés dès le début du projet.

Les changements projetés dans Explore2 comprennent des incertitudes qu'il faut avoir à l'esprit : celle des émissions carbone, qui dépendent de nos choix, mais aussi celles de la physique sous-jacente des modèles. Les modèles sont en effet encore imparfaits et divergents pour la simulation des nuages, des précipitations et des flux zonaux à l'avenir. Pour toutes les variables, l’incertitude concerne l’intensité des changements. Pour les précipitations et les variables étroitement liées à celles-ci (débits annuels moyens ; débits journaliers maximum), l’incertitude concerne aussi le signe des changements, les précipitations augmentant pour certaines projections, diminuant pour d’autres. A l’inverse, les modèles sont toujours d’accord sur le signe des changements attendus pour les températures (augmentation) et aussi pour les variables qui en dépendent fortement : précipitations solides (diminution), évapotranspiration (augmentation), étiages estivaux (intensification). 

Les étés plus secs, les hivers restant pluvieux
Explore2 utilise trois scénarios d'émissions de gaz à effet de serre du GIEC, allant du moins émetteur, compatible avec les accords de Paris, au plus émetteur sans atténuation, avec un scénario intermédiaire de modération. Ces scénarios ont été développés en 72 projections climatiques pour modéliser l'évolution des ressources en eau jusqu'en 2100, couvrant des aspects comme les débits, précipitations, et niveaux des nappes, au niveau national et par territoire.

Les projections indiquent un réchauffement en France métropolitaine pouvant atteindre +4°C à la fin du siècle sous le scénario de fortes émissions, avec des étés en moyenne +4,7°C plus chauds. Les précipitations augmenteront en hiver, particulièrement dans le Nord (+24 %) et le Sud (+13 %), mais diminueront fortement en été (-23 % en moyenne). Une hausse de la recharge hivernale des aquifères est prévue, excepté dans certaines régions du Sud et de la Bretagne, tandis que la fréquence et la sévérité des sécheresses météorologiques et des sols augmenteront significativement.

Les sécheresses hydrologiques seront plus sévères, avec une baisse des débits estivaux estimée à -30 % pour les fortes émissions et -12 % pour les émissions modérées. Les assèchements des cours d'eau en tête de bassin devraient progresser, touchant 27 % du territoire sous le scénario de fortes émissions à la fin du siècle, comparé à 17 % actuellement. 

Ces changements nécessiteront des adaptations importantes dans la gestion des ressources en eau. Outre la sobriété des usages, il est notamment indispensable de préserver tous les systèmes hydrauliques aidant à réguler des niveaux variables de précipitations et d'écoulement, notamment les retenues et réservoirs. Cela implique d'amender dans les normes françaises et européennes les politiques de renaturation et de continuité écologique, qui ont été conçues pour la biodiversité mais sans réflexion réelle sur le changement climatique et ses conséquences.

Référence : Inrae-OiEau, Projet Explore 2, lien vers les rapports (août 2024)

19/01/2024

Un rapport parlementaire acte la nécessité du stockage de l’eau, parmi un bouquet de solutions

L’évolution du cycle de l’eau liée au changement climatique et aux usages humains va induire un risque accru de manque (sécheresse) et d’excès (crue) à l’avenir. La France en fait déjà l'expérience, or ces phénomènes devraient s'accentuer. Face à cette situation, les parlementaires de la commission développement durable de l’Assemblée nationale viennent de publier un rapport d’information proposant un «bouquet de solutions». Parmi ces solutions, le stockage de l’eau, sujet sur lequel nous nous attardons ici. Nous soulignons aussi quelques carences dans la démarche parlementaire.

Source (droits réservés)

Comment faire évoluer la politique de l’eau en période d’adaptation au changement hydrique et climatique? Comment conjurer le double risque liés aux situations extrêmes de l'eau, la sécheresse ou la crue? Au terme des travaux parlementaires, voici les orientations-clés qui ont été identifiées par les rapporteurs :
« Les travaux de la mission d’information montrent qu’il n’existe pas de solution unique dans ce domaine, mais qu’il faut agir simultanément sur différents fronts. Dans ce « bouquet de solutions », on peut identifier plusieurs leviers d’amélioration qui s’articulent autour des exigences suivantes : 
– Mieux connaître la disponibilité de la ressource et les effets du changement climatique sur celle-ci ; 
– Disposer d’informations précises et régulières, si possible en temps réel, sur les prélèvements opérés en faveur des activités humaines ; 
– Protéger l’eau et les milieux aquatiques en se fondant autant que possible sur des solutions naturelles, comme favoriser l’infiltration de l’eau dans le sol et ralentir le cycle de l’eau ; 
– Encourager la sobriété et les économies d’eau pour tous les usages, notamment en accompagnant le monde agricole ; 
– Développer le stockage de l’eau sous des formes qui ne nuisent pas aux espaces de stockage naturels que sont les nappes phréatiques ; 
– Réutiliser les eaux non conventionnelles et les eaux usées chaque fois que cela est possible ; 
– Développer des mécanismes de gouvernance collectifs efficaces et réellement appliqués pour définir le partage de l’eau et penser l’aménagement du territoire en fonction de la ressource ; 
– S’interroger sur les moyens budgétaires et sur les outils fiscaux permettant une protection maximale de la ressource tout en responsabilisant les différents acteurs. »
On observe que le stockage de l’eau fait partie des orientations fortes souhaitées pour la politique publique, les parlementaires rappelant d’ailleurs que cet objectif a été inscrit par la loi dans le code de l’environnement (article L 211-1). Encore faut-il que les administrations mettent en œuvre les choix législatifs, ce qui n’est pas toujours automatique, notamment dans le domaine de l’eau. La loi  a aussi interdit en 2021 la destruction de l’usage actuel ou potentiel des ouvrages hydrauliques au nom de la continuité écologique (article L 214-17 code environnement), mais des préfectures persistent à valider ces destructions d’ouvrages et assèchements de milieux.

