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17/05/2024

Mares, étangs et petits plans d'eau pour préserver les amphibiens (Moor et al 2024)

Les amphibiens préfèrent les plans d'eau calmes tels que les mares, étangs et petits lacs. En Suisse, une équipe de chercheurs a étudié les conditions favorables à ces espèces pour la création et la gestion de tels habitats. Ce travail, réalisé dans le canton d'Argovie sur 856 sites entre 1999 et 2019, met en lumière les facteurs environnementaux influençant la colonisation et la persistance des amphibiens. Il conclut à la nécessité d'avoir une forte densité et diversité de plans d'eau. Des données dont devraient s'inspirer les gestionnaires de l'eau en France, alors que l'on assiste parfois dans notre pays à de déplorables campagnes pour supprimer et non valoriser ces plans d'eau.


Triton alpestre (wikimedia commons).

Les amphibiens sont des espèces appréciant des plans d'eau calme comme les mares, étangs, petits lacs peu profonds. Une équipe de chercheurs a étudié en Suisse si des conditions sont particulièrement favorable aux amphibiens en ce qui concerne la création et la gestion de plans d'eau

L'étude a été réalisée dans cinq régions du canton d'Argovie, dans les basses terres suisses. Au total, 856 sites de mares et étangs, dont 422 nouveaux plans d'eau, ont été surveillés de 1999 à 2019. Les étangs étudiés avaient des surfaces variant de 0,4 à 65 000 m², avec une moyenne de 782 m². La fluctuation des niveaux d'eau et la couverture forestière environnante faisaient partie des variables environnementales analysées.

Le travail a porté sur les 12 espèces d'amphibiens se reproduisant dans les étangs, dont sept espèces cibles de conservation : le crapaud accoucheur (Alytes obstetricans), le triton ponctué (Lissotriton vulgaris), le triton crêté (Triturus cristatus), le sonneur à ventre jaune (Bombina variegata), le crapaud calamite (Epidalea calamita), la rainette verte (Hyla arborea) et les grenouilles vertes (complexe d'espèces Pelophylax). Les espèces communes incluaient le triton alpestre (Ichthyosaura alpestris), le triton palmé (Lissotriton helveticus), le crapaud commun (Bufo bufo), la grenouille rousse (Rana temporaria) et la grenouille rieuse invasive (Pelophylax ridibundus).

La recherche montre que les mares et étangs construits ont été rapidement colonisés par les 12 espèces d'amphibiens, même les plus rares, à condition que les populations sources soient proches et que les caractéristiques des étangs correspondent aux préférences des espèces. La densité des étangs dans un rayon de 0,5 km augmentait significativement l'incidence des espèces cibles.

Les mares et étangs avec une plus grande surface totale d'eau (≥100 m²) et qui se desséchaient temporairement étaient bénéfiques pour plusieurs espèces cibles. La couverture forestière environnante, jusqu'à 50%, favorisait la colonisation et la persistance de plusieurs espèces. La connectivité aux populations existantes était cruciale pour la colonisation et la persistance, tandis que la connectivité structurelle était moins prédictive. Des métriques simples comme la distance à la population voisine la plus proche et la densité de population étaient des prédicteurs efficaces des dynamiques de colonisation et de persistance, facilitant ainsi la planification pour les praticiens.

Voici la conclusions des chercheurs :

"La construction de plans d'eau dans ce paysage a stoppé le déclin et amorcé le rétablissement des métapopulations en déclin d'amphibiens en voie de disparition (Moor, Bergamini et al., 2022). Ce programme de construction de mares et étangs a été un succès pour plusieurs raisons. Premièrement, la conservation des amphibiens a une longue histoire en Suisse (Schmidt & Zumbach, 2019). Une cartographie systématique des sites de reproduction des amphibiens a commencé dans les années 1970 et des enquêtes répétées dans le canton d'Argovie ont été essentielles à l'élaboration d'un plan d'action pour la conservation des amphibiens (Meier & Schelbert, 1999). Le plan d'action a fixé des priorités, mais a également profité des opportunités pour construire des étangs. La construction de l'étang était accompagnée d'un programme de surveillance avec des bénévoles, qui a généré des données à long terme et a contribué à bâtir une communauté de défenseurs de l'environnement des amphibiens. Les écologues ont également testé différentes approches de construction d'étangs dans différentes conditions environnementales (types de sol, hydrologie) et ont partagé les connaissances qu'ils ont acquises (par exemple, Pellet, 2014).

