17/05/2024
Mares, étangs et petits plans d'eau pour préserver les amphibiens (Moor et al 2024)
15/08/2023
Définir scientifiquement les plans d’eau pour les intégrer dans les politiques publiques (Richardson et al 2022)
« Les plans d'eau (ponds) sont souvent identifiés par leur petite taille et leur faible profondeur, mais l'absence d'une définition universelle fondée sur des preuves entrave la science et affaiblit la protection juridique. Ici, nous compilons les définitions existantes des plans d'eau, comparons les paramètres de l'écosystème (par exemple, le métabolisme, les concentrations de nutriments et les flux de gaz) entre les plans d'eau, les zones humides et les lacs, et proposons une définition du plan d'eau fondée sur des preuves. Les définitions compilées mentionnaient souvent la superficie et la profondeur, mais étaient largement qualitatives et variables. La législation gouvernementale définit rarement les plans d'eau, malgré l'utilisation courante du terme.Les plans d'eau, tels que définis dans les études publiées, variaient en origine et en hydropériode et étaient souvent distincts des lacs et des zones humides dans la chimie de l'eau. Nous avons également comparé la relation entre les paramètres de l'écosystème et trois variables souvent observées dans les définitions des plans d'eau : la taille du plan d'eau, la profondeur maximale et la couverture végétale émergente. La plupart des paramètres de l'écosystème (par exemple, la chimie de l'eau, les flux de gaz et le métabolisme) présentaient des relations non linéaires avec ces variables, avec des changements de seuil moyens à 3,7 ± 1,8 ha (médiane : 1,5 ha) en surface, 5,8 ± 2,5 m (médiane : 5,2 m) en profondeur, et 13,4 ± 6,3 % (médiane : 8,2 %) de couverture végétale émergente.Nous utilisons ces preuves et les définitions antérieures pour définir les petits plans d'eau comme des masses d'eau modestes (< 5 ha), peu profondes (< 5 m), avec < 30 % de végétation émergente et nous mettons en évidence les zones à étudier à proximité de ces limites. Cette définition éclairera la science, la politique et la gestion des écosystèmes de plans d'eau mondialement abondants et écologiquement importants. »
07/10/2020
Mares et plans d'eau comme réservoirs de biodiversité végétale (Williams et al 2020)
Au terme d'une étude expérimentale de 9 ans, des chercheurs anglais montrent que les plans d'eau représentent un réservoir important de biodiversité des plantes dans les bassins versants dominés par l'agriculture. Les mares d'eau propre se révèlent les milieux les plus riches, avec une augmentation de 26% de la diversité totale du bassin et de 181% des espèces rares de plantes. Ces travaux, qui font suite à de nombreux autres, montrent l'urgence de prendre en compte les plans d'eau dans la gestion des bassins versants, alors que ce sujet a été en large part ignoré par la directive cadre européenne et par les programmes de gestion publique. Le vivant aquatique et semi-aquatique est loin de se résumer aux rivières, qui focalisent quasiment toute l'attention.
Comment améliorer la biodiversité aquatique en zones à usage agricole dominant? Pour répondre à cette question, Penny Williams et ses collègues ont analysé les plantes de différents types de milieux de ces bassins versants (rivières et ruisseaux, plans d'eau, fossés), avec le suivi "avant-après" sur une décennie de dispositifs expérimentaux: création de mares, de barrages d'embâcles, de plan d'eau de gestion de crues.
Cette zone d'étude "Water Friendly Farming" se situe dans trois sous-bassins versants de la rivière Welland et de la rivière Soar dans le Leicestershire, en Angleterre. Chaque sous-bassin étudié a une superficie d'environ 10 km2. Les bassins versants ont des géologies, des topographies et des utilisations des terres très similaires. Il s'agit d'une région de collines basses (95–221 m d'altitude) dominées par les sables fluvio-glaciaires du Pléictocène, les graviers et les argiles. Dans les fonds de vallée, les strates jurassiques sont recouvertes de dépôts récents d'alluvions ou de colluvions. L'agriculture dans ces bassins versants est mixte: terres arables principalement sous colza et blé d'hiver avec des haricots ou de l'avoine intermédiaires, prairies utilisées pour le pâturage des bovins et des moutons, pour le foin ou l'ensilage.