Concernant ce stockage d’eau, le rapport parlementaire énumère les formes possibles :
« Il existe différentes méthodes pour retenir de l’eau et l’utiliser en fonction des besoins, et ainsi plusieurs types de retenues d’eau. Les différentes catégories dépendent notamment du mode d’extraction de l’eau et de son origine (rivière ou nappe) : 
– retenues collinaires, alimentées principalement par les eaux pluviales et de ruissellement (citerne, plan d’eau, étang, bassins divers) ; 
– retenues en barrage sur les cours d’eau (lac de barrage, plan d’eau) ; 
– retenues alimentées par un canal en dérivation d’un cours d’eau (étang) ; 
–  réserves alimentées par pompage dans la nappe ou dans la rivière, aussi appelée « réserves de substitution ». 
Au début des années 2000, on comptait environ 125 000 retenues de petite taille sur le territoire national, assurant la collecte et le stockage de l’eau pour des besoins variés : alimentation des villes en eau potable, mais aussi usages agricoles, industriels, piscicoles, de loisir ou de soutien d’étiage. Depuis, la création de nouvelles retenues se poursuit. Aujourd’hui, le nombre exact de retenues d’eau sur le territoire est mal connu, mais se situerait, y compris avec les retenues de petite taille et pour des besoins variés, entre 600 000 et 800 000. » 
Relativement aux "continuités écologiques", le rapport est d’une prudente sobriété, évoquant pour l’essentiel la question des reméandrages avec débordement en lit majeur :
« Il existe un panel de solutions permettant d’améliorer l’infiltration de l’eau dans les sols. Ces adaptations doivent toutefois également prendre en compte les risques associés, comme le risque de remontées de nappe ou de retrait-gonflement argileux par exemple. Le meilleur stockage possible pour l’eau est dans les nappes phréatiques, car elle est ainsi protégée de l’évaporation et des pollutions présentes en surface. L’objectif est donc de favoriser l’infiltration des eaux pluviales directement dans les sols, et de ré-humidifier les territoires. De plus, l’eau qui ruisselle se pollue par la même occasion, via le lessivage du sol. Aussi, permettre une meilleure infiltration de l’eau pluviale à la parcelle a aussi pour effet d’améliorer la qualité de l’eau. Cela peut passer par divers aménagements urbains comme ruraux. 
Au cours du temps, les rivières ont été approfondies et redressées par l’homme, ce qui a accéléré le cycle de l’eau. Pour y remédier, il est possible de procéder au reméandrage des cours d’eau, qui consiste à remettre le cours d’eau dans ses anciens méandres ou à créer un nouveau tracé, pour lui redonner une morphologie sinueuse, se rapprochant de son style fluvial naturel. Il s’agit de ralentir les vitesses d’écoulement, en période de crue notamment. Cela permet également d’améliorer la diversification des habitats du cours d’eau et de limiter l’eutrophisation. 
Le reméandrage tend aussi à réduire le risque d’inondation, grâce à une meilleure capacité de rétention. L’eau déborde plus facilement en amont, et recharge ainsi les nappes situées à proximité, permettant un rechargement « passif », sans surcoût énergétique, contrairement à un rechargement artificiel. La restauration peut prendre quelques mois pour une rivière à forte énergie, à quelques décennies pour un cours d’eau peu puissant. 
L’objectif est la gestion de l’eau « à la parcelle», c’est-à-dire d’infiltrer la goutte d’eau au plus près de l’endroit où elle tombe. Cela revient à« déconnecter » une partie de l’eau pluviale du réseau d’eau et d’assainissement classique, puisqu’elle n’est plus acheminée dans les canalisations, mais bien infiltrée directement dans le sol. L’objectif est de créer des aménagements permettant de recueillir une partie importante de l’eau pluviale, stockée naturellement et restituée progressivement au milieu. Cette méthode permet aussi de soulager les réseaux d’eaux usées et d’éviter leur éventuel débordement en période d’inondation, qui conduit à une pollution de l’eau et des milieux. »
Quelques réserves et critiques
Le rapport est associé à 81 propositions de mesures. La plupart sont de bon sens et ont notre soutien. Mais nous souhaitons émettre ici quelques réserves et critiques :
  • Comme d’habitude, les usagers et la société civile sont mal représentés dans les auditions, beaucoup restent des invisibles de l’eau. Nous retrouvons les abonnés de longue date à ces exercices (France Nature Environnement, Fédération de pêche, etc.), quelques chercheurs un peu engagés et médiatisés, mais par exemple nous ne voyons pas de représentants des secteurs directement associés au sujet, au premier chef les associations et fédérations de riverains, mais aussi les moulins, forges et autres patrimoines hydrauliques, les étangs et plans d’eau, les producteurs de petite hydro-électricité, les irrigants traditionnels en réseaux locaux de canaux et biefs. Le rapport note que l’on parle de plus de 500 000 petits systèmes hydrauliques sur la France métropolitaine mais cette réalité n’existe pas dans la représentation d’intérêt ni réellement dans la connaissance scientifique ou même la nomenclature administrative. Les experts en limnologie travaillant sur les lacs, réservoirs, retenues et divers plans d'eau n'ont pas non plus été auditionnés. 
  • Les excès et erreurs de la restauration de continuité écologique en long, ayant conduit à détruire et assécher un grand nombre de retenues et de diversions d’eau, sont totalement évacués du rapport. Pas de vague ! On s’aperçoit aujourd’hui que cette politique est nuisible à tous les niveaux : pour la production d’énergie décarbonée, pour le stockage de l'eau, pour la régulation de l’eau, pour les usages et aménités qui peuvent en découler. La moindre des choses quand une politique publique s’égare ainsi, c’est de le reconnaître et d’en faire un retour d’expérience, afin de ne pas commettre le même genre d’erreurs à l’avenir. Or rien ici. C'est bien dommage, d'autant que la prochaine révision de la loi sur l'eau comme de la directive cadre européenne sur l'eau devra impérativement recadrer cette continuité écologique en long en la soumettant à davantage de respect des autres dimensions des rivières et plans d'eau. 
  • Les parlementaires et de manière générale les acteurs de l’eau doivent être désormais plus précis en ce qui concerne les solutions fondées sur la nature. En effet, si ces orientations vont dans la bonne direction, il ne faut pas pour autant en surestimer le potentiel ni en minimiser le coût. C'est justement une erreur usuelle des politiques publiques, qui entraîne ensuite déception et démobilisation. Le seul exemple associé à l’idée de continuité écologique latérale (reméandrage) fait l’objet de retours critiques en science, et il faut les examiner. Si l’on se contente de creuser un lit en sinusoïde sur une rivière à faible puissance et sans prévoir des capacités de débordement (donc éviter le lit incisé), on ne change quasiment rien aux capacités de prévention des inondations et assecs tout en dépensant sans grande raison une certaine somme d’argent public. Si l’on prévoit à l’inverse des chantiers associés à des capacités décisives de stockage par débordement latéral, le coût va être conséquent car il concernera des grandes surfaces et des changements substantiels du régime d’écoulement. Tout cela doit désormais dépasser la déclaration d’intention pour être évalué et chiffré afin de conjurer le risque de petites opérations n’ayant pas réellement l’effet visé mais dilapidant les fonds publics des agences de l’eau. Fonds qui ne sont pas inépuisables, ce problème étant aussi abordé dans le rapport.
  • Enfin, rejoignant la question budgétaire du rapport coût-efficacité réel des chantiers en terme de ressource en eau (et de ressource utile à la société), le sujet de la tarification progressive de l’eau est à discuter avec précaution. On a compris que la transition écologique représente des surcoûts et des inflations, car on réintroduit dans la réflexion et dans le prix des externalités négatives qui étaient auparavant négligées. Mais on a aussi compris, sur le sujet proche de l’énergie, que la sous-estimation de la question sociale peut conduire à des troubles notables. Le signal prix est connu pour induire de la sobriété, et il est légitime de l’envisager pour modérer des usages. Mais si ce signal est perçu comme une « punition » injuste, on risque d’aboutir au contraire de l’effet escompté, une remise en question des politiques environnementales. 
Source : Rapport d’information n° 2069 sur l’adaptation de la politique de l’eau au défi climatique, au nom de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, présenté par MM. Yannick Haury et Vincent Descoeur, 17 janvier 2024.

12/01/2024

Face aux inondations, mobiliser toutes les options sans exclusive

Les inondations récentes dans le Pas-de-Calais ont été caractérisées par des précipitations exceptionnelles et ont entraîné des crues majeures des fleuves côtiers. De nombreuses habitations ont été touchées. Ces événements extrêmes sont exacerbés par le changement hydroclimatique, avec des prévisions d'augmentation du niveau de la mer et de l'intensité des précipitations hivernales. Les causes incluent également l'entretien insuffisant des systèmes de régulation et de drainage, tels que les wateringues, un réseau de canaux et de fossés datant du Moyen Âge. Des experts recommandent plusieurs mesures d'adaptation, notamment la révision de ces infrastructures existantes, l'augmentation de la capacité des sols et des rivières à absorber l'eau, la restauration des zones humides, une gestion urbaine plus réfléchie pour réduire la vulnérabilité aux inondations. Pour accroître la résilience du territoire, l'heure est donc à la mobilisation de toutes les options, sans exclusive, qu'elles relèvent du génie hydraulique, du génie écologique ou de l'aménagement urbain.


Photos AFP et France Bleue, droits réservés. 


Depuis mi-octobre, le Pas-de-Calais a été frappé par des inondations importantes, dues à des précipitations exceptionnelles. Plusieurs rivières, dont l'Aa, la Hem, la Lys, la Canche et la Ternoise, ont connu des crues majeures. Ces crues ont été exacerbées par des pluies continues et intenses, entraînant des inondations étendues dans de nombreuses villes et villages.

Dans la vallée de l'Aa, les débits ont dépassé les niveaux historiques connus, provoquant d'importants dégâts matériels. À Saint-Omer, par exemple, le niveau de l'eau a atteint des hauteurs critiques, inondant des zones résidentielles et commerciales. L'impact a été similaire le long de la Lys, avec des inondations notables à Aire-sur-la-Lys.

La Canche et la Ternoise, plus petites mais tout aussi impactées, ont vu leurs berges débordées, affectant particulièrement les zones rurales environnantes. Les champs ont été submergés, causant des pertes importantes pour les agriculteurs.

En termes de réponse d'urgence, les autorités locales et les services de secours ont été mobilisés pour évacuer les résidents, mettre en place des barrages temporaires et des pompes pour drainer l'eau. Cependant, l'étendue des inondations a mis en évidence des défis en termes de préparation et de réponse aux catastrophes naturelles.

Record de précipitation depuis 1959

Ces inondations dans le Pas-de-Calais sont le résultat de plusieurs facteurs interdépendants. D'un point de vue météorologique, la région a connu des précipitations anormalement élevées. Plus de 500 mm de pluie sont tombés sur l’ensemble du Pas-de-Calais entre la mi-octobre et la fin décembre, un chiffre plus de deux fois supérieur à la normale saisonnière d’après Météo France. C’est inédit depuis 1959, début des statistiques départementales sur les précipitations. Le précédent record était de 425 millimètres en 2000-2001, sur la même période. Ces fortes pluies ont contribué à La saturation des sols puis à l'augmentation rapide des niveaux d'eau dans les rivières.

Sur le plan climatologique, les changements climatiques jouent un rôle de plus en plus significatif. Les modèles climatiques pour la région prévoient une augmentation de l'intensité et de la fréquence des précipitations extrêmes, en lien avec le réchauffement global. Cette tendance est susceptible d'aggraver les risques d'inondation à l'avenir.

Hydrologiquement, la topographie plate de la région et la présence de plusieurs cours d'eau contribuent à la vulnérabilité aux inondations. A l'avenir, la hausse du niveau des mers peut aggraver la situation, car l'eau aura davantage de mal à être évacuée. Les scientifiques estiment que le niveau de la mer pourrait augmenter localement de 50 à 70 centimètres d’ici la fin du siècle, avec des précipitations hivernales pouvant croître de 14 à 35 %. 

Gestion des fossés et wateringues

Outre les facteurs climatiques et hydrologiques, d'autres éléments ont contribué aux inondations récentes. L'un des problèmes majeurs est le manque d'entretien des fossés et canaux, représentant un réseau de 1500 km. Des élus locaux et le président de région se sont plaint de la difficulté à financer cet entretien et de la lourdeur des procédures administratives sur l'eau.