Nous avons constaté que pour cibler de manière optimale des espèces individuelles, il faut tenir compte de la connectivité aux populations sources existantes et des exigences en matière d'habitat spécifiques à chaque espèce. Il est encourageant de constater que de simples mesures de connectivité constituaient d’importants prédicteurs de la colonisation et de la persistance. Pour optimiser les probabilités de colonisation, les distances jusqu'à la population source la plus proche peuvent être prises en compte. Ceux-ci doivent être considérés dans le contexte des capacités de déplacement spécifiques à l’espèce. Certaines espèces cibles ont des taux moyens de colonisation généralement faibles. Cela inclut les espèces à dispersion plus limitée, le triton lisse et le triton huppé, mais aussi le crapaud calamite, plus mobile mais rare. Pour optimiser l'occupation à long terme (incidence), la persistance dans un nouvel habitat est plus pertinente. Nous recommandons donc de prendre en compte la densité de population au kilomètre carré lors du choix de l'emplacement de la construction de nouveaux étangs. Des densités de 2 à 4 étangs occupés par kilomètre carré favorisent non seulement la colonisation mais également la persistance dans un nouvel habitat pour la plupart des espèces cibles. Cela implique que la distance jusqu'à la population source la plus proche ne doit pas dépasser ∼0,5 km. Cet effet positif de la densité de population saturée à environ 4 étangs occupés par kilomètre carré, de sorte que l'ajout de plus d'étangs pour une espèce dans cette situation n'améliorerait pas beaucoup plus son incidence. Cependant, étant donné que les densités de population sont spécifiques à chaque espèce et que les espèces diffèrent dans leurs préférences en matière de type d'étang, un nombre encore plus élevé d'étangs différents par kilomètre carré est nécessaire pour bénéficier à plusieurs espèces.

Bien que les espèces aient des préférences individuelles concernant les caractéristiques des étangs, les 7 espèces cibles dans leur ensemble bénéficieraient de sites de reproduction avec une plus grande surface d'eau totale (≥100 m2) dans un environnement plus ouvert (≤50 % de couverture forestière). Le crapaud calamite en particulier pourrait bénéficier de grands plans d’eau peu profonds (> 1 000 m2) et temporaires dans des zones ouvertes. Enfin, des étangs temporaires avec des fluctuations du niveau d'eau et un assèchement occasionnel seraient bénéfiques pour la plupart des espèces cibles (Van Buskirk, 2003).

Il n’existe pas de plan d'eau idéal qui convienne également à toutes les espèces. Une variété de différents types d’étangs, permanents et temporaires, de différentes tailles et dans différents environnements, dans des sites de reproduction et à travers le paysage, présenteront probablement le plus grand bénéfice pour la diversité globale des amphibiens. L'hétérogénéité des paysages engendre la diversité des espèces (Tews et al., 2004). La réinstallation de zones humides dans le paysage à une densité plus élevée contribuera non seulement à une infrastructure écologique pour les amphibiens, mais favorisera également une multitude d'autres taxons et fonctions écosystémiques."

Discussion
La contribution des petits plans d'eau à la biodiversité a été largement documentée en France, en Europe et dans le monde. Ces milieux abritent une part conséquente du vivant de milieux aquatiques et humides, pas seulement les amphibiens, mais aussi les plantes et invertébrés. Malheureusement, les milieux lentiques (eau stagnante) et leurs espèces spécifiques sont nettement moins étudiés et protégés que les milieux lotiques (eau courante). Il en résulte une certaine négligence du droit et des politiques publiques pour ces habitats et même, dans les cas extrêmes, des choix de destruction d'étangs ou de retenues au prétexte de "renaturation". Il importe au contraire d'étudier les milieux de mares, étangs, plans d'eau, pour inciter à la bonne gestion incluant les éléments qui favorisent la conservation de biodiversité.

Référence : Moor H et al (2024), Building pondscapes for amphibian metapopulations, Conservation, Biology, e14165, doi.org/10.1111/cobi.14281

15/08/2023

Définir scientifiquement les plans d’eau pour les intégrer dans les politiques publiques (Richardson et al 2022)

C'est un paradoxe : les mares, étangs, bassins, retenues et autres petits plans d'eau sont largement reconnus par la science comme ayant des fonctions écologiques et rendant des services écosystémiques importants, mais ils sont quasiment absents des législations de l'environnement. Ces dernières reconnaissent des rivières, des lacs ou des zones humides, mais sans identifier clairement la place du petit plan d'eau, bien qu'il forme 90% des systèmes lentiques (eau calme ou stagnante). Une équipe de chercheurs a passé en revue la littérature scientifique pour proposer une définition fonctionnelle du plan d'eau, notamment dans l'espoir que les gestionnaires de l'eau l'intègrent pleinement dans leurs analyses et préconisations. Ce sera un enjeu pour les prochaines révisions de la directive européenne sur l'eau en Europe et de la loi sur l'eau en France. 