Voici le résumé de leur travail :
"Il s'agit de la première étude qui décrit l'effet de l'ajout de mesures d'atténuation en faveur de la biodiversité d'eau douce de tous les types de plans d'eau dans les bassins versants agricoles. Nous avons mesuré la richesse alpha (site) et gamma (bassin versant) annuellement sur une période de neuf ans dans tous les cours d'eau, plans d'eau et fossés de trois bassins versants supérieurs des plaines anglaises, et nous avons étudié si la biodiversité des plantes d'eau douce pouvait être augmentée en ajoutant : (i) des mesures de services écosystémiques multifonctionnels pour intercepter les polluants, stocker l'eau et promouvoir la biodiversité, et (ii) des mesures de protection de la biodiversité uniquement.
En l'absence de mesures, tous les bassins versants ont connu une baisse de la richesse en macrophytes au cours de l'enquête (perte moyenne d'espèces de 1% par an, perte d'espèces rares de 2% par an). Les plans d'eau étaient un habitat clé avec une influence disproportionnée sur les tendances des bassins versants. Cinq ans après l'introduction des mesures, la colonisation naturelle des plans d'eau à services écosystémiques (ruisseaux et fossés endigués, plans d'eau alimentés ruissellement, plans d'eau de stockage des crues) a largement annulé la perte de fond d'espèces végétales mais, c'est à noter, n'a pas rétabli la perte de plantes rares. L'ajout de mares d'eau propre en tant que mesure d'amélioration de la biodiversité uniquement a apporté des avantages substantiels: augmentation de la richesse totale du bassin hydrographique de 26% et du nombre d'espèces végétales rares de 181%. Les populations d'espèces spatialement restreintes ont également augmenté. L'ajout de barrages d'embâcles en tant que mesure de biodiversité n'a pas affecté la richesse ou la rareté des plantes.
Les résultats suggèrent que les mesures des services écosystémiques pourraient apporter certains avantages de la biodiversité aux bassins versants agricoles. La création de mares d'eau propre spécifiquement ciblés pour la biodiversité pourrait avoir un potentiel considérable en tant qu'outil pour aider à endiguer, voire inverser, le déclin en cours de la biodiversité des plantes d'eau douce dans les paysages agricoles."
Ce schéma montre les variations de diversité alpha et gamma selon les types de milieux suivis. On observe en particulier la faible diversité alpha et rareté alpaha des lits mineurs (streams) en zone agricole.
Extrait de Williams et al 2020, art cit.
Discussion
La recherche anglaise produit beaucoup de travaux d'études de la biodiversité des milieux anthropiques de type plans d'eau, étangs, mares, canaux (voir ci-dessous "pour aller plus loin"). Ces travaux restent rares en France, où l'attention des gestionnaires et chercheurs a été très concentrée sur les rivières, en particulier les milieux lotiques. C'est aggravé par le fait que le directive cadre européenne sur l'eau a incité à négliger voire oublier l'existence des plans d'eau, conduisant à sous-estimer leur réalité (voir Touchart et Bartout 2020). Or, la recherche sur des milieux lentiques et artificiels montre que ceux-ci hébergent une diversité importante, notamment pour les plantes, les insectes, les amphibiens. Nous souhaitons que l'écologie aquatique prenne en compte l'ensemble des enjeux, et se penche davantage sur la réalité complexe du vivant à l'Anthropocène.
Concernant l'importance des mares (et étangs), elle a déjà été relevée dans de nombreux travaux. Nous incitons donc les propriétaires (communes, particuliers, exploitants) qui disposent du foncier nécessaire à en créer. On doit rappeler que 90% des zones humides ont disparu au cours du dernier millénaire (dont une large part au cours du dernier siècle) en France, ce qui forme certainement la plus forte pression historique sur le vivant aquatique et semi-aquatique. Comme la France et l'Europe développent des paiements pour services environnementaux, des fonds orientés vers ce choix de recréation de petites zones humides auront des effets bénéfiques pour le vivant, outre de possibles usages sociaux.
Référence : Willimas P et al (2020), Nature based measures increase freshwater biodiversity in agricultural catchments, Biological Conservation, 244, 108515
Pour aller plus loin
Vers une étude du limnosystème (Touchart et Bartout 2018)
La biodiversité négligée des fossés, mares, étangs et lacs (Davies et al 2008)