Dans le Pas-de-Calais, le système médiéval de wateringues, historiquement conçu pour gérer les eaux (mise au sec du polder entre Calais, Dunkerque et Saint-Omer), a souffert d'un manque de maintenance régulière sur tout son linéaire et de réflexion sur son évolution face à des événements extrêmes. Dans ce système, à marée haute, les écluses sont fermées pour ne pas envahir les terres, à marée basse les portes sont ouvertes pour que s’évacue l’eau en excès venue de la pluie. En période normale, 85 % de l’eau des wateringues s’écoule lentement dans la mer, selon une pente assez faible, 15 % est pompé sur le littoral. Le déficit d'entretien a réduit l'efficacité du système à évacuer l'eau des zones inondées. Actuellement 100 m³/s d’eau pluviale issus du delta de l’Aa sont évacués vers la mer, mais pour aller au-delà il faut aussi moderniser le système de pompage qui s'ajoute à l'évacuation gravitaire.

Des zones d'expansion de crues ont été prévues suite à une précédente inondation de 2002 dans la région, notamment dans le bassin de l'Aa. Ces «champs d’inondation contrôlée» sont capables de stocker 610 000 m³ d’eau au total. Mais leur dimensionnement sur les 58 m³/s de la crue de 2002 a été insuffisant  face aux 85 m³/s atteints en 2023.

L'occupation des sols est un autre facteur clé. L'urbanisation croissante et la transformation des terres agricoles en surfaces imperméabilisées ont limité la capacité du sol à absorber les eaux pluviales. En conséquence, même des précipitations modérées peuvent entraîner des inondations rapides, en particulier dans les zones urbaines densément peuplées. On estime que 69 % des communes du Pas-de-Calais sont vulnérables au risque d’inondation, sans avoir forcément la mémoire et la culture de ce risque.

Ces facteurs, combinés aux changements climatiques, soulignent la nécessité de revoir les pratiques d'aménagement du territoire et de gestion des eaux dans la région.

Un problème récurrent, de multiples actions à envisager

Pour réduire les risques futurs d'inondation dans le Pas-de-Calais, plusieurs stratégies et mesures ont été proposées. Une approche importante est la rénovation et l'amélioration des infrastructures existantes, notamment les systèmes de drainage et les wateringues. Il est essentiel de moderniser ces systèmes pour les rendre plus efficaces face aux événements climatiques extrêmes.

La restauration et la préservation des zones humides naturelles autour des méandres fluviaux constituent une autre mesure clé. Ces zones agissent comme des éponges naturelles, absorbant l'excès d'eau et réduisant ainsi les risques d'inondation. En outre, la révision des politiques d'aménagement du territoire est cruciale pour limiter l'urbanisation dans les zones à haut risque d'inondation et pour encourager l'utilisation de matériaux perméables dans la construction. Le ministre de l'écologie n'a pas exclu l'abandon définitif de certaines zones subissant des inondations à répétition et devenant invivables pour les habitants.

La sensibilisation et la préparation des communautés locales sont également nécessaires. Il est essentiel d'informer les résidents des risques d'inondation et de les impliquer dans les plans de prévention et de réponse d'urgence.

Au final, les crues des fleuves du Pas-de-Calais rappellent qu'aucune solution prise isolément n'est suffisante. Il est vain comme certains le font encore de ne vouloir engager que des "solutions fondées sur la nature" ou que des "solutions fondées sur la technique" : face à des cumuls extrêmes de précipitations sur des sols déjà gorgés d'eau, ce sont toutes les options qui doivent être mobilisées, aussi bien hydrauliques qu'écologiques. Avec un coût, qui est celui de l'adaptation au changement climatique. L'évolution de l'urbanisation devra aussi prendre acte de ces nouvelles conditions et se montrer plus stricte sur les conditions d'installation en lit majeur des rivières.

28/03/2023

Les seuils et ouvrages en rivière aident à stocker l'eau face aux sécheresses

Un ouvrage en lit mineur de rivière ralentit, retient et infiltre l'eau. C'est vrai pour les ouvrages de castors comme pour ceux des humains. Le mouvement de défense des ouvrages hydrauliques le sait bien, mais il affronte un déni totalement aberrant de la part des pouvoirs publics en charge de l'eau et de la biodiversité, qui s'obstinent à nier, minimiser ou invisibiliser les intérêts des seuils et barrages.  Toutefois, lors d'une audition au Sénat, c'est la pdg du Bureau des ressources géologiques et minières (BRGM) qui a cru bon rappeler aux parlementaires les règles élémentaires de l'hydrologie, et notamment ce rôle des seuils. Les élus vont-ils en tirer la conclusion qui s'impose, à savoir valoriser et non plus vandaliser ces ouvrages? 



En février dernier, le Sénat a créé une mission d’information intitulée : "Gestion durable de l'eau : l'urgence d'agir pour nos usages, nos territoires et notre environnement". Le 15 mars, cette mission auditionnait les experts en hydrogéologie du Bureau de recherches géologiques et minières.

A cette occasion, une mise au point intéressante a été faite : "Sur un sujet qui est polémique dans le domaine de l'eau, sur le sujet des obstacles ou seuils en rivières, quand il y a des seuils l'eau stagne un peu et donc cela s'infiltre davantage", a expliqué Michèle Rousseau (présidente-directrice générale du BRGM), en faisant le panorama des possibilités d'amélioration du stockage de l'eau en France métropolitaine.

En fait, ce phénomène est connu. Dans le monde naturel de l'aire européenne et nord-américaine, ce sont les barrages en série de castors qui jouent ce rôle de création de multiples retenues par petits barrages, et tous les travaux étudiant le phénomène concluent que ces aménagements ont un bilan hydrologique positif, tant pour l'infiltration dans les sols que pour les débordements par rehausse de niveau de la lame d'eau (voir nos publications sur le thème castor).  

Les propriétaires ou riverains de retenues et de biefs observent eux aussi le phénomène : si le niveau est baissé un certain temps par ouverture de vanne, alors le niveau des puits baissent, comme celui des éventuelles zones humides d'accompagnement à eau affleurante de type mare, prairie humide. Au demeurant, quand un projet d'aménagement de seuil concerne une retenue en zone de captage, des relevés piézométriques sont faits et la conclusion est immanquablement que le niveau du captage va baisser en cas d'effacement de la retenue et d'abaissement de sa ligne d'eau. On peut aussi lire la remarquable monographie de l'ingénieur public Pierre Potherat, qui a documenté le rôle des ouvrages dans le cas particulier des bassins sédimentaires des sources de la Seine et de l'Ource (voir cette recension). 


Ces constats n'ont rien d'extraordinaire, ils relèvent de lois bien connues en hydrostatique et hydrodynamique depuis le 19e siècle.

Ce qui est assez extraordinaire en revanche, c'est la politique de déni de ces réalités par les politiques publiques de l'eau, qui sont en France et pour partie en Europe arcboutées sur le nouveau dogme de la "continuité écologique", vu sous l'angle de l'effacement des ouvrages humains et du retour à une supposée "naturalité" de type sauvage. 

Refusant de reconnaître le moindre élément négatif de ce choix public, ces politiques passent sous silence le rôle des ouvrages dans la rétention et régulation de l'eau. Elles ne parlent immanquablement que de l'évaporation – comme si une zone humide naturelle ou une prairie ou une forêt n'évaporaient pas aussi en été, par un étonnant miracle physique! En fait, des travaux de recherche scientifique ont quantifié toutes ces évaporations et montré qu'elles sont du même ordre de grandeur, voire pire dans le cas de milieux naturels (cf Al Domany et al 2020).

La politique de continuité écologique est devenue le faux-nez d'une écologie assez radicale et polémique, dont la philosophie sous-jacente entend diaboliser et interdire la présence humaine au bord des rivières. Non seulement elle est nuisible à la régulation de l'eau alors que nous affrontons une multiplication des risques crues et sécheresses, mais elle heurte de nombreuses autres dimensions qui concourent à l'intérêt général et au bénéfice des riverains : patrimoine historique, culturel et paysager, production d'énergie renouvelable locale, réserve incendie, stockage pour abreuvement et irrigation, adaptation climatique, usages partagés. 

Nous demandons donc à nouveau à l'administration eau et biodiversité de respecter le choix parlementaire plusieurs fois réaffirmé de la nécessité de préserver, valoriser et exploiter les ouvrages hydrauliques, au lieu d'envisager leur effacement au nom d'un idéal non légal et non légitime de retour à la rivière sauvage. Nous demandons également au financeur public de solvabiliser les aménagements écologiques de ces ouvrages, qui optimisent certaines dimensions environnementales (franchissement piscicole, transit sédimentaire) sans en perdre les avantages. Nous demandons enfin une politique positive et intelligente des ouvrages hydrauliques, car l'amélioration de leur gestion et la responsabilisation de leur propriétaire sont un vrai enjeu public, bien plus nécessaire que la tentative d'ores et déjà ratée de détruire et assécher ces biens utiles. 

22/03/2023

La complexité des relations nappes-rivières dans les crues et sécheresses (Pelletier et Andréassian 2023)

En ces temps de sécheresse hivernale laissant craindre un été très sec, on parle beaucoup de la question des nappes. Une étude menée par des hydrologues montre que la relation entre nappe, crue et sécheresse est toutefois complexe et dépend de la géologie locale. Le travail distingue 5 sous-groupes selon le niveau de corrélation entre l’état de l’eau souterraine et le comportement de l’eau de surface, notamment lors des événements extrêmes qui inquiètent les riverains. Un travail utile pour rappeler d’une part la nécessité de données informant les politiques de l'eau, d’autre part le besoin d’étudier l’eau dans chaque bassin, et non par des excès de généralités. 