Les Anglo-Saxons utilisent le mot "pond" pour désigner indifféremment la mare, l'étang, le petit plan d'eau, que son origine soit naturelle ou artificielle, connectée ou non à l'écoulement d'une rivière. Nous conserverons ici l'idée de plan d'eau pour restituer la diversité des sens de "pond". Dans une publication de la revue Scientific Reports, David C. Richardson et ses collègues observent qu’il n’existe pas de définition claire du plan d’eau. Le mot est utilisé de manière intuitive mais variable dans la littérature scientifique en hydrologie, limnologie et écologie pour désigner des milieux lentiques distincts des lacs (lakes) et des zones humides (wetlands). Dans les choix administratifs, cette difficulté se traduit par des délimitations très diverses. Eventuellement, la notion de lac est étendue : par exemple le Wisconsin définit comme « lac » des plans d’eau de moins de 0,1 ha, et au Danemark c’est même à partir de 100 m2 que commence un lac. Parfois, comme dans le Minnesota, tout petit plan d’eau est assimilé à une zone humide. Mais souvent, ce plan d’eau est purement et simplement absent de la nomenclature officielle, ne faisant donc pas l’objet d’une réflexion et d’un examen propres par les politiques publiques. 

Voici comment les chercheurs résument leur démarche et leur proposition de définition du plan d'eau en vue de l'intégrer plus systématiquement dans les nomenclatures :
« Les plans d'eau (ponds) sont souvent identifiés par leur petite taille et leur faible profondeur, mais l'absence d'une définition universelle fondée sur des preuves entrave la science et affaiblit la protection juridique. Ici, nous compilons les définitions existantes des plans d'eau, comparons les paramètres de l'écosystème (par exemple, le métabolisme, les concentrations de nutriments et les flux de gaz) entre les plans d'eau, les zones humides et les lacs, et proposons une définition du plan d'eau fondée sur des preuves. Les définitions compilées mentionnaient souvent la superficie et la profondeur, mais étaient largement qualitatives et variables. La législation gouvernementale définit rarement les plans d'eau, malgré l'utilisation courante du terme. 

Les plans d'eau, tels que définis dans les études publiées, variaient en origine et en hydropériode et étaient souvent distincts des lacs et des zones humides dans la chimie de l'eau. Nous avons également comparé la relation entre les paramètres de l'écosystème et trois variables souvent observées dans les définitions des plans d'eau : la taille du plan d'eau, la profondeur maximale et la couverture végétale émergente. La plupart des paramètres de l'écosystème (par exemple, la chimie de l'eau, les flux de gaz et le métabolisme) présentaient des relations non linéaires avec ces variables, avec des changements de seuil moyens à 3,7 ± 1,8 ha (médiane : 1,5 ha) en surface, 5,8 ± 2,5 m (médiane : 5,2 m) en profondeur, et 13,4 ± 6,3 % (médiane : 8,2 %) de couverture végétale émergente. 

Nous utilisons ces preuves et les définitions antérieures pour définir les petits plans d'eau comme des masses d'eau modestes (< 5 ha), peu profondes (< 5 m), avec < 30 % de végétation émergente et nous mettons en évidence les zones à étudier à proximité de ces limites. Cette définition éclairera la science, la politique et la gestion des écosystèmes de plans d'eau mondialement abondants et écologiquement importants. »
Cette infographie illustre les critères de décision en trois dimensions :



Ces graphiques montrent les relations entre la taille des masses d'eau lentiques (à l'exclusion des zones humides) et la structure et les fonctions de l'écosystème : (a) production primaire brute (GPP), (b) concentrations totales de phosphore (TP), (c) production nette de l'écosystème (NEP), (d) méthane (flux de CH4), (e) respiration (R), (f) concentrations de chlorophylle a (Chl a), (g) concentrations totales d'azote (TN), (h) plages de températures journalières (DTR) et (i) vitesse de transfert gazeux (k600). Les traits indiquent les zones de rupture de linéarité entre les propriétés des plans d’eau et des lacs :




