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30/08/2024

Barrages en place détruits, barrages en projet abandonnés, l'hydro-électricité sacrifiée par les choix de l'administration française

Alors qu'il est sous le coup de plusieurs procédures en justice pour son incapacité à respecter les accords climatiques de Paris, l'Etat français vient d'annoncer qu'il retirait son soutien au projet hydro-électrique "Rhônergia" de la Compagnie Nationale du Rhône. Une nouvelle fois, la pression du lobby naturaliste s'impose comme un frein majeur au déploiement des énergies décarbonées, en particulier l'hydro-électricité qui est sacrifiée en France depuis plusieurs décennies. Mais quelle est la légitimité démocratique de ces choix, alors que l'énergie hydraulique est l'une des plus appréciées par les citoyens? Qui prend au juste ces décisions dans l'appareil public, sur quelles bases?

Vue du projet Rhônergia, DR

AFP - L'Etat a mis un terme à un projet de barrage sur l'une des dernières zones sauvages du Rhône, a annoncé ce vendredi la Compagnie nationale du Rhône (CNR), qui portait ce projet d'aménagement très contesté. «L'Etat a fait connaître le 29 août sa décision de ne pas poursuivre le projet de construction d'un nouvel aménagement hydroélectrique sur le Rhône, entre Saint-Romain-de-Jalionas (Isère) et Loyettes (Ain)», écrit la CNR dans un communiqué.

La CNR ajoute «prendre acte de cette décision» qui ouvre, «conformément à son contrat de concession, une nouvelle phase de discussion avec l'Etat pour identifier des projets alternatifs en lien avec le fleuve».

140 GWh par an
Le «projet Rhônergia», dont l'idée remonte à 1935 et qui avait fait l'objet d'un premier projet abandonné en 1980, visait à construire un barrage d'ici 2033 à une quarantaine de kilomètres en amont de Lyon. Pour un budget estimé à 330 millions d'euros, la CNR envisageait un barrage-usine avec une chute de 6,8 mètres, une retenue de 22 kilomètres de long pour ralentir le débit du fleuve et une digue de 4 km.

La CNR, qui supervise déjà 19 barrages hydroélectriques sur le Rhône, estimait que « Rhônergia » était le dernier projet de cette nature envisageable en France. Cette infrastructure aurait produit 140 GW/h par an, de quoi couvrir les besoins électriques annuels de 60.000 habitants. Pour la CNR, ce projet aurait participé à « la lutte contre le changement climatique », au renforcement de l'indépendance énergétique de la France et à l'inflexion des coûts de l'électricité.

Mais ses opposants, réunis dans un collectif qui s'est notamment fait entendre lors de la consultation publique sur le projet cet hiver, estimaient que le coût financier et environnemental du barrage était «trop important par rapport à l'énergie décarbonée» qu'il pourrait fournir. Jérôme Grausi, maire sans étiquette de Saint-Romain-de-Jalionas (Isère), s'était érigé pour sa part contre «l'artificialisation» de son territoire, l'une des rares zones non aménagées du Rhône.

Jérôme Grausi s'est dit « très content » de la décision de l'Etat. «C'est un soulagement pour la protection de la nature, de notre territoire et de notre identité», a-t-il déclaré, évoquant des vestiges gallo-romains présents sur le site. «Maintenant on reste vigilant», a-t-il ajouté, en mentionnant les autres projets environnants, à commencer par deux nouveaux réacteurs nucléaires EPR2 que le président Emmanuel Macron a annoncé en juin vouloir voir construire sur la centrale voisine du Bugey.

Source : dépêche AFP.

A lire en complément

01/02/2024

La production des moulins à eau et petites centrales hydro-électriques en France

Les 463 sites de moins de 150 kW qui injectent de l'électricité sur le réseau représentent aujourd'hui une puissance cumulée de 43 MW. Cette donnée ne tient pas compte de l'autoconsommation des moulins à eau, dont la production n'est pas connue. Le chiffre de 43 MW pour 463 sites est encourageant  puisque la France dispose d'un patrimoine déjà installé de près de 70 000 seuils et barrages qui ne sont pas équipés, outre le potentiel de nouveaux sites. Nous appelons donc les pouvoirs publics à s'engager à une hausse continue du taux d'équipement énergétique des chutes des rivières. Il s'agit de demander aux agences de l'eau (SDAGE) et aux syndicats de bassin (SAGE) d'en faire un objectif systématique de leur programmation. Aujourd'hui, ces instances se désintéressent trop souvent du sujet, voire détruisent les ouvrages hydrauliques à potentiel producteur. 


Des communes de plus en plus nombreuses (ici Gœulzin) sont intéressées par la relance locale des moulins à eau présents sur leur territoire. Plusieurs dizaines de milliers de sites seraient équipables. 

A la question du député Marc Le Fur sur la production électrique des moulins à eau, le ministère de l'écologie apporte la réponse suivante.

L’analyse du Registre national des installations de production et de stockage d’électricité produit par le gestionnaire du réseau de transport d’électricité (RTE) (données publiques en date du 31/07/2023) fait état des informations que vous trouverez ci-dessous (https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/registre-national-des-installations-de-production-et-de-stockage-delectricite-au-30-09-2023/).

Le tableau présente par région et département les puissances cumulées ainsi que le nombre d’installations hydroélectriques dont la puissance est inférieure à 150 kW, seuil qui peut représenter les moulins à eau équipés pour la production hydroélectrique. Ces chiffres ne tiennent compte que des installations raccordées au réseau de distribution, c’est-à-dire uniquement celles capables de fournir une aide au réseau électrique et n’intègrent donc pas les chiffres de l’autoconsommation.

La puissance totale cumulée de ces installations s’élève à environ 43 MW soit près de 0,07% de la puissance du parc de production d’énergie renouvelable en France et 0,029 % de la puissance électrique installée en France (sur la base des données RTE au 31 décembre 2022).

A titre de comparaison, la puissance totale installée de l’ensemble de ces 463 installations représente l’équivalent de la puissance de 7 éoliennes en mer actuellement installées au large de à Saint-Nazaire. Ces valeurs rappellent le caractère très limité de la production énergétique des installations hydroélectriques de faible puissance dans le mix électrique, sans pour autant remettre en cause le fait qu’il produise une électricité décarbonée qui participe donc à l’objectif de décarbonation de mix énergétique.

Ainsi, l’État soutient financièrement le développement de ces installations avec l’arrêté du 13 décembre 2016 fixant les conditions d’achat et du complément de rémunération pour l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie hydraulique des lacs, des cours d’eau et des eaux captées gravitairement, dit H16. Ce soutien automatique est conditionné au respect et à la conciliation de l’ensemble des enjeux de l’utilisation de la ressource en eau, notamment des enjeux de biodiversité.

Sous la responsabilité des préfets, la procédure d’autorisation au titre de la loi sur l’eau permet aujourd’hui une gestion équilibrée des projets de petite hydroélectricité au plus près des territoires. Il s’agit d’une politique ciblée et mesurée, qui cherche à concilier les enjeux de restauration des fonctionnalités des cours d’eau avec le déploiement de la petite hydroélectricité.

Aujourd’hui, un producteur d’une installation d’une centaine de kilowatts peut espérer, grâce au H16, un tarif d’environ 170€/MWh produit. Ce niveau de tarif est très nettement supérieur au prix de marché de l’électricité sur les 10 dernières années et est très supérieur également aux prix de marché futur français.


Nos commentaires :
  • La petite hydro-électricité est un petit apport au mix énergétique français et européen : tout le monde est d'accord sur ce point. Mais chaque kWh compte lorsqu'on parle de la transition énergétique et de la souveraineté géopolitique.
  • Les données du ministère ne comptabilisent pas l'autoconsommation, qui est assez répandue dans le monde des moulins à eau car une puissance de quelques kW n'a pa forcément intérêt à injecter sur le réseau avec les complexités que cela implique en dossier. Cette autoconsommation n'a aucun coût pour la collectivité puisqu'elle n'a aucune aide publique sur le prix du MWh. Elle tend plutôt à soulager le réseau. 
  • Les administrations publiques en charge de l'eau (agences de l'eau, OFB, syndicats) n'ont pas tendance à soutenir le développement hydro-électrique des bassins versants, et certains de ces acteurs sont même engagés dans une vision naturaliste de destruction maximale des seuils et barrages pour revenir à une sorte de rivière sauvage idéalisée ou de nature théorique vidée de ses humains. Ce qui est un problème évident de conflit entre politiques publiques, outre les conflits sociaux liés au refus de cette idéologie.
  • Il est notable que 463 sites seulement représentent une puissance de l'ordre de 43 MW. Il existe en effet environ 50 000 moulins à eau en France, et environ 20 000 seuils et barrages n'étant pas des moulins à eau mais disposant d’une chute et un débit équipables. Même en faisant l'hypothèse (raisonnable) que les ouvrages non équipés sont plutôt moins puissants que ceux équipés, cela signifie que le potentiel des sites existants est bien de l'ordre du GW. 
  • Outre la puissance, il faudrait compatibiliser l'énergie : le facteur de charge d'une installation hydraulique est généralement de 50 à 70%, davantage en zone hydraulique fluviale régulière. Donc 1 MW de solaire, d'éolien ou d'hydraulique ne produit la même quantité d'énergie sur une année.
  • Concernant le tarif de rachat du MWh en petite hydraulique, il est certainement possible de l'améliorer si la filière est en enfin soutenue (objectif assumé par l'acteur public d'une hausse du taux d'équipement de toutes les rivières), si des offres plus standardisées d'équipement se développent grâce à cette garantie d'objectif public et si les exigences environnementales sont révisées de manière plus raisonnable par rapport aux excès documentés depuis la décennie 2010 (le soutien public à l'achat du MWh est conditionné à de nombreuses exigences qui impliquent des chantiers coûteux et des baisses de productible). 
Voici ci-dessous la production par répartition géographique, associée à la réponse du ministère. Le fichier Excel peut être téléchargé ici