Diversité géologique des aquifères et réseau des piézomètres.

Les rapports du GIEC préviennent de longue date : les événements hydrologiques extrêmes seront plus intenses et/ou plus fréquents dans un climat modifié disposant de davantage d’énergie pour évaporer et transporter l'eau tout en modifiant les cycles régionaux de circulation océanique et atmosphérique. Pour s’adapter, il faut anticiper. Et pour anticiper, il faut disposer de modèles efficaces des crues et sécheresses, incluant aussi l’eau invisible qui est dans les nappes souterraines. Antoine Pelletier et Vazken Andréassian (Ecole des Ponts, U. Paris Saclay) ont posé une brique de ce travail en analysant les relations entre aquifères, crues et sécheresse dans des bassins représentatifs de la diversité géologique de la France métropolitaine. 

Voici le résumé de leur étude :
« Le rôle des aquifères dans les événements hydrologiques extrêmes a été souligné dans divers contextes, tant pour les crues que pour les étiages. De nombreux aquifères sont surveillés par des réseaux de piézomètres, qui mesurent le niveau piézométrique : là où de longues chroniques sont disponibles, une analyse conjointe avec les séries de débits observés est possible. Pourtant, les données de niveaux piézométriques sont rarement utilisées en modélisation hydrologique de surface, à cause de la grande complexité des relations nappes–rivières. Nous proposons ici une simple étude de corrélation entre les extrema annuels de la piézométrie et du débit, entreprise sur un ensemble de 107 bassins versants et 355 piézomètres, répartis sur l’ensemble du territoire de France métropolitaine. Avec cette étude, il est possible de distinguer les aquifères où la piézométrie est corrélée uniquement avec les crues, uniquement avec les étiages, avec les deux ou avec aucun des deux. Cette catégorisation ouvre de nouvelles opportunités pour caractériser la relation nappe–rivière, ce qui peut être crucial pour comprendre les événements hydrologiques extrêmes. »
L'analyse en sous-groupes selon le contexte géologique montre des schémas divers : certains aquifères d'échelle régionale ont une réponse univoque à la fois aux événements d'étiage et de haut débit, tandis que d'autres ne répondent qu'à un type d'événement, et certains ne semblent pas suivre une trajectoire liée à des événements fluviaux. 

Voici les 5 groupes de relation nappe-rivière identifiés :
  • groupes à fortes corrélations pour les sécheresses et les inondations : mélasse du Dauphiné et craie picarde ;
  • groupes à fortes corrélations pour les crues et comportement incertain pour les sécheresses : plaine d'Alsace, craie de Champagne et de Bourgogne, craie du Nord, Jurassique du Bassin parisien ;
  • groupes à fortes corrélations pour les sécheresses et comportement incertain pour les crues : aquifères tertiaires du bassin parisien, craie normande, aquifères du bassin secondaire aquitain ;
  • groupe à faibles corrélations pour les sécheresses et les inondations : graves du graben de la Dombes et de la Bresse ;
  • groupes au comportement incertain à la fois en crue et en sécheresse : sables crétacés du bassin parisien, aquifères triasiques et soubassements, aquifère multicouche cénozoïque, craie du bassin ligérien.
Les auteurs observent : « la mise en place d'une modélisation couplée fleuve/eaux souterraines est généralement une tâche complexe et conséquente et ce type d'analyse préalable permet d'évaluer la pertinence d'un tel établissement à des fins de modélisation opérationnelle, comme la prévision des crues et des sécheresses. Par exemple, la remarquable corrélation entre les faibles niveaux d'eau souterraine et les événements de sécheresse hydrologique dans la région de la Beauce et de son aquifère tertiaire montre la nécessité d'inclure dans un modèle la composante souterraine du cycle de l'eau — voir, par ex. Flipo et al. [2012] pour un exemple de modélisation couplée. Un autre cas intéressant est la nappe de craie, du fait de la variabilité spatiale de son comportement – elle a été identifiée comme le principal habitat des monstres hydrologiques [Le Moine et Andréassian, 2008], c'est-à-dire des bassins versants dans lesquels l'écoulement est particulièrement difficile à simuler et prédire  pour les modèles hydrologiques. La zone de craie peut également bénéficier d'approches de modélisation utilisant des informations sur le niveau des eaux souterraines, mais pas dans toutes les régions. Il est également à noter que plusieurs aquifères, bien que d'importance majeure pour les ressources en eau régionales, présentent des relations équivoques avec les eaux de surface, par exemple les sables du Perche du Cénomanien et les grès du Trias vosgien.»

En conclusion, ils soulignent la nécessité d'avoir une politique cohérente d'acquisition de données pour nourrir des politiques de l'eau informées et adaptatives : «Comme dernière recommandation, nous encourageons le développement de mesures de niveau des eaux souterraines à long terme et à haute fréquence dans les bassins hydrographiques jaugés, pour que les hydrologues de surface puissent mener des études approfondies de modélisation couplée.»

Référence : Pelletier A, V  Andréassian (2023), An underground view of surface hydrology: what can piezometers tell us about river floods and droughts?, Comptes Rendus. Géoscience, 355,S1, 1-11

28/11/2022

Pluies et sécheresses en France, ce que les modèles climatiques prévoient pour ce siècle

Les modèles du climat appliqués à la France et couplés à des modèles de l’eau prévoient tous une tendance à l’aggravation des sécheresses et à la hausse de la variabilité des précipitations, avec des phénomènes plus extrêmes que ceux connus dans les archives historiques. Il pourrait y avoir en tendance un niveau égal ou supérieur de précipitation en saison pluvieuse, mais une baisse nette en saison sèche. Les tendances ne sont pas les mêmes au nord et au sud. Au regard de ces prévisions, il est critique de maintenir les outils de régulation de l’eau dont nous disposons, et d’en créer de nouveaux. L'interdiction de destruction des ouvrages de stockage d'eau devrait être généralisée à tous les bassins, et non seulement à ceux classés continuité écologique. L'évolution des pratiques estivales les plus consommatrices d’eau sera nécessaire afin d’augmenter leur résilience. 

Concernant l’évolution des précipitation, il faut garder à l’esprit une mise en garde : les prévisions des modèles climatiques sur l’eau restent entachées d’incertitudes, par rapport à celles des températures de surface. La raison en est que certains phénomènes physiques sont difficiles à modéliser comme l’évolution des nuages dans un climat réchauffé ou la modification des oscillations naturelles du climat (des couplages régionaux océan-atmosphères qui vont changer avec l’influence des gaz à effet de serre).  De plus, l’hydrologie ne dépend pas que du climat mais aussi des usages des sols, le couplage entre modèles climatologiques et hydrologiques ajoutant de l’incertitude sur les projections. En outre, il est plus difficile d’avoir des séries longues sur la pluviométrie que sur la température.

Cela étant dit, ces modèles physiques restent notre meilleur outil pour essayer d’anticiper et ils dégagent quelques tendances centrale ayant une plus haute probabilité de décrire l’avenir de l’eau dans nos territoires. 

Observations depuis 1900
Concernant déjà  les observations, le Hadley Center a fait récemment une synthèse sur l’évolution des précipitations en Europe entre 1901 et 2018 dans le cadre d’un exercice de détection-attribution des causes des observations (Christidis et al 2022).

Ce graphique montre l’évolution saisonnière en hiver (DJF), printemps (MAM), été (JJA) et automne (SON) :
On note en France une tendance dominante à la hausse des précipitations en hiver et à la baisse en été, avec des signaux plus divers les autres saisons. En revanche, la zone méditerranéenne a une tendance à la baisse dans quasiment toutes les saisons.

Autre enseignement des données : il existe une tendance à la variabilité des précipitations, leur caractère moins constante prévisible d’une année sur l’autre. Ce graphique montre la différence entre les 30 dernières années et les 30 premières du 20e siècle, une forte variabilité au printemps, un peu moins en hiver et en automne. En revanche les étés ont évolué vers une moindre variabilité sur la majeure partie du territoire en France :


Prévisions pour ce siècle
Venons en aux prévisions. Rappelons que celles-ci dépendent de scénarios d’émission (les RCP) qui changent selon la quantité de gaz à effet de serre que nous émettrons, donc le forçage radiatif de ces gaz (capacité de changement du bilan énergétique, RCP 2.5, 4.5 ou 8.5 W/m2) .

Les chercheurs français (Meteo France, CNRM, Cerfacs, IPSL) développent des projections climatiques de référence pour la France au 21 siècle, selon un modèle appelé DRIAS. Il y a toutefois des phases d’ajustement en cours entre ce modèle (qui est régionalisé) et les modèles globaux utilisés pour les rapports du GIEC (qui sont utilisés en simulations multi-modèles appelées CMIP). 

Concernant la projection climatique de référence de DRIAS et pour les précipitations, voici ce que donnent les résultats (selon les scénarios RCP et les périodes du 21e siècle)  :

On aurait un maintien ou une hausse légère des précipitations en hiver, un signal incertain au printemps et en automne, une baisse des précipitations en été.

Un autre publication (Dayon 2018) a utilisé les modèles globaux et analyser ce qu’ils disent pour la France, dans le scénario « business as usual » de poursuite des émissions de gaz à effet de serre.