Discussion
L’absence des plans d’eau dans les nomenclatures administratives et les politiques publiques a aussi été observée par des chercheurs français spécialistes des limnosystèmes (cf Touchart et Bartout 2020). C’est peu compréhensible au regard des enjeux attachés à ces milieux, et de leur nombre important. On peut faire plusieurs conjectures à ce sujet : caractère privé, abondant et dispersé de plans d’eau qui décourage l’intervention publique (mais beaucoup de zones humides sont aussi en propriété privée) ;  faible appétence de gestionnaires de plans d’eau privés (agriculteurs, pisciculteurs, forestiers) pour des politiques écologiques ayant tendance à ajouter des coûts sans soutien public à hauteur des demandes et sans paiement des services écosystémiques ; acteurs publics dans le domaine de la connaissance (par exemple Onema-OFB en France) ayant davantage une culture de la rivière et des systèmes lotiques ; vieille méfiance vis-à-vis des eaux stagnantes qui ont davantage été incitées au drainage qu’à la valorisation dans l’histoire politique moderne ; préjugés naturalistes sur le fait que des milieux souvent d’origine artificielle ne pourraient pas avoir un intérêt significatif en écologie.

Quoiqu’il en soit, une littérature scientifique désormais très abondante souligne que les plans d’eau sont une composante à part entière des hydrosystèmes et que leur gestion éclairée pourrait avoir des conséquences très appréciables sur la conservation de la biodiversité, la régulation et la stockage de l’eau, la dépollution et la décarbonation, les usages et aménités. Il est donc impératif de faire connaitre ces travaux scientifiques aux décideurs et aux administrations afin que les lois évoluent et que ces systèmes aquatiques soient reconnus comme tels.

Référence : Richardson DC et al (2022), A functional definition to distinguish ponds from lakes and wetlands, Sci Rep, 12, 10472

07/10/2020

Mares et plans d'eau comme réservoirs de biodiversité végétale (Williams et al 2020)

Au terme d'une étude expérimentale de 9 ans, des chercheurs anglais montrent que les plans d'eau représentent un réservoir important de biodiversité des plantes dans les bassins versants dominés par l'agriculture. Les mares d'eau propre se révèlent les milieux les plus riches, avec une augmentation de 26% de la diversité totale du bassin et de 181% des espèces rares de plantes. Ces travaux, qui font suite à de nombreux autres, montrent l'urgence de prendre en compte les plans d'eau dans la gestion des bassins versants, alors que ce sujet a été en large part ignoré par la directive cadre européenne et par les programmes de gestion publique. Le vivant aquatique et semi-aquatique est loin de se résumer aux rivières, qui focalisent quasiment toute l'attention. 

Comment améliorer la biodiversité aquatique en zones à usage agricole dominant? Pour répondre à cette question, Penny Williams et ses collègues ont analysé les plantes de différents types de milieux de ces bassins versants (rivières et ruisseaux, plans d'eau, fossés), avec le suivi "avant-après" sur une décennie de dispositifs expérimentaux: création de mares, de barrages d'embâcles, de plan d'eau de gestion de crues.

Cette zone d'étude "Water Friendly Farming" se situe dans trois sous-bassins versants de la rivière Welland et de la rivière Soar dans le Leicestershire, en Angleterre. Chaque sous-bassin étudié a une superficie d'environ 10 km2. Les bassins versants ont des géologies, des topographies et des utilisations des terres très similaires. Il s'agit d'une région de collines basses (95–221 m d'altitude) dominées par les sables fluvio-glaciaires du Pléictocène, les graviers et les argiles. Dans les fonds de vallée, les strates jurassiques sont recouvertes de dépôts récents d'alluvions ou de colluvions. L'agriculture dans ces bassins versants est mixte: terres arables principalement sous colza et blé d'hiver avec des haricots ou de l'avoine intermédiaires, prairies utilisées pour le pâturage des bovins et des moutons, pour le foin ou l'ensilage. 

Voici le résumé de leur travail :

"Il s'agit de la première étude qui décrit l'effet de l'ajout de mesures d'atténuation en faveur de la biodiversité d'eau douce de tous les types de plans d'eau dans les bassins versants agricoles. Nous avons mesuré la richesse alpha (site) et gamma (bassin versant) annuellement sur une période de neuf ans dans tous les cours d'eau, plans d'eau et fossés de trois bassins versants supérieurs des plaines anglaises, et nous avons étudié si la biodiversité des plantes d'eau douce pouvait être augmentée en ajoutant : (i) des mesures de services écosystémiques multifonctionnels pour intercepter les polluants, stocker l'eau et promouvoir la biodiversité, et (ii) des mesures de protection de la biodiversité uniquement. 