16/11/2023

Le gouvernement français poursuit son plan méthodique d’entrave et destruction de la petite hydro-électricité

Depuis 20 ans, tout est fait en France pour décourager l’usage des seuils et barrages en rivière, puis pour pousser à leur destruction, au nom d’une idéologie du retour à la rivière sauvage. Les lobbies et administrations militantes ayant incité à cette politique (largement réprouvée par les citoyens) viennent d’obtenir un projet de décret où la simplification administrative des chantiers hydro-électriques sera réservée aux usines de plus de 3 MW. Cela signifie la poursuite des complications, surcoûts et abandons pour 80% du potentiel exploitable, formés de dizaines de milliers de sites de plus petite puissance ! Vous pouvez exprimer en consultation publique votre refus de ce choix négatif pour la transition énergétique, pour l'adaptation climatique, pour la réindustrialisation de la France et pour la vie des territoires. Nous devons changer d'échelle et de rythme dans le déploiement des énergies renouvelables, en particulier l'hydro-électricité ayant de nombreux atouts (meilleur bilan carbone, meilleur bilan matières premières, meilleur taux de retour énergétique) et des effets secondaires positifs (stockage et régulation de l'eau).

Lien pour exprimer votre avis avant le 24 novembre 2023 : c’est ici 


Quelques articles et dossiers de notre site à lire pour comprendre et argumenter :
Nous reproduisons ci-dessous le communiqué conjoint de France Hydro Electricité (FHE), Union française de l'électricité (UFE), Syndicat des énergies renouvelables (SER)

Reconnaissance d’intérêt public majeur : ne sacrifions pas la petite hydroélectricité !

À RETENIR : En ne permettant pas à l’hydroélectricité d’être considérée comme relevant automatiquement d’un intérêt public majeur selon les mêmes conditions que les autres formes d’énergie décarbonée, le projet de décret soumis à consultation publique le 30 octobre dernier propose un régime discriminatoire qui pourrait freiner le développement d’une filière pourtant essentielle pour les territoires.

Une consultation publique relative à un projet de décret encadrant les conditions dans lesquelles les différentes formes d’énergie renouvelable seront considérées comme relevant d’une raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) vient de débuter. Il s’agit là d’une disposition essentielle de la loi d’accélération des énergies renouvelables, car elle permet en particulier aux projets renouvelables de petite taille de ne pas avoir à démontrer que leur contribution est essentielle pour le pays, démonstration qui reste par nature toujours difficile à établir.

Dans un contexte où, comme l’a rappelé récemment RTE dans son dernier Bilan prévisionnel 2035, tout électron renouvelable additionnel sera indispensable pour faire face à l’augmentation de la demande d’électricité d’ici 2030, la loi d’accélération venait ainsi lever à travers la RIIPM une contrainte totalement injustifiée, sans remettre en cause d’aucune manière les modalités d’instruction et d’autorisation des projets qui garantissent la protection de la biodiversité.

Pourtant, le décret mis en consultation publique prévoit aujourd’hui que seuls les projets hydroélectriques de grande taille (plus de 3 MW) pourront bénéficier de la RIIPM, laissant de côté la majeure partie du potentiel, constitué de projets de plus petite taille dont la production est un réel atout pour réussir la transition énergétique des territoires ruraux et des territoires de montagne. Cette approche n’a pourtant pas été retenue pour les projets solaires et éoliens, qui bénéficieront eux – très justement – de seuils de puissance plus adaptés pour bénéficier de la RIIPM.

« La filière ne comprend pas cette approche et espère que le Ministère de la Transition écologique, dont dépendent les projets de petite hydroélectricité, saura écouter les associations d’élus qui se sont fortement mobilisées pour dénoncer le traitement injustifié qu’elle subit et demander, comme le Conseil supérieur de l’énergie l’a d’ailleurs validé à une très large majorité, un abaissement significatif de ce seuil, à 150 kW. » estiment les organisations cosignataires.

01/02/2023

La loi d'accélération de l'énergie renouvelable n'accélère pas grand chose

C'est un sentiment de déception et d'échec qui prédomine aujourd'hui chez les acteurs des énergies renouvelables, notamment hydraulique. La France devait se doter dune loi pour accélérer la production d'énergie bas-carbone, mais le gouvernement et le parlement n'ont pas été capables de simplifier le droit. Dans le domaine hydraulique, on note la suppression de l'exemption de continuité écologique pour les moulins producteurs et la généralisation du médiateur de l'hydro-électricité en cas de conflit avec l'administration. 


La loi d'accélération de l'énergie renouvelable est sur le point d'être adoptée dans sa version finalement retenue par la commission mixte paritaire de l'Assemblée nationale et du Sénat. Elle ne contient aucune disposition d'accélération de l'hydro-électricité, au contraire.

L'article L 214-18 du code de l'environnement prévoit que le débit réservé peut être modifié de manière temporaire en cas de "menace grave sur la sécurité d’approvisionnement électrique", sous condition que le revenu tiré du turbinage soit affecté pour l'essentiel à la compensation écologique.

L'article L 214-18-1 du code de l'environnement, qui posait une exemption de continuité pour les moulins à eau producteurs d'énergie, est supprimée du code. En effet, le conseil d'Etat avait considéré en juillet 2022 que cet article contrevient à des règles européennes. 

La loi généralise aussi à tout le territoire le poste de médiateur de l'hydro-électricité, en charge d'examiner les désaccords entre l'administration et les porteurs de projets hydro-électriques. 

La mesure-phare attendue par la loi, à savoir attribuer à l'énergie renouvelable (de toute nature et toute puissance) une présomption de "raison impérative d’intérêt public majeur", a été amoindrie puisque le gouvernement a tenu à fixer par décret des conditions. Ce qui revient à nouveau non à accélérer, mais à complexifier et entraver certains projets.

On note qu'il y a eu une coalition politique des blocages, avec la droite hostile à certaines mesures en raison des éoliennes et la gauche en raison de la biodiversité. 

Au début de l'examen de la loi, les sénateurs avaient bel et bien adopté divers amendements pour accélérer la relance de la petite hydraulique, en simplifiant les procédures déclaratives et en exigeant du réalisme dans les mesures compensatoires écologiques. Mais ces avancées ont été abandonnées par l'Assemblée nationale, notamment sous l'influence du rapporteur de la majorité gouvernementale  et des ministres concernés, hostiles à la petite hydraulique. Nous prenons acte de cette hostilité pour la suite de nos rapports avec ces ministères et leurs administrations. 

Au final, la France révèle la profondeur de ses blocages : même face à une urgence climatique et énergétique frappant la population, l'appareil public n'est plus capable de prendre des mesures qui font la différence. 

Note sur le médiateur de l'hydro-électricité
Nous vous informerons lorsque les médiateurs seront connus dans chaque région. Nous mettons en garde les porteurs de projet : une médiation est parfois un moyen pour l'administration de retarder les contentieux, sans volonté sincère d'admettre que l'administration a tort dans le blocage qu'elle impose. Nous proposerons donc une méthodologie précise pour formaliser les problèmes et imposer un calendrier à la médiation, avec un délai de 2 mois pour débloquer les situations. Au terme de ce délai et en cas d'échec, une plainte pour abus de pouvoir devra être déposée, afin de ne pas retarder indéfiniment le moment où le juge doit trancher. Il convient de se souvenir que la loi obligé déjà, depuis 2019, l'administration à développer la petite hydro-électricité, comme elle obligé déjà, depuis 2006, l'administration à indemniser des charges spéciales et exorbitantes relevant de la continuité écologique. Il n'y a donc pas matière à pinailler sans fin si un fonctionnaire manifeste clairement une hostilité à un projet par des exigences et procédures disproportionnées, au lieu de faciliter au contraire sa réalisation. 

24/01/2023

Les citoyens français encouragent le développement hydro-électrique

Le gouvernement avait lancé une consultation nationale en ligne sur l’avenir énergétique de la France. A la question sur l’hydro-électricité, 49,5% des répondants ont souhaité un développement massif et sans limite de cette énergie, 31,7% un développement sur les sites les plus rentables ou les moins impactants, 18,8% un arrêt du développement. Il y a donc un soutien démocratique fort à l’idée de faire croître la production hydro-électrique. Cela doit se refléter dans les programmations et instructions des administrations du ministère de l’écologie, des agences de l’eau, des syndicats de rivière. Car les gestionnaires publics de l’eau n’ont pas vocation à incarner des vues minoritaires dans une démocratie environnementale respectant les avis des citoyens. 

Le gouvernement avait lancé à l’hiver une consultation nationale en ligne, sur le thème «Notre avenir énergétique se décide maintenant». 31 355 contributions ont été déposées dans la consultation en ligne. Elles sont ainsi réparties :
  • 8 302 pour le thème "Comment adapter notre consommation pour atteindre l’objectif de neutralité carbone ?" ;
  • 17 382 pour le thème "Comment satisfaire nos besoins en électricité, et plus largement en énergie, tout en assurant la sortie de notre dépendance aux énergies fossiles ?"
  • 4 706 pour le "Comment planifier, mettre en œuvre et financer notre transition énergétique ?"

La question de l’hydro-électricité était soulevée dans le thème de la satisfaction des besoins énergétiques futurs.


Première observation : l’hydro-électricité est l’énergie qui a soulevé le plus de contributions, se plaçant même au-dessus de l’éolien terrestre ou du nucléaire, deux sources d’énergie mobilisant d’habitude les citoyens. L’ouvrage hydraulique est donc bien devenu un objet démocratique installé dans le débat des citoyens, alors que le sujet est finalement très peu évoqué par les élus et médias nationaux. 

Concernant la question sur l’hydro-électricité, trois option étaient proposées :
A - Se limiter à optimiser l’existant, car il n’apparaît pas opportun de développer de nouveaux projets
B - Optimiser l’existant et, concernant de nouveaux sites, aménager uniquement ceux dont le potentiel est significatif ou ceux présentant une sensibilité environnementale quasi-nulle
C - Développer tous les projets hydroélectriques, y compris les très petites installations pour maximiser les capacités installées, et y compris les projets plus coûteux, tout en essayant de limiter les impacts environnementaux

L’option C, la plus favorable au développement hydro-électrique, emporte les suffrages et frôle la majorité absolue avec 49,5% des réponses. L’option B suit à 31,7 % des réponses. Enfin l’option A, la moins favorable à l’hydro-électricité, ne recueille que 18,8% des choix des participants.

Nous espérons que ces résultats seront pris en compte dans la construction de la loi de programmation énergétique en 2023. Mais aussi et surtout qu’ils seront intégrés par le personnel administratif eau, énergie, biodiversité qui travaille sous la tutelle du ministère de l’écologie. En effet, la loi prévoit déjà (depuis 2019) le développement de la petite hydro-électricité. Cette  énergie figure aussi dans les usages cités comme relevant de la gestion équilibrée et durable de l’eau, depuis la loi de 2006, donc relevant de l'intérêt général. 

Il est dès lors anormal d’observer que le personnel public de l’écologie tend à adopter et satisfaire des options très minoritaires visant à décourager et non encourager des projets hydro-électriques. Cette situation doit changer car elle affaiblit la crédibilité de l’action publique. Elle retarde surtout la lutte contre le changement climatique par électrification et décarbonation accélérées des activités en France. 

08/12/2022

En cadeau pour l’hiver, France Nature Environnement obtient l’arrêt et la démolition d’une centrale hydro-électrique neuve

Le lobby naturaliste FNE a réussi son timing : à l’entrée de l’hiver, alors que la France souffre de pénurie et inflation énergétiques, le tribunal administratif de Grenoble vient de prononcer à sa requête l’illégalité d’une centrale hydro-électrique neuve et d’ordonner la démolition des ouvrages. Le motif en est que la baisse du débit dans le tronçon court-circuité serait assimilable à une rupture de continuité écologique pour une rivière classée liste 1 en réservoir biologique. Mais ce jugement de première instance fera probablement l’objet d’un appel. Les règlementations de biodiversité sont devenues l'un des premiers freins aux projets d’énergie renouvelable : les élus doivent donc exposer aux citoyens la manière dont ils vont assurer leur promesse d’une accélération de la transition énergétique, alors que les deux-tiers de l’énergie finale consommée en France sont encore d’origine fossile. Car notre association comme bien d’autres n’hésiteront pas à mener leurs propres contentieux contre l’Etat s’il se maintient en carence fautive sur la décarbonation, s’il méconnaît l’obligation légale de développer la petite-hydro-électricité et s’il met en danger la population par des choix affectant la garantie d’accès à l’énergie. 


Source de  l’image (photo) : Le Messager 

La régie de gaz et d’électricité de Sallanches a sollicité en 2018, une autorisation environnementale afin d’exploiter une centrale hydroélectrique sur la rivière la Sallanche. Ce projet consiste à créer en amont du Pont de la Flée, une prise d’eau reliée à la centrale située en contrebas par une conduite forcée enterrée. A l’issue de l’enquête publique, le préfet de la Haute-Savoie a, par arrêté du 26 décembre 2019, autorisé le projet et déclaré d’utilité publique l’établissement d’une servitude. France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes (FNE) en a demandé l’annulation. Le chantier vient tout juste d’être terminé et l’inauguration de la centrale était prévue pour le mois de janvier prochain.

La centrale hydroélectrique consiste en l’installation d’un seuil sur le cours d’eau de la Sallanche où 72 % du tronçon court-circuité (4 200 mètres) de la rivière est classé, par arrêté du préfet de la région Rhône-Alpes du 19 juillet 2013, en liste 1 ainsi qu’en réservoir biologique , en application du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux du bassin Rhône-Méditerranée 2022-2027.

L’étude d’impact initiale sollicitait l’attribution d’un débit réservé de 50 l/s, correspondant au 12.5% du module. Le débit réservé finalement autorisé a été porté à 80 l/s, soit 20% du module du cours d’eau. Dans son avis du 12 décembre 2018, sollicité pour prendre en compte le nouveau débit réservé de 80 l/s, l’Agence française pour la biodiversité (aujourd’hui Office français pour la biodiversité) conclut que cette modification était toujours à une réduction de 53% du débit de la réserve biologique. Cet avis précise en outre que les données hydrologiques, avancées par la pétitionnaire dans son étude d’impact, se basent sur l’influence de l’aménagement au niveau de la restitution de l’usine alors que l’influence d’une dérivation sur un réservoir biologique doit logiquement être évalué dès la prise d’eau et non pas seulement à l’extrémité avale du tronçon court-circuité.

Le tribunal conclut : «Ainsi, il résulte de l’instruction que le projet modifie substantiellement l’hydrologie du cours d’eau et l’arrêté attaqué méconnaît dès lors les dispositions précitées du 4°du I de l’article R. 214-109 du code de l’environnement.»

L’article R. 214-109 du code de l’environnement, dans sa version remise en vigueur à la suite de l’annulation de l’article 1er du décret n°2019-827 par le Conseil d’Etat, précise que : «Constitue un obstacle à la continuité écologique, au sens du 1° du I de l'article L. 214-17 (…), l'ouvrage entrant dans l'un des cas suivants : (…) 4° Il affecte substantiellement l'hydrologie des réservoirs biologiques».

Ce que l’on peut en dire en débat scientifique
Une centrale hydro-électrique en dérivation modifie forcément le débit donc l’hydrologie du tronçon court-circuité. Par conception, une partie du débit de la rivière passe vers la centrale et non vers le lit originel du cours d’eau. Cette baisse de débit affecte la vie aquatique, de manière différente selon les saisons et le débit total du cours d'eau, mais dans quelle mesure ? Pour l’estimer, il faudrait avoir des analyses systématiques du vivant dans les tronçons court-circuités, selon les typologies de centrales et de gestion des débits. Les études restent lacunaires et ont concerné pour l'essentiel de plus grands ouvrages sur de plus grandes rivières (des producteurs ont commencé leurs propres études et demandent régulièrement à l'OFB de lancer un programme de connaissance à ce sujet). La biomasse aquatique y est très probablement moindre (moins de surface et volume en eau), mais rien ne dit a priori que la biodiversité proprement dite est substantiellement affectée (les espèces n’ont pas de raison de disparaître dans un tronçon court-circuité s’il reste en eau en permanence). Par ailleurs, au vu de ce que prévoit les chercheurs sur le changement climatique, la faune et la flore aquatique pourraient connaitre un bouleversement thermique et hydrologique d’une vitesse quasi-inconnue depuis des millions d’années, si nous ne parvenons pas à baisser très rapidement les émissions de gaz à effet de serre. Donc la réflexion sur les impacts ne se limite pas aux effets locaux. Enfin, la notion de "réservoir biologique" est plus administrative que scientifique : il conviendrait d'exposer plus précisément en quoi la rivière Sallanche exprime cette propriété de réservoir (pour quelles espèces, présentant quel niveau de menace, etc.). Il a été régulièrement reproché au classement de 2012-2013 d'obéir à une logique halieutique (en particulier sur des cours d'eau à truites communes sans enjeu grand migrateur) davantage qu'écologique. 

Ce que l’on peut en dire en débat juridique
Si, comme on peut le penser, le maître d’ouvrage fait appel de la décision et porte au besoin le cas devant le conseil d’Etat, il reviendra à la jurisprudence d’apprécier ce que signifie une modification «substantielle» du débit d’un réservoir biologique et de dire si cette modification est constitutive ou non d’une rupture de continuité écologique. Le conseil d’Etat a déjà précisé que ces changements devaient s’apprécier au cas par cas (CE 11 décembre 2015 n° 367116). Mais cela implique une casuistique où le juge décide en dernier ressort de ce qui est, ou non, un motif grave de perturbation de fonctionnalités aquatiques.  Dans un cas similaire jugé par la cour de justice de l’Union européenne, les magistrats devaient évaluer si une centrale hydro-électrique pouvait dégrader une qualité de masse d’eau de très bonne à bonne, justement en raison des effets hydrologiques et hydromorphologiques de le centrale sur le tronçon court-circuité. En l’espèce, le juge avait conclu que le requérant pouvait à bon droit mettre en avant l’intérêt majeur de l’électricité décarbonée pour justifier une dégradation de classe de qualité. (CJUE, 4 mai 2016, 62014CJ0346). Enfin, il faut noter que la loi de 2019 fait obligation à l’Etat d’encourager la petite hydro-électricité face à l’urgence écologique et climatique.

Ce que l’on peut en dire en débat politique
Il y a désormais conflit ouvert entre une branche de l’écologie qui donne la primauté à la protection de la nature et de la biodiversité, une autre qui donne primauté à la lutte contre un changement climatique dangereux et au développement de circuit-court à moindre empreinte matérielle. Les questions de biodiversité sont parmi les premiers motifs des recours contre des projets renouvelables au motif qu’ils impactent des habitats et des espèces, donc la protection plus ou moins stricte de biodiversité devient parmi les premiers freins au déploiement du renouvelable, et à une partie de la lutte concrète contre le changement climatique. C’est un choix de la loi et des associations qui s'en réclament (ou en réclament une certaine interprétation). Mais le débat démocratique doit reconnaître cet état de fait (au lieu de le nier, l’euphémiser ou le glisser sous le tapis) pour en déduire une discussion politique sur l’ordre des priorités dans nos normes – nos lois et nos règlementations. 

L’hydro-électricité en France fait l’objet d’un blocage depuis 40 ans, inspiré par les lobbies naturalistes et pêcheurs comme par les administrations eau & biodiversité ayant des sympathies pour ces lobbies. Non seulement on tend à décourager la relance de sites anciens ne créant pourtant pas de nouveaux impacts, par des exigences n’ayant aucune sorte de réalisme économique et biologique, mais on menace de nombreux projets de création de site de contentieux, pour décourager leurs investisseurs. Quand on ne détruit pas sur argent public des ouvrages producteurs d’énergie bas carbone y compris des grands barrages EDF

Nos élus sont en train de voter une loi sur l’accélération de l’énergie renouvelable, et nous les avons avertis à maintes reprises de la nécessité d’assumer des choix politiques, au lieu d’esquiver les sujets et de laisser croire au prix d'une pensée magique que des options contradictoires donneraient des résultats efficaces. Si les élus ne veulent pas prendre leur responsabilité, libre à eux. Mais ils devront de toute façon l’assumer dans l’hypothèse où la France ne réussit pas sa transition énergétique et où les citoyens souffrent de leurs choix délétères en ce domaine.

Car les recours en justice ne viennent pas seulement de France Nature Environnement : que l’Etat manque à son obligation de décarbonation ou que l’Etat opère des choix qui privent le citoyen de la garantie d’accès à l’énergie, notre association et bien d’autres le convoqueront également devant la justice. Le législateur comme l’administration n’échapperont donc pas à l’obligation d’assumer leur responsabilité dans la définition des priorités écologiques. 

Référence : Tribunal administratif de Grenoble, N°2002004, décision du 6 décembre 2022

04/12/2022

Appel aux députés pour relancer l'énergie hydraulique en France

L’énergie hydraulique est la plus ancienne de nos énergies renouvelables. C’est aussi la plus appréciée des citoyens. La France fut une nation hydraulique pionnière jusqu’au 20e siècle. Cette source d’énergie peut produire à toutes les puissances, du kW au GW. Elle est d’intérêt majeur à l’heure de l’accélération du changement climatique. Il existe aujourd’hui des dizaines de milliers de sites pouvant être relancés. Mais ils sont bloqués par des excès de complexités, procédures, délais. Nous demandons à nos parlementaires d’accélérer la relance hydraulique, tout en posant dans la loi l’obligation de compatibilité entre continuité écologique, production d’énergie et stockage d’eau. Ce sont des enjeux critiques pour le pays et pour l’Europe. La loi doit être à hauteur des bouleversements climatiques et géopolitiques que nous vivons.  


Nous demandons à chacun de nos lecteurs convaincus de cette orientation politique de la réclamer personnellement à leur député en début de semaine prochaine (annuaire de contact des députés). Les amendements sur l'hydraulique seront examinés à compter du mercredi 7  décembre. 


Extraits du communiqué 

Le gouvernement adopte une position inacceptable sur la petite hydro-électricité

L’association Hydrauxois constate que, lors des débats parlementaires en cours sur la loi d’accélération des énergies renouvelable, le gouvernement par la voix de Mme Agnès Pannier-Runacher a pris des positions systématiquement défavorables à la petite hydro-électricité en écartant notamment la relance des moulins et usines à eau déjà présents partout sur notre territoire, en particulier dans les zones rurales.
  • Il est inacceptable que l’hydro-électricité sur sites déjà en place ne soit pas la première des énergies soutenues en France alors qu’elle a le meilleur bilan carbone, le meilleur bilan matières premières, la plus forte popularité riveraine et de nombreux services écosystémiques associés, à commencer par le stockage et la préservation de l’eau face aux sécheresses comme aux crues.
  • Il est inacceptable de présenter comme « négligeable » un potentiel de 1% du mix bas-carbone de la France en 2050, alors même qu’on rouvre une méga-centrale brûlant 1,2 million de tonnes de charbon par an pour obtenir ce même 1% du mix actuel. Et que nos concitoyens sont confrontés à la pénurie comme au risque de délestage.
  • Il est inacceptable que les centaines de ménages, de collectivités, d’entreprises ayant déjà relancé l’énergie de leur moulin ou usine à eau soient traités comme des parias et non comme des exemples à généraliser sur les dizaines de milliers d’ouvrages présents sur les rivières.
  •  Il est inacceptable de prétendre que des moulins et usines à eau présents depuis des siècles sur les cours d’eau seraient des « impacts » graves alors que le vivant co-existe avec ces ouvrages depuis deux millénaires, que ces ouvrages augmentent la surface des milieux aquatiques et humides, qu’aucune extinction d’espèce n’a jamais pu leur être attribuée.
  •  Il est inacceptable que le gouvernement continue de tolérer, implicitement encourager, des destructions de ces ouvrages de moulins et usines à eau alors que le résultat, observable lors de la sècheresse 2022  est la disparition de l’eau, l’extinction locale du vivant aquatique, les plaintes des riverains.
 
Nous appelons les députés à voter une vraie « accélération » de l’hydro-électricité face à l’urgence climatique

L’association Hydrauxois constate que les députés travaillant en commission ont détricoté le texte du sénat dans le domaine de l’hydro-électricité et continué ainsi dans la « malédiction française » : entraver, réprimer, compliquer, cela même dans le texte d’une loi qui a pour but affiché de dépasser des blocages ! Cet état d’esprit nous vaut d’être en retard sur le déploiement renouvelable et de risquer aujourd’hui amende pour ce retard (un demi-milliard d’euros). Il met surtout en péril nos concitoyens face à l’incapacité de décarboner rapidement notre énergie, à l’incapacité d’éviter les pénuries, à l’incapacité de rassembler tout le pays dans un même objectif de transition efficace et juste.
  • Nous appelons les députés  à restaurer en séance les mesures de simplification et d’intérêt majeur de l’hydro-électricité qui avaient été adoptées par le vote du sénat.
  • Nous appelons les députés à voter en séance l’interdiction définitive et sur toutes les rivières françaises des chantiers climaticides de continuité lorsqu’ils mettent en péril le potentiel d’énergie bas-carbone et de stockage de l’eau. 

24/11/2022

Mortalité des poissons dans les dispositifs hydro-électriques (Radinger et al 2022)

Trois chercheurs viennent de publier un passage en revue de ce que l’on sait et ne sait pas sur la mortalité des poissons passant dans des dispositifs de production hydro-électrique : turbines, roues, vis d’Archimède. La bonne nouvelle est que cette mortalité (en moyenne autour de 22%) peut tendre vers zéro sur les meilleurs sites, ce qui indique les voies de progrès pour les décennies de transition à venir. Mais pas mal de données manquent encore pour analyser l’impact sur les populations de poissons, en particulier la proportion réelle de ces poissons qui s’aventurent dans les zones de turbinage plutôt que dévaler ailleurs. 
 
Johannes Radinger, Ruben van Treeck et Christian Wolter ont passé en revue les données disponibles sur la mortalité des poissons en turbine et autres dispositifs hydro-électriques. Leur ensemble de données contenait 1058 évaluations de la mortalité obtenues à partir de 249 expériences rapportées dans 91 études. Des évaluations de la mortalité ont été menées sur 122 sites dans 15 pays. Les types de turbines comprenaient des Kaplan (n = 119 expériences), Francis (n = 72), les turbines à très basse chute (VLH) (n = 15), les vis d'Archimède (n = 22), les roues hydrauliques (n = 11), les turbines cross-flow (n = 5) et quelques autres types de turbines (par exemple, turbine hydrostatique et turbine Pelton) (n = 5). Les données ont fourni 276 890 individus de 75 espèces dans 27 familles et 15 ordres.

Ce graphique montre les mortalités observées dans le passage de l’équipement hydro-électrique, selon la nature de celui-ci.


Extrait de Radinger et al 2022, art cit.

Légende : relations entre l'ordre taxonomique, l'échelle hydroélectrique, le type de turbine et la mortalité dans les évaluations de la mortalité des poissons dans les turbines hydroélectriques (Oth, autres ordres de poissons n = 11 906 ; VLH, turbine à très basse chute n = 14 598 ; vis, vis d'Archimède n = 18 427 ; Ww, roue hydraulique n = 5178 ; Cf, turbine tangentielle n = 5359 ; Ott, autre type de turbine n = 2862). La largeur des bandes est proportionnelle au nombre d'individus. L'échelle hydroélectrique fait référence à la capacité de production d'une centrale hydroélectrique (vSHP, très petite hydroélectricité de < 1 MW ; SHP, petite hydroélectricité de 1 < 10 MW ; et LHP, grande hydroélectricité de ≥ 10 MW). Le nombre de poissons n'est fourni que pour les groupes de plus de 20 000 individus. 

Parmi toutes les études, espèces et milieux, en moyenne 22,3 % (n = 61 797 individus) de tous les poissons passant par les turbines ont été tués ou ont subi des blessures graves, potentiellement mortelles. Les 77,7 % restants (n = 215 093 individus) ont été évalués comme indemnes ou sublétalement blessés.

Ce graphique montre les mortalités rapportées selon les poissons et les types de turbines étudiées (on remarque en mauve la fourchette importante d'incertitude à 95%):


Extrait de Radinger et al 2022, art cit.

Légende : relation entre la longueur du poisson et le taux de mortalité moyen pour les six principaux types de turbines (lignes, effets moyens prédits basés sur un modèle mixte linéaire généralisé avec un terme d'interaction du type de turbine × longueur du poisson ; ombrage, bandes de confiance à 95 % ; points, taux de mortalité spécifiques pour une longueur de poisson et un type de turbine donnés [parfois hors des bandes de confiance de la moyenne]).

La mortalité en turbine n’est pas la mortalité totale des poissons, puisque les poissons peuvent emprunter d’autres voies que le canal usinier et la chambre d’eau où se situe le dispositif hydro-électrique (toute l'eau de la rivière ne passe pas dans l'usine). Et ce dispositif est généralement protégé par des grilles visant à réduire le nombre de poisson y circulant. Les chercheurs observent :
« Les évaluations des impacts de l'hydroélectricité sur la mortalité des poissons dans les turbines ne doivent pas être considérées isolément. Il est également important de prendre en compte le risque d'entraînement des poissons, qui est la probabilité de passer devant les turbines par rapport à des voies alternatives, telles que des déversoirs ou des installations de dérivation ou de migration des poissons (Harrison et al., 2019 ; Schilt, 2007). (…) Il est essentiel de contextualiser le taux de mortalité à un taux réalisé par poisson ou par espèce pour tirer des conclusions plus larges au niveau de la population, en particulier pour les poissons non migrateurs qui n'ont pas nécessairement besoin de passer par les centrales hydro-électriques pour réaliser leurs cycles de vie. »

La conclusion donne le point de vue des chercheurs :
« Tous les avantages de l'hydroélectricité en tant qu'énergie propre et renouvelable doivent être débattus en rapport avec les blessures des poissons et les autres impacts qu'elle exerce. Nous soutenons que dans ces conflits d'intérêts, il est difficile de s'entendre sur des taux de mortalité tolérables et que les parties prenantes doivent tenir compte des aspects du bien-être animal, de l'écologie des populations et de la conservation de la biodiversité, mais aussi de l'économie de l'hydroélectricité, de la politique environnementale et de l'acceptation sociétale. Compte tenu de l'exhaustivité de notre ensemble de données et de nos analyses, qui tenaient également compte des incertitudes généralement négligées, nos résultats soutiennent un choix éclairé et un débat holistique sur la durabilité de l'hydroélectricité et l'importance d'élucider les coûts écologiques encourus sur les rivières. Pour les très petites et petites centrales hydroélectriques, la charge de justification est importante en raison d'un taux de mortalité global de 22,3 % et de leur grand nombre à l'échelle mondiale malgré leur part négligeable dans la production d'hydroélectricité renouvelable (ARCADIS & Ingenieur büro Floecksmühle, 2011 ; Schwarz, 2019).

La gamme de mortalités observées empiriquement a indiqué qu'il existait des centrales hydro-électriques avec des types communs de turbines, des configurations techniques et opérationnelles et des mesures de protection des poissons mises en œuvre qui ont réussi à réduire la mortalité, dans plusieurs cas même à 0. Ces centrales exemplaires ouvrent la voie à une hydroélectricité plus durable. En revanche, les configurations préjudiciables qui entraînent une mortalité élevée doivent être identifiées et fermées ou au moins substantiellement rénovées. Les turbines à rotation plus lente, telles que les vis d'Archimède, les turbines VLH et les roues hydrauliques, sont moins nocives pour les poissons que la plupart des types de turbines conventionnelles (Bracken et Lucas, 2013). Néanmoins, nous soulignons l'importance de poursuivre les recherches sur le développement de turbines généralement plus protectrices pour les poissons et les ajustements des turbines courantes (Čada, 2001 ; Hogan et al., 2014). Le fonctionnement et les effets protecteurs de ces turbines sur les poissons doivent être évalués avec des méthodes normalisées et contrôlées dans des conditions de terrain réalistes. Les turbines protectrices des poissons accompagnées d'installations fonctionnelles de migration des poissons vers l’amont et l’aval doivent devenir l'étalon-or. Compte tenu de l'essor actuel de l'hydroélectricité dans les grands systèmes fluviaux mégadivers (Anderson et al., 2018 ; Winemiller et al., 2016), l'adoption d'une telle norme à l'échelle mondiale est encore plus importante pour équilibrer les besoins en énergie renouvelable avec ceux de la protection de la biodiversité et et de l’amélioration envronnemental des écosystèmes fluviaux. »

Discussion
Ces données montrent que la mortalité des poissons en turbines, vis ou roues est un sujet réel, qui doit inspirer un souhait de généralisation progressive des bonnes pratiques. Cela concerne surtout les poissons de grande taille qui ont des migrations ou des mobilités importantes dans leur cycle de vie. Il convient de rechercher les meilleures options pour continuer à réduire cette mortalité, la bonne nouvelle étant qu’elle peut être quasi nulle dans les configurations les plus favorables. Au lieu de perdre de l’argent public à détruire des ouvrages utiles et appréciés en rivières, les gestionnaires publics eau et biodiversité seraient avisés de travailler davantage dans cette direction avec les exploitants.

Ce qui manque le plus à notre connaissance, ce sont des études assez massives et concluantes sur la proportion des poissons qui passent vers la turbine (ou vis, ou roue) par rapport à ceux qui prennent une autre voie de dévalaison (déversoir dans la zone de débit réservé, goulotte de dévalaison avant les grilles, etc.). En effet, l’impact réel sur les poissons au plan écologique (populationnel) tient à cette proportion des individus qui passent dans la turbine par rapport à celle qui dévalent autrement. Il existe quelques suivis radiotélémétriques (taggage de poisson pour analyser leur comportement de l’amont vers l’aval), mais ils sont sur de faibles populations. Et l’analyse de la configuration hydraulique des sites n’est pas standardisée (un seuil de moulin de 1 ,5 m déversé en permanence sur toute sa largeur n'est pas un barrage de 15 m avec un seul exutoire dévalant).

Il faut aussi signaler que dans le bilan global et holistique de l'hydro-électricité, on doit inclure les dimensions positives des retenues et canaux : ces milieux d'origine artificielle servent aussi de refuges et de zones de croissance à certains espèces. Et dans un contexte de réchauffement climatique, ils sont parfois les options de dernier ressort face aux mortalités massives impliquées par les assecs (voir par exemple la revue de Beatty et al 2017).

Aucun scénario de sortie du carbone ne prévoit la possibilité de se passer de l’hydro-électricité, la tendance étant d'augmenter sa part dans le mix énergétique, en particulier pour compenser les pertes pouvant être liées à de moindres débits en suite au réchauffement climatique et à de meilleurs aménagements écologiques au droit des ouvrages. Le GIEC intègre cette source d'énergie dans les options de prévention d'un réchauffement dangereux dans son dernier rapport. Il convient donc d’aborder ce sujet avec un esprit constructif où l’on cherche les meilleurs compromis entre la protection des poissons d’une part, la décarbonation et relocalisation de l’énergie d'autre part.  

Référence : Radinger J et al (2022), Evident but context-dependent mortality of fish passing hydroelectric turbines, Conservation Biology, 36, 3, e13870

21/11/2022

Pour que les rivières vivent et nous fassent vivre

La France dispose d'un riche héritage hydraulique de moulins, forges et autres petits barrages. Des dizaines de milliers de sites en place peuvent être équipés pour produire de l'énergie locale et propre, très appréciée des riverains car déjà intégrée dans le paysage des vallées. Ces sites doivent aussi retrouver leur usage de gestion de l'eau, alors que le stress climatique risque de devenir extrême en période de crues et de sécheresses. A l'occasion de la loi sur les énergies renouvelables, et en réponse à la campagne du lobby de la pêche tentant à nouveau d'entraver la transition énergétique, la coordination Eaux & rivières humaines appelle les députés français à tourner définitivement la page de la continuité écologique destructrice et à valoriser le patrimoine hydraulique de nos rivières. Face à la nécessité de baisse drastique et rapide des émissions carbone, face au besoin critique de conserver tous nos outils de régulation de l'eau.


Evaluation régionale des sites de moulins pouvant faire l'objet d'une relance énergétique selon le projet européen de recherche Restore Hydro.


Pour que les rivières vivent et nous fassent vivre
La petite hydro-électricité mérite votre soutien !

La Fédération nationale de la pêche en France (FNPF) mène une campagne de lobbying visant à empêcher le développement de la petite hydro-électricité en France et in fine à détruire les ouvrages des moulins et usines à eau, en les prétendant «sans usage et sans utilité». Cette politique voulue et soutenue par la FNPF a déjà soulevé des conflits sociaux partout. Et quand les ouvrages ont été détruits, les résultats ne sont bons ni pour le vivant, ni pour les sécheresses, ni pour les crues, ni pour le bilan carbone. Conscient de leur intérêt, le Parlement a déjà interdit en 2021 par la loi de remettre en question l’usage actuel et potentiel des ouvrages hydrauliques, en particulier la production d’énergie. 

Localement, beaucoup de pêcheurs apprécient les zones poissonneuses des retenues, biefs, lacs associés à des productions énergétiques. Certaines de leurs associations ont d’ailleurs milité contre la disparition de barrages producteurs, entraînant la disparition locale de leur loisir. Il conviendrait donc de vérifier si le propos de la fédération nationale reflète véritablement l’expérience des pêcheurs de terrain sur ce sujet. 

Concernant les rapports entre hydro-électricité, environnement et biodiversité, la CNERH a produit une synthèse que vous trouverez en pièce jointe. Le sujet est important : les acteurs y sont tous attentifs. Aujourd’hui, les techniques employées pour produire de l’énergie hydroélectrique travaillent à réduire au minimum la mortalité des poissons : dispositifs ichtyocompatibles (roues, vis), zone de dévalaison, grilles fines, etc. 

Mais il faut surtout avoir une vision d’ensemble des enjeux de l’eau : par exemple, la sécheresse terrible de 2022 a démontré que sans les retenues des moulins et petits barrages, les rivières tendent à s’assécher complètement, produisant des mortalités massives de poissons, qu’ils soient migrateurs ou pas, comme du reste de la faune aquatique et amphibie, non moins importante que les poissons. Moulins et barrages aident à sécuriser la présence permanente d’eau pour le vivant. Et quand il y a un stress de sécheresse ou de pollution, les préfets disposent dans leurs arrêtés du pouvoir d’indiquer aux moulins et barrages les manœuvres les plus à-mêmes de protéger l’eau pour le vivant et la société. Les outils de production d’énergie peuvent donc aussi servir à nos régulations d’intérêt général en hydrologie et écologie. 
 
Pour mettre fin au réchauffement climatique, la recette est connue de tous : il faut réduire nos émissions de CO2. La petite hydroélectricité contribue de manière non négligeable à cet objectif, grâce à sa production hivernale d’énergie renouvelable, tout en répondant à une urgence absolue pour le futur : préserver de l’eau pour la biodiversité aquatique et terrestre en créant des retenues et en ajoutant à la rivière des canaux de diversion qui se remplissent en saison pluvieuse. 

Selon M. Hamid Oumoussa, directeur général de la FNPF s’exprimant dans Actu Environnement (17/11/2022), les dégâts soi-disant causés à l’environnement par cette production énergétique «artisanale» ne pourraient pas être compensés par leur production «confidentielle» d’énergie renouvelable, égale à 1% de la production française. Pourtant, face aux menaces de délestage, le Ministère de la Transition écologique a remis en route la centrale thermique de Cordemais qui, pour produire le même 1% d’électricité, va brûler 1,2 million de tonnes de charbon, importé d’Afrique du Sud et d’Australie. Anéantissant du même coup une bonne partie des efforts des citoyens pour réduire les émissions de CO2 de notre pays. La petite hydroélectricité peut faire la même chose mais sans émettre un gramme de CO2 !

La loi examinée aujourd’hui par le Parlement vise l’accélération de l’énergie renouvelable. L'accord de la COP 27 vient encore de rappeler que la première urgence est «d'accélérer le déploiement des énergies propres». Les mots des traités signés par la France ont un sens : accélérer, ce n'est pas entraver.

 L’énergie hydraulique est la plus populaire et la plus bas-carbone des énergies renouvelables, ainsi que la mieux intégrée dans les paysages. Poursuivre son blocage et sa destruction comme c’est le cas depuis 20 ans en France s’apparente à un désormais à un choix climaticide Mais aussi un choix écocide, puisque le changement climatique est en train de devenir le premier facteur d’impact sur le vivant aquatique. Par exemple, les truites et les espèces d’eau froide ne sont pas menacées par l’hydro-électricité, mais par la disparition totale de leur zone thermique en France au cours de ce siècle, si le réchauffement continue au rythme actuel. 

Alors que des particuliers, des communes, des entreprises veulent relancer un site en énergie, ils affrontent trop souvent une administration hostile. Pourtant, les ouvrages hydrauliques dont nous parlons ne sont pas des nouvelles artificialisations : ils sont déjà autorisés. La seule chose requise, c’est de relancer leur dispositif énergétique. Il est incompréhensible que l’administration impose des procédures à coûts inaccessibles et à complexités exorbitantes sur des sites déjà en place. Les administrations eau, biodiversité et énergie doivent désormais travailler ensemble à une hydro-électricité durable, avec un triple réalisme des délais, des coûts et des enjeux. 

Nous vous remercions par avance de votre soutien à cette belle cause, si chère à nos territoires ruraux et si nécessaire à l’heure où toutes les sources d’énergie renouvelable doivent se mobiliser. 

12/11/2022

La fédération nationale de la pêche contre la transition énergétique et contre le partage des usages de l'eau

Dans un communiqué en date du 10 novembre 2022, la Fédération nationale de la pêche en France invective brutalement les sénateurs français en les accusant d’avoir engagé un «massacre» sur les rivières par des amendements favorables à la relance de la petite hydro-électricité dans l’examen de la loi d’accélération des énergies renouvelables. 

Cette position déplorable dans le fond et dans la forme, :
  • Va à l’encontre des lois françaises qui ont déjà demandé en 2019 la relance de la «petite hydro-électricité» face à «l’urgence climatique et écologique»
  • Va à l’encontre des directives européennes qui intègrent l’hydro-électricité dans les options de la transition bas-carbone, y compris en autoconsommation, mais aussi en projets plus ambitieux
  • Va évidemment à l’encontre de la mobilisation nécessaire pour la sauvegarde du climat et pour l’autonomie énergétique de l’Europe.
La difficulté des institutions de la pêche à mettre en œuvre partage et conciliation des usages de l’eau
On peut déjà se demander depuis quelle légitimité une fédération de pêche soumise à agrément public se permet de distribuer des mauvais points dans les choix démocratiques de la République française et de l’Union européenne.

Ce comportement très négatif de la FNPF n’est hélas pas une première. Et il diverge des avis plus pondérés de nombreuses associations de pêche locales. 

Les représentants officiels des pêcheurs ont parfois du mal à accepter les autres usages légaux et légitimes de l’eau, définis notamment dans le code de l’environnement. La «gestion équilibrée et durable de l’eau» (article L 211-1 code envi.) inclut de nombreuses dimensions, outre la nécessaire protection écologique : stockage et partage de la ressource, production d’énergie, patrimoine culturel, etc. Il n’est ni durable ni équilibré d’afficher une position assez systématiquement agressive vis-à-vis des dizaines de milliers d’ouvrages hydrauliques que comptent les bassins versants français et qui apportent de nombreux services écosystémiques aux riverains. D’autant que les pêcheurs sont eux-mêmes gestionnaires d’un important  patrimoine de plans d’eau qui servent de zones refuges aux poissons ou de pisciculture. 

Dans le cas de la transition énergétique et de l’urgence climatique, il est particulièrement inaudible qu’une fédération de pêche appelle à entraver les efforts des citoyens et des collectivités pour développer des énergies propres, locales et non fossiles – ici l’énergie de l’eau. 

Faire avancer ensemble la transition énergétique et la conservation écologique
Il existe des préoccupations très légitimes pour éviter la mortalité de poissons dans les dispositifs de production hydro-électrique. Cette mortalité est accidentelle et non volontaire (comme dans le cas de la pêche…). 

Les dispositifs à air libre comme les vis d’Archimède et les roues de moulin ont une mortalité faible à nulle, car ils n’ont pas de dépressurisation (problème de la mortalité par changement de pression) et tournent lentement (problème de la mortalité par choc). Les dispositifs immergés sous pression comme les turbines ont une mortalité plus importante pour ceux des poissons qui empruntent la voie de la turbine au lieu de dévaler par les autres dispositifs prévus à cet effet. Cette mortalité en turbine serait en moyenne de 22.3% (Radinger et al 2022, doi.org/10.1111/cobi.13870). Mais elle est très variable dans sa distribution (de 0 à 100%) : cela indique la nécessité de prendre en compte les contextes (non de faire des généralités sur tous les ouvrages) et d’identifier les pratiques les plus vertueuses (non de condamner par principe). 

Pour éviter cette mortalité accidentelle, le monde des producteurs hydro-électriques travaille à de nombreuses améliorations, d’abord pour faire en sorte que le minimum de poissons empruntent la voie turbinée : respect du débit environnemental réservé, zone de dévalaison sur les ouvrages ou en exutoire du canal d’amenée, grilles à entrefer étroit devant la chambre de turbine pour éviter le passage des animaux de plus grande taille, etc. Quand les sites sont bien conçus, la grande majorité des poissons n’empruntent pas la voie du dispositif hydromécanique, donc ne sont pas concernés par les taux de mortalité observés pour ceux qui s’y égarent.

Pour concilier transition énergétique et conservation écologique, nous devons viser ces démarches intelligentes et concertées avec les acteurs. Nous appelons les parlementaires à engager les réformes législatives qui permettent ce progrès  bénéfique pour les rivières, leurs usages, leurs milieux et leurs contributions au bien-être des citoyens. Cela inclut le développement de l’hydro-électricité responsable dans tous les territoires. 

Soyons lucides et agissons sur ce qui est important : les poissons comme le reste de la faune aquatique souffrent d’abord des eaux polluées, raréfiées, réchauffées, et non pas des relances de moulins ou petites usines à eau.

Merci à nos lecteurs de diffuser ce communiqué à leur sénateur, à leur député, à leurs élus locaux. 

31/10/2022

Lettre ouverte aux parlementaires sur la nécessité de la relance hydro-électrique en France

L'association Hydrauxois envoie une lettre ouverte aux députés et aux sénateurs à propos de la place de l'énergie hydraulique dans la future loi d'accélération des énergies renouvelables, et au-delà dans l'énergie du 21e siècle pour notre pays. Les sénateurs diront cette semaine si, oui ou non, ils passent outre le blocage du gouvernement sur les amendements en faveur du déploiement  de l'hydro-électricité. Et engagent ainsi pleinement les rivières françaises dans l'effort de décarbonation de notre énergie. 


Mesdames et messieurs les parlementaires,

L’énergie de l’eau est la plus ancienne des énergies renouvelables, qui s’est développée au fil des deux derniers millénaires, s’est adaptée aux évolutions de l’économie et de la société, et s’est insérée dans le paysage de nos bassins versants. Elle est un pilier indispensable de la transition bas carbone qui vise à libérer la France et l’Europe du fossile d’ici 2050.

Et pourtant, dans un incroyable contre-sens historique, le gouvernement et son administration entravent cette énergie quand ils ne la font pas purement et simplement disparaître de nos territoires et de leurs cours d’eau.

L’été dernier, la France a achevé de détruire les barrages EDF de la Sélune, qui produisaient une énergie bas-carbone depuis près de 100 ans, et formaient deux lacs d’eau potable et de loisir. On dépense 50 millions d’euros d’argent public pour démolir notre patrimoine commun. Contre l’avis des riverains et des élus locaux. Derrière ces grands barrages publics, des milliers de moulins et petites usines hydro-électriques ont aussi été rasés sur les rivières françaises, et continuent de l’être aujourd’hui même.

Détruire ces ouvrages utiles en pleine pénurie d’eau et d’énergie, c’est un scandale public. Les riverains en sont outrés.

L’espoir derrière ces destructions est certes généreux, et nous en partageons le motif : mieux protéger des poissons grands migrateurs. Sauf qu’il existe des méthodes non destructrices et efficaces qui parviennent à ce résultat. Que ces poissons étaient encore là quand les moulins parsemaient nos rivières en plus grand nombre. Et que là où des ouvrages ont été détruits, hélas, les sécheresses, les pollutions, les faibles niveaux d’eau ne permettent pas le retour en nombre de ces migrateurs. Opposer l’ouvrage hydraulique au poisson migrateur, opposer la biodiversité au climat, ce n’est pas la bonne solution. Il faut concilier ces enjeux, et avancer. 

En réalité, la France est le seul pays qui s’est flatté dès les années 2000 de copier les Etats-Unis et d’engager cette politique radicale de destructions de barrages hydro-électriques. Mais comment un pays qui a recours massivement aux énergies fossiles les plus sales pourrait-il être notre modèle en ce domaine ? Quel sens peut avoir l’importation de l’éloge américain  du «retour à la vie sauvage» pour nos autres Européens, qui vivons avec nos rivières depuis des millénaires, dans une culture un peu moins simpliste que l‘opposition du sauvage et de la société ? Qui peut tout simplement croire qu’utiliser l’argent du contribuable à détruire des moulins, étangs et autres ouvrages hydrauliques en 2022 est une bonne politique publique face aux incroyables défis écologiques, sociaux et économiques qui sont devant nous ? 

L’hydro-électricité est non seulement très bas-carbone, mais elle a le plus fort score de popularité des énergies, avec 90% d’image positive dans le sondage SER réalisé pour alimenter la réflexion des élections présidentielles. Or aujourd’hui, quand l’administration de l’eau ne détruit pas, elle assomme de coûts et de procédures qui rendent impossible une chose simple comme la relance d’une roue ou d’une turbine au droit d’un moulin ou d’une petite usine déjà autorisés. Songez que certains de nos adhérents ont dû se battre 5, 6, 7 ans en justice pour que le conseil d’Etat condamne finalement les entraves de l’administration et les autorise à produire de manière propre et durable! Connaissez-vous un autre exemple de répression de citoyens qui s’engagent pour le climat, y investissent leur argent et leurs efforts?

Le plus irritant pour ces citoyens que nous représentons, c’est que le parlement a déjà été saisi de ces problèmes ces dernières années, qu’il a déjà légiféré pour remettre de l’ordre dans ces pratiques. Cela de manière transpartisane car, comme les Français, les parlementaires de tous bords sont largement convaincus de l’intérêt de l’hydro-électricité.

Ainsi dans la loi auto-consommation de 2019 , le parlement a demandé de mobiliser la petite hydro-électricité face à l’urgence climatique et écologique ; dans la loi climat et résilience de 2021, le parlement a décidé d’interdire la destruction de l’usage actuel et potentiel des ouvrages hydrauliques, face aux risques des sécheresses comme face aux nécessités de la transition énergétique.

Mais rien n’y fait. 

Mesdames et messieurs les parlementaires,

Aujourd’hui nous sommes engagés dans les conséquences graves d’une guerre sur le sol européen. Nous affrontons des pénuries et des inflations, douloureuses pour les ménages et les entreprises. Le gouvernement présente de manière judicieuse un projet d’accélération des énergies renouvelables : l’hydro-électricité en est encore la grande oubliée (pas la seule), alors qu’elle est parmi les plus entravées. 

Ce n’est pas normal. Il faut donc aller plus loin pour faire comprendre le message.
  • Nous vous demandons de reconnaître l’hydro-électricité comme d’intérêt public majeur, quelle que soit la puissance mobilisée par les porteurs de projets, en conformité avec la décision du conseil constitutionnel de 2022 ayant défini le patrimoine hydraulique et l’énergie hydro-électrique comme d’intérêt général.
  • Nous vous demandons de mobiliser par la loi les agences de l’eau et établissements publics de bassin pour associer la continuité écologique à la relance énergétique, donc gagner sur les deux tableaux, biodiversité et climat.
  • Nous vous demandons de simplifier la relance des dizaines de milliers d’ouvrages de moulins et petites usines déjà autorisés, déjà en place, qui ne créent aucun impact nouveau, qui n’artificialisent pas et qui doivent être encouragés à participer à l’effort commun de production bas-carbone.

Par avance et au nom de tous nos adhérents, nous vous remercions de votre intérêt et de votre engagement pour cet enjeu d’intérêt général !

29/10/2022

Pourquoi le gouvernement bloque sur l’hydro-électricité ?

Ni les médias spécialisés ni les parlementaires eux-mêmes ne comprennent pourquoi le gouvernement a exclu l’hydro-électricité du projet de la loi d’accélération des énergies renouvelables. Ni pourquoi il tente en ce moment même de dissuader d’intégrer l’énergie hydraulique dans les échanges parlementaires. La raison ? Le poids d'une faction radicale et favorable à la démolition des ouvrages hydrauliques au sein de l’appareil administratif en charge de l’écologie.



L’absence de l’hydro-électricité (parmi d’autres sources d’énergie) dans le projet de loi d’accélération de l’énergie renouvelable est déplorée quasi-unanimement. La Coordination Eaux & rivières humaines, le Syndicats des énergies renouvelables et l’Union française de l’électricité l’ont signalé quand ils ont été auditionnés à l’assemblée nationale. Les médias spécialisés parlent d’angle mort

Les parlementaires eux-mêmes constatent la tiédeur voire l’opposition du gouvernement sur le sujet. Même ceux de la majorité présidentielle, qui comprennent mal cette posture. Le gouvernement affirme que ce sujet particulier sera traité «plus tard», «dans une autre loi», car il est «compliqué». Le but de l'actuel projet de loi est d'accélérer et simplifier, mais pour l'hydro-électricité, il s'agirait surtout de retarder et de complexifier. Pendant ce temps-là, les catastrophes climatiques s'accumulent.

Croire le gouvernement sur ses bonnes intentions futures pour l'hydraulique, c’est mal connaître ce qui se joue depuis 10 ans sur la question des ouvrages en rivière et de la fameuse réforme catastrophique de continuité dite écologique. Plus largement ce qui se joue dans la vision technocratique actuelle de l’écologie. Les projets de loi sont préparés par les hauts fonctionnaires. Et les hauts fonctionnaires ont déjà tranché, ils ne veulent pas sérieusement relancer l'hydraulique en France, en particulier sur les dizaines de milliers de sites déjà présents sur les cours d'eau.

Les factions administratives essaient d'imposer leur idéologie et leurs clientèles, sans déranger les grands pollueurs
Le ministère de l’écologie – à travers la direction eau et biodiversité (DEB) de l’administration centrale, ses affiliées (DDT-M, DREAL, agences de l’eau, office de la biodiversité) et ses clientèles (minorités actives de pêcheurs de salmonidés et de naturalistes, syndicats de rivière dépendant des subventions publiques) – s’est lancé dans le projet fou de détruire le maximum d’ouvrages de moulins, forges, étangs, plans d’eau et même parfois de grands barrages EDF comme sur la Sélune (contre l'avis de leurs syndicats, indignés de ce sacrifice à un club de pêcheurs de saumons). Incapables de lutter contre les pollutions et d’atteindre le bon état des eaux, ces bureaucraties détournent l’attention en prétendant que les ouvrages hydrauliques sont la source de tous les maux. Elles ont fait de cet ouvrage un diable : impossible d’accepter des politiques publiques qui reconnaitraient ses usages et inciteraient même à les développer. 

De surcroît, ces bureaucraties n’ont aucune envie d’avoir à gérer des petits producteurs d’énergie sur les rivières : elles préfèrent liquider le maximum de sites, se concentrer sur quelques grands industriels, selon un tropisme français bien connu d’incapacité de l’Etat à travailler à échelle du terrain. Ce n’est pas pour rien non plus que les grands lobbies industriels et agricoles ayant l'habitude de négocier avec l'Etat n’ont pas objecté à la destruction des petits sites hydrauliques en zone rurale, peu peuplée et pauvre : la vitrine offerte par cette soi-disant «renaturation» est un alibi très commode pour tout le monde. Ses victimes n'ont guère de poids à Paris ni dans les comités de bassin, où de toute façon elles ne sont pas conviées

Mais voilà, les «petits» n’ont pas accepté d’être sacrifiés au nom des arbitrages faits dans les hautes sphères. 

La politique de continuité écologique destructrice est un échec qui a soulevé des centaines de confits sociaux et de contentieux en justice, qui a déjà suscité des jurisprudences adverses au conseil d’Etat et au conseil constitutionnel, qui a déjà été réajustée par plusieurs lois successives, dont celle de 2021 («climat et résilience») ayant été obligée d’interdire purement et simplement la casse des ouvrages – car un certain nombre de fonctionnaires militants étaient incapables de comprendre les avertissements maintes fois lancés par les parlementaires, les cours de justice et même des audits administratifs.

Ne surtout pas relancer les moulins et petites usines hydrauliques, en espérant pouvoir les casser à nouveau demain
Pour l’instant, la direction eau et biodiversité du ministère de l'écologie fait le dos rond, tout comme ses antennes en agences de l’eau et préfectures : elle n’a pas changé un iota de son idéologie, elle espère que de futures lois permettront d’autoriser ses casses, elle laisse pourrir la situation sur les rivières en n'ordonnant pas aux services instructeurs de respecter les nouvelles dispositions. Elle ne veut surtout pas que des lois rendent des usages aux ouvrages de moulins et usines à eau, comme par exemple la loi discutée en ce moment. Là encore c’est un tropisme français : les politiques ne dirigent plus leurs administrations, ces administrations se contentent d’attendre les alternances et ne jugent pas forcément utiles de modifier leurs habitudes, même quand les lois ont changé. 

Nous avons déjà signalé à M. Béchu et à Mme Pannier-Runacher que l’administration dont ils ont la charge est engagée dans une longue dérive, d’abord par surtransposition arbitraire des lois françaises et européennes, puis depuis 3 ans par refus d’appliquer les lois et jurisprudences. Sans réaction des ministres par une directive ou circulaire opposable qui abroge les dispositions réglementaires anciennes devenues illégales et ordonne aux fonctionnaires de l’eau de suivre les orientations nouvelles des législateurs et des cours de justice, nous serons contraints d’avoir recours au contentieux contre le gouvernement.

D’ici là, nous appelons les députés et les sénateurs à ne pas s’en laisser conter : non seulement la France ne détruira pas ses ouvrages hydrauliques au nom d’une vision extrémiste de soi-disant retour à la rivière sauvage, mais elle doit urgemment mobiliser ces ouvrages, tant en prévention du réchauffement climatique (production d’énergie propre) qu’en adaptation à ses effets déjà inévitables (gestion des crues et sécheresses). 

Il faut mettre fin aux gabegies d’argent public qui détruisent un patrimoine utile et apprécié, engager une politique de gestion écologique intelligente (et non de destruction stupide) des ouvrages de rivière, les intégrer dans le nouvel horizon de transition qui vise à retrouver notre souveraineté énergétique sur fond d’économie relocalisée et en circuits courts. Il faut aussi acter que la transition énergétique ne se fera pas uniquement par quelques grands acteurs industriels concentrés : elle devra impliquer la mobilisation des ménages, des entreprises et des collectivités, y compris par des productions locales. 

Trois dossiers à diffuser à vos députés, sénateurs, élus locaux :

17/10/2022

Les ministères de l'écologie et de l'énergie sont-ils toujours prisonniers des lobbies qui bloquent la transition bas-carbone?

Agnès Pannier-Runacher (ministre de la transition énergétique) a donné un mauvais signal lors d'un échange à l'Assemblée nationale sur la petite hydro-électricité. La ministre semble ignorer que la loi a déjà demandé au gouvernement de mobiliser cette énergie face à l'urgence climatique en 2019, que la loi a aussi déjà demandé au gouvernement de cesser toute destruction de l'usage d'un ouvrage en 2021, que son administration est déjà en carence fautive pour ne pas exécuter ces lois votées par les représentants élus des citoyens. Cela fait beaucoup d'oublis. Si Mme Pannier-Runacher et M. Béchu devaient continuer à donner la prime aux lobbies sur les lois, nous serions contraints d'assigner leur gouvernement en justice. La France souffre de pénurie d'eau et d'énergie, elle est engagée dans une crise dont on comprend chaque jour davantage l'ampleur: les destructions d'ouvrages de retenue et les entraves à la production d'hydro-életricité n'ont plus aucune place dans les politiques publiques du pays.


Dans un échange à l'Assemblée nationale, la députée Florence Lasserre a lancé un appel à développer la petite hydro-électricité dans le cadre de la politique nationale de réponse à la pénurie énergétique et au réchauffement climatique.

La ministre Agnès Pannier-Runacher a fait une réponse dilatoire, affirmant que l'hydro-életricité présentait des "confits des usages" et que la ressource en eau pouvait manquer, renvoyant à son collègue Christophe Béchu qui n'est pourtant pas en charge de l'énergie.

Madame la ministre semble ignorer que l'hydro-életricité a l'image la plus favorable de toutes les énergies, avec 90% d'avis positifs (sondage SER 2021). Si "conflit" il y a, ils sont menés par une ultra-minorité militante bien connue (essentiellement une fraction des pêcheurs de loisir) qui ne représente pas la société française et qui n'a pas vocation à dicter la politique énergétique du pays. Cela fait 100 ans que quelques micro-secteurs de l'opinion s'opposent à l'énergie hydraulique, on ne va pas revenir sans cesse là-dessus ni accorder un poids démesuré à ces récriminations marginales alors qu'il faut désormais décarboner la France dans moins de 30 ans. 

Madame la ministre semble aussi ignorer que la programmation énergétique pluri-annuelle comme la stratégie nationale bas-carbone prévoyant le renforcement de la production hydraulique en 2050, cela suppose de faire croître l'appareil de production, en particulier si le changement climatique provoque des aléas hydriques et des années moins productives. Et qu'en tout état de cause, le gouvernement ne peut pas dire aux citoyens "chaque kWh compte" tout en continuant à entraver par les procédures disproportionnées de son administration les gens qui veulent produire ces kWh. 

Madame la ministre semble enfin ignorer que la loi d'accélération de l'énergie renouvelable discutée à la fin de ce mois a pour but d'en finir avec les blocages de la transition énergétique, donc qu'il faut précisément réduire (et non encourager) les entraves ultra-minoritaires sur l'énergie hydraulique. La loi de 2019 a déjà exigé que le gouvernement mobilise la petite hydro-électricité face à l'urgence écologique et climatique. La loi de 2021 a déjà interdit de détruire l'usage actuel et potentiel des ouvrages hydrauliques. Il faut appliquer les lois: est-ce si compliqué ? Un ministre doit diriger son administration, pas se faire dicter par elle ses politiques. 

Nous appelons par ailleurs Mme Pannier-Runacher et M. Béchu à engager la demande qui leur a été faite en septembre dernier d'un cadrage urgent des services administratifs en vue d'appliquer les dispositions nouvelles du code de l'environnement et les décisions récentes de la jurisprudence. Dans l'hypothèse où les ministres se murent dans le silence, laissent l'administration dériver dans l'arbitraire, donnent la prime aux lobbies contre les lois, nous devrions engager contentieux contre le gouvernement. 

A nos lecteurs : si ce n'est fait, téléchargez et envoyez à vos parlementaires les trois documents suivants, ou allez en discuter à leur permanence parlementaire. Les ouvrages hydrauliques permettent la régulation de l'eau, la production d'énergie, l'adaptation climatique. Ils sont liés aux politiques publiques essentielles de notre pays et il est peu supportable de voir le gouvernement procrastiner sur ce sujet. C'est le rôle des députés et des sénateurs de le rappeler. Déjà sous Nicolas Hulot, sous François de Rugy, sous Barbara Pompili, les parlementaires ont dû imposer leurs vues à des ministres de l'écologie prisonniers de clientèles dont les objectifs sont contraires à l'intérêt général.