Ce graphique montre les tendances des précipitations à la fin du siècle (2070-2100 par rapport à 1960-1990) en hiver (DJF), été (JJA) et moyenne de l’année :

Sur un tiers nord et est du pays, la tendance serait sans variation voire avec un peu plus de précipitations, mais pour les deux-tiers sud et ouest, la tendance est à la baisse. Mais il y aurait une hausse des précipitations hivernales dans le nord, une baisse dans la pointe sud. Et les précipitations estivales seraient plus faibles partout, surtout dans le sud. 

On le retrouve dans ce graphique des tendances de sécheresses hydrologiques (QMNA5), météorologique (PMNA5) et agricole / édaphiques (SMNA5) : 

Les sécheresses seront plus sévères dans tous les bassins versants. 

Cet autre graphique montre les tendances sur les quatre grand bassins versants métropolitains (Seine, Loire, Garonne, Rhône), où l’on peut voir par saison et à l’année les tendances estimées des précipitations (bleu), de l’évapotranspiration (vert) et du débit en résultant (rouge), avec les traits indiquant la valeur centrale selon les scénarios d’émission carbone : 


Les débits annuels diminueraient environ de 10 % (±20 %) sur la Seine, de 20 % (±20 %) sur la Loire, de 20 % (±15 %) sur le Rhône et de 40 % (±15 %) sur le Garonne.

Préparer la société à affronter un climat plus variable aux épisodes extrêmes plus dangereux
Face à ces évolutions, les mesures sans regret sont celles qui vont conserver ou augmenter la capacité de notre société à stocker et réguler l’eau, pour les besoins humains, pour la prévention des crues dangereuses et pour le soutien aux milieux naturels menacés d’assèchement. La difficulté pour le gestionnaire est de faire des choix avec deux cas extrêmes et contraires en hypothèse : des précipitations plus fortes que celles connues dans l'histoire (ce qui est probable en épisodes ponctuels), des sécheresses plus intenses que les cas archivés (idem).

Par ailleurs,  le climat et l’hydrologie ne suivent ne suit pas nos divisions politiques et administratives, il n’y a pas une seule stratégie nationale cohérente aux prévisions. Le sud et le nord de la France n’auront probablement pas les mêmes évolutions hydroclimatiques. Chaque bassin versant doit donc s’approprier les données et réflexions pour réfléchir depuis les réalités de son territoire. 

Concernant la question des ouvrages hydrauliques (retenues, plans d’eau, canaux), les prévisions des chercheurs sur la variabilité des précipitations, le risque accru de sécheresse, la possibilité de précipitations extrêmes, le décalage entre maintien des pluies en saison froide et nette baisse en saison chaude indique qu’il faut impérativement les conserver. La loi de 2021 interdit seulement de les détruire en rivière classée continuité écologique, mais cette interdiction devrait être étendue à tous les bassins versants. La France doit se doter d'une politique éco-hydraulique cohérente et prudente, au lieu des choix troubles et inefficaces faits depuis une dizaine d'années. En particulier, aucun chantier ne doit réduire le stockage d'eau en surface et en nappe, tout chantier devrait au contraire prévoir de l'augmenter. 

En revanche, ces systèmes hydrauliques vont avoir des contraintes plus fortes liées au réchauffement (eutrophisation, bloom, biofilm, etc.) : cela suggère d'en améliorer la gestion et surtout d’accélérer la dépollution des eaux, qui aggrave ses effets toxiques lors de la sécheresse. 

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25/11/2022

Les Parisiens (comme les autres) aiment bien profiter des barrages fluviaux


Ci-dessus, on voit à quoi ressemble le cours naturel estival de la Seine à Paris, ce qui vaut pour la région parisienne.


Ci-dessus, on voit le bord de Seine lors de la terrible sécheresse de 2022.

Par quel prodige Parisiens et Franciliens bénéficient-ils d'un fleuve au si bon maintien de sa ligne d'eau, malgré le manque de précipitations?

La raison est simple à comprendre : la première photo a été prise en 1942, dans le cadre d'une inspection de piles de ponts de la Seine. Pour l'occasion, tous les barrages à l'aval de Paris ont eu leurs vannes ouvertes, tandis que les barrages à l'amont laissaient passer le débit minimum. Cette image donne donc une idée du cours "naturel" de la Seine en étiage. En année sèche dans le passé, on pouvait même traverser le fleuve à pied. Il faut noter qu'en crue, ce serait l'inverse : s'il n'y avait pas les réservoirs de stockage et les protections de berges latérales, Paris serait régulièrement noyée car la ville est dans le lit majeur d'inondation du fleuve. Le quartier du Marais est, comme son nom l'indique, une ancienne zone humide. Il en va de même pour beaucoup d'habitations de l'Ile-de-France.

La seconde photo montre que le débit de la Seine est artificiellement soutenu par les grands barrages et lacs réservoirs gérés par Seine Grands Lacs. Mais aussi par des milliers d'ouvrages plus modestes en amont, qui forment de petits stocks d'eau. Par ailleurs, le niveau est aussi soutenu par les barrages aval de la Seine, qui rendent le fleuve navigable en rehaussant sa lame d'eau. Même en année sèche comme 2022, les riverains ne voient guère la différence.

Les Parisiens sont évidemment heureux de profiter d'un fleuve assez constant, en particulier dans le cadre du réchauffement climatique qui peut augmenter les étiages et les crues sévères. Alors comme beaucoup de décisions françaises se prennent à Paris, les élus et les hauts fonctionnaires doivent comprendre que de nombreux territoires sont comme la capitale: ils apprécient si des barrages maintiennent et régulent l'eau, agrémentent l'existence en été et préviennent les dangers en hiver. 

En situation de changement climatique qui peut favoriser la survenue de sécheresses de plusieurs années, l'amont comme l'aval des bassins versants ont désormais vocation à retenir l'eau. Il est peu acceptable d'entendre certains suggérer aujourd'hui que l'amont peu peuplé pourrait plus ou moins accepter de voir ses rivières à sec au cours de ce siècle, pour que toute l'eau serve à l'aval davantage peuplé. Si nous ne retenons pas l'eau partout, de la source à l'estuaire, nous souffrirons de terribles déconvenues et de redoutables conflits dans les années et décennies à venir. 

13/07/2022

L'eau est une ressource critique, il faut la retenir pour la société et le vivant

Près de 90% de l'eau renouvelable en France repart à la mer. Les humains n'utilisent qu'une fraction de cette eau, de l'ordre de 3%. Les dernières observations font état d'une baisse de précipitation après le début des années 2000, mais centrée sur certaines régions en stress. L'eau étant une ressource critique comme l'énergie, nous devons développer des solutions pour ralentir et retenir son écoulement vers la mer, faire en sorte que davantage d'eau reste disponible pour la société et le vivant. Certains options s'inspirent des progrès de nos observations et compréhensions écologiques ("solutions fondées sur la nature"). D'autres sont des solutions techniques et inspirées de l'expérience humaine. Aucun dogme en la matière n'est acceptable, vu la gravité de l'enjeu de l'eau que nous rappellent les sécheresses comme les crues. Une chose est certaine : la politique actuelle de suppressions des ouvrages de retenues et canaux, avec incision des lits et accélération des écoulements, est une vision catastrophique, à contre-emploi des besoins de la France pour le 21e siècle. Cela doit cesser immédiatement, comme l'a exigé la loi Climat et résilience de 2021 demandant d'arrêter les destructions d'ouvrages et assèchements de leurs milieux. 


L'eau est un cycle : elle tombe du ciel sous forme de précipitation, s'infiltre au sol ou ruisselle, s'écoule vers la mer par les cours d'eau, s'évapore, revient sous la forme de nuages qui créent les précipitations et relancent le cycle à nouveau. 

Les quantités concernées en France (métropole)
Dans les années 2000, le cycle de l'eau en France métropolitaine concerne environ un volume 500 milliards de m3.

Selon le site eaufrance, le cycle de l'eau en France métropolitaine engage : 
- 503 milliards de m³ d'eau apportés par la pluie et la neige ; 
- l'évaporation de 314 milliards de m³ (60%) ; 
- l'arrivée de 11 milliards de m³ en provenance des pays voisins. 

Le volume annuel total des eaux renouvelables est donc de 200 milliards de m³ dont : 
- 80 milliards de m³ ruissellent ; 
- 120 milliards de m³ s'infiltrent. 

Dans ce volume annuel total des eaux renouvelables : 
- 6 milliards de m³ sont consommés ou s'évaporent ; 
- 18 milliards de m³ sortent du territoire ; 
- 176 milliards de m³ s'écoulent vers la mer.

Ces chiffres montrent que :
- la consommation humaine (6 milliards m³) n'est que fraction de 3% de l'eau renouvelable totale (200 milliards m³)
- l'enjeu pour la société, l'économie et l'environnement concerne essentiellement les 176 milliards de m³ qui aujourd'hui repartent à la mer.

Une étude montre une baisse des précipitations depuis le début des années 2000
Le changement climatique va affecter le cycle de l'eau, car il change la température, l'évaporation, la circulation couplée de l'océan et de l'atmosphère et le régime zonal de précipitations (la quantité moyenne de pluie sur une région du globe). 

Cette évolution hydroclimatique est dure à simuler, mais les modèles suggèrent que la France pourrait connaître davantage de précipitations dans certains zones, moins dans d'autres déjà sèches au Sud. Des événements extrêmes de type longues sécheresses et canicules vont devenir plus fréquents, donc renforcer les tensions sur quelques mois à quelques années. Nous aurons peut-être jusqu'à une à deux décennies sèches. Il peut aussi y avoir, à l'inverse, des précipitations extrêmes qui vont aggraver le risque de crues et inondations. Il est donc très difficile d'anticiper : il faut des capacités de gestion du manque comme de l'excès d'eau.

Une récente analyse du ministère de l'écologie en France montre qu'il pleut de moins en moins en France. Les précipitations ont baissé de 6 % en moyenne à partir de 2002. Une évolution amplifiée par une hausse de l'évapotranspiration de 3 % à partir de 1999. En revanche, le volume des eaux qui entrent en France par les fleuves et les rivières a peu varié.



Toutefois, les régions ne s'assèchent pas toutes, comme le montre cette carte. Des zones n'ont pas de tendance claire, voire une hausse de l'eau renouvelable. D'autres une baisse, surtout le Sud-Ouest.



Aucun dogme ne doit entraver les politiques publiques... surtout pas celui de l'assèchement des retenues et canaux!
Face au risque font peser les sécheresses comme les crues, et du fait de la dimension critique de l'eau pour toute société, cette ressource doit être gérée avec la plus grande attention. Aujourd'hui, aucun dogme ne doit s'opposer à la maîtrise territoriale de l'eau. Comme nous l'avons vu, près de 90% de l'eau repart à la mer, alors que nous avons besoin qu'elle reste davantage présente dans les sols, les aquifères, les nappes, les retenues, la végétation locale. En particulier dans les saisons d'excès de pluies où les milieux peuvent se gorger d'eau.

Il existe des solutions fondées sur la nature et des solutions fondées sur la technique. On ne doit pas les opposer comme certains le font de manière stérile et polémique – nous pensons ici à ceux qui s'opposent par principe aux ouvrages hydrauliques humains.

Ces solutions ont en commun de retenir l'écoulement de l'eau (pour qu'elle ne reparte pas très vite à la mer) mais en évitant aussi des engorgements locaux provoquant inondations et dommages. 

Dans les solutions fondées sur la nature : désimperméabilisation des sols pour éviter le ruissellement qui ne nourrit pas les couches profondes du sol et les nappes, végétalisation qui rétablit le cycle local d'évapotranspiration (haies, bosquets, ripisylve etc.) et le stockage autour des systèmes racinaires, orientation des crues vers des champs d'expansion dédiés à cette fin (continuité latérale maîtrisée, zones humides), recréation d'annexes et bras morts de cours d'eau qui ont souvent été comblés

Dans les solutions fondées sur la technique : maintien des ouvrages des cours d'eau avec bonne gestion des retenues et des canaux, création de nouvelles retenues (connectées ou déconnectées du lit mineur) à bonne conception écologique (milieu lentique accueillant pour le vivant tout en ayant des usages fonctionnels), amélioration de l'épuration des eaux usées et ré-injection dans des nappes (stockage souterrain à moindre évaporation) ou pour des usages agricoles.

Pour ce qui concerne le mouvement des ouvrages hydrauliques, la première urgence est de stopper sans regret la politique publique aberrante de destruction des seuils, chaussées, barrages et canaux. Ce choix est catastrophique en période de réchauffement climatique car il mène à l'incision des lits, à l'accélération des écoulements, à la baisse des lames d'eau, à la disparition des retenues, à l'assèchement des canaux latéraux et à la perte d'outils locaux de gestion, c'est-à-dire exactement le contraire de l'objectif que nous devons avoir. Il est indispensable de continuer à informer les parlementaires à ce sujet, pour exiger que l'administration implémente la nouvelle politique de continuité écologique non destructrice

19/05/2022

Les réservoirs atténuent les effets des crues et sécheresses (Brunner 2021)

Une chercheuse a comparé plusieurs milliers de jauges dans des bassins versants avec ou sans barrages réservoirs aux Etats-Unis. Son travail montre que les rivières régulées ont des crues et des sécheresses moins intenses au niveau local que les rivières non régulées. Au niveau régional, l'effet protecteur se vérifie pour les crues, pas pour les sécheresses. L'usage premier des réservoirs (eau potable, énergie, irrigation, loisir...) n'influence pas le résultat. Ce travail contredit la petite musique militante de certains experts selon laquelle les retenues et réservoirs ne serviraient à rien. Au contraire, la politique publique de l'eau doit développer une vision ambitieuse de stockage, régulation et distribution de l'eau, cela par moyens naturels aussi bien qu'artificiels, les deux stratégies s'additionnant. C'est l'ensemble du bassin de la source à la mer qui doit coordonner cette ambition, afin d'obtenir les effets locaux et régionaux désirés. Face aux risques hydroclimatiques accrus, l'heure n'est pas à l'idéologie, mais à la protection des citoyens, des usages et des milieux. 


Comme l'actualité le rappelle, les sécheresses et les inondations peuvent avoir des impacts prononcés sur les sociétés et les milieux, formant une préoccupation humaine depuis toujours. Les retenues et réservoirs, souvent exploités à des fins différentes (production hydroélectrique, loisirs, irrigation, eau potable), sont une stratégie parmi d'autres pour réduire le risque lié aux crues et sécheresses. 

Manuela I Brunner (Université de Fribourg, NCAR de Boulder, Colorado) a analysé l'effet à grande échelle de réservoirs aux Etats-Unis. Voici le résumé de son travail :

"Les extrêmes hydrologiques peuvent particulièrement impacter les bassins versants à forte présence humaine, où ils sont modulés par l'intervention humaine telle que la régulation par réservoirs. Pourtant, nous savons peu de choses sur la façon dont l'exploitation des réservoirs affecte les sécheresses et les inondations, en particulier à l'échelle régionale. Ici, je présente un vaste ensemble de données de paires de bassins versants naturels et régulés aux États-Unis et j'évalue comment la régulation par des réservoirs affecte les caractéristiques locales et régionales de sécheresse et d'inondation. 

Mes résultats montrent que (1) la régulation des réservoirs affecte les risques de sécheresse et d'inondation à l'échelle locale en réduisant la gravité (c'est-à-dire l'intensité/l'ampleur et le déficit/le volume) mais en augmentant la durée ; (2) la réglementation affecte les aléas régionaux en réduisant la connectivité spatiale des inondations (c'est-à-dire le nombre de bassins versants avec lesquels un bassin co-subit des inondations) en hiver et en augmentant la connectivité spatiale de la sécheresse en été ; (3) l'effet d'atténuation locale n'est que faiblement affecté par la fonction du réservoir, pour les sécheresses comme les inondations. 

Je conclus que les caractéristiques locales et régionales des inondations et des sécheresses sont considérablement modulées par la régulation des réservoirs, un aspect qui ne doit pas être négligé dans les évaluations des aléas ou des impacts climatiques."

La chercheuse observe que les études par modèle ou par observation confirment que les réservoirs jouent des rôles efficaces de régulation de sécheresses ou de crues :

"Il a été démontré que les réservoirs atténuent principalement les sécheresses et les inondations dans différentes parties du monde dans des études basées sur des modèles et des observations (Verbunt et al 2005, He et al 2017, Wang et al 2017, Tijdeman et al 2018). Les études basées sur des modèles simulent le débit naturel avec un modèle hydrologique et comparent ce débit naturel simulé au débit régulé observé. En revanche, les études basées sur l'observation comparent soit les conditions régulées en aval d'un réservoir aux conditions naturelles en amont, soit les conditions avant la construction du barrage aux conditions après la construction du barrage (Rangecroft et al 2019, Van Loon et al 2019). Les études basées sur l'observation sont souvent limitées à quelques bassins versants, tandis que les évaluations à grande échelle sont principalement basées sur des modèles et reposent sur des hypothèses spécifiques concernant la demande en eau et la régulation du débit (Yassin et al 2019). L'effet d'atténuation de la sécheresse des réservoirs a par ex. été démontré dans des études basées sur l'observation pour le Royaume-Uni (Tijdeman et al 2018) et dans des études basées sur des modèles pour la Californie (He et al 2017), en Chine (Tu et al 2018, Chai et al 2019), aux États-Unis (Wan et al 2017) et à l'échelle mondiale (Wanders et Wada 2015) tandis que d'autres études ont signalé une augmentation de la sévérité et de la durée de la sécheresse pour certains réservoirs en Chine (Zhang et al 2015). De même, des études basées sur des modèles et des observations ont montré des réductions des pics d'inondation, par ex. pour le bassin du Rhin, en Italie et aux États-Unis (Verbunt et al 2005, Wang et al 2017, Volpi et al 2018), et dans les volumes d'inondation, par ex. en Thaïlande (Mateo et al 2014)."

Mais Manuela I Brunner fait observer que l'on manque d'analyse à échelle de bassins versants et sur de nombreux ouvrages. La chercheuse a compilé un ensemble de données de paires de bassins versants naturels et régulés en amont et en aval des réservoirs aux États-Unis. Le travail est mené sur la base de 2683 jauges exploitées par l'US Geological Survey (USGS) en distinguant les catégories "presque naturelles" (bassins avec une altération humaine minimale) et "régulés" (avec retenues de stockage).

Ce schéma montre en particulier les effets des réservoirs : à gauche, on voit que les pics et volumes de crues sont réduits (mais la durée allongée car lissée), à droite on voit l'intensité de la sécheresse et le déficit d'eau sont réduits, sans effet clair sur la durée.


A propos de la connexion régionale des sécheresses, la chercheuse précise : "Alors que l'effet réservoir-régulation est principalement positif à l'échelle locale, les dépendances spatiales à la sécheresse peuvent être légèrement renforcées en été, c'est-à-dire que la synchronisation de la sécheresse entre les bassins versants s'intensifie en présence de réservoirs. Cette synchronisation augmente la probabilité de sécheresses généralisées et introduit de nouveaux défis de gestion car les transferts d'eau vers des bassins versants secs à partir d'eau abondante en amont ou de bassins versants voisins peuvent ne plus être réalisables. Cette constatation contraste avec les conclusions de Wan et al (2017) qui ont montré que la gestion de l'eau réduit l'étendue spatiale de la sécheresse, en particulier pendant la saison d'irrigation. Mes résultats suggèrent également de telles diminutions, mais pas pour la saison estivale. L'effet potentiel d'atténuation de la sécheresse peut aussi concerner la pénurie d'eau, comme le montrent des études antérieures qui ont mis en évidence le potentiel des réservoirs pour atténuer cette pénurie (Liu et al 2018, Brunner et al 2019, Kellner et Brunner 2020)."

Il convient donc d'insérer la gestion des retenues et réservoirs dans une stratégie régionale qui, outre les effets locaux bénéfiques, s'assure que l'ensemble du bassin pourra bénéficier d'apport d'eau utile.

Discussion
En ce printemps 2022, la France est à nouveau menacée par la sécheresse, avec un hiver et un printemps peu pluvieux, et des vagues de chaleur précoces. Certains "sachants" et "experts" font entendre dans les médias une petite musique : les retenues ne servent à rien, voire aggravent la situation. Ces propos sont inexacts et dangereux, comme nous l'avions déjà rappelé. Nous demandons au gouvernement, au parlement et aux établissements en charge des bassins versants de développer une politique ambitieuse de retenue et stockage d'eau partout, et par tous les moyens, à fin de régulation des crues et sécheresses risquant de devenir plus graves en période de changement climatique. 

Il n'y a aucun sens à opposer les solutions fondées sur la nature (restauration de zones humides, préservation de forêts et bois, etc.) avec les solutions fondées sur la technique (retenues, canaux, injection en nappe, etc.). Les deux stratégies sont complémentaires. Et la destruction des retenues existantes sur les bassins versants est bien sûr une aberration coûteuse et dangereuse, n'ayant aucune place dans une politique publique. 

Référence : Manuela I Brunner MI (2021), Reservoir regulation affects droughts and floods at local and regional scales, Environ. Res. Lett. 16 124016

01/03/2022

Sécuriser eau, énergie, ressources face à la crise climatique

Le 6e rapport du GIEC vient de publier son volet consacré aux impacts, vulnérabilités et adaptations en lien au changement climatique. Les scientifiques soulignent avec gravité la montée des risques en raison du changement du cycle de l’eau et de la multiplication des événements extrêmes. Le résumé pour décideurs de ce rapport du GIEC cite expressément l’hydro-électricité à petite échelle en système décentralisé d’énergie comme l’une des solutions à promouvoir. Nous attendons donc des décideurs français que la politique de l’eau et de l’énergie soit redéfinie à la hauteur des vraies priorités pour notre pays. 


Assec et mortalité piscicole sur le bassin Ource, en Bourgogne.

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) vient de publier son rapport sur les impacts, les vulnérabilités et l’adaptation à la crise climatique. Il a été rédigé par 270 scientifiques du monde entier à partir de l’analyse de 34 000 études. Par rapport au précédent travail comparable, qui datait de 2014, le GIEC confirme l’ampleur des adversités et des risques liés au changement climatique. Outre la montée des eaux due à la fonte des pôles et glaciers, ce sont les événements extrêmes qui présentent des risques majeurs : sécheresses, canicules, crues, tempêtes, cyclones, incendies, avec des effets négatifs sur la santé, l’agriculture, l’industrie. Le climat entraîne aussi une modification très rapide de l’ensemble des écosystèmes, avec la disparition probable de certains d’entre eux comme les récifs coraliens. 


Source Le Monde, droits réservés.

Concernant l’eau en particulier, le GIEC écrit :
« Les risques liés à la disponibilité physique de l'eau et les dangers liés à l'eau continueront d'augmenter à moyen et à long terme dans toutes les régions évaluées, avec un risque accru à des niveaux de réchauffement planétaire plus élevés (degré de confiance élevé). Avec un réchauffement climatique d'environ 2 °C, la disponibilité de l'eau de fonte des neiges pour l'irrigation devrait diminuer jusqu'à 20 % dans certains bassins fluviaux dépendants de la fonte des neiges, et la perte de masse glaciaire mondiale de 18 ± 13 % devrait diminuer la disponibilité de l'eau pour l'agriculture, l'hydroélectricité, et les établissements humains à moyen et à long terme, ces changements devant doubler avec un réchauffement climatique de 4°C (degré de confiance moyen). Dans les petites îles, la disponibilité des eaux souterraines est menacée par le changement climatique (degré de confiance élevé). Les changements de l'ampleur, du moment et des extrêmes associés au débit fluvial devraient avoir un impact négatif sur les écosystèmes d'eau douce dans de nombreux bassins versants à moyen et à long terme dans tous les scénarios évalués (degré de confiance moyen). Les augmentations projetées des dommages directs causés par les inondations sont supérieures de 1,4 à 2 fois à 2 °C et de 2,5 à 3,9 fois à 3 °C par rapport à un réchauffement climatique de 1,5 °C sans adaptation (confiance moyenne). Avec un réchauffement climatique de 4 °C, environ 10 % de la superficie terrestre mondiale devrait faire face à des augmentations des débits fluviaux extrêmes (à la fois élevés et faibles) au même endroit, avec des implications pour la planification de tous les secteurs d'utilisation de l'eau (confiance moyenne). Les défis de la gestion de l'eau seront exacerbés à court, moyen et long terme, en fonction de l'ampleur, du rythme et des détails régionaux du changement climatique futur et seront particulièrement difficiles pour les régions dont les ressources en matière de gestion de l'eau sont limitées (degré de confiance élevé). »
On notera que dans le chapitre des transitions nécessaires, le résumé pour décideurs du GIEC confirme l’urgence de développer des systèmes d’énergie bas-carbone, et cite en particulier dans sa synthèse l’hydro-électricité à petite échelle :
« Dans les transitions des systèmes énergétiques, les options d'adaptation les plus réalisables soutiennent la résilience des infrastructures, des systèmes électriques fiables et une utilisation efficace de l'eau pour les systèmes de production d'énergie existants et nouveaux (degré de confiance très élevé). La diversification de la production d'énergie, y compris avec des ressources énergétiques renouvelables et une production pouvant être décentralisée en fonction du contexte (par exemple, éolien, solaire, hydroélectricité à petite échelle) et la gestion de la demande (par exemple, stockage et améliorations de l'efficacité énergétique) peuvent réduire les vulnérabilités au changement climatique, en particulier dans les populations rurales (confiance élevée). Les adaptations pour la production d'énergie hydroélectrique et thermoélectrique sont efficaces dans la plupart des régions jusqu'à 1,5 °C à 2 °C, avec une efficacité décroissante à des niveaux de réchauffement plus élevés (confiance moyenne). Les marchés de l'énergie réactifs au climat, les normes de conception actualisées des actifs énergétiques en fonction du changement climatique actuel et projeté, les technologies de réseau intelligent, les systèmes de transmission robustes et l'amélioration de la capacité à répondre aux déficits d'approvisionnement ont une faisabilité élevée à moyen et long terme, avec des co-bénéfices liées aux mesures d'atténuation - (confiance très élevée). »

Tous les risques du climat seront donc aggravés si nous continuons à laisser les températures monter sans frein, c’est-à-dire si nous continuons émettre des gaz à effet de serre au lieu d’engager une transition rapide pour se passer d’énergie fossile. Même dans cette hypothèse d’une transition rapide, en raison de l'inertie du système climatique océan-atmosphère, des effets négatifs se feront encore sentir pendant des décennies sinon des siècles, de sorte que la gestion des milieux doit désormais intégrer ce paramètre d'adaptation climatique comme une priorité et une constante de long terme. 

Les travaux du GIEC appellent une politique publique dédiée à la sécurisation de l’eau, de l’énergie et des ressources sur tous les territoires. La politique de l’eau en France est malheureusement très éloignée de cet impératif, car elle a hélas! été confiée à des personnes n’ayant pas le climat et l’énergie en tête de leur agenda. Cela doit changer. Vite. Toutes les mesures nuisibles à la rétention d’eau, à la recharge de nappes et aquifères, à la préservation de milieux aquatiques ou humide d'origine naturelle ou anthropique, au développement des énergies bas-carbone doivent désormais être retirées du droit français, et par conséquence des planifications de l’Etat, des collectivités territoriales et des agences de l’eau. Le mouvement des ouvrages hydrauliques a parfaitement conscience de cette urgence, car il voit la rapidité des changements au bord des rivières, des canaux, des plans d'eau : nous devons être à la pointe de cette exigence et de cette prise de conscience des élus, cela dès la prochaine législature en juin prochain. 

A lire : GIEC / IPCC (2022), Climate Change 2022: Impacts, Adaptation and Vulnerability, Sixth Assessment Report 

12/09/2021

Sur l'Ahr, fallait-il protéger en priorité le saumon ou la population?

Les inondations de l'été 2021 ont été meurtrières en Europe centrale, avec plus de 200 victimes. Et des dizaines de milliards d'euros de dégâts. Sur le bassin versant de la rivière Ahr (Allemagne), qui a été l'un des plus touchés, le risque de crue était parfaitement documenté depuis des siècles. Mais alors que le réchauffement climatique crée des conditions pour des épisodes de crues plus intenses, les décideurs ont jugé depuis 20 ans qu'une des priorités d'aménagement du bassin était... la restauration écologique en faveur du saumon. Pourquoi l'argent public est-il ainsi détourné des enjeux essentiels de régulation des crues et des sécheresses en vue de protéger les populations, mais aussi de prévention du réchauffement climatique? Va-t-on continuer à disperser l'argent des citoyens dans des nostalgies de nature sauvage alors que des enjeux existentiels autrement plus graves sont devant nous? 


Entre le 12 et le 15 juillet 2021, de fortes précipitations associées au système dépressionnaire «Bernd» ont entraîné de graves inondations en Europe, en particulier dans les États allemands de Rhénanie-du-Nord-Westphalie et Rhénanie-Palatinat, au Luxembourg et le long de la Meuse et certains de ses affluents, en Belgique et aux Pays-Bas.

Au moment des pluies, les sols étaient en partie déjà saturés suite à un printemps et un été plutôt humides. Certaines sections de vallée sont très étroites avec des pentes abruptes conduisant à des effets d'entonnoir en cas de crues extrêmes. 

Les inondations ont fait au moins 184 morts en Allemagne et 38 en Belgique et des dommages considérables aux infrastructures, y compris les maisons, les autoroutes, les voies ferrées et les ponts. Les fermetures de routes ont laissé certains endroits inaccessibles pendant des jours, coupant certains villages des voies d'évacuation et des interventions d'urgence. Les zones les plus touchées se trouvaient autour des rivières Ahr, Erft et Meuse.

Des scientifiques d'Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Suisse, France, États-Unis et Royaume-Uni ont collaboré pour évaluer dans quelle mesure le changement climatique induit par l'homme a modifié la probabilité et l'intensité de si fortes précipitations provoquant de graves inondations (consortium World Weather Attribution). Ils concluent notamment : 
"le changement climatique a augmenté l'intensité de l'événement pluviométrique maximal d'une journée pendant la saison estivale d'environ 3 à 19 % par rapport à un climat mondial 1,2 °C plus froid qu'aujourd'hui. L'augmentation est similaire pour l'événement de 2 jours. La probabilité qu'un tel événement se produise aujourd'hui par rapport à un climat plus frais de 1,2 °C a augmenté d'un facteur compris entre 1,2 et 9 pour un événement d'une journée. L'augmentation est à nouveau similaire pour un événement de 2 jours. Dans un climat plus chaud de 2 °C qu'à l'époque préindustrielle, les modèles suggèrent que l'intensité d'un événement d'une journée augmenterait encore de 0,8 à 6 % et la probabilité d'un facteur de 1,2 à 1,4. L'augmentation est à nouveau similaire pour l'événement de 2 jours."
Au début d’août, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a également pointé dans son nouveau rapport un réchauffement de la planète plus rapide qu’on ne le pensait, avec des effets significatifs à venir sur le cycle de l'eau

Toutefois, si le changement climatique augmente les conditions de fréquence et d'intensité de ces événements extrêmes, il est loin d'être le seul coupable. 

Le climat n'est pas le seul responsable des bilans des crues
D'abord, de tels événements peuvent toujours survenir par hasard, et les crues de la période prémoderne occasionnaient déjà de nombreuses victimes. Ensuite, les choix que l'on fait dans l'aménagement des rivières et des bassins versants ont une influence majeure sur les écoulements locaux et les risques humains. Les observations rapportées sur la page Wikipedia des inondations sont ainsi intéressantes à examiner.

Dans la vallée de l'Ahr (district d'Ahrweiler), il y a eu déjà de graves inondations en 1601, 1804 et 1910, certaines avec des pics de crue plus élevés. En réponse à la crue de 1910, des bassins de rétention des crues à grande échelle d'une capacité de 11,5 millions de m3 ont été prévus dans le cours supérieur de l'Ahr, sur le Trierbach, dans le Wirftbachtal et sur l'Adenauer Bach. En raison d'un manque d'argent, les plans n'ont pas été mis en œuvre et à la place, on a construit le circuit automobile Nürburgring. 


La vulnérabilité du bassin versant a été exacerbée par le fait que les cours d'eau ont été redressés lors du remembrement des terres dans les années 1970 et que des canaux de drainage ont été créés dans les vignobles, à travers lesquels les précipitations sur les pentes sont déversées verticalement, de sorte que le niveau d'eau dans la vallée augmente rapidement. De plus, la roche d'ardoise typique de la région est presque imperméable à l'eau et donc de fortes pluies s'écoulent facilement. Les ruisseaux latéraux sont également très raides et donnent à l'eau une vitesse élevée, de sorte que le niveau d'eau dans la vallée monte rapidement. D'autres facteurs pouvant aggraver la situation lors de fortes précipitations sont l'imperméabilisation des terres, la déforestation, les sols asséchés et les mesures de protection contre les inondations manquantes ou mal dimensionnées, entre autres sur les ruisseaux de basse montagne qui sont jusqu'à présent rarement apparus comme un risque.

Selon les géographes Thomas Roggenkamp et Jürgen Herget, la carte des risques d'inondation pour la vallée de l'Ahr est basée sur les valeurs mesurées collectées depuis 1947 seulement. Bien que les incertitudes des statistiques des valeurs extrêmes soient connues lorsque la taille de l'échantillon est petite, les graves inondations des siècles passés n'ont pas été prises en compte dans l'évaluation de l'évaluation des risques. Selon leur évaluation, la crue de juillet 2021 est une répétition de la crue de juillet 1804. Malgré des débits comparables (quantités d'eau en mètres cubes par seconde), la crue de juillet 2021 a atteint des niveaux d'eau plus élevés que ceux de 1804. La raison est qu'aujourd'hui, le développement plus dense du lit majeur d'inondation a réduit la surface traversée par l'eau et les niveaux ont augmenté localement de manière disproportionnée. 

Depuis 20 ans on a investi... pour le saumon
Le gouvernement fédéral et le Land de Rhénanie-Palatinat avaient encouragé des mesures de renaturation dans la vallée de l'Ahr. Selon Wolfgang Büchs, il s'agissait de mesures judicieuses, mais les bassins de rétention des crues et autres systèmes de rétention des pluies - également dans les vallées latérales - sont les seules mesures efficaces contre les événements pluvieux extrêmes.

Savoir si les mesures en question furent "judicieuses" se discute et devra être examiné avec la plus grande attention dans le bilan définitif de ces inondations de l'Ahr. 

En effet, la rivière Ahr fait l'objet depuis plus de 20 ans de plans pour la réintroduction du saumon du Rhin dans ses habitats d'origine. Plusieurs barrages ont été effacés ou aménagés sur argent public (Bad Bodendorfer, Heimersheimer, Bad Neuenahrer...). Bien entendu, au regard de la gravité de la crue de 2021, ces aménagements n'ont eu qu'une influence mineure. Mais c'est la question inverse qu'il faut poser: pour éviter des dizaines de morts et de milliers de destructions dans le bassin versant de l'Ahr, quels étaient les aménagements à envisager en priorité depuis 20 ans, et avant déjà? S'il est reconnu que le bassin est à haut risque historique et s'il a été envisagé voici un siècle déjà des retenues pour tamponner les crues, pourquoi ce genre de projet n'a-t-il pas été au centre de la réflexion des décideurs? Si les choix du lit majeur sont plus impactants que ceux du lit mineur, pourquoi ne traite-t-on pas les choses dans l'ordre? Si l'on juge "normal" que les rivières reprennent leur droit en crue, cela signifie-t-il que l'on assume comme "normales" les pertes humaines et destructions de biens? La même question valant pour les sécheresses, autre spectre du changement climatique : au nom de la nature rendue à sa naturalité, les populations doivent-elles accepter demain des lits secs tous les étés? 

Les gestionnaires de l'écologie des rivières et plans d'eau ont aujourd'hui des discours contradictoires et des actions confuses. D'un côté, ils reconnaissent que les conditions naturelles sont changées par le réchauffement climatique – plus généralement par la démographie et l'économie humaines – ; d'un autre côté, ils proposent simplement de restaurer des portions de conditions naturelles antérieures, comme si de rien n'était. D'un côté, le climat est reconnu par les rapports GIEC comme une menace existentielle de premier ordre pour les sociétés humaines et pour le vivant ; d'un autre côté, on refuse d'en faire le critère prioritaire quand on gère les rivières pour l'énergie, les crues, les sécheresses et autres éléments liés au climat. 

Ces contradictions et confusions doivent cesser. La France aussi connaîtra des crues terribles et des sécheresses sévères. La France aussi doit faire sa part pour sortir au plus vite de l'énergie fossile sur son territoire et dans ses importations. C'est en ayant à l'esprit ces événements extrêmes et ces priorités publiques que l'on doit aménager désormais nos rivières.