En l'absence de mesures, tous les bassins versants ont connu une baisse de la richesse en macrophytes au cours de l'enquête (perte moyenne d'espèces de 1% par an, perte d'espèces rares de 2% par an). Les plans d'eau étaient un habitat clé avec une influence disproportionnée sur les tendances des bassins versants. Cinq ans après l'introduction des mesures, la colonisation naturelle des plans d'eau à services écosystémiques (ruisseaux et fossés endigués, plans d'eau alimentés ruissellement, plans d'eau de stockage des crues) a largement annulé la perte de fond d'espèces végétales mais, c'est à noter, n'a pas rétabli la perte de plantes rares. L'ajout de mares d'eau propre en tant que mesure d'amélioration de la biodiversité uniquement a apporté des avantages substantiels: augmentation de la richesse totale du bassin hydrographique de 26% et du nombre d'espèces végétales rares de 181%. Les populations d'espèces spatialement restreintes ont également augmenté. L'ajout de barrages d'embâcles en tant que mesure de biodiversité n'a pas affecté la richesse ou la rareté des plantes. 

Les résultats suggèrent que les mesures des services écosystémiques pourraient apporter certains avantages de la biodiversité aux bassins versants agricoles. La création de mares d'eau propre spécifiquement ciblés pour la biodiversité pourrait avoir un potentiel considérable en tant qu'outil pour aider à endiguer, voire inverser, le déclin en cours de la biodiversité des plantes d'eau douce dans les paysages agricoles."

Ce schéma montre les variations de diversité alpha et gamma selon les types de milieux suivis. On observe en particulier la faible diversité alpha et rareté alpaha des lits mineurs (streams) en zone agricole. 

Extrait de Williams et al 2020, art cit.

Discussion

La recherche anglaise produit beaucoup de travaux d'études de la biodiversité des milieux anthropiques de type plans d'eau, étangs, mares, canaux (voir ci-dessous "pour aller plus loin"). Ces travaux restent rares en France, où l'attention des gestionnaires et chercheurs a été très concentrée sur les rivières, en particulier les milieux lotiques. C'est aggravé par le fait que le directive cadre européenne sur l'eau a incité à négliger voire oublier l'existence des plans d'eau, conduisant à sous-estimer leur réalité (voir Touchart et Bartout 2020). Or, la recherche sur des milieux lentiques et artificiels montre que ceux-ci hébergent une diversité importante, notamment pour les plantes, les insectes, les amphibiens. Nous souhaitons que l'écologie aquatique prenne en compte l'ensemble des enjeux, et se penche davantage sur la réalité complexe du vivant à l'Anthropocène.

Concernant l'importance des mares (et étangs), elle a déjà été relevée dans de nombreux travaux. Nous incitons donc les propriétaires (communes, particuliers, exploitants) qui disposent du foncier nécessaire à en créer. On doit rappeler que 90% des zones humides ont disparu au cours du dernier millénaire (dont une large part au cours du dernier siècle) en France, ce qui forme certainement la plus forte pression historique sur le vivant aquatique et semi-aquatique. Comme la France et l'Europe développent des paiements pour services environnementaux, des fonds orientés vers ce choix de recréation de petites zones humides auront des effets bénéfiques pour le vivant, outre de possibles usages sociaux.

Référence : Willimas P et al (2020), Nature based measures increase freshwater biodiversity in agricultural catchments, Biological Conservation, 244, 108515

Pour aller plus loin

Des drains et canaux aussi riches en biodiversité que les rivières en zone alluviale agricole (Gething et Little 2020)

Les lacs et plans d'eau peu profonds rendent jusqu'à 39 services écosystémiques à la société (Janssen et al 2020)

Mares, étangs et plans d'eau doivent être intégrés dans la gestion des bassins hydrographiques (Hill et al 2018)

Vers une étude du limnosystème (Touchart et Bartout 2018) 

Les masses d'eau d'origine anthropique servent aussi de refuges à la biodiversité (Chester et Robson 2013)

La biodiversité négligée des fossés, mares, étangs et lacs (Davies et al 